Comment se présenterait la collaboration entre la Plateforme Civique, la Gauche et la Troisième Voie si elles avaient la majorité parlementaire et formaient un gouvernement ? Commençons par le plus simple. La Plateforme Civique déclare depuis longtemps que dès qu’elle remportera les élections, la Pologne obtiendra des fonds européens pour le Plan National de Reconstruction, car elle répondra aux critères de l’État de droit. Cependant, Troisième Voie, le parti de Szymon Hołownia, exige une véritable réforme et a voté contre les changements superficiels que le PiS voulait introduire pour obtenir ces fonds.
Avant les élections, Hołownia peut afficher que son parti est un véritable défenseur de l’État de droit, tout en faisant en sorte que le PiS obtienne discrètement des fonds de l’Union Européenne, car il les utiliserait certainement pour la campagne. Mais après les élections, il soutiendrait probablement une réforme partielle ou progressive.
Ainsi, l’opposition pourrait franchir cette première étape essentielle ?
On peut s’attendre à ce que cela se concrétise. Cela prendra un peu de temps, car le président doit signer les lois. Mais d’entrée de jeu, cette coalition pourrait donc affirmer qu’elle détient ces fonds.
C’est là une belle entrée en matière. Les premiers cent jours d’un gouvernement sont souvent perçus comme un jalon symbolique et pendant cette période, la coalition pourrait démontrer sa capacité à débloquer des fonds européens.
Ce serait un succès initial, mais d’autres problèmes pourraient rapidement émerger. Donald Tusk a par exemple promis que le premier texte sur lequel il travaillerait, s’il accédait au pouvoir, serait un projet de loi légalisant l’avortement jusqu’à 12 semaines de grossesse. S’il tient parole, comment se déroulerait l’élaboration de cette loi avec Troisième Voie qui inclut deux partis — le Parti paysan polonais (PSL) et Pologne 2050 — dont les dirigeants ont suggéré la tenue d’un référendum sur le sujet ? L’élaboration de cette loi pourrait provoquer une véritable tempête politique, alimentée par le PiS et Confédération.
La réalité est que chaque parti, lors de sa campagne, fait des promesses comme s’il allait gouverner seul. La Plateforme civique ne fait pas exception.
Mais elle ne gouvernera pas seule.
C’est évident. Mais la règle veut que les partis présentent des propositions claires, car c’est ce que les électeurs attendent. La théorie directionnelle du comportement électoral stipule que les gens ne votent pas nécessairement pour le parti qui leur est idéologiquement le plus proche, mais pour celui qui, selon eux, mènera le pays dans la bonne direction.
Il ne s’agit donc pas tant d’efficacité que de direction, n’est-ce pas ?
Permettez-moi de donner un exemple. Les gens qui sont fatigués et mécontents du niveau élevé de transferts sociaux sous le régime du PiS se tournent vers Confédération. Ce n’est probablement pas parce qu’ils veulent ce bon de santé de 4000 zlotys par an. Ils voient plutôt la direction qu’ils souhaitent prendre. Ils veulent des impôts plus bas, des prestations sociales réduites et croient que Confédération s’emploiera à cela plutôt qu’à complètement démanteler l’État comme le laisse entendre son discours ultra-libertarien.
De la même manière, la gauche peut axer ses campagnes sur des revendications plus radicales que celles qu’elle pourrait mettre en œuvre, surtout en tenant compte du fait qu’elle devra entrer en coalition. Être en coalition sert en quelque sorte de garde-fou, empêchant la mise en place d’idées radicales.
Cependant, il est essentiel de mettre en avant des idées fortes. Ainsi, quelqu’un qui écoute ce que Tusk dit sur l’avortement se dira qu’ils pourraient ne pas réussir à le mettre en œuvre, mais qu’au moins ils restaureront ce que l’on appelait le « compromis sur l’avortement » avant les réformes du PiS. Cela introduirait déjà une rupture avec le système actuel, où l’interdiction entraîne des tragédies. Si le pouvoir change et que le procureur général aussi, les médecins peuvent cesser d’avoir peur de pratiquer des avortements.
Cela réduira-t-il les tensions ?
Oui, Le simple fait que l’opposition prenne le pouvoir suffira, même sans modification de la loi. L’ambiance changera. Il faudra juste que la coalition engage des réformes dans une direction nouvelle. Par ailleurs, les politiciens polonais sont beaucoup plus conservateurs que leurs électeurs : le soutien au droit à l’avortement est élevé, même parmi les électeurs de la Confédération.
