Découvrir J. D. Vance : de l’Ohio à Washington, une profession de foi nationaliste

Donald Trump a donc trouvé son vice-président pour l’élection.
Que pense J.D. Vance et quelle sera son influence ? À la droite du parti républicain, l’auteur de Hillbilly Elegy est un idéologue « converti » au trumpisme — mais sa ligne pèsera bien au-delà. Pour comprendre sur quoi se fonde sa vision pour les États-Unis, nous traduisons et commentons son dernier discours clef.

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Marin Saillofest
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© AP Photo/Stefan Jeremiah

Lundi 15 juillet, quelques heures après l’ouverture de la Convention nationale républicaine à Milwaukee, dans le Wisconsin, Donald Trump a annoncé avoir choisi J.D. Vance comme colistier pour l’élection présidentielle de novembre. Moins de 48h auparavant, Trump survivait à une tentative d’assassinat lors d’un meeting à Butler, en Pennsylvanie.

Le choix de Vance était attendu tant celui-ci a su émerger comme l’une des figures les plus en vue au sein du Parti républicain ces dernières années. Depuis son arrivée au Sénat en janvier 2023, il s’est fait l’un des principaux défenseurs et relais du discours trumpiste sur l’immigration, la politique étrangère, les « valeurs » américaines. En avril, lors du débat au Sénat sur le vote du paquet d’assistance supplémentaire à l’Ukraine, Vance a articulé lors d’un discours la doctrine trumpiste sur l’Ukraine. Deux mois auparavant, en février, Vance était à la Munich Security Conference pour délivrer un message aux Européens en amont de l’élection de novembre : si Trump gagne, les États-Unis se détourneront de l’Europe pour se concentrer sur la Chine. 

Ces derniers mois, Vance a endossé le rôle de principal relais de Trump à l’étranger. Il a également défendu le bilan de l’ex-président et témoigné de sa loyauté inconditionnelle aux États-Unis, lors de meetings et de conférences.

S’il lui était hostile en 2016, Vance a par la suite fortement défendu Trump au point que celui-ci le considère désormais comme l’un des porteurs de son héritage idéologique. Au-delà de ce fort alignement politique, d’autres facteurs pratiques on pu entrer en ligne de compte pour évincer d’autres candidats potentiels : Marco Rubio, lui aussi originaire de Floride, aurait été un choix peu stratégique de colistier pour élargir la base géographique ; Doug Burgum, le gouverneur du Dakota du Nord, a été soutenu par Karl Rowe, un ancien soutien de Bush, dans le Wall Street Journal — publication que Vance cible d’ailleurs ouvertement à plusieurs reprises ici.

Le discours traduit et commenté ci-dessous a été prononcé le 10 juillet à Washington D.C. lors de la 4ème édition de la National Conservatism Conference. Ce format, organisé depuis 2019 sous l’égide du conservateur israélo-américain Yoram Hazony, auteur du livre à succès The Virtue of Nationalism (2018), est le plus grand rassemblement annuel de la « nouvelle droite » américaine.

Tandis qu’à quelques kilomètres seulement les dirigeants des pays de l’OTAN se réunissaient pour s’engager à soutenir l’Ukraine dans la durée, la fondation Edmund Burke réunissait au même moment des conservateurs issus du monde entier venus plaider en faveur d’un retour à l’isolationnisme et à des valeurs « traditionnelles ».

Il faut reconnaître que nous avons eu beaucoup de succès, mais aussi quelques défaites.

Lorsque je suis venu à cette conférence en 2019, j’étais un investisseur en venture capital, l’auteur de Hillbilly Elegy, et je ne pensais pas vraiment à la politique — en-dehors du fait que j’étais inquiet que mon pays aille dans la mauvaise direction.

Dans mon discours d’il y a cinq ans, j’avais soulevé quelques points qui sont, malheureusement, toujours d’actualité. J’avais parlé du fait que le rêve américain de mon grand-père déclinait dans le pays même où il était né. Ce rêve américain repose sur l’idée qu’en travaillant dur et en respectant les règles, on doit pouvoir être en mesure de se construire une bonne vie — pour soi-même, pour sa famille, dans son pays. Cette idée a été mise à mal par la gauche américaine. Elle l’est toujours. D’une certaine manière, les choses se sont même aggravées.

