Bamako. « Le Mali n’est pas un pays en guerre : nous avons de petites zones d’insécurité, et nous prendrons les mesures nécessaires pour que les Maliens puissent voter », a déclaré le Premier ministre malien Soumeylou Boubèye Maïga à TV5 Monde le 28 juillet. « Nous avons fait des progrès significatifs dans la mise en œuvre de l’accord et tous les mouvements signataires de l’accord participeront à la création des conditions de sécurité pour les opérations électorales », conclut-il (3). Connaissant le parcours et les compétences de Maïga, on ne peut manquer de lire dans ces déclarations une sage tactique visant à rassurer les opposants internes et externes sur la légitimité du résultat des élections présidentielles du 29 juillet.

Néanmoins, un bon déroulement des élections semble pour le moins utopique. Dans le seul mois de juin, près de 200 victimes civiles et militaires ont été enregistrées dans le centre et le nord du pays, dans les régions de Mopti, Gao, Kidal et Tombouctou, le tout dans un contexte de violence généralisée qui se poursuit depuis 2012 mais a connu une recrudescence l’an dernier lorsque les responsables locaux et les services publics de base, comme les écoles, sont progressivement devenus l’une des cibles des groupes dits « djihadistes » (1). Dans une situation où l’accès à l’éducation est devenu extrêmement problématique dans les régions du centre-nord, il est donc légitime de prendre avec des pincettes les assurances du gouvernement sur la sécurisation des bureaux de vote, dispersés sur un territoire aussi vaste que la France et l’Allemagne dans lequel les autorités de l’État ne sont en fait plus en mesure d’assurer une présence constante. L’activisme croissant des groupes dits « djihadistes » a aussi progressivement masqué l’action politico-militaire des groupes armés signataires de l’Accord d’Alger (à l’exception de certains mouvements qui soutiennent l’armée malienne et la mission Barkhane) qui apparaissent, à l’heure actuelle, absolument marginaux.

En ce sens, la référence du Premier ministre au soutien des mouvements signataires dans l’organisation des élections ne fait que souligner l’évolution radicale du contexte politique malien (2). Le probable sous-traitance par groupes armés de la « machine à consensus » présidentielle dans les régions du centre-nord, fait qui invalide a priori la régularité de la campagne électorale, marque en fait le retrait politique de l’Accord d’Alger, désormais dépassé par les faits : tous les protagonistes actuels (tels que les groupes dits « djihadistes ») n’en font pas partie, alors que les groupes signataires campent sur des positions de soutien à la réélection de l’actuel président Ibrahim Boubacar Keïta, même si ce soutien est cyclique et opportuniste. Au-delà du résultat des élections de juillet, le besoin le plus pressant pour la prochaine direction, et pour les chancelleries européennes, sera d’aller au-delà du cadre d’Alger pour mettre en œuvre un schéma plus large qui inclurait les groupes dits « djihadistes », acteurs de plus en plus essentiels à la stabilisation du pays.

Perspectives :

  • 29 juillet 2018 : élections présidentielles maliennes.
  • Revue des stratégies politiques « anti-insurrectionnelles » au Sahara.

Sources :

  1. ACLED database.
  2. Le Mali se prépare à l’élection présidentielle de juillet, Les Échos, 28/06/2018
  3. Le Journal Afrique, TV 5 Monde, 28 juin 2018.