« L’Europe est en lutte », l’état de l’Union d’Ursula von der Leyen : texte intégral
Après l’été de « l’humiliation », la présidente de la Commission européenne fait face à une défiance inédite révélée hier par notre sondage exclusif.
Dans un discours sur l’état de l’Union particulièrement attendu, elle a cherché à proposer un nouveau dispositif.
Sera-t-il suffisant pour répondre aux Européens ?
Nous publions son discours dans une version intégrale et le commentons ligne à ligne.
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- Le Grand Continent •
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- La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, prononce un discours sur l'état de l'Union devant le Parlement européen à Strasbourg, le mercredi 10 septembre 2025. © Pascal Bastien/AP/SIPA

Alternant entre prise de parole en anglais, en français puis en allemand, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prononcé aujourd’hui, mercredi 10 septembre, son cinquième discours sur l’état de l’Union, devant les députés européens réunis à Strasbourg.
C’était la première fois qu’elle prononçait ce discours — l’un des exercices les plus codifiés de la vie politique européenne — depuis sa réélection pour un deuxième mandat, en juillet 2024.
Celui-ci intervient par ailleurs dans un contexte politique tendu, après un été marqué par l’accord commercial conclu avec les États-Unis, annoncé en juillet sur le terrain de golf de Donald Trump à Turnberry, en Écosse.
Comme le montre notre dernier sondage, réalisé dans cinq pays représentant plus de 60 % de la population de l’Union, cette séquence a été suivie de près par les citoyens européens, plus de deux-tiers (71 %) déclarant avoir entendu parler de l’accord et « bien voir » de quoi il s’agit.
La président de la Commission a fait face à de nombreuses critiques quant à l’impact que pourrait avoir l’accord sur les consommateurs et les entreprises européennes. Elle s’en est défendue lors du discours, soulignant que la relation commerciale entre l’Union et les États-Unis représente plus de 500 milliards d’euros d’exportations chaque année, et soutient des millions d’emplois en Europe.
Ursula von der Leyen a également accordé une part importante de sa prise de parole à la politique européenne de soutien à l’Ukraine et appelé à un arrêt des combats à Gaza, tout en condamnant le nouveau projet de colonie israélien baptisé « E1 », approuvé le mois dernier. Celui-ci pourrait conduire à couper de facto en deux la Cisjordanie, et menacer à terme la création d’un État palestinien.
De nouveaux programmes et initiatives en matière de défense, de réseaux, d’infrastructures et d’énergie ont également été annoncés, ainsi qu’une prochaine initiative législative en matière de logement.
Madame la Présidente Metsola,
Mesdames et Messieurs les Députés,
L’Europe est en lutte. Une lutte pour l’intégrité d’un continent en paix. Pour une Europe libre et indépendante. Pour nos valeurs et nos démocraties. Une lutte pour notre liberté et pour notre capacité à décider de notre propre destin.
Ne vous y trompez pas, il y va de notre avenir. Je me suis longuement demandé si je devais commencer ce discours sur l’état de l’Union par un constat aussi sombre.
Car il est vrai que nous, Européens, ne sommes pas habitués à nous exprimer de cette façon, et que cela nous met mal à l’aise.
Car notre Union est fondamentalement un projet de paix. Mais le fait est que le monde d’aujourd’hui ne pardonne rien à personne. Et nous ne pouvons pas faire abstraction des difficultés que les Européens rencontrent au quotidien.
Ils sentent la terre trembler sous leurs pieds. Ils s’aperçoivent que plus ils travaillent, et plus leur vie est difficile. Ils ressentent les effets de la crise qui sévit dans le monde entier. Ils souffrent du coût de la vie qui augmente. Ils subissent le rythme effréné des changements dans leur vie et dans leur carrière.
Et ils s’inquiètent de la spirale ininterrompue d’événements qui leur sont présentés dans les médias, des scènes dévastatrices de guerre à Gaza aux bombardements incessants de la Russie sur l’Ukraine.
Il est tout simplement impossible d’attendre tranquillement que la tempête passe. Nous avons bien vu cet été que la nostalgie n’est plus de mise. Les lignes de front d’un nouvel ordre mondial basé sur la force se dessinent en ce moment même. Donc, oui, l’Europe doit se battre.
Elle doit défendre sa place dans un monde où nombre de grandes puissances adoptent une attitude ambiguë à l’égard de l’Europe, lorsqu’elles ne lui sont pas ouvertement hostiles.
C’est un monde où règnent les ambitions et les guerres impérialistes. C’est un monde dans lequel les dépendances sont instrumentalisées sans pitié. C’est pour toutes ces raisons qu’une nouvelle Europe doit émerger.
Ursula von der Leyen dresse un état des lieux qui sonne comme un aveu d’échec pour le projet européen. Celui-ci reposait sur la croyance en une capacité d’entraînement de l’Europe vis-à-vis du reste du monde : la pacification de l’Europe était censée offrir un modèle enviable et enclencher une dynamique de pacification globale.
Cet espoir est aujourd’hui démenti par les faits. La présidente de la Commission européenne ne peut que constater que les rapports de force demeurent au cœur des relations internationales.
Les Européens se voient donc contraints à parler le langage de la puissance qu’ils avaient espéré répudier. Il leur faut s’adapter à la réalité d’un monde qu’ils ne sont pas parvenus à façonner à leur image et qui demeure « impitoyable ».
Mesdames et Messieurs les Députés,
L’Europe doit prendre son indépendance. Je suis convaincue que c’est la mission de notre Union. Elle doit prendre elle-même en charge sa défense et sa sécurité. Elle doit maîtriser les technologies et les énergies qui nourriront nos économies.
Le plaidoyer d’Ursula von der Leyen en faveur d’une « indépendance de l’Europe » fait directement écho à l’humiliante mise en scène de la dépendance européenne aux États-Unis à laquelle la signature du traité commercial inégal entre l’Union européenne et les États-Unis a donné lieu à la fin du mois de juillet. Un épisode qui a pu être qualifié de « jour de la Dépendance » pour l’Europe.
Alors que la dernière vague de notre sondage Eurobazooka témoigne de la forte dégradation de l’image de la présidente de la Commission consécutive à cet épisode, Ursula von der Leyen cherche à dissiper l’image de faiblesse qui lui est désormais accolée.
Nous devons décider dans quelle société et dans quelle démocratie nous voulons vivre. La mission de l’Europe est de s’ouvrir sur le monde et de choisir quels partenariats elle souhaite nouer avec ses alliés, anciens et nouveaux.
Enfin, l’Union européenne doit disposer de la liberté nécessaire et du pouvoir de choisir son propre destin. Et nous savons que nous en sommes capables.
Parce qu’ensemble, nous avons montré ce qu’il est possible d’accomplir lorsque nous partageons la même ambition, la même unité et le même sentiment d’urgence.
J’ai entendu un nombre incalculable de fois que l’Europe était incapable de faire ceci ou de faire cela.
Pendant la pandémie. Ou concernant le plan de relance. La défense. Le soutien à l’Ukraine. La sécurité énergétique.
Et la liste est encore longue.
À chaque fois, l’Europe s’en est tirée en restant unie. C’est ce que nous devons faire, encore une fois.
Après un début de discours pessimiste destiné à insister sur la gravité du moment que traversent les Européens, Ursula von der Leyen rappelle les réussites passées de la communauté européenne pour insuffler une dynamique optimiste à son auditoire et le convaincre que les Européens ont les moyens de faire face aux défis auxquels ils sont confrontés.
Ainsi, Mesdames et Messieurs les Députés, la question est simple.