Je pense pour autant que nous avons remporté d’incroyables victoires. L’un de mes chevaux de bataille de ces dernières années est l’idée que la politique étrangère américaine doit se fixer des buts réalistes sur ce que nous pouvons accomplir, les domaines sur lesquels nous pouvons nous concentrer, et au fait que la puissance militaire doit être, fondamentalement, en aval de la puissance industrielle.

La leçon la plus importante de la Seconde Guerre mondiale n’est pas qu’on gagne un conflit en se frappant le torse et en prétendant jouer les gentils. La véritable leçon, c’est que si le front intérieur est fort, alors nous pouvons gagner et projeter notre puissance à l’étranger. Nos dirigeants actuels semblent l’avoir oublié. L’exemple le plus significatif de ce grand oubli est l’Ukraine, où nous avons envoyé des centaines de milliards de dollars d’armement sans aucun objectif que nous serions près d’atteindre là-bas.

Depuis son arrivée au Sénat en janvier 2023, Vance s’est fait le champion du tournant isolationniste pris par le GOP sous l’égide de Donald Trump, en opposition à l’arrière-garde républicaine, incarnée par des figures comme Mitch McConnell, qui défendent toujours l’idée d’un renforcement des États-Unis par le renforcement de leurs alliés.

Vance s’oppose catégoriquement à l’aide militaire à l’Ukraine car il considère que les États-Unis ne disposeraient pas de capacités de production et de réserves suffisantes d’armement pour aider Kiev tout en assurant sa propre sécurité. À l’occasion d’un discours prononcé au Sénat en avril, il présentait « l’équation insoluble » du soutien à Kiev non pas comme un dilemme moral ou idéologique, mais comme un problème quasi mathématique guidé par un raisonnement selon lui strictement rationnel.

Comme Trump, Vance appelle à une « résolution diplomatique » du conflit. Selon des sources proches de l’ex-président, celle-ci consisterait à pousser l’Ukraine à accepter de céder le Donbass et la Crimée à la Russie. Trump ne croit ni dans la diplomatie, ni dans les négociations. Dans son livre publié pendant la campagne de 2011 Time to Get Tough, il qualifiait le rôle de président de « dealmaker in chief ». À ses yeux, les diplomates sous la première administration Obama étaient des « des choux à la crème envoyés dans le monde entier pour jouer à la baballe avec des gouvernements étrangers » 1.

Et tant de mes collègues ignorent les réalités fondamentales de la guerre.

Mais il y a quand même une bonne nouvelle : la majorité républicaine à la Chambre et la majorité républicaine au Sénat du dernier cycle ont dit « non » à cette guerre — plus jamais ça !

C’est une bonne chose et un progrès.

Même si nous n’avons pas encore conquis ce débat, nous commençons à le gagner au sein de notre propre parti — je pense que c’est très important.

Concernant ce sujet particulier, je dois m’en prendre à la page opinion du Wall Street Journal.

La plus stupide de toutes les solutions et réponses possibles en matière de politique étrangère pour notre pays est que nous devrions laisser la Chine fabriquer tous nos produits et que nous devrions lui faire la guerre.

À mon avis, nous ne devrions pas entrer en guerre avec la Chine si nous pouvons l’éviter. Nous ne devrions pas non plus laisser les Chinois fabriquer tous nos produits. Pourtant, depuis plusieurs années, le Wall Street Journal nous répète inlassablement que nous pouvons envoyer indéfiniment des munitions et des armes de guerre en Ukraine, alors que depuis deux générations, il préconise le transfert de notre base industrielle à l’étranger. Cela n’a aucun sens. C’est l’incarnation parfaite de la manière la plus stupide de gouverner notre pays.

Envoyons toute notre industrie de défense dans des pays qui nous haïssent, puis dépensons le peu de stocks que nous avons dans une guerre dont la fin n’est pas garantie. Telle est l’approche de la page éditoriale du Wall Street Journal. Et je suis heureux de dire que le parti républicain la rejette de manière de plus en plus forte. C’est une grande réussite et un progrès considérable. 

Une autre chose sur laquelle nous avons fait de réels progrès — même les libertariens et les fondamentalistes du marché le reconnaissent — est de comprendre qu’on ne peut pas pratiquer le libre-échange sans aucune limite avec des pays qui nous détestent. Ce serait l’équivalent de permettre à l’Allemagne nazie de fabriquer nos navires et nos missiles en 1942 . Tous les Républicains acceptent que cette époque est désormais révolue.

