À Robotyne, Kiev a percé la première ligne de défense russe

Depuis une dizaine de jours, le renseignement américain ainsi que plusieurs experts expriment de plus en plus publiquement leurs doutes et inquiétudes relatives aux objectifs atteignables par l’armée ukrainienne dans le cadre de sa contre-offensive¹. La semaine dernière, des responsables américains « et d’autres pays occidentaux » confiaient au New York Times qu’ils considéraient que l’Ukraine avait du mal à percer les défenses russes « en grande partie parce que trop de troupes, y compris certaines de ses meilleures unités de combat, se trouvent au mauvais endroit » (une critique rejetée par Volodymyr Zelensky)².

• En annonçant dans la matinée du lundi 28 août la « libération de Robotyne », un village de quelques centaines d’habitants situé dans l’oblast de Zaporijia, la vice-ministre de la Défense ukrainienne Hanna Maliar a fourni des signes permettant de nuancer ce tableau³.
• L’Institute for the Study of War estime « qu’une avancée dans la zone [de Robotyne] pourrait permettre aux forces ukrainiennes de commencer à opérer au-delà des champs de mines russes les plus denses »⁴.
• Le reste des combats dans l’oblast de Zaporijia se sont limités jusqu’alors aux premières lignes de défense russe. En capturant Robotyne, les forces ukrainiennes pourraient combattre dans des zones où les fortifications russes sont « moins difficiles à percer », selon un officier de l’armée ukrainienne⁵.

Comme le montre l’analyste Emil Kastehelmi dans un fil de publications sur X (Twitter) illustré par des images satellites récentes, la qualité des fortifications russes entre Robotyne et Tokmak — un centre logistique dont la capture rapprocherait Kiev de son objectif visant à atteindre la mer d’Azov pour couper en deux les troupes russes — est inégale. Si la route principale (T-0408) en direction de Tokmak semble être « lourdement fortifiée », la ligne de défense dans la zone de Verbove, à l’est de Robotyne, ne serait quant à elle pas finalisée⁶.

• Il est à ce stade difficile d’évaluer si l’armée ukrainienne dispose des moyens humains et matériels nécessaires pour continuer à avancer en direction de Berdiansk ou Melitopol.
• Les services de renseignement américains estiment que la guerre en Ukraine aurait provoqué la mort de 190 000 combattants (70 000 ukrainiens et 120 000 russes), tandis qu’entre 270 000 et 300 000 auraient été blessés en 18 mois de conflit⁷.
• Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a quant à lui confirmé la mort en Ukraine de 9 083 civils entre février 2022 et juin 2023, auxquels viennent s’ajouter 15 779 blessés (des chiffres toutefois certainement sous-estimés)⁸.

Selon des rapports de renseignement, la Russie serait en train de « redéployer des troupes d’élite de sa 76e division d’assaut aérien pour renforcer la zone », ce qui pourrait indiquer que Moscou cherche à tout prix à mettre fin à la percée ukrainienne à Robotyne, quitte à affaiblir son dispositif ailleurs sur le front⁹.