L’Europe aura-t-elle le courage de se battre ? Est-elle suffisamment unie pour cela ? Le sentiment d’urgence est-il suffisamment grand ? Disposons-nous de la volonté et des compétences politiques nécessaires pour parvenir à un compromis ?
Ou allons-nous simplement nous battre entre nous ? Nous laisserons-nous paralyser par nos divisions ?
C’est à cette question que chacun d’entre nous doit répondre, chaque État membre, chaque député, et chaque commissaire.
Chacun d’entre nous. Le choix, pour moi, est très clair. C’est pourquoi mon discours d’aujourd’hui parle d’unité. D’unité entre les États membres. Entre les institutions de l’UE. Et entre les forces démocratiques pro-européennes de cette assemblée.
Je suis ici aujourd’hui, et le collège entier avec moi, prête à rendre cela possible avec vous. Nous sommes prêts à renforcer la majorité démocratique pro-européenne. Car c’est la seule qui puisse répondre aux attentes des Européens.
Ursula von der Leyen livre un plaidoyer en faveur de l’unité européenne qu’elle estime plus nécessaire que jamais. Elle insiste sur le fait que les nombreuses adversités auxquelles les Européens sont confrontés à l’extérieur du continent devraient les inciter à faire preuve de plus d’unité à l’intérieur. Face à l’« urgence » du moment, elle plaide pour mettre de côté les désaccords intra-européens pour présenter au monde un front uni.
Mesdames et Messieurs les Députés,
C’est pour l’indépendance et la liberté que se bat aujourd’hui le peuple d’Ukraine. Le peuple auquel appartiennent Sacha et sa grand-mère. Sacha avait seulement 11 ans lorsque les Russes ont attaqué.
Lui et sa mère se sont réfugiés dans une cave, dans leur ville de Marioupol. Un matin, ils sont sortis pour chercher à manger. C’est là que les feux de l’enfer se sont déchaînés. Ils ont été pris sous une averse de bombes russes, de même que leurs voisins, des civils comme eux.
Tout est devenu sombre, et Sacha a senti son visage le brûler. Il avait reçu un éclat d’obus juste sous l’œil. En quelques jours, les soldats russes ont envahi la ville.
Ils ont conduit Sacha et sa mère dans ce qu’ils appellent un camp de filtration. Puis Sacha a été emmené. On lui a dit qu’il n’avait pas besoin de sa mère. Qu’il allait partir en Russie et qu’il aurait une mère russe.
Un passeport russe. Un nom russe. Sacha a été envoyé dans la ville occupée de Donetsk. Mais il ne s’est pas laissé abattre.
Au cours d’une halte, alors qu’ils étaient en route, il a demandé à un inconnu de lui prêter son téléphone. Il a appelé sa grand-mère Lioudmila, qui vivait en zone libre, en Ukraine. « Babouchka, ramène-moi à la maison ! »
Sa grand-mère n’hésita pas une seconde. Ses amis lui ont dit que c’était une folie. Mais Lioudmila a déplacé des montagnes pour le retrouver. Avec l’aide du gouvernement ukrainien, elle a traversé la Pologne, la Lituanie, la Lettonie, la Russie, puis elle est arrivée en Ukraine occupée.
Elle a récupéré Sacha. Et en reprenant le même long chemin, elle l’a ramené en sécurité. Mais leurs cœurs restent brisés. Ils se battent chaque jour pour retrouver la mère de Sacha, coincée quelque part par la guerre brutale menée par la Russie.
J’aimerais remercier Sacha et Lioudmila pour m’avoir permis de partager leur histoire. Je suis émue qu’ils soient ici avec nous aujourd’hui.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je vous invite à vous joindre à moi pour rendre hommage à Sacha, à Lioudmila, et à la lutte acharnée que mène l’Ukraine pour sa liberté. Malheureusement, Sacha est loin d’être un cas unique.
Il y a des dizaines de milliers d’autres enfants ukrainiens dont le sort reste incertain. Ils sont piégés. Menacés. Ils doivent renoncer à leur identité. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir les enfants d’Ukraine.
C’est pourquoi je peux vous annoncer que je vais organiser, aux côtés de l’Ukraine et d’autres partenaires, un sommet de la coalition internationale pour le retour des enfants ukrainiens.
Tous les enfants ukrainiens enlevés doivent être rendus !
Mesdames et Messieurs les Députés,
Il faut que cette guerre se termine par une paix juste et durable pour l’Ukraine. Parce que la liberté de l’Ukraine est la liberté de l’Europe. Les scènes auxquelles on a assisté en Alaska étaient difficilement acceptables.
Mais à peine quelques jours plus tard, les dirigeants européens se sont rendus à Washington pour soutenir le président Zelensky et obtenir des engagements. De réels progrès ont été accomplis depuis lors.
La semaine dernière, 26 pays de la coalition des volontaires se sont déclarés prêts à participer à une force de réassurance en Ukraine ou à contribuer financièrement — dans le contexte d’un cessez-le-feu.
Nous continuerons à soutenir tous les efforts diplomatiques visant à mettre un terme à cette guerre. Mais nous avons tous été témoins de ce que la Russie entend par « diplomatie ». Poutine refuse de rencontrer le président Zelensky.
La semaine dernière, la Russie a lancé le plus grand nombre de drones et de missiles balistiques jamais employés dans une seule attaque.
Hier, un village de la région de Donetsk a subi une attaque de missiles ciblant des personnes qui faisaient la queue pour toucher leur retraite. Plus de vingt d’entre elles ont été tuées.
Et aujourd’hui même, nous avons assisté à une violation imprudente et sans précédent de l’espace aérien polonais et européen par plus de dix drones russes. L’Europe se tient pleinement solidaire aux côtés de la Pologne.
Le message de Poutine est clair. Et notre réponse doit l’être tout autant. Nous devons faire davantage pression sur la Russie pour l’amener à la table des négociations.
Nous devons alourdir les sanctions. Nous travaillons actuellement à l’élaboration du 19e paquet de sanctions, en coordination avec nos partenaires.
Ce paquet pourrait être présenté dès cette semaine. Contrairement au paquet précédent, l’Union élabore ici des mesures en collaboration avec les États-Unis. L’administration Trump s’est abstenue d’imposer des sanctions directes à l’encontre de la Russie, ciblant plutôt les acheteurs d’énergie russe, comme l’Inde, soumise depuis le 27 août à des tarifs américains supplémentaires de 25 % – portant ainsi le total à 50 %.
Washington a menacé d’imposer des tarifs pouvant aller jusqu’à 100 % sur l’Inde, poussant les Européens à faire de même. Jusqu’à présent, l’Union s’est abstenue de cibler New Delhi, considéré comme un partenaire avec lequel un accord commercial pourrait être conclu d’ici la fin de l’année.
En ce qui concerne la Chine, l’Union considère que, même si le contournement des sanctions n’est pas officiellement orchestré par le gouvernement chinois, les entreprises basées en Chine et à Hong Kong sont responsables de 80 % de l’envoi de composants occidentaux utilisés par la Russie pour fabriquer des drones, des missiles et des obus.
Des mesures ont été prises à l’encontre de deux banques chinoises dans le cadre du 18e paquet de sanctions, et d’autres pourraient suivre dans le prochain.
Nous étudions notamment les moyens d’éliminer plus rapidement les importations de combustibles fossiles, la question de la flotte fantôme et celle des pays tiers.
