Il y a quatre ans, une foule encouragée par Trump prenait d’assaut le Capitole afin d’empêcher la certification des résultats de l’élection ayant conduit à la victoire de Joe Biden. Le lendemain, le PDG et fondateur de Facebook (Meta), Mark Zuckerberg, publiait un communiqué annonçant bloquer les comptes Facebook et Instagram de Trump afin de garantir la bonne tenue de la transition démocratique.

« Les événements choquants des dernières 24 heures démontrent clairement que le président Donald Trump a l’intention d’utiliser le temps qu’il lui reste à la tête de l’État pour compromettre la transition pacifique et légale du pouvoir vers son successeur élu, Joe Biden […] Au cours des dernières années, nous avons permis au président Trump d’utiliser nos plateformes conformément à nos propres règles, en supprimant parfois du contenu ou en étiquetant ses posts lorsqu’ils violaient nos politiques. Nous l’avons fait parce que nous pensons que le public a le droit d’avoir l’accès le plus large possible au discours politique, même au discours controversé. Mais le contexte actuel est fondamentalement différent, puisqu’il s’agit d’utiliser nos plateformes pour inciter à une insurrection violente contre un gouvernement démocratiquement élu » 1.

  • Alors que Trump revient au pouvoir cette année en menaçant d’envahir militairement un pays membre de l’OTAN, Zuckerberg a annoncé hier, mardi 7 janvier, avoir pris la décision de « mettre fin à notre programme de vérification des faits par des tiers et passer à un modèle de notes communautaires » — reprenant le modèle mis en place par Musk sur X (Twitter) suite à son rachat de la plateforme.

« En commençant par les États-Unis, nous mettons fin à notre programme de vérification des faits par des tiers et passons à un modèle de notes communautaires. Nous laisserons plus de place à la parole en levant les restrictions sur certains sujets qui font partie du discours dominant et en concentrant notre application sur les violations illégales et de grande gravité. Nous adopterons une approche plus personnalisée du contenu politique, afin que les personnes qui le souhaitent puissent en voir davantage dans leur fil d’actualité » 2.

  • Cette décision ne concernera, dans un premier temps, que les plateformes de Meta aux États-Unis. Dans l’Union, le Digital Service Act (DSA) — qui s’applique à l’ensemble des plateformes depuis février 2024 — vise notamment à lutter contre les contenus susceptibles d’avoir des impacts négatifs sur les processus démocratiques et électoraux.

Trump a laissé entendre lors d’une conférence de presse donnée mardi 7 janvier à Mar-a-Lago que ses menaces à l’encontre de Zuckerberg avaient « probablement » conduit le PDG de Meta à prendre cette décision. Dans son dernier livre, Save America (publié début septembre 2024), Trump écrivait que le PDG de Meta « passerait le reste de sa vie en prison » s’il « complotait » contre lui comme il l’avait supposément fait en 2020. Le président-élu avait pris pour habitude ces derniers mois d’appeler le PDG de Meta « Zuckerschmuck ».

Zuckerberg n’est pas le seul dirigeant du monde de la tech à avoir adapté ses discours et politiques pour plaire à Donald Trump.

  • Avant même sa réélection en novembre, le PDG d’Apple Tim Cook et de Google Sundar Pichai ont pris contact avec l’équipe de Trump afin de le flatter et discuter de son programme. Musk, propriétaire de X, s’est quant à lui officiellement rallié à Trump en juillet 2024 suite à la tentative d’assassinat de Butler.
  • Trump a menacé à plusieurs reprises de poursuivre Google en justice s’il était réélu en raison des « mauvaises histoires » sur lui que le moteur de recherche suggérerait aux utilisateurs — favorisant dans le même temps des « bonnes » histoires sur Kamala Harris 3.
  • Afin de « préparer » le retour de Trump, Meta a fait don d’un million de dollars au fonds d’inauguration du président-élu. Quelques jours plus tôt, Zuckerberg était invité à Mar-a-Lago où il a dîné avec Trump. Un de ses porte-paroles déclarait alors : « C’est un moment important pour l’avenir de l’innovation américaine. Mark était reconnaissant de l’invitation à se joindre au président Trump pour le dîner et de l’opportunité de rencontrer les membres de son équipe au sujet de l’administration entrante » 4.
  • Lundi 6 janvier, Meta a annoncé avoir nommé le président de l’organisation de combat libre UFC et proche allié de Trump, Dana White, à son conseil d’administration. White faisait partie de ceux ayant été personnellement remerciés par Trump pour leur loyauté lors du discours de victoire ayant suivi son élection.

En addition de la suppression du fact-checking sur Facebook, Zuckerberg a annoncé « mettre fin aux restrictions sur certains sujets déconnectés du discours dominant », comme « l’immigration et le genre » — qui seront au cœur de l’agenda de Trump. L’équipe chargée de la révision des contenus sera par ailleurs transférée de la Californie, un État démocrate, au Texas, un État républicain, afin de contribuer à « établir la confiance pour faire ce travail dans des endroits où il y a moins d’inquiétude quant à la partialité de nos équipes ».

Sources
  1. Publication de Mark Zuckerberg sur Facebook, 7 janvier 2021.
  2. More Speech and Fewer Mistakes, Meta, 7 janvier 2025.
  3. Maggie HabermanNico Grant et Michael Gold, « Trump Threatens to Prosecute Google for Showing ‘Bad Stories’ About Him », The New York Times, 27 septembre 2024.
  4. Publication sur X (Twitter) de Sara Fischer, 28 novembre 2024.