Vous évoquez notamment le concept de « propriété de la question ».
La « propriété de la question » est une manière d’évoquer la crédibilité d’un groupe pour discuter d’une question donnée. Autrement dit, un parti politique donné est capable de promouvoir crédiblement certains postulats qui lui sont associés : par exemple, les Verts sont associés à des demandes écologiques. C’est la propriété de la question par association.
Il y a aussi la « propriété de la question » par compétence. Par exemple, le PiS a construit sa crédibilité sur le fait qu’il mène une politique sociale et, lorsque le PiS annonce une politique sociale, il jouit d’une certaine crédibilité.
Sur cette base, on peut proposer une théorie du mécanisme qui conduit à la victoire électorale : un parti remporte des élections lorsqu’il domine l’agenda de la campagne avec « ses » sujets.
La Plateforme Civique a-t-elle cherché à priver le PiS de sa compétence en matière sociale sur l’affaire du « 800 plus », en demandant des paiements plus rapides pour cette prestation ? Se sont-ils emparés de cette question ?
Je le percevrais plutôt comme une attaque contre la crédibilité du PiS que comme une tentative de s’emparer du sujet. C’était une forme de provocation qui a partiellement réussi, car le président a signé la loi instaurant le « 800 plus », mais seulement pour l’année prochaine. À mon avis, cela se retourne paradoxalement contre Tusk aujourd’hui car après avoir promis de le faire, le PiS a réussi à le mettre œuvre — quand bien même cela serait seulement l’année prochaine.
Quel serait l’impact d’une coalition qui irait de Pologne 2050 à la Gauche ? D’autant que cela représente un renouveau dans l’image de la Plateforme civique : soutien aux allocations, à l’avortement, aux unions civiles. Dans quelle mesure les électeurs peuvent-ils croire que cette ligne se maintiendrait après les élections, dans une coalition qui irait de Troisième voie à la Gauche ? Il n’y aura pas de désaccord idéologique et social avec cette dernière, mais c’est une autre affaire avec le PSL et Pologne 2050. Tusk restera-t-il progressiste après les élections ?
À mon avis, Tusk et toute la Plateforme civique sont allés si loin qu’un revirement idéologique serait très difficile à opérer. Margit Tavits a écrit un article montrant que lorsqu’un parti politique change de position sur des questions idéologiques, il perd du soutien et ce, même s’il évolue conformément aux préférences des électeurs. Pour comprendre cette tendance, il faut distinguer les questions pragmatiques des questions de principe. Les premières concernent des problèmes comme l’inflation ou le chômage, qui nécessitent une solution : par conséquent, quand un parti change de position sur ces sujets, cela signifie qu’il choisit une méthode d’action plus efficace. Les questions idéologiques sont, quant à elles, principielles : changer de position revient à abandonner ses idéaux.
Donald Tusk a annoncé que les entreprises publiques seraient purgées des membres du PiS. Après les élections, nous pourrions donc assister à un processus de reprise des entreprises et des institutions des mains du PiS. Cela n’occultera-t-il pas les véritables problèmes que posera la gouvernance, nécessaire après des années de négligence ?
Il y a indéniablement une énorme quantité de travail à accomplir. Le Tribunal Constitutionnel, notamment, est encore sous l’influence du PiS et est paralysé par des conflits. En réalité, chaque institution nécessite une attention et une réforme spécifiques.
Il y a aussi le problème du président, Andrzej Duda, qui ne collaborera probablement pas avec la coalition que nous imaginons.
Le président Andrzej Duda sera en fonction encore un an. S’il se trouve que l’opposition l’emporte, il cherchera probablement à adopter une approche conciliante avec elle. Après son mandat présidentiel, il pourrait envisager une carrière diplomatique. Il ne devrait donc pas soutenir des mouvements radicaux, bien qu’il puisse défendre ses anciens alliés politiques. Cependant, je ne le considère pas comme un acteur clé.
Si l’on parle des problèmes que le futur gouvernement devra aborder, les questions idéologiques ne domineront pas. Elles pourraient même être reléguées au second plan. Seul le sujet de l’avortement pourrait être crucial, et pourrait effectivement être un facteur de division.
Qu’en est-il des relations entre l’État et l’Église ?