Ursula von der Leyen réaffirme sa détermination à maintenir et accroître le soutien des Européens à l’Ukraine afin de placer ses dirigeants dans les meilleures dispositions possibles en vue d’éventuelles négociations de paix avec Moscou. Toutefois, la multiplication des plans d’aide à l’effort de guerre ukrainien et des trains de sanctions contre Moscou témoigne de leur efficacité toute relative.
Parallèlement, l’Ukraine a besoin d’un soutien accru. Aucun contributeur n’a fait autant que l’Europe. À ce jour, notre aide militaire et financière atteint près de 170 milliards d’euros.
Mais il en faudra davantage.
Et les contribuables européens ne doivent pas être les seuls à porter cet effort. Cette guerre est celle de la Russie. C’est donc à la Russie de payer. C’est pourquoi il nous faut travailler d’urgence à une nouvelle solution pour financer l’effort de guerre de l’Ukraine à partir des avoirs russes gelés.
L’Union s’est abstenue de confisquer les avoirs russes gelés détenus par Euroclear, une institution basée en Belgique. Les autorités belges sont également réticentes, tout comme la Banque centrale européenne, notamment au motif que cette mesure pourrait être contestée juridiquement.
À l’heure actuelle, seuls les revenus d’intérêts de ces avoirs russes gelés sont utilisés pour aider financièrement l’Ukraine. Ici, la présidente de la Commission plaide en faveur d’un mécanisme qui aille plus loin.
Grâce aux soldes de trésorerie associés à ces actifs russes, nous pouvons accorder à l’Ukraine un prêt de réparation. On ne touchera pas aux actifs eux-mêmes. Et le risque devra être supporté collectivement.
L’Ukraine ne remboursera le prêt qu’une fois que la Russie aura payé les dommages de guerre. Ces fonds soutiendront l’Ukraine dès aujourd’hui.
Mais ils seront aussi déterminants à moyen et à long terme pour assurer la sécurité de l’Ukraine. Par exemple en finançant des forces armées ukrainiennes puissantes, qui constituent le premier niveau des garanties de sécurité.
Nous allons proposer un nouveau programme, que nous appelons « Avantage militaire qualitatif ».
Il soutiendra les investissements dans les capacités des forces armées ukrainiennes. Prenons l’exemple des drones. Avant la guerre, l’Ukraine n’en avait pas.
Aujourd’hui, c’est l’emploi qu’elle fait des drones qui cause plus des deux tiers des pertes d’équipements russes. Ce n’est pas seulement un avantage sur le champ de bataille.
C’est un rappel du pouvoir de l’ingéniosité humaine dans nos sociétés ouvertes. Cependant, la Russie rattrape rapidement son retard, grâce aux drones Shahed de conception iranienne.
Et elle profite de l’avantage d’une production industrielle de masse. Rien que pendant la nuit de samedi, la Russie a envoyé 800 drones vers l’Ukraine. L’ingéniosité de l’Ukraine a ouvert une une porte pour sa défense. Mais de l’autre côté, la force industrielle brute menace de refermer cette porte.
Nous pouvons mettre notre puissance industrielle au service de l’Ukraine pour contrer cette guerre des drones. Nous pouvons contribuer à transformer l’ingéniosité ukrainienne en avantage sur le champ de bataille — et en industrialisation commune.
C’est la raison pour laquelle je peux également annoncer que l’Europe va accélérer le versement de 6 milliards d’euros des prêts ERA et conclure une « alliance des drones » avec l’Ukraine.
L’Ukraine a déjà l’ingéniosité. Ce dont elle a besoin à présent, c’est d’une production à grande échelle. Ensemble, nous pouvons la fournir : pour que l’Ukraine conserve son avantage, et pour que l’Europe renforce le sien.
Mesdames et Messieurs les Députés,
L’économie de guerre de Poutine continuera même si la guerre cesse. Cela signifie que l’Europe doit être prête à assumer la responsabilité de sa propre sécurité. Bien sûr, l’OTAN restera toujours essentielle.
Mais seule une posture de défense européenne forte et crédible peut garantir notre sécurité. Et nous avons accompli des progrès historiques ces dernières années pour bâtir notre Union européenne de la défense.
Tout en réaffirmant l’attachement des Européens à l’OTAN, Ursula von der Leyen acte l’affaiblissement de la solidarité transatlantique provoquée par les décisions et déclarations hostiles du président Trump. Elle plaide donc en faveur du développement d’une défense européenne autonome qui permettrait aux Européens d’assurer seuls la défense de l’Europe et ainsi de pallier une éventuelle défection américaine.
Au début de cette année, nous avons lancé le plan « Préparation à l’horizon 2030 » qui pourrait mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros d’investissements dans le domaine de la défense.
Cela inclut le programme SAFE, désormais prêt à fournir 150 milliards d’euros pour des achats communs. Dix-neuf États membres ont déjà soumis une demande. Le programme est complètement souscrit. C’est une bonne nouvelle.
Nous travaillons aussi à accorder une prime à ceux qui soutiennent l’Ukraine ou achètent du matériel ukrainien. C’est une aide financière d’urgence face à un besoin urgent.
La semaine dernière, j’ai pu le constater de mes propres yeux en visitant les États membres en première ligne. Ce sont eux qui connaissent le mieux la menace russe. Et sans aucun doute : le flanc oriental de l’Europe protège toute l’Europe.
De la mer Baltique à la mer Noire. C’est pourquoi nous devons investir pour le soutenir avec un Eastern Flank Watch. Cela signifie doter l’Europe de moyens stratégiques indépendants.
Nous devons investir dans la surveillance spatiale en temps réel afin qu’aucun mouvement de forces ne passe inaperçu. Nous devons répondre à l’appel de nos amis baltes et bâtir ce mur de drones. Ce n’est pas une ambition abstraite. C’est le fondement d’une défense crédible.
Une capacité européenne développée, déployée et entretenue conjointement, réactive en temps réel, sans aucune ambiguïté sur nos intentions. L’Europe défendra chaque centimètre carré de son territoire.
Dans tous les pays que j’ai visités, j’ai entendu le même message : il n’y a pas de temps à perdre. Donc lors du prochain Conseil européen, nous présenterons une feuille de route claire. Pour lancer de nouveaux projets communs en matière de défense. Fixer des objectifs précis pour 2030. Et créer un Semestre européen de la défense. 2030, c’est demain.
Et c’est aujourd’hui que l’Europe doit se préparer.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Parler d’indépendance, c’est parler des choix à faire pour notre destin. C’est pour ces choix que l’Ukraine se bat. Et c’est ce que tous les Européens méritent. Parce que l’Europe, c’est une idée — l’idée de liberté et de force mutuelle.
C’est l’idée qui a porté la génération de l’après-1989. Quand l’Est et l’Ouest se sont réunis. Et elle est aussi puissante aujourd’hui qu’elle l’était à l’époque. C’est pour cela que nous rapprochons de notre Union les futurs États membres.
En investissant. En soutenant les réformes. En assurant l’intégration dans le marché unique. Nous devons maintenir le rythme dans ce processus fondé sur le mérite. Parce que seule une Europe unie — et une Europe réunie — peut être une Europe indépendante.
Une Union plus vaste et plus forte est une garantie de sécurité pour nous tous. Et parce que pour l’Ukraine, pour la Moldavie et pour les Balkans occidentaux, l’avenir est au sein de notre Union. Faisons de la prochaine réunification de l’Europe une réalité !
