Depuis son retour à la Maison Blanche le 20 janvier, Donald Trump a réaffirmé sa préférence pour un accord sur le nucléaire iranien, tout en menaçant à plusieurs reprises de bombarder le pays en l’absence d’un tel résultat.
- Le président américain a confirmé avoir envoyé une première lettre à Ali Khamenei, le 7 mars, puis une seconde, transmise le 12 mars par l’intermédiaire du président émirati Mohammed ben Zayed Al Nahyane.
- Le 30 mars, l’Iran a répondu en refusant les négociations directes et en proposant à la place des négociations par l’intermédiaire d’Oman. Le 3 avril, Donald Trump a réitéré sa préférence pour des négociations directes, sans intermédiaire : « Je pense que c’est plus rapide et que l’on comprend mieux l’autre partie » 1.
- La Russie aurait également accepté d’aider Washington à négocier avec Téhéran 2.
- Aucune équipe de négociation n’a encore été annoncée du côté américain, mais il est très probable que Steve Witkoff, l’envoyé spécial du président Trump pour le Moyen-Orient — qui mène également les négociations avec la Russie — en fera partie. Le 2 avril, il avait directement répondu à un message du ministre iranien des Affaires étrangères critiquant le retrait américain du JCPOA en 2018 et appelant à de nouvelles négociations. Ce message, qui ne contenait que le mot « great », a depuis été supprimé.
Alors que la date limite fixée par Donald Trump approche, les tensions entre Téhéran et Washington ne cessent de croître.
- En février 2025, Donald Trump a signé un mémorandum exécutif intitulé « Imposer une pression maximale au gouvernement de la République islamique d’Iran, interdire à l’Iran tout chemin vers une bombe nucléaire, et contrer l’influence néfaste de l’Iran ».
- Depuis, le Pentagone a déployé plusieurs bombardiers B-2 sur la base militaire de Diego Garcia, dans l’océan indien, capables de détruire des installations en profondeurs, même protégées par des bunkers 3. Le 1er avril, le département de la défense a également annoncé l’envoi de troupes supplémentaires et d’appui aérien dans la région.
- Dimanche 30 mars, Donald Trump a de nouveau menacé l’Iran de bombardements en déclarant notamment : « [si les négociations n’avancent pas] Il va y avoir des bombardements et des bombardements tels que vous n’avez jamais vu auparavant » 4.
D’un point de vue iranien, la signature par Trump du mémorandum de février a été avant tout la preuve que les États-Unis ne souhaitent pas mener des négociations sincères et qu’ils cherchent plutôt la capitulation de la République islamique. Le 31 mars, Ali Khamenei a souligné que si « les actes vicieux [des États-Unis et du «régime sioniste»] étaient commis, ils recevront un coup puissant et réciproque ».
- Le commandant des Gardiens de la Révolution a également déclaré : « Les États-Unis ont 10 bases militaires de 50 000 soldats dans la région. Quand on vit dans une maison de verre, il est préférable de ne pas lancer de pierres… ».
- Ali Larijani, ancien président du Parlement et ancien négociateur pour l’Iran, figure centrale de la République islamique, aujourd’hui conseiller du Guide suprême, avance pour sa part l’argument selon lequel un bombardement direct des États-Unis convaincrait la population iranienne de la nécessité de développer un programme nucléaire militaire pour se défendre 5.
Compte tenu de la grande fragilité de la situation au Moyen-Orient, de la reprise des frappes contre le Yémen, de l’instabilité du nouveau régime syrien, des contestations politiques en Turquie, de la reprise des bombardements à Gaza, le régime iranien pourrait considérer que devenir la dixième puissance nucléaire mondiale est sa seule chance de survie.
- Le politiste allemand Ulrich Speck avait estimé l’année dernière que, dans le cas d’une réélection de Donald Trump, il était probable qu’un certain nombre de pays se dotent de l’arme nucléaire, faisant passer le nombre de puissances nucléaires de 9 à 17.
- Depuis le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire en 2018, l’Iran a considérablement accru ses capacités. Le pays serait en mesure de produire la quantité d’uranium nécessaire à une bombe nucléaire en moins d’une semaine 6.
- Actuellement, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran produit l’équivalent d’uranium enrichi à 60 % par mois pour une arme nucléaire si le taux est porté à 90 %.
Si des négociations restent possibles, la fenêtre d’opportunité pourrait se fermer rapidement. Le 18 octobre, qui marque le dixième anniversaire de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien, pourrait voir la reprise des sanctions de l’ONU à l’encontre du pays. En effet, l’accord prévoit un mécanisme de règlement des différends qui peut, le cas échéant, déboucher sur un retour automatique des sanctions du Conseil de sécurité (« snap-back »). Faute d’accord, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne menacent d’utiliser cette date en ce sens 7.
- Le 2 avril, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, déclarait : « En cas d’échec, une confrontation militaire apparaîtrait comme presque inévitable, ce qui aurait comme coût très élevé de déstabiliser très durement la région ».
Sources
- Laurence Normann, « U.S. to Press Iran for Direct Nuclear Talks », The Wall Street Journal, 4 avril 2025.
- Putin Agrees to Help Trump Broker Nuclear Talks With Iran, Bloomberg, 4 mars 2025.
- « US moves B-2 stealth bombers to Indian Ocean island in massive show of force to Houthis, Iran », CNN, 2 avril 2025.
- « Trump threatens bombing if Iran does not make nuclear deal », Reuters, 31 mars 2025.
- « Attack will push Iran toward nuclear weapons, Khamenei advisor says », Iran Intelligence, 31 mars 2025.
- Jonathan Tirone, How Close Is Iran to a Nuclear Weapon as Trump Pushes for a Deal ?, Bloomberg, 3 avril 2025.
- Iran summons UK, France, Germany over UN closed-door meeting, Reuters, 13 mars 2025.