La Gauche propose la suppression du fonds ecclésiastique et la résiliation du concordat. À mon avis, ces revendications passeront au second plan car il y a tant à faire dans l’organisation même de l’appareil d’État. Il y a énormément de réformes à engager. Cela ne sera possible que si les différents partis s’entendent et arrivent à faire travailler leurs équipes en bonne intelligence.
Il est néanmoins probable qu’ils se querellent dès le départ sur la question de l’Église.
Mais parvenir à un accord est précisément l’objet des négociations post-électorales.
Les entreprises publiques auront également besoin de nouveaux dirigeants.
Mais il y a beaucoup de postes à pourvoir. Lorsque de telles questions sont négociées à huis clos, tout se passe généralement bien.
Mais seront-ils capables de trouver un accord ?
Oui. Lorsqu’il y a des avantages à partager, ils y parviennent. Il est bien plus facile pour la Plateforme civique de s’entendre avec la Gauche, le PSL et Pologne 2050 que pour le PiS et Confédération de former une alliance.
Ils n’ont pourtant pas réussi à établir une liste électorale commune.
Ils ne l’ont pas fait car cette négociation avait lieu avant les élections. Après les élections, la dynamique change. C’est alors le moment de se partager le gâteau. Bien sûr, il y aura des frictions, mais on peut généralement anticiper le résultat final.
La Plateforme civique voudra probablement prendre les ministères économiques. La Gauche, ceux qui sont liés à la protection sociale et à l’éducation. Le PSL, naturellement, demandera l’agriculture. Ce n’est pas vraiment un sujet de spéculation. Par la suite, ils discuteront de la répartition des secrétaires d’État adjoints, des vice-premiers ministres, etc. Mais cela fait partie du jeu.
Chacun de ces partis a déjà gouverné par le passé, donc ils savent comment cela fonctionne. La nouveauté est Pologne 2050, mais n’oublions pas qu’elle compte déjà des députés qui étaient membres d’autres partis. Parmi eux se trouvent des politiciens expérimentés.
Lorsque le président Andrzej Duda a finalement annoncé que les élections se tiendraient le 15 octobre, il a officiellement lancé la campagne électorale. En réalité, celle-ci était en cours depuis un moment déjà.
Il est difficile de dire quand elle a commencé exactement. On parle même du phénomène d’une campagne permanente qui commence le lendemain des élections. La campagne est devenue une forme de gouvernance en soi, une manière d’exercer en continu les relations publiques politiques. Ces actions s’intensifient uniquement à l’approche de la période électorale.
Cela facilite donc notre tâche, car nous pouvons déjà évaluer cette campagne. Cette campagne se distingue-t-elle d’une manière particulière par rapport à celles qui se sont déroulées en Pologne depuis 1989 ? Vous avez déjà écrit sur les thèmes dominants de la campagne de 1991 — un mélange de questions idéologiques, notamment la place de l’Église et l’avortement, et économiques, notamment dans le cadre de la transition post-communiste. C’est la même chose aujourd’hui, bien qu’aujourd’hui, les questions économiques soient liées à l’inflation. Peut-être que ces campagnes sont inutiles, puisqu’elles ne changent rien depuis tant d’années ?
Les campagnes influencent les comportements électoraux, et les études montrent qu’elles n’affectent qu’un petit groupe d’électeurs indécis ou ceux qui doivent être mobilisés. Je dirais donc que les campagnes sont donc plus importantes en Pologne que dans le reste de l’Occident, car nous avons un plus grand réservoir d’abstentionnsites.
L’abstention électorale en Pologne a des caractéristiques structurelles. Ce sont des personnes qui ne votent jamais. Il est donc très difficile de les atteindre.
En Pologne, les politiciens mobilisent des sujets qui divisent la société. C’est particulièrement caractéristique du PiS, qui identifie un ennemi avant de mener une campagne négative contre lui : ce furent les réfugiés ; puis les mouvements LGBT ; aujourd’hui l’ennemi désigné est Donald Tusk. Vous soulignez pourtant que ce modus operandi est dangereux car il peut aussi avoir pour effet de mobiliser la cible, au point de provoquer un effet boomerang.