Ursula von der Leyen apporte son soutien au processus d’adhésion de l’Ukraine, de la Moldavie et des États des Balkans occidentaux à l’Union européenne. Un élargissement qu’elle assimile à une nouvelle « réunification » du continent qui serait bénéfique tant aux pays concernés qu’à l’ensemble de l’Union, qui se trouverait renforcée par l’intégration de nouveaux membres venant accroître ses forces et son indépendance.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Ce qui se passe à Gaza a ébranlé la conscience du monde. Des personnes qui sont tuées alors qu’elles quémandent de quoi manger. Des mères qui portent dans leurs bras des bébés sans vie.
Ces images sont tout simplement catastrophiques. Je veux donc commencer par un message très clair : la famine causée par l’homme ne peut jamais servir d’arme de guerre. Pour le bien des enfants, pour le bien de l’humanité — il faut que cela cesse.
Cela s’inscrit également dans le cadre d’un glissement plus systématique qui s’opère ces derniers mois et qui est tout simplement inacceptable. Nous avons vu comment l’Autorité palestinienne a été financièrement étouffée. Les projets de colonisation dans la zone dite « E1 », par lesquels la Cisjordanie occupée serait pour ainsi dire coupée de Jérusalem-Est.
Les actes et les déclarations des ministres les plus extrémistes du gouvernement israélien qui incitent à la violence. Tout cela témoigne d’une tentative claire de saper la solution à deux États. De saper la vision d’un État palestinien viable, et nous ne devons pas laisser une chose pareille se produire.
Von der Leyen soutient les efforts déployés par les États membres, dont récemment la France, pour reconnaître l’État palestinien et la solution à deux États. Une conférence sur ce sujet, co-organisée par les autorités françaises et saoudiennes, se tiendra à la fin du mois à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies. Les États-Unis s’opposent à ces efforts.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Il m’est véritablement douloureux de prononcer ces mots. Et je sais qu’il est tout aussi douloureux pour beaucoup de citoyens de voir l’Europe incapable de se mettre d’accord sur une trajectoire commune.
Nos citoyens se demandent jusqu’à quel point la situation doit empirer avant qu’une réponse unie soit apportée. Et je le comprends. Parce que ce qui se passe à Gaza est inacceptable.
Et parce que l’Europe doit montrer la voie — comme elle l’a fait auparavant. Notre soutien financier et notre aide humanitaire dépassent de loin ceux de tout autre partenaire.
Notre engagement en faveur d’une Autorité palestinienne viable préserve la viabilité d’une solution à deux États. Et nous devons exhorter d’autres partenaires à intensifier également leur soutien de toute urgence, dans la région et au-delà.
Néanmoins, certes, l’Europe doit faire davantage. De nombreux États membres ont pris les devants isolément. De notre côté, nous avons proposé de suspendre une partie de notre financement Horizon.
Mais notre proposition est bloquée faute de majorité. Nous devons résoudre ce problème. Nous ne pouvons pas nous permettre de rester dans l’impasse.
C’est la raison pour laquelle je proposerai un train de mesures visant à tracer une voie à suivre.
Premièrement, la Commission fera tout ce qui est en son propre pouvoir. Nous suspendrons notre soutien bilatéral à Israël. Nous cesserons tous les paiements dans ces domaines, sans compromettre notre travail avec la société civile israélienne ou avec Yad Vashem.
Deuxièmement, nous soumettrons deux autres propositions au Conseil. Nous proposerons des sanctions à l’encontre des ministres extrémistes et des colons violents. Nous proposerons également une suspension partielle de l’accord d’association sur les questions liées au commerce.
Je suis consciente qu’il sera difficile de recueillir des majorités. Et je sais que pour certains, ce sera trop, et pour d’autres, pas assez. Mais nous devons tous assumer nos propres responsabilités — Parlement, Conseil et Commission.
Troisièmement, le mois prochain, nous mettrons en place un groupe des donateurs pour la Palestine — y compris un instrument spécifique pour la reconstruction de Gaza. Il s’agira d’un effort international mené avec des partenaires régionaux. Il s’appuiera sur la dynamique de la conférence de New York organisée par la France et l’Arabie saoudite.
Au lendemain de la frappe ayant visé des négociateurs du Hamas en territoire qatari et alors que la situation humanitaire à Gaza ne cesse de s’aggraver, Ursula von der Leyen durcit le ton à l’égard d’Israël, promettant de nouvelles sanctions européennes. Elle se montre toutefois réaliste quant à la difficulté à les mettre en œuvre compte tenu de la division des États membres sur le sujet.
L’incapacité des Européens à parler d’une seule et même voix à propos de la situation à Gaza les empêche de peser sur le cours des choses. Elle offre au reste du monde l’image peu glorieuse d’une Union européenne rendue inaudible par ses divisions internes. Une situation d’autant moins acceptable qu’elle est la principale pourvoyeuse d’aide humanitaire à destination des Palestiniens.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je suis une amie de longue date du peuple israélien. Je sais combien les attaques atroces perpétrées le 7 octobre par des terroristes du Hamas ont ébranlé la nation jusque dans ses fondements.
Cela fait maintenant plus de 700 jours que les personnes prises en otage le 7 octobre sont détenues par des terroristes du Hamas. Soit 700 jours de douleur et de souffrance. Jamais il ne pourra y avoir de place pour le Hamas — ni aujourd’hui ni à l’avenir.
Parce que ce sont des terroristes qui veulent détruire Israël. Et ils terrorisent également leur propre peuple. Dont ils font leur prochain otage.
L’objectif de l’Europe a toujours été le même. Une véritable sécurité pour Israël et un présent et un avenir sûrs pour tous les Palestiniens. Cela signifie que les otages doivent être libérés.
Qu’il faut que l’ensemble de l’aide humanitaire bénéficie d’un accès illimité. Et qu’il faut qu’un cessez-le-feu immédiat soit observé. Mais, à plus long terme, le seul plan de paix réaliste est un plan fondé sur deux États. Une cohabitation dans la paix et la sécurité.
Dans laquelle sont garantis la sécurité d’Israël, la viabilité de ‘l’Autorité palestinienne et l’éradication du fléau du Hamas. C’est ce que l’Europe a toujours défendu. Et il est temps d’unir nos forces pour en faire une réalité.
Mesdames et Messieurs les Députés,
L’indépendance de l’Europe dépendra de sa capacité à affronter la concurrence en ces temps troublés. Nous avons tout ce qu’il faut pour prospérer ici, en Europe — de notre marché unique à notre économie sociale de marché.
Mais nous savons que de fortes turbulences économiques et géopolitiques se font sentir. Et nous avons vu qu’il était possible que nos dépendances soient utilisées contre nous. C’est pourquoi nous investirons massivement dans le numérique et les technologies propres.
Cela passera par notre futur Fonds pour la compétitivité et par le doublement du budget alloué à notre programme Horizon Europe pour la recherche et l’innovation.
Nous nous attaquons aux principaux obstacles recensés dans le rapport Draghi — de l’énergie aux capitaux, des investissements à la simplification.
Rendu public en septembre 2024, le rapport de l’ancien président de la Banque centrale européenne Mario Draghi propose une série de réformes destinées à accroître la compétitivité de l’Union européenne. Il plaide notamment pour que l’Union européenne réalise 800 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an, soit l’équivalent de 5 % de son PIB.
Nous avons mené des dialogues stratégiques avec des représentants de secteurs essentiels : de l’automobile aux produits chimiques, de l’acier aux produits pharmaceutiques, de la défense à l’agriculture.
Dans chaque secteur, le message est le même. Pour protéger les emplois, nous devons faciliter la vie des entreprises en Europe. Les trains de mesures « omnibus » pour la simplification que nous avons présentés vont faire une vraie différence.
