Selon plusieurs sources diplomatiques, les États-Unis s’opposent désormais à qualifier la Russie « d’agresseur » dans une déclaration du G7 sur l’Ukraine qui devrait être publiée lundi 24 février, à l’occasion du troisième anniversaire de l’invasion russe.
- Le Financial Times rapporte que des diplomates américains se sont opposés à l’expression « agression russe » et aux descriptions s’intégrant dans un champ lexical similaire communément utilisé par les dirigeants du G7 depuis 2022 pour décrire le conflit 1.
- Le groupe — qui réunit les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon, le Canada, l’Italie et l’Union européenne — a publié chaque année depuis 2022 un communiqué à cette date afin de témoigner de son unité face à la Russie et de son soutien à l’Ukraine.
- Il s’agit ici de la première fois depuis l’invasion à grande échelle du 24 février 2022 que l’unité du G7 est remise en question.
Ce changement de positionnement marque une énième rupture avec le discours de l’administration Biden qui dénonçait explicitement « l’agression russe », et contraste avec l’approche de l’administration Trump qui préfère parler du « conflit en Ukraine » — l’expression utilisée par le département d’État dans le compte-rendu de l’appel de Marco Rubio avec Sergueï Lavrov du mardi 18 février 2025 2.
Cette rupture intervient dans un contexte d’alignement de plus en plus explicite de la Maison-Blanche sur le Kremlin et sa propagande.
- La conférence de presse conjointe à Kiev prévue jeudi 20 février avec l’envoyé américain Keith Kellogg et le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été annulée à la dernière minute à la demande des États-Unis.
- L’annulation a été confirmée par le bureau du président ukrainien, sans précisions sur les raisons de cette décision.
- Depuis environ 10 jours, l’administration républicaine a multiplié les signes d’ouverture à la Russie de Poutine.
Chronologie
Lundi 10 février
Le représentant permanent de la Russie auprès des Nations unies, Vassili Nebenzia, félicite Elon Musk et Donald Trump pour le démantèlement de l’USAID, l’Agence américaine pour le développement international : « Nous ne sommes pas du tout surpris par les récentes révélations sur les activités de l’USAID. Nous disons depuis longtemps qu’elle finance des radicaux dans le monde entier. Auparavant, on attribuait simplement cela à la propagande russe, mais au final, tout cela s’est avéré vrai ».
- Quelques jours plus tôt, Musk laissait entendre que l’Agence était responsable de la pandémie de coronavirus — qui a éclaté sous le premier mandat Trump.
- À Moscou comme à Washington, les élites dirigeantes utilisent désormais le même langage pour dénoncer le supposé financement via l’USAID de « laboratoires biologiques américains dans le monde ».
Mardi 11 février
L’envoyé spécial de Trump pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, récupère à Moscou l’instituteur américain Marc Fogel dans le cadre d’un échange de prisonniers avec Alexander Vinnik. De retour à Washington, Witkoff loue la « grande amitié » entre Poutine et Trump et dit espérer que celle-ci « continue ».
Mercredi 12 février
Trump appelle Poutine pendant près d’une heure et demie par téléphone — une première pour un président américain depuis février 2022. À plusieurs reprises au cours des mois précédents, avant même son élection fin novembre, Trump avait suggéré qu’il avait entretenu des contacts avec Vladimir Poutine. Ici encore, Trump ne parle pas d’agression ou d’invasion dans son compte-rendu publié sur Truth Social mais seulement d’une « guerre avec la Russie et l’Ukraine ».
Plus tard dans la journée, Trump suggère en parlant à des journalistes que la Russie devrait garder les territoires ukrainiens conquis car la Russie « s’est battue pour ce terrain et a perdu beaucoup de soldats ».
Le même jour, le secrétaire au Trésor Scott Bessent se trouve à Kiev pour présenter à Volodymyr Zelensky un plan de vassalisation économique en exigeant 500 milliards de dollars de « remboursement » de l’aide américaine, tandis que le secrétaire à la Défense Pete Hegseth endosse la position du Kremlin sur plusieurs points clefs à l’occasion d’une réunion du groupe de contact sur l’Ukraine, à Bruxelles.
Vendredi 14 février
S’exprimant à la tribune de la Conférence sur la sécurité de Munich, le vice-président J.D. Vance prononce une diatribe dirigée contre les gouvernements européens dans un style qui rappelle à certains égards le discours de Poutine dans le même forum en 2007. Vance dénonce la « censure » des élites européennes, le laxisme en matière d’immigration et un prétendu mépris de la volonté populaire dans une tentative nette d’ingérence dans les affaires européennes.
Dimanche 16 février
Trump fait savoir qu’une rencontre avec Vladimir Poutine pourrait avoir lieu « très bientôt », potentiellement dès la semaine prochaine, mettant fin à trois années d’efforts entre Européens et Américains visant à isoler diplomatiquement le président russe.
Mardi 18 février
La première rencontre de haut niveau entre des responsables américains et russes depuis le lancement de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, en février 2022, a lieu à Riyad, en Arabie saoudite. Aucun représentant européen ou ukrainien n’était présent lors de la réunion.
Selon le communiqué publié par le département d’État, l’administration Trump entend « prendre les mesures nécessaires pour normaliser le fonctionnement de nos missions diplomatiques respectives ».
Mercredi 19 février
Dans un message publié sur son réseau Truth Social, Donald Trump qualifie pour la première fois Zelensky de « dictateur », l’avertissant qu’il « ferait mieux d’agir vite ou il n’aura plus de pays ».
Le président américain accuse également Kiev d’avoir déclenché la guerre avec la Russie, reprenant un élément central de la propagande russe, et affirme que le président ukrainien a détourné la moitié de l’assistance américaine et refuse d’organiser des élections. Il reprend également ses fausses déclarations sur le montant de l’aide européenne.
Sources
- Christopher Miller et Henry Foy, « US objects to calling out ‘Russian aggression’ in G7 statement on Ukraine », Financial Times, 20 février 2025.
- Secretary Rubio’s Meeting with Russian Foreign Minister Lavrov, U.S. Department of State, 18 février 2025.