Vance s’est converti au monde de la sécurité économique et au protectionnisme. Dans nos pages, Erica York avait étudié en profondeur cet étonnant élément de continuité entre Trump et Biden : une matrice qui pourrait se radicaliser en cas de retour de Trump à la Maison-Blanche.

Même les personnes qui n’étaient pas d’accord avec nous sur la manière de protéger l’industrie américaine le sont dorénavant. On ne peut pas laisser les Chinois fabriquer tous nos produits si l’on est en même temps engagé dans une compétition à long terme avec eux. Nous avons donc fait des progrès considérables dans ce domaine.

Pourtant, des relents de l’ancien consensus ne cessent de remonter à la surface. Notre travail n’est donc pas terminé.

La question sur laquelle nous avons fait le plus de progrès — et c’est un point sur lequel le mouvement conservateur national a été clef — non seulement ici, mais aussi à l’étranger, c’est la reconnaissance de la véritable menace pour la démocratie américaine. Ce n’est certainement pas Donald Trump, ni même un dictateur étranger qui n’aime pas l’Amérique ou nos valeurs. La principale menace, c’est que les électeurs américains ne cessent de voter en faveur d’une diminution de l’immigration et que nos dirigeants continuent de ne pas les écouter. Telle est la menace.

Aujourd’hui, je parlais avec un ami anglais. Partout dans le monde occidental — en Allemagne ou au Royaume-Uni par exemple — les populations continuent de dire à leurs dirigeants qu’elles veulent moins d’immigration, et ces derniers refusent toujours de les écouter. C’est comme si la fonction fondamentale de notre démocratie sacrée était brisée et que nos élites ne semblaient pas s’en préoccuper.

Pourquoi ?

Premièrement, parce qu’elles profitent de la main-d’œuvre bon marché. Deuxièmement, parce qu’elles n’aiment pas les gens qui composent la population de leur propre pays. Nous constatons régulièrement que les élites britanniques comme américaines ne semblent pas aimer leurs propres concitoyens — même si leurs guerres sont menées par les gens du peuple et non par ceux qui flânent dans les rues de Washington D.C.

En ce qui concerne l’immigration, personne ne peut ignorer qu’elle a rendu nos sociétés plus pauvres, moins sûres, moins prospères et moins avancées. 

La grande majorité des études réalisées sur le sujet suggèrent que l’immigration, aux États-Unis comme dans le reste des économies développées, contribue à la croissance et soutient le marché du travail. Dans une étude publiée en février, le Congressional Budget Office, une agence fédérale fournissant des analyses non partisanes sur le budget américain, note que : « le taux élevé d’immigration nette qui a débuté en 2022 se poursuivra jusqu’en 2026, ajoutant en moyenne environ 0,2 point de pourcentage au taux de croissance annuel du PIB réel au cours de la période 2024-2034 » 2

Le discours populiste de Vance repose strictement sur la peur de l’étranger mise en avant par Trump dans ses campagnes que le colistier de l’ex-président critiquait en 2016 lors d’un entretien donné à The American Conservative, à l’occasion de la sortie de son livre Hillbilly Elegy 3.

Il y a un an, je me souviens m’être disputé avec un loser sur Twitter pour savoir si l’immigration faisait augmenter les prix de l’immobilier. L’argument auquel il s’accrochait était que peut-être que les immigrants augmentent la demande de logements, mais que ce sont ceux qui les construisent. Ce n’est pas vrai. Allez en Pennsylvanie ou en Ohio et vous verrez : beaucoup de nos concitoyens nés aux États-Unis construisent encore nos maisons.

C’est choquant ! Il existe des villes dans l’Ohio où il y avait des maisons avant l’adoption de la loi sur l’immigration de 1964. Vous vous rendez compte ? Nous avons réellement construit des maisons aux États-Unis d’Amérique avant que nos élites nous inondent d’une main-d’œuvre bon marché ininterrompue ! Et d’ailleurs, nous pouvons encore le faire. Ces gens peuvent encore le faire — ils veulent juste un salaire décent.

Aujourd’hui, tout le monde semble s’accorder sur le fait que si l’immigration était le moyen de créer de la richesse et de faire baisser les prix de l’immobilier, Londres se porterait très bien, par exemple. Or, je dois vous dire que j’étais à Londres l’année dernière et que la ville ne se porte pas très bien.