Permettez-moi d’apporter quelques précisions. Lorsqu’on parle de « campagne négative » dans les ouvrages spécialisés, il s’agit généralement d’une attaque d’un politicien à l’encontre d’un autre. Cependant, les attaques contre des groupes comme les réfugiés ou la communauté LGBT relèvent davantage de discours haineux ou de diabolisation. On ne les classe pas dans la catégorie des campagnes négatives. De même, un parti critiquant les réfugiés met en avant, à sa manière, un enjeu social qu’il juge nécessaire d’aborder, même si sa critique se fait en termes négatifs. Tout comme on pourrait parler de l’inflation sous un angle négatif. Il s’agit en réalité de positions programmatiques — et pas nécessairement de discours de haine.
Ainsi, lorsque l’on étudie les campagnes négatives, on se concentre sur les situations où un acteur politique cible un autre. Il est complexe de quantifier la fréquence et l’intensité de ces attaques. Toutefois, il est instructif d’analyser qui attaque qui. Par exemple, en Pologne, c’est le parti Droit et Justice (PiS) qui a été le plus fréquemment ciblé.
Pourquoi ?
Il s’agit simplement d’une mesure du nombre d’attaques. C’est probablement parce qu’il y a plusieurs forces en opposition, mais le PiS est le seul à en subir autant.
Ce qui est intéressant, c’est de voir qui attaque qui. Le PiS cible presque exclusivement la Plateforme Civique. Dans le discours du PiS, d’après les données que j’ai analysées, il y a eu très peu d’attaques contre les autres partis.
Quant aux conséquences plus larges d’une campagne négative, sa logique vise à décourager les électeurs d’un adversaire de voter pour lui. Mais pourquoi des soutiens d’un adversaire politique vous prendraient-ils simplement au mot ?
C’est vrai, surtout s’ils ne votent pas pour vous.
Naturellement, ils ont tendance à faire plus confiance à leur camp, donc toute attaque doit être extrêmement crédible. Idéalement, elle doit concerner une faute ou un échec sur un sujet que le parti considère comme essentiel.
Si le PiS échoue dans sa politique sociale ou ne tient pas ses promesses dans ce domaine, ce serait une bonne raison de l’attaquer et ce serait évidemment efficace.
Vous avez également mentionné l’effet boomerang. Cela survient lorsqu’un parti attaque un autre et est pénalisé pour sa rhétorique négative. Les gens n’aiment généralement pas l’agressivité en politique, même s’ils aiment regarder des émissions où les politiciens se disputent. Par conséquent, attaquer un adversaire peut être coûteux.
Cependant, on peut éviter cet effet boomerang en employant une tactique spécifique : ce sont les politiciens de second rang qui doivent mener la charge, pas les leaders. Un excellent exemple de cette stratégie est l’affaire bien connue concernant le grand-père qui était dans la Wehrmacht. Nous avons Lech Kaczyński qui menait une campagne positive…
Tandis que Jacek Kurski affirmait que Donald Tusk avait un grand-père dans la Wehrmacht, il l’a directement attaqué sans aucune allusion.
De plus, Jacek Kurski a déclaré que le grand-père de Donald Tusk avait rejoint la Wehrmacht de son plein gré, alors qu’en réalité il avait été conscrit de force. À cette époque, Kurski était un politicien de troisième rang et se décrivait lui-même comme le bulldog des frères Kaczyński. Son rôle principal était donc d’attaquer les autres. Il a été rapidement expulsé du parti et Lech Kaczyński a pris ses distances avec lui. Cependant, après les élections, Kurski a été réintégré. Ce n’était donc pas une simple coïncidence. Ces dernières années, Krystyna Pawłowicz a joué un rôle similaire au sein du PiS. Elle était très médiatisée sans être une figure majeure du parti.
L’approche de la campagne négative diffère selon que l’on opère dans un système bipartite ou multipartite. Aux États-Unis, par exemple, c’est clair : si lancer une attaque peut faire perdre quelque chose, il y a une forte chance que l’adversaire perde encore plus. Les électeurs de l’autre camp n’ont nulle part où aller : ils ne rejoindront pas l’autre camp, mais ce serait déjà un gain s’ils ne votaient pas.
Dans un système multipartite, comme en Europe, l’effet boomerang est beaucoup plus aléatoire : si le parti A attaque le parti B, les deux peuvent perdre, mais au profit du parti C. C’est pourquoi en Europe, il y a moins de campagnes négatives qu’aux États-Unis.