Moins de formalités administratives, moins de chevauchements et moins de règles complexes. Nos propositions permettront de réduire de 8 milliards d’euros par an les coûts administratifs supportés par les entreprises européennes.
L’euro numérique, par exemple, facilitera la vie des entreprises comme des consommateurs. Et d’autres trains de mesures similaires sont en cours de préparation, notamment dans les domaines de la mobilité militaire ou du numérique.
Pour les entreprises innovantes, nous préparons le « 28e régime » et nous accélérons nos travaux relatifs à l’union européenne de l’épargne et des investissements.
Car nous regorgeons de start-up à fort potentiel travaillant sur des technologies clés telles que l’informatique quantique, l’intelligence artificielle ou les biotechnologies.
Face aux défis de l’innovation et à la nécessité pour l’Union européenne de coordonner un effort d’économies d’échelle, la fragmentation des droits nationaux est perçue comme un frein à la compétitivité du continent. Pour y répondre, la création d’un régime juridique commun, celui d’un « 28e État » fictif de l’Union, est préconisée par nombre d’experts.
Lorsque ces start-up se développent, elles se retrouvent obligées de se tourner vers des investisseurs étrangers en raison de la disponibilité limitée de capital-risque. Cela représente une perte de richesse et d’emplois pour l’Europe. Et une menace pour notre souveraineté technologique.
C’est pourquoi la Commission s’alliera aux investisseurs privés pour mettre en place un Fonds « Scale-up Europe » doté de plusieurs milliards d’euros.
Cela permettra de favoriser les investissements importants en faveur des jeunes entreprises à croissance rapide dans les domaines technologiques critiques. Car nous voulons que les meilleurs en Europe choisissent l’Europe.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Notre plus grand atout est le marché unique, mais celui-ci reste inachevé. Le FMI estime que les barrières qui subsistent au sein même du marché unique sont équivalentes à des droits de douane de 45 % sur les marchandises. Et de 110 % sur les services.
Je vous laisse faire le compte de ce que nous perdons. En outre, comme souligné dans le rapport Letta, le marché unique reste incomplet, en particulier dans trois domaines : la finance, l’énergie et les télécommunications.
Nous devons nous fixer des délais politiques clairs. C’est pourquoi nous présenterons une feuille de route pour le marché unique à l’horizon 2028. Elle concernera les capitaux, les services, l’énergie, les télécommunications, le 28e régime et la cinquième liberté en matière de connaissance et d’innovation. On ne mène à bien que ce que l’on mesure.
Rendu public en avril 2024, le rapport de l’ancien président du Conseil italien Enrico Letta sur l’avenir du marché unique européen propose des mesures destinées à accélérer l’union des marchés de capitaux et éviter le décrochage de l’économie européenne.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Ces initiatives favoriseront également nos investissements dans des technologies appelées à jouer un rôle majeur dans notre économie. Une économie propre et numérique. Prenons l’intelligence artificielle.
Une IA européenne est essentielle à notre indépendance future. Elle contribuera à faire tourner nos industries et nos sociétés. Des soins de santé à la défense. Nous concentrerons donc nos efforts sur les premiers grands éléments constitutifs — de l’acte législatif sur le développement de l’informatique en nuage et de l’IA à l’initiative « Quantum Sandbox ».
Nous investissons massivement dans les gigafabriques d’IA européennes. Celles-ci aident nos start-up innovantes à mettre au point, entraîner et déployer leurs propres modèles d’IA de nouvelle génération. Lorsque nous avons demandé au secteur privé d’unir ses forces aux nôtres, la réponse a été très enthousiaste.
Je vais d’ailleurs rencontrer tout à l’heure les PDG d’entreprises figurant parmi les plus grands champions technologiques européens. Ils me remettront leur déclaration relative à l’IA et aux technologies européennes, signe de leur volonté d’investir dans la souveraineté technologique de l’Europe.
Nous devons adopter la même approche à l’égard des technologies propres — de l’acier aux batteries. Le secteur européen des technologies propres doit rester en Europe — et pour cela, nous devons agir de toute urgence.
Grâce au pacte pour une industrie propre, nous avons repéré les principaux obstacles qui ralentissent ces secteurs. Nous devons à présent accélérer la mise en œuvre.
Car les investisseurs veulent être sûrs que s’ils investissent, la demande de produits propres européens sera au rendez-vous. C’est pourquoi nous devons placer les marchés pilotes au cœur de notre action.
Pour enclencher un cercle vertueux, dans lequel l’offre et la demande augmentent à mesure que les prix diminuent. Du côté de l’offre, nous lancerons un train de mesures intitulé « Battery Booster ». Il permettra de mobiliser 1,8 milliard d’euros de fonds propres pour stimuler la production en Europe.
Les batteries jouent un rôle moteur pour d’autres technologies propres, en particulier les véhicules électriques. Voilà donc des éléments essentiels pour notre indépendance.
De l’autre côté, nous devons stimuler d’urgence la demande en vue de renforcer la primauté industrielle européenne dans le domaine des technologies propres. Pour cela, nous allons introduire un critère « made in Europe » dans les procédures de passation de marchés publics.
De plus, lorsque nous investissons dans la stratégie « Global Gateway », par exemple, nous envoyons des signaux forts incitant nos partenaires à acheter européen. L’avenir des technologies propres continuera à se jouer en Europe, j’en suis convaincue. Mais pour cela, nous devons également veiller à ce que notre industrie dispose des matériaux dont elle a besoin ici, en Europe.
Pour ce faire, la seule solution est de créer une économie véritablement circulaire. Nous devons donc avancer plus vite sur l’acte législatif sur l’économie circulaire. Et aller de l’avant dans les secteurs qui sont déjà prêts. Enfin, nous ne devons pas perdre de la vitesse.
La Commission proposera donc un acte législatif pour l’accélération de l’activité industrielle en faveur des secteurs et technologies clés.
En bref, lorsqu’il s’agit du numérique et des technologies propres, il nous faut être plus rapides, plus intelligents et plus européens.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Aujourd’hui déjà, les sources à faibles émissions de carbone représentent plus de 70 % de notre électricité. Nous sommes des leaders mondiaux dans le domaine des brevets sur les technologies propres — devant les États-Unis, et au coude à coude avec la Chine.
Nous rattrapons notre retard par rapport aux États-Unis dans le domaine du capital-risque pour les technologies propres, et nous sommes loin devant la Chine. Nous sommes sur la bonne voie pour atteindre notre objectif de réduction des émissions d’au moins 55 % d’ici à 2030. C’est là le pouvoir du pacte vert pour l’Europe.
Cette enquête est la troisième vague d’un sondage d’un type nouveau, opéré par Cluster 17 dans une dizaine de pays et avec des milliers de points de données, particulièrement complexe à mettre en œuvre, pour mesurer l’opinion publique européenne.
Et nous devons maintenir le cap sur nos objectifs climatiques et environnementaux. Les données scientifiques parlent d’elles-mêmes. Et les arguments sur le plan économique et en matière de sécurité sont tout aussi convaincants.
En fait, cette transformation est au cœur des efforts que nous déployons pour notre indépendance. Parce qu’elle réduit notre dépendance énergétique. Parce que la production circulaire limite nos dépendances stratégiques.
Et parce qu’elle crée des industries pionnières qui peuvent exporter leurs solutions. Lorsque je m’entretiens avec les pays du Sud global, de l’Afrique à l’Inde en passant par l’Asie centrale, je constate qu’ils cherchent des solutions.
Leurs marchés évoluent rapidement et nul ne sait encore qui tirera son épingle du jeu. Nous sommes ceux et celles qui peuvent répondre à cette demande croissante de solutions. Mais rien n’est acquis.