Il n’est d’ailleurs même pas nécessaire d’aller à Londres. Vous pouvez aller plus près de chez vous. Dans nos propres communautés, dans nos propres États, les endroits où les taux d’immigration sont les plus élevés sont ceux où les prix de l’immobilier sont les plus élevés. Ce n’est même pas une question de corrélation ou de causalité ; c’est au-delà de l’évidence. Si l’on examine les zones métropolitaines, parcelle par parcelle, on constate que là où l’immigration est la plus forte, les prix de l’immobilier sont aussi les plus élevés. 

Mais ce n’est pas tout.

Il y a dans l’Ohio une communauté appelée Springfield. Elle me tient particulièrement à cœur, car ce lieu est presque une copie conforme de Middletown, la ville où j’ai grandi dans l’Ohio. C’est une ville de taille moyenne, d’environ 55 000 habitants. Vous n’allez pas croire cette statistique quand je vous la répéterai, parce que je ne l’ai pas crue quand j’en ai entendu parler pour la première fois : au cours des quatre dernières années, grâce à la politique d’ouverture des frontières de Joe Biden, la ville de Springfield est passée de 55 000 habitants à 75 000 habitants. L’augmentation de 20 000 habitants est presque entièrement constituée de migrants haïtiens. Allez maintenant à Springfield, dans l’Ohio, et demandez à ses habitants s’ils ont été enrichis par ces 20 000 nouveaux arrivants en quatre ans.

Les chiffres avancés par Vance ici ne correspondent pas à des statistiques officielles mais renvoient à une lettre envoyée par le responsable municipal de Springfield, Bryan Heck, au sénateur démocrate de l’Ohio Sherrod Brown et au sénateur républicain de Caroline du Sud et ex-candidat à la primaire républicaine Tim Scott. Dans celle-ci, Heck écrit : « La population haïtienne de Springfield a augmenté de 15 000 à 20 000 personnes au cours des quatre dernières années dans une communauté qui comptait jusqu’à présent un peu moins de 60 000 résidents, ce qui a mis à rude épreuve nos ressources et notre capacité à fournir un nombre suffisant de logements à tous nos résidents ». La dernière recension officielle, qui date de 2020, indique que la ville de Springfield est à 70 % blanche.

Les prix du logement ont explosé. Les membres de la classe moyenne qui vivent à Springfield, parfois depuis des générations, n’ont pas les moyens de se loger. Et j’ai appris hier qu’un tiers du budget dédié à la santé du comté était désormais consacré à l’octroi d’avantages gratuits pour les immigrés clandestins.

Bien sûr, la gauche « vérifiera les faits » et dira qu’il ne s’agit pas d’immigrés illégaux parce que, grâce à l’abus des lois sur l’asile et aux libérations conditionnelles massives de Joe Biden, ils ne sont plus, « techniquement », des illégaux — et parce que de toute façon, selon le Président, personne n’est un étranger clandestin. 

Selon l’administration Biden, les seuls clandestins dans ce pays sont ceux dont les grands-parents sont nés ici. Ce sont d’ailleurs ces personnes qui n’ont pas le droit d’avoir une opinion et qui seront réduites au silence, censurées et traitées de tous les noms.

Springfield, dans l’Ohio, a été submergée. Il ne faut pas croire, bien sûr, que les 20 000 nouveaux arrivants sont de mauvaises personnes. J’imagine que beaucoup d’entre eux sont même de très bonnes personnes. Mais mon objectif n’est pas de protéger les bons étrangers. Je suis sénateur de l’État de l’Ohio. Nos dirigeants doivent d’abord protéger les intérêts des citoyens de ce pays. Or, de fait, ils ne le font pas.

Toujours dans mon État d’origine, l’Ohio, nous avons eu quelques référendums qui n’ont pas abouti. Nous avons perdu des élections en 2022 que nous aurions dû gagner. Comme je l’ai dit plus tôt, tous les débats sur la politique étrangère n’ont pas été dans notre sens, mais dans l’ensemble, le mouvement conservateur national est en train de gagner cette bataille et de transformer le débat.

Nous le faisons avec une idée fondamentale : les dirigeants américains doivent s’occuper des Américains. Pour les Britanniques ici présents, les dirigeants britanniques devraient s’occuper de leurs citoyens — ainsi de suite pour les autres citoyens d’autres pays.

