- Le 20 mai 2021 s’est tenue la 12ème réunion ministérielle du Conseil de l’Arctique à Reykjavik, en Islande. La réunion de 2021 qui clôturait la présidence islandaise était attendue par tous les analystes de la région pour deux raisons principales :
- Elle marque le début de la présidence tournante au profit de la Russie, pour la deuxième fois de l’histoire de ce forum créé en 1996.
- La question était de savoir si une déclaration commune allait être signée. À l’issue de la réunion ministérielle de Rovaniemi en mai 2019 clôturant la présidence finlandaise, et pour la première fois depuis la création du Conseil de l’Arctique, les ministres des Affaires étrangères avaient échoué à s’entendre sur une déclaration commune. Les États-Unis avaient alors refusé d’approuver un document faisant mention de la formule « changements climatiques » et avaient dénoncé les ambitions économiques chinoises et militaires russes dans la région.
- La réunion ministérielle du 20 mai 2021 montre la résilience de la coopération arctique. En effet, non seulement une déclaration contenant une dizaine de fois la mention « changements climatiques » a été signée, mais de plus, à l’occasion du 25e anniversaire du Conseil, les ministres ont adopté le tout premier plan stratégique du Conseil. Ce plan couvre la période 2021-2030 et développe la vision stratégique du Conseil pour améliorer le développement durable, la protection de l’environnement et la gouvernance de l’Arctique.
- La présidence islandaise fortement impactée par la pandémie de Covid-19 a été unanimement saluée avec l’adoption de nombreux rapports scientifiques, notamment celui de 2021 sur le changement climatique dans l’Arctique, dont le réchauffement est désormais trois fois plus rapide qu’ailleurs.
- Dans la continuité des objectifs portés par la présidence islandaise, la Russie entend poursuivre une politique pragmatique en Arctique où les États arctiques sont parvenus jusqu’à présent à préserver le dialogue et la coopération. Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a réitéré lors de cette réunion la volonté de la Russie de maintenir les efforts engagés au cours de ces deux dernières années en ce sens.
- La Fédération de Russie a présenté son programme pour sa présidence au Conseil de l’Arctique. Se plaçant dans la continuité des présidences islandaise et finlandaise, elle met en avant quatre priorités :
- la qualité de vie des communautés arctiques ;
- la protection contre les effets du changement climatique ;
- la coopération socio-économique entre les régions arctiques (afin de développer la construction d’infrastructures) ;
- garantir la stabilité du Conseil de l’Arctique et agir en faveur de son développement.
- En revanche, alors que l’une des priorités de la présidence islandaise du Conseil de l’Arctique était de renforcer le Conseil de l’Arctique en tant qu’institution de coopération, notamment par une meilleure collaboration avec les les Observateurs, aucun nouvel Observateur n’a été admis lors de cette réunion. Rappelons qu’il y a déjà 38 Observateurs (13 États non Arctiques, 13 organisation internationales et 12 ONG) et que cette année l’Estonie, la République Tchèque et l’Irlande ont officiellement déposé leur candidature, en plus de la Turquie (dont la candidature a été déposée en 2015) la Mongolie et la Grèce qui sont toujours en attente de validation.
- L’Union européenne s’était vue reconnaître en 2013 un statut d’observateur conditionné au règlement du différend canado-européen relatif à l’interdiction de la commercialisation des produits dérivés de la chasse au phoque. Cependant dans le contexte de la crise ukrainienne et des sanctions occidentales, la Russie s’est ensuite opposée à son octroi. Depuis, malgré le fort soutien des pays nordiques l’Union n’a toujours pas de statut d’Observateur au sein du Conseil de l’Arctique, et alors que la Russie prend la présidence du Conseil, cela restera ainsi pour au moins 4 ans encore.
- On peut cependant souligner la contradiction entre l’agenda russe au Conseil de l’Arctique tourné vers le développement durable et la lutte contre les effets du changement climatique et sa politique intérieure de développement de ses régions arctiques. L’exploitation minière et d’hydrocarbures guide toute la politique nationale de développement de la zone arctique russe, Son ambition de développer la route maritime du Nord reliant l’Europe à l’Asie plus rapidement que les autres passages existants relève d’une volonté de tirer profit de la fonte des glaces.
- Enfin, Serguei Lavrov a exprimé le souhait de voir la bonne coopération entre les États arctiques être étendue à la coopération militaire. Si les questions de sécurité sont exclues du mandat du Conseil de l’Arctique (Déclaration d’Ottawa de 1996), cela pourrait être une ouverture pour la reprise du dialogue annuel entre les chefs des forces armées des États arctiques, suspendu depuis 2014.