C’est la raison pour laquelle la Commission a proposé les objectifs pour 2040 — dix ans après l’accord de Paris. Je sais que de nombreux citoyens s’inquiètent de l’ampleur de la tâche qui nous attend. C’est pourquoi la transition doit soutenir les citoyens et renforcer l’industrie.
Pour ce faire, nous devons stimuler massivement nos investissements publics et privés. Créer des marchés pilotes pour des produits circulaires et propres afin de créer des emplois et des investissements en Europe. Assurer une transition juste pour tous — par exemple au moyen du Fonds social pour le climat.
Garantir des conditions de concurrence équitables au niveau mondial, notamment en promouvant la tarification du carbone.
Ursula von der Leyen réaffirme son attachement au Green Deal, qu’elle a annoncé en décembre 2019 et qui a pour objectif de mener l’Union européenne à la neutralité carbone en 2050.
Elle refuse de céder aux voix qui, jusque dans son propre camp, appellent à réduire les ambitions en la matière par crainte des conséquences économiques, politiques et sociales des politiques environnementales. Elle affirme toutefois entendre et tenir compte de ces inquiétudes en œuvrant à faire de la transition écologique une opportunité et non un fardeau pour les entreprises et les citoyens européens.
Elle rappelle que cette transition est également nécessaire à la consolidation de la souveraineté et de la sécurité européennes en ce qu’elle contribue à réduire ses dépendances énergétiques à l’égard du reste du monde, qui sont autant de vulnérabilités potentielles.
L’Europe doit protéger ses industries. Celles-ci font le nécessaire pour décarboner leurs activités.
Et elles devraient être récompensées et encouragées. Autrement, nous risquons de dépendre des importations d’acier, dont nos constructeurs automobiles ont besoin, ou des importations d’engrais, dont nos agriculteurs ont besoin.
Nous serions à la merci des prix, des volumes et de la qualité que d’autres acteurs souhaitent et peuvent nous fournir. Prenons l’acier et les autres métaux. La surcapacité mondiale réduit les marges et n’incite guère à payer un supplément « propreté ».
Il est donc plus difficile pour l’industrie sidérurgique européenne d’investir dans la décarbonation. C’est la raison pour laquelle la Commission proposera un nouvel instrument commercial à long terme pour mener à bien les mesures de sauvegarde applicables à l’acier arrivant à expiration. L’Europe restera toujours ouverte.
Nous aimons la concurrence. Mais nous protégerons toujours notre industrie contre la concurrence déloyale.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Lorsque nous parlons de compétitivité, nous parlons d’emplois. Nous parlons de personnes et de leurs moyens de subsistance. Il est donc essentiel de doter les travailleurs de moyens d’action renforcés si nous voulons disposer d’une économie compétitive.
C’est pourquoi nous proposerons le règlement pour des emplois de qualité. Pour veiller à ce que l’emploi moderne suive le rythme de notre économie moderne. Et c’est d’autant plus important que nous savons bien à quel point les temps sont durs pour de si nombreuses familles. À quel point les coûts se sont envolés. À quel point les ménages font des sacrifices pour joindre les deux bouts. Il s’agit là de pure justice sociale.
C’est pourquoi nous avons besoin de toute urgence d’une stratégie européenne ambitieuse de lutte contre la pauvreté. Nous présenterons ainsi notre plan visant à contribuer à l’éradication de la pauvreté d’ici à 2050. Ce plan sera soutenu par une garantie solide pour l’enfance visant à protéger nos enfants de la pauvreté.
Nous présenterons également une série de mesures sur le coût de la vie. Permettez-moi de vous donner quatre exemples parlants.
Le premier concerne l’énergie. Lorsque les coûts de l’énergie s’envolent, il ne s’agit pas seulement de chiffres sur une facture. C’est chaque aspect de la vie des citoyens qui s’en trouve affecté.
Ainsi, au plus fort de la crise énergétique de ces dernières années, l’Europe a agi. Et grâce à cet effort commun, nous sommes rapidement parvenus à stabiliser les prix et à sécuriser l’approvisionnement. Nous sommes maintenant sur la voie de l’indépendance énergétique.
Mais les factures d’énergie restent une véritable source d’anxiété pour des millions d’Européens et d’Européennes. Et les coûts restent structurellement élevés pour l’industrie. Nous savons ce qui fait augmenter les prix : notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes.
Il est donc temps de s’affranchir de cette dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes polluants. Et nous savons ce qui fait baisser les prix : l’énergie propre produite en Europe. Nous devons produire davantage d’énergies renouvelables locales, le nucléaire étant la source de base.
Mais nous devons aussi moderniser nos infrastructures et nos interconnexions et investir d’urgence dans celles-ci. C’est pourquoi nous proposerons un nouveau train de mesures sur les réseaux afin de renforcer nos infrastructures de réseau et d’accélérer l’octroi de permis.
Et dans le même élan, je présente aujourd’hui une nouvelle initiative intitulée « Autoroutes de l’énergie ». Nous avons recensé huit goulets d’étranglement critiques dans nos infrastructures énergétiques. Du détroit d’Øresund au canal de Sicile.
Nous allons maintenant nous employer à supprimer ces goulets d’étranglement un par un. Nous réunirons les gouvernements et les services publics afin de résoudre toutes les questions en suspens. Parce que les Européens ont besoin d’une énergie abordable, et ils en ont besoin maintenant.
Mesdames et Messieurs les Députés,
Une maison, ce n’est pas seulement quatre murs et un toit. C’est aussi la sécurité, la chaleur, un lieu où se retrouvent famille et amis. C’est se sentir chez soi.
Mais pour un trop grand nombre d’Européens et d’Européennes aujourd’hui, la question du logement est devenue une source d’anxiété. Elle peut être synonyme de dette ou d’incertitude. Les chiffres témoignent d’une réalité difficile. Les prix des logements ont augmenté de plus de 20 % depuis 2015.
Et les permis de construire ont diminué de plus de 20 % en cinq ans. Ce n’est pas une simple crise du logement. C’est une crise sociale. Qui déchire le tissu social européen. Qui fragilise notre cohésion.
Et qui menace aussi notre compétitivité. Les infirmiers, les enseignants et les pompiers n’ont pas les moyens de vivre là où ils exercent. Les étudiants abandonnent leurs études parce qu’ils ne peuvent pas payer leur loyer.
Les jeunes fondent une famille de plus en plus tard. C’est pourquoi, cette année encore, après avoir reçu vos contributions, nous présenterons le tout premier plan européen pour des logements abordables. Pour rendre les logements plus abordables, plus durables et de meilleure qualité. Il s’agira d’un effort européen, ancré dans les réalités locales. Nous devons totalement repenser la manière dont nous abordons le problème.
Nous devons réviser nos règles en matière d’aides d’État afin de permettre la mise en œuvre de mesures d’aide au logement. Nous devons faciliter la construction de nouvelles maisons et de nouvelles résidences pour étudiants. Et nous proposerons également une initiative juridique sur les locations de courte durée afin de résoudre les problèmes qui subsistent. Nous devons réunir l’ensemble de la société, des législateurs et des parties prenantes.
Dans cet esprit, nous organiserons le premier sommet de l’UE sur le logement afin de veiller à ce que cette question figure au premier rang de nos priorités.
Mesdames et Messieurs les députés,
Le logement est une question de dignité. C’est une question d’équité. Et il concerne l’avenir de l’Europe. Il y a huit ans, le socle européen des droits sociaux a fait du logement un droit social en Europe. Il est temps de faire de cette promesse une réalité.
