« Feu de feuilles », un inédit de Louise Glück
La prix Nobel de littérature Louise Glück vient de s'éteindre. Elle avait confié au Grand Continent la version française de ce poème — pour nous inviter à méditer sur l'embrasement.
- Auteur
- Louise Glück •
- Trad.
- Marie Olivier
Feu de feuilles
Le feu s’élance jusque dans le ciel clair,
ravi et furieux, comme un animal essayant de s’échapper,
de courir libre, comme la nature le voulait –
Lorsqu’il brûle comme ça,
les feuilles ne suffisent pas – il est
insatiable, vorace,
refusant d’être contenu, d’accepter toute limite –
Un tas de pierres l’encercle.
Au-delà des pierres, la terre est ratissée proprement, nue –
Finalement, les feuilles ont disparu, le combustible a disparu,
les dernières flammes s’élancent en haut et sur le côté –
Des cercles concentriques de pierres et de la terre grise
encerclent quelques étincelles ;
le fermier les piétine avec ses bottes.
Il est impensable que ça marche –
pas avec un tel feu, ces dernières étincelles
toujours là, résistantes, tenaces,
qui croient qu’elles gagneront tout à la fin
puisqu’il est évident qu’elles ne sont pas vaincues,
simplement latentes ou assoupies, quoique personne ne sait
si elles représentent la vie ou la mort.