Je vais critiquer le Royaume-Uni sur un point supplémentaire. Je discutais récemment avec un ami et nous évoquions l’un des principaux dangers dans le monde : la prolifération nucléaire. Bien entendu, l’administration Biden ne s’en préoccupe absolument pas.

Je me demandais quel serait le premier pays véritablement islamiste à se doter d’une arme nucléaire. Nous nous disions que c’était peut-être l’Iran, après le Pakistan. Et puis nous nous sommes finalement dit que ce serait peut-être le Royaume-Uni, avec les travaillistes qui viennent de prendre le pouvoir. Je dis à mes amis conservateurs : il faut que vous repreniez les choses en main.

Mais il y a raison qui me nourrit d’optimisme sur l’avenir de ce mouvement et de notre pays. Pour la première fois depuis très longtemps, il est clair que le chef du parti Républicain n’est pas un homme qui a désespérément besoin d’une main-d’œuvre bon marché, ni une personnalité quelconque qui prétend parler au nom de telle ou telle circonscription. Le chef du parti Républicain est un homme qui a l’intention de faire passer les citoyens américains en premier. Cet homme, c’est Donald Trump.

Je souhaiterais presque que sa mémoire soit aussi mauvaise que celle de Joe Biden : il oublierait ce que j’ai dit de lui en 2016. C’est en 2019 que j’ai été conquis à la cause de l’agenda America First de Trump. À bien des égards, je viens devant vous comme converti. À l’époque, même à Washington D.C., même en 2019, même s’il était le président des États-Unis, il y avait des gens qui repoussaient son influence et qui planifiaient déjà un retour à la mise en œuvre des positions préférées du Wall Street Journal.

Cette époque est révolue. C’est une grande victoire pour nous, mais de façon encore plus importante, c’est une grande victoire pour le peuple américain qui, je le redis, a besoin de personnes qui placent les intérêts de ses électeurs en premier, de nos citoyens en premier. C’est la raison d’être de ce mouvement, et c’est ce que la présidence Trump nous apportera si nous lui donnons une nouvelle chance.

Permettez-moi de conclure par une observation.

Je m’excuse auprès de certains d’entre vous qui m’ont déjà entendu faire cette remarque, mais je pense qu’elle est importante. Même si je pense que nous sommes en très bonne position sur le plan électoral en 2024, de nombreux débats et discussions nous attendent. L’une des choses que l’on entend dire, même de notre côté, c’est que l’Amérique serait la première nation fondée sur une décision abstraite (creedal nation). 

L’Amérique serait une idée.

L’Amérique a eu de très bonnes idées lors de sa fondation. Elle a été créée par des hommes brillants. La Constitution, bien sûr, est une incroyable pièce de théorie politique, qui a eu une influence exceptionnelle ; c’est pourquoi elle a résisté à l’épreuve du temps. Mais l’Amérique n’est pas qu’une idée. Nous avons certes été fondés sur de grandes idées, mais l’Amérique est une nation. C’est un groupe de personnes qui ont une histoire et un avenir communs.

L’un des éléments de ce peuple est que nous autorisons les nouveaux arrivants dans ce pays, mais nous le faisons à nos conditions, aux conditions des citoyens américains. C’est ainsi que nous préservons la continuité de ce projet depuis 200 ans — et, je l’espère, pour les 200 années à venir.

Permettez-moi d’illustrer cela par un exemple personnel.

Je suis marié à une fille d’immigrés d’Asie du Sud, des gens incroyables qui ont véritablement enrichi le pays de bien des façons. Bien sûr, je suis partial parce que j’aime ma femme, mais je suis persuadé que c’est la vérité.

Lorsque j’ai demandé ma femme en mariage, nous étions à la faculté de droit et je lui ai dit : « Chérie, je viens avec 120 000 dollars de dettes pour mes études de droit et une concession dans un cimetière de l’est du Kentucky. Et c’est tout ce que tu obtiendras. » Cette parcelle de cimetière dans l’est du Kentucky, si vous descendez la Route 15 du Kentucky et allez à Jackson, vous tombez sur la maison ancestrale de ma famille, avant que nous n’émigrions dans l’Ohio il y a environ soixante ou soixante-dix ans. C’est de là que viennent tous mes parents, du cœur des Appalaches. C’est le pays du charbon du Kentucky, qui est d’ailleurs l’un des dix comtés les plus pauvres de tous les États-Unis d’Amérique.

