En entamant des discussions sur la réouverture de Nord Stream 2 avec Washington, le Kremlin appâte Trump avec une approche pro-business

Selon des informations obtenues par le Financial Times, la Russie chercherait à négocier avec Washington la réouverture du gazoduc Nord Stream 2, dont la construction a été achevée en septembre 2021 avant d’être endommagé par une opération de sabotage un an plus tard. Les négociations seraient menées en sous-main par Matthias Warnig, l’ancien directeur général de la société qui exploite les gazoducs Nord Stream 1 et 2 et proche allié de Poutine ¹.

• Le quotidien allemand Bild révèle que l’administration Trump aurait d’ores et déjà eu des discussions préliminaires avec des négociateurs russes par l’intermédiaire de Richard Grenell, l’envoyé spécial de Trump « pour les missions spéciales » ². Grenell a démenti une quelconque implication hier, dimanche 2 mars ³.
• Toute réouverture de Nord Stream 2, dont un des deux gazoducs n’a pas été impacté par les explosions de septembre 2022, serait conditionnée à la levée des sanctions américaines. L’Allemagne devrait également accepter d’importer à nouveau du gaz russe via gazoduc.

Un accord russo-américain donnant un feu vert à la reprise des exportations directes de gaz russe vers l’Europe marquerait une nouvelle volte-face de la politique étrangère américaine sous Trump. Georges W. Bush, Barack Obama et Joe Biden s’étaient opposés à Nord Stream 1 puis 2 au cours de leurs mandats, ainsi qu’une grande partie des démocrates et républicains du Congrès. C’est en 2019, sous Donald Trump, que les États-Unis ont imposé les premières sanctions sur Nord Stream, provoquant alors la condamnation des États membres de l’Union.

Ce projet, hautement controversé, s’inscrit dans la stratégie « pro-business » adoptée par le Kremlin pour normaliser ses relations avec la Maison-Blanche.

• Afin de convaincre l’administration Trump d’accorder un traitement de faveur à la Russie dans le cadre des négociations de cessez-le-feu pour mettre fin à la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine, par l’intermédiaire de son négociateur Kirill Dmitriev, chercherait à exploiter l’approche « pragmatique » de Trump en signalant une ouverture de la Russie à des partenariats économiques avec des entreprises américaines.

• La semaine dernière, le président russe a déclaré à la télévision que la Russie était ouverte à des projets avec Washington pour développer son industrie des terres rares. Trump met quant à lui en avant les vastes réserves de métaux rares en Russie, et souligne l’importance de ces ressources pour une éventuelle future coopération économique bilatérale.
• Dmitriev, directeur du fonds souverain Russian Direct Investment Fund et proche conseiller de Poutine, semble avoir été choisi pour cette mission en raison de ses contacts avec des membres de l’entourage de Trump ainsi que sa connaissance des milieux business américains ⁴.
• Sur X, l’ancien banquier ayant travaillé chez Goldman Sachs et McKinsey aux États-Unis, a partagé le 25 février une vidéo montrant une mission d’exploration spatiale russo-américano-saoudienne atterrissant sur Mars dans ce qui semble être une fusée SpaceX, l’entreprise fondée par Elon Musk.

Si la Russie serait certainement favorable à la reprise des exportations de gaz via gazoduc vers l’Europe, celle-ci limiterait les opportunités américaines d’augmentation des exportations de GNL vers les pays européens. Dès novembre 2024, Ursula von der Leyen avait signalé suite à un appel avec Trump que l’Union serait favorable à un « remplacement » du gaz russe par du gaz naturel liquéfié américain ⁵.

• Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, le géant gazier russe détenu par l’État, Gazprom, a perdu presque toutes ses parts de marché en Europe. Le seul gazoduc acheminant encore du gaz vers l’Europe, TurkStream, n’assure l’approvisionnement que de la Hongrie et de la Serbie.
• Les exportations de gaz naturel de la Russie par gazoduc ont diminué d’environ 42 % depuis 2021 et en 2023, Gazprom avait enregistré sa première perte depuis 1999, d’un montant total de 6,4 milliards d’euros. Depuis 2022, Gazprom n’a signé qu’un seul nouveau contrat, en 2023, avec l’Ouzbékistan, pour un volume total de 2,8 milliards de m³ de gaz par an.