Cependant, en Pologne, nous observons un phénomène qui contredit cette logique. Jarosław Kaczyński ne cesse d’attaquer directement Donald Tusk au point que ce dernier fait maintenant campagne sur le fait de chasser Kaczyński le 15 octobre.
C’est une ligne accrocheuse.
Mais ils se renvoient constamment la balle.
C’est en effet une dimension atypique de la politique polonaise actuelle, une divergence par rapport aux modèles que nous connaissons d’autres pays. Il est difficile pour moi de l’expliquer, peut-être est-ce dû à la polarisation de la scène politique polonaise. Car, après tout, tant Donald Tusk que Jarosław Kaczyński sont des figures controversées. Dans leurs milieux respectifs, ils sont très appréciés, mais détestés par leurs adversaires. Ils ne craignent peut-être pas l’effet boomerang, sachant qu’ils ont derrière eux des partisans loyaux qui pourraient penser qu’il est permis à leurs leaders d’attaquer leurs adversaires, dans la mesure où ils le font pour une cause juste. D’ailleurs, en considérant que la Plateforme civique a construit son identité sur l’opposition au PiS, on doit se demander ce que peut faire un anti-PiS sinon critiquer le PiS.
Tusk le dit clairement : renverser ce gouvernement est primordial.
Récemment, on a réalisé qu’il fallait plus que cela. Donald Tusk a récemment promis d’augmenter le seuil d’exonération fiscale. Je trouve cette promesse particulièrement intéressante d’un point de vue stratégique, car le principal obstacle à la formation d’un gouvernement par l’opposition après les élections est un bon score de Confédération qui est la formation la plus libérale économiquement. Par conséquent, la clé de la victoire pour l’opposition démocratique est précisément d’affaiblir la Confédération.
Bien sûr, il serait bénéfique pour la Plateforme et pour toute l’opposition que le soutien au PiS diminue. Il semble que les électeurs mécontents du PiS ont tendance à se rallier à la Confédération plutôt qu’à l’opposition principale. Plutôt que de s’abstenir, ces électeurs restent donc actifs et impliqués dans le jeu politique. Si je devais imaginer une situation post-électorale où il serait impossible de former une coalition majoritaire sans Confédération, je pense que ce parti trouverait plus facilement un terrain d’entente avec le PiS qu’avec l’opposition actuelle. Même s’il s’agissait juste de tolérer un gouvernement minoritaire formé par la Plateforme civique, la Gauche et Troisième Voie.
Chaque camp nie vouloir entrer en coalition.
C’est une manœuvre curieuse. On pourrait dire que c’est l’inverse de ce qu’il s’est passé entre la Plateforme civique et le PiS en 2005. À l’époque, les partis assuraient qu’ils formeraient une coalition, mais finalement ne l’ont pas fait. La situation pourrait être complètement différente cette fois-ci. Mais le jeu se joue entre les dirigeants des partis.
Au niveau des leaders, il y a toujours une tendance plus prononcée à construire des coalitions, car cela offre la possibilité de former un gouvernement, d’avoir accès à des postes clés et de bénéficier de divers avantages associés au pouvoir. Cela inclut évidemment la capacité de mettre en œuvre au moins une partie de son propre programme. Ces avantages peuvent être à la fois cyniques et idéologiques. Quant aux militants de base, généralement plus idéologiques que leurs dirigeants, ils ressentent une satisfaction lorsque leur parti est aux commandes et applique son programme. Pourtant, par rapport aux élites du parti, ces mêmes militants ont moins de chances de récolter des avantages tangibles de la prise de pouvoir par leur parti.
Je pense par ailleurs que Confédération serait prête à renoncer à ses revendications libertariennes si elle entre au gouvernement.
C’est pourtant le cœur de leur identité.
Oui, mais on ne peut pas être en conflit perpétuel, cela paralyse. Il faut choisir une action commune dans les domaines sur lesquels ils s’accordent. Cela pourrait aboutir à un ministre de l’Éducation issu de Confédération. Si c’était le cas, nombreux seraient les militants de gauche à regretter l’actuel ministre, Przemysław Czarnek.
Les électeurs de l’opposition peuvent-ils être très déçus le 15 octobre ?
Je crois qu’il y a lieu d’être optimiste. Cependant, une déception est possible si les partis de l’opposition démocratique ne parviennent pas à décrocher la majorité. Même si, pour les besoins de notre analyse, nous avons imaginé leur victoire, la réalité reste toujours imprévisible.