Bien entendu, nos élites adorent accuser les habitants de ces comtés de jouir du privilège blanc. Allez dans le comté de Breathitt, dans le Kentucky, et dites-moi que ce sont des gens privilégiés. Ce sont des gens très travailleurs et très bons, et qui aiment ce pays, non pas parce que l’Amérique est une « bonne idée », mais parce qu’au plus profond d’eux-mêmes, ils savent que c’est leur maison et que ce sera la maison de leurs enfants, et qu’ils seraient prêt à mourir en se battant pour la protéger. 

Depuis la publication de son livre à succès et le début de sa carrière politique, Vance met largement en avant son extraction populaire ainsi que la pauvreté de la ville où il a grandi, Middletown, et de son comté. 

Dans Hillbilly Elegy, le sénateur et colistier de Donald Trump dresse le portrait d’une Amérique en perte de vitesse, caractérisée par la pauvreté, les drogues, la violence et la misère chronique des petites villes de la rust belt. Son récit fait également l’éloge des valeurs propres aux Appalaches transmises par sa famille. Bien que largement désoeuvrés, parfois dépendants de la sécurité sociale pour survivre, Vance renvoie à de multiples reprises à la fierté, à la solidarité, au sens du travail et de la famille des habitants de Middletown et des Appalaches.

Le propos de Vance ne vise pas à dénoncer simplement les ravages de la désindustrialisation, mais pointe également ce qu’il décrit comme les causes de la misère dans laquelle il a grandi : le désintérêt de la classe politique américaine pour l’Amérique d’en bas, la white working class délaissée par les administrations successives.

Le choix fait par Trump de faire de Vance son colistier repose en partie sur une stratégie électoraliste visant à attirer le vote des classes populaires et moyennes blanches, rurales, dans les swing states du nord-est qui couvrent partiellement la rust belt : la Pennsylvanie, l’Ohio, le Michigan, le Wisconsin. Ce sont ces États, très mixtes sociologiquement et culturellement, soumis à une transition démographique depuis plusieurs années, que Trump devra gagner en novembre pour remporter l’élection.

Telle est la source de la grandeur de l’Amérique, Mesdames et Messieurs.

J’ai l’occasion de représenter des millions de personnes dans l’État de l’Ohio qui sont exactement comme cela. Dans le cimetière dont je parle, il y a les tombes de gens qui sont nés à l’époque de la guerre civile américaine. Et si, comme je l’espère, ma femme et moi y reposerons et que nos enfants nous suivent, il y aura sept générations de ma famille dans ce petit cimetière de montagne de l’est du Kentucky. Sept générations de personnes qui se sont battues pour ce pays, qui ont construit ce pays, qui ont fabriqué des choses dans ce pays, et qui se battraient et mourraient pour protéger ce pays si on le leur demandait. 

Ce n’est pas une simple idée.

Il ne s’agit pas juste d’un ensemble de principes, même si les idées et les principes sont excellents. C’est une patrie. Les gens ne vont pas se battre et mourir uniquement pour des principes. Ils se battent et meurent aussi — et c’est crucial — pour leur maison, pour leur famille, pour l’avenir de leurs enfants.

Si ce mouvement espère aller quelque part, et si ce pays veut prospérer, nous devons nous rappeler que l’Amérique est une nation.

Nous serons parfois en désaccord sur la meilleure façon de servir cette nation. Nous ne serons pas d’accord, bien sûr, même dans cette salle, sur la meilleure façon de revigorer l’industrie américaine et de renouveler la famille américaine. Ce n’est pas très grave. Mais n’oubliez jamais que si nous existons si nous faisons cela. Si nous nous intéressons à toutes ces grandes idées, c’est parce que j’aimerais, un jour, que mes enfants m’enterrent dans ce cimetière et qu’ils sachent que les États-Unis d’Amérique sont aussi forts, aussi fiers et aussi grands que jamais.

Mettons-nous au travail pour que cela se produise. Que Dieu vous bénisse.

Sources
  1. Donald Trump, Time to Get Tough, p. 13.
  2. The Budget and Economic Outlook : 2024 to 2034
  3. Vance, « Trump : Tribune Of Poor White People », The American Conservative.
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