Turquie. Lors du congrès de l’AKP tenu le 6 mai 2018 à Istanbul, le président Erdoğan a dévoilé le manifeste électoral de son parti, dans lequel la question de l’adhésion à l’Union européenne figurait parmi les engagements. En effet, Erdoğan a annoncé qu’il n’avait jamais renoncé à ses efforts pour l’adhésion pleine et entière de son pays à l’UE même si celle-ci ne partage pas le même enthousiasme pour ce processus et qu’elle mène une politique de deux poids, deux mesures vis-à-vis de la Turquie (4).

Quelques jours plus tard, Erdoğan a publié un message à l’occasion de la Journée de l’Europe en mettant en avant l’idée qu’une Europe sans la Turquie demeurera incomplète et, rappelant le pacte migratoire signé entre la Turquie et l’UE, que l’adhésion donnera lieu à des résultats fructueux (3).

En 2002, l’AKP nouvellement formé avait largement remporté les élections législatives. Selon Guillaume Perrier, le parti était « démocrate, libéral, proeuropéen » à cette date, contrairement à aujourd’hui – « despotique, nationaliste, dirigiste et anti-occidental » (5). Néanmoins, Erdoğan a décidé de changer de position et de jouer à nouveau la carte de l’Europe pour les élections anticipées. Est-ce vraiment une bonne stratégie ? Qu’en pense l’opinion turque ? Selon les chiffres fournis par l’İktisadi Kalkınma Vakfı, une organisation de recherche pro-européenne, 78,9 % de la population turque était favorable à l’adhésion de la Turquie à l’UE en 2017 mais, étant donné les tensions récentes, 62 % des personnes interrogées ont déclaré avec scepticisme que leur attente ne serait probablement pas satisfaite (1).

Or, d’après une enquête menée par Metropoll et publiée en janvier 2018, seulement 35,5 % des participants ont répondu oui à la question « La Turquie devrait-elle devenir membre de l’UE ? » alors que les 51,7 % ont répondu par la négative (2). Même si la volonté d’adhérer à l’UE existe toujours chez les Turcs, l’opinion a perdu espoir après les nombreuses crises qui ont froissé les relations. De plus, ni les opposants au gouvernement AKP, qui se voient trahis par les leaders européens coopérant avec Erdoğan en cas de besoin, ni les partisans d’Erdoğan, qui voient leur « reis » accusé par l’UE de devenir de plus en plus autoritaire, ne rêveraient d’une Europe ambiguë qui leur fait attendre à la porte depuis 1959.

Perspective :

  • Les élections anticipées se tiendront le 24 juin 2018. Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue au premier tour, il en sera organisé un deuxième le 8 juillet 2018. Erdoğan, par son manifeste qui contient de nombreuses promesses visant à convaincre le plus grand nombre d’électeurs, essaye d’obtenir 5O % des voix.

Sources :

  1. « Turkish citizens’ support for EU membership on the rise », Hürriyet Daily News, 9 Janvier 2018.
  2. Metropoll, Türkiye’nın Nabzı – Hükümetin Karnesi, Seçmenin Ekonomiye Bakışı ve OHAL, Janvier 2018.
  3. « Cumhurbaşkanı Erdoğan’dan Avrupa Günü mesajı », NTV, 9 Mai 2018
  4. « Seçim manifestosunu duyuran Erdoğan, AB’yle ilişkiler konusunda tutum değişikliğine mi gidiyor ? », T24, 7 Mai 2018
  5. PERRIER, Guillaume, Dans la tête de Recep Tayyip Erdoğan, Paris, Actes Sud, 2018, p. 43