Le troisième exemple que je veux mettre en avant est celui de l’automobile. Il s’agit d’un pilier de notre économie et de notre industrie. D’une fierté européenne. Des millions d’emplois en dépendent. Au début de cette année, nous avons assoupli les conditions dans lesquelles ce secteur pourra réaliser ses objectifs pour 2025.
Cela fonctionne. Et, en nous fondant sur le principe de neutralité technologique, nous préparons actuellement les travaux de réexamen à l’horizon 2035. Des millions d’Européens veulent acheter des voitures européennes à des prix abordables.
Nous devrions donc également investir dans des véhicules abordables et de petite taille. Tant pour le marché européen que pour répondre à la flambée de la demande à l’échelle mondiale.
C’est pourquoi nous proposerons de travailler avec l’industrie sur une nouvelle initiative relative aux voitures abordables et de petite taille. Je pense que l’Europe devrait avoir sa propre voiture électrique. Avec un E aussi pour « environnementale » : propre, efficace et légère. Avec un E pour « économique » : à un prix abordable. Avec un E pour « européenne » : construite ici en Europe, grâce à des chaînes d’approvisionnement européennes.
Parce que nous ne pouvons pas laisser la Chine et les autres concurrents s’emparer de ce marché. Qu’on le veuille ou non, l’avenir sera électrique. Et l’Europe aussi. L’avenir des voitures – et les voitures de l’avenir – doivent être construits en Europe.
L’avenir de l’industrie automobile européenne est sujet depuis des mois à d’intenses controverses, les constructeurs européens plaidant notamment pour que soit abandonnée ou repoussée la décision d’interdire la commercialisation dans l’Union de véhicules neufs à motorisation thermique à partir de 2035.
Ursula von der Leyen semble faire un pas dans leur direction en affirmant que le réexamen en cours de cette décision se fera à partir du principe de « neutralité technologique », c’est-à-dire en laissant la porte ouverte à d’autres technologies que l’électrique, notamment les « carburants propres », pour parvenir à atteindre l’objectif de zéro émission.
Il est notable qu’elle n’utilise pas l’adjectif « électrique » mais le plus ambigu « environnemental » dans sa déclinaison des « 3E ». Cette ouverture à l’égard d’une revendication des industriels de l’automobile semble toutefois nuancée par l’affirmation que « l’avenir sera électrique ».
Mesdames et Messieurs les députés,
Le dernier exemple que je veux mettre en avant est lié à l’alimentation. En Europe, nous avons accès à des denrées alimentaires de qualité et à des prix abordables produits par nos agriculteurs et nos pêcheurs d’exception. Ceux-ci sont également les gardiens de nos terres et de nos océans, de notre biodiversité.
La clé de notre sécurité alimentaire. Mais ils font face à des entraves, allant du coût élevé des intrants aux formalités administratives ou à la concurrence déloyale. Nous agissons sur tous ces fronts. Nous avons simplifié la PAC : moins de formalités administratives et plus de confiance.
Nous avons délimité l’aide au revenu dans le prochain CFP. Et nous avons veillé à ce que le financement puisse être complété par des enveloppes nationales et régionales. Cependant, nos agriculteurs ont besoin d’une concurrence loyale et de conditions de concurrence équitables.
Cela est essentiel. C’est la raison pour laquelle notre accord commercial avec le Mercosur est assorti de garanties solides, soutenues par un financement si une compensation est nécessaire.
Nous devons également renforcer la position des agriculteurs au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Pendant trop longtemps, leur travail acharné n’a pas été récompensé à sa juste valeur. Les agriculteurs ont droit à un prix équitable pour leurs denrées alimentaires et à un profit équitable pour leurs familles.
Nous examinerons la mise en œuvre de notre législation relative aux pratiques commerciales déloyales. Nous prendrons des mesures chaque fois qu’il le faudra.
Et je peux également annoncer aujourd’hui que nous renforcerons notre budget de promotion afin de lancer une nouvelle campagne « Acheter des denrées alimentaires européennes ». Car nous pouvons affirmer avec fierté que notre alimentation européenne est la meilleure au monde.
Mesdames et Messieurs les députés,
Si nous parlons de compétitivité et d’indépendance, nous devons parler de nos relations avec les États-Unis. J’ai entendu de nombreuses choses sur l’accord que nous avons conclu au cours de l’été.
Je comprends les premières réactions. Permettez-moi donc d’être aussi claire que possible. Nos relations commerciales avec les États-Unis sont nos relations les plus importantes. Nous exportons plus de 500 milliards d’euros de biens vers ce pays chaque année.
Des millions d’emplois en dépendent. En tant que présidente de la Commission, je ne jouerai jamais avec l’emploi ou les moyens de subsistance des citoyens.
C’est pourquoi nous avons conclu un accord pour préserver l’accès à ce marché pour nos industries. Et nous avons veillé à ce que l’Europe obtienne le meilleur accord possible. Nous avons doté nos entreprises d’un avantage relatif.
En effet, certains de nos concurrents directs font face à des droits de douane beaucoup plus élevés de la part des États-Unis. Leur droit de douane de base est certes inférieur.
Mais si on considère les exceptions que nous avons obtenues et les taux supplémentaires auxquels d’autres pays sont soumis, nous avons le meilleur accord. Incontestablement. Et je vais être très claire sur un point :
Qu’il s’agisse de la réglementation environnementale ou numérique.Nous fixons nos propres normes. Nous fixons nos propres règles. L’Europe décidera toujours par elle-même.
Ursula von der Leyen aborde ici le sujet sur lequel elle était la plus attendue : l’accord commercial défavorable à l’Union européenne conclu cet été avec les États-Unis.
Tout en reconnaissant ses imperfections, elle en prend la défense au nom du principe de responsabilité, qui aurait guidé son action.
Cependant, notre dernière enquête Eurobazooka montre qu’une majorité nette de personnes interrogées au niveau européen déclare avoir ressenti de « l’humiliation » en prenant connaissance de l’accord (52 %). Ce chiffre est particulièrement élevé en France (65 %) et en Espagne (56 %), mais reste convergent — montrant l’existence d’une opinion publique sur le sujet.
Une majorité de 77 % estime que l’accord profite surtout à l’économie américaine, tandis que 42 % pensent que les entreprises européennes seront les plus affectées.
Ainsi, une majorité d’Européens (60 %) — y compris allemands (54 %) — souhaite la démission de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.
En affirmant la souveraineté européenne en matière de réglementation environnementale et numérique, elle répond aux récentes déclarations du président américain qui menace de revoir l’accord de juillet si l’Union ne revient pas sur sa législation numérique qui entraverait, selon lui, l’activité des géants américains du secteur.
Mesdames et Messieurs les députés,
Je ne suis pas partisane des droits de douane. Les droits de douane sont des taxes. Pour autant, cet accord apporte une stabilité cruciale dans nos relations avec les États-Unis en cette période de grave insécurité mondiale.
Pensez aux répercussions d’une guerre commerciale totale avec les États-Unis. Imaginez le chaos. Puis comparez cette image à celle de la Chine la semaine dernière. La Chine aux côtés des dirigeants russe et nord-coréen.
Poutine se félicitant du niveau historique des relations entre la Russie et la Chine. Aucun de ces éléments n’est réellement surprenant. Mais ils reflètent l’évolution du paysage géopolitique.
Et créent deux impératifs pour les efforts d’indépendance de l’Europe et pour sa place dans le monde. Le premier, c’est que nous devons redoubler d’efforts en matière de diversification et de partenariats. 80 % de nos échanges commerciaux se font avec des pays autres que les États-Unis.
C’est pourquoi nous devons tirer parti des nouvelles possibilités qui s’offrent à nous. Alors que le système commercial mondial menace de s’effondrer, nous assurons les règles mondiales au moyen d’accords bilatéraux. Comme avec le Mexique ou le Mercosur. Ou nous achevons les négociations sur un accord historique avec l’Inde d’ici la fin de l’année.
Nous mettrons également en place une coalition de pays partageant les mêmes valeurs afin de réformer le système commercial mondial, à l’instar du PTPGP. Car le commerce nous permet de renforcer nos chaînes d’approvisionnement. D’ouvrir des marchés. De réduire les dépendances.
En fin de compte, il s’agit de renforcer notre sécurité économique. Le monde veut Choisir l’Europe. Et nous devons faire affaire avec le monde entier.
Le deuxième impératif est de faire en sorte que l’Europe agisse là où d’autres ne l’ont pas fait. Prenez la recherche. La science n’a pas de passeport, de genre, d’origine ethnique ou de couleur politique.
Il s’agit de l’un des biens mondiaux les plus précieux. C’est la raison pour laquelle la Commission a annoncé un paquet « Choisir Europe » de 500 millions d’euros afin d’attirer et de retenir les meilleurs scientifiques et chercheurs.
Et l’Europe doit également jouer un rôle de premier plan dans le domaine de la santé mondiale. Nous sommes au bord, si ce n’est déjà au début, d’une autre crise sanitaire mondiale.
En tant que médecin de formation, je suis consternée par la désinformation qui menace les progrès mondiaux concernant toutes les maladies, de la rougeole à la polio. C’est la raison pour laquelle je peux annoncer aujourd’hui que l’UE dirigera une nouvelle initiative mondiale pour la résilience sanitaire. Parce que le monde se tourne vers l’Europe et que l’Europe est prête à montrer la voie à suivre.
Mesdames et Messieurs les députés,
Tout l’enjeu de l’indépendance de l’Europe est de protéger nos libertés. La liberté de décider. De s’exprimer. De se déplacer sur l’ensemble du continent. La liberté de voter. D’aimer. De prier. De vivre dans une Union de l’égalité.
Notre démocratie et l’état de droit sont les garants de ces libertés. C’est pourquoi nous avons tant fait pour renforcer les outils dont nous disposons et pour intensifier les contrôles du respect des règles.
Nous avons lancé un nouveau cycle de l’état de droit, qui permet de faire en sorte que les problèmes soient détectés à un stade précoce et résolus par la voie du dialogue. Nous avons besoin d’un cycle annuel de l’état de droit qui soit intégré – une même cadence, des jalons clairs et des contributions de toutes les institutions.
Et nous devons nous employer avant tout à combler les lacunes existantes. Nous avons renforcé le lien entre les financements et le respect de l’état de droit. Et avec le prochain budget à long terme, nous irons encore plus loin.
Le respect de l’état de droit est une condition sine qua non pour bénéficier des fonds de l’Union européenne. Aujourd’hui, mais aussi à l’avenir.
Notre démocratie est menacée.
L’essor de la manipulation de l’information et de la désinformation est en train de diviser nos sociétés. Ce n’est pas uniquement la confiance dans la vérité qui est érodée, mais la confiance dans la démocratie elle-même.
C’est pourquoi nous avons besoin de toute urgence du bouclier européen de la démocratie. Nous devons disposer de capacités supplémentaires pour surveiller et détecter les manipulations de l’information et la désinformation.
Nous allons donc mettre sur pied un nouveau Centre européen pour la résilience démocratique. Cette initiative permettra de réunir toute l’expertise et toutes les capacités des États membres et des pays voisins.
Mesdames et Messieurs les députés,
Dans certaines communautés en Europe, les médias traditionnels sont mis à mal. Dans de nombreuses régions rurales, le temps où l’on allait chercher le journal local n’est plus qu’un lointain souvenir. Cette situation a engendré de nombreux déserts d’information, où la désinformation prolifère.
Or, cela est extrêmement dangereux pour notre démocratie. Parce que des citoyens bien informés, qui peuvent se fier à ce qu’ils lisent et entendent, sont essentiels pour veiller à ce que les détenteurs du pouvoir soient tenus responsables de leurs actes.
Et lorsque des médias indépendants sont démantelés ou neutralisés, notre capacité à surveiller la corruption et à préserver la démocratie s’en trouve gravement affaiblie. C’est ce qui explique que la première étape de la stratégie des autocrates consiste toujours à s’emparer des médias indépendants.
C’est en effet ce qui rend possible la régression démocratique et qui permet à la corruption de sévir dans l’ombre. Il nous faut donc redoubler d’efforts pour protéger nos médias et notre presse indépendante.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de lancer un nouveau programme consacré à la résilience médiatique, qui soutiendra le journalisme indépendant et l’éducation aux médias.
Mais nous devons également investir pour tenter de résoudre certaines des causes profondes de cette évolution. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé d’augmenter sensiblement, dans le prochain budget, les financements en faveur des médias. Nous devons également créer des conditions favorables aux investissements en capital.
Aussi allons-nous utiliser nos outils pour soutenir les médias indépendants et locaux. La liberté de la presse constitue le fondement de toute démocratie. Et nous aiderons la presse européenne à préserver sa liberté.
Mesdames et Messieurs les députés,
Le même problème se pose pour les médias sociaux. Ces outils sont tellement utiles pour créer des liens entre les personnes. Mais je souhaiterais aborder ici une question spécifique. Il s’agit de l’accès illimité que nous donnons à nos enfants aux médias sociaux et des conséquences que cela engendre.
En tant que mère de sept enfants et grand-mère de quatre petits-enfants, je partage l’anxiété des parents qui font de leur mieux pour protéger leurs enfants. Ces parents ont peur que leurs enfants puissent être exposés à toute sorte de dangers lorsqu’ils prennent un téléphone, rien qu’en faisant défiler l’écran.
Le harcèlement en ligne. Les contenus pour adultes. La promotion de l’automutilation. Et les algorithmes qui profitent des vulnérabilités des enfants dans le but manifeste de créer des addictions.
Trop souvent, des pères et des mères se sentent impuissants et désarmés. Ils ont le sentiment de se noyer face au raz-de-marée des grandes entreprises technologiques qui engloutit leur foyer. Je crois fermement que c’est aux parents, et non aux algorithmes, d’élever nos enfants.
Leur voix doit être entendue. Je suis donc ici aujourd’hui pour vous dire que je suis à l’écoute. De même qu’à mon époque, nous avons – en tant que société – appris à nos enfants qu’ils ne pouvaient pas fumer, boire et regarder des contenus pour adultes avant un certain âge, je pense que le temps est venu d’envisager de faire de même pour les médias sociaux.
Nos amis australiens ont été les premiers à instaurer une restriction pour les médias sociaux. Je suis de très près la mise en œuvre de leurs mesures, afin de réfléchir à ce que nous pourrions appliquer chez nous.
Je demanderai à un groupe d’experts de me conseiller d’ici à la fin de l’année sur la meilleure approche à suivre pour l’Europe. Nous étudierons attentivement cette question et écouterons toutes les personnes concernées.
Tous nos travaux seront guidés par la nécessité de redonner aux parents des moyens d’agir et de construire une Europe plus sûre pour nos enfants. Car lorsqu’il s’agit de la sécurité des enfants en ligne, l’Europe donne la priorité aux parents, et non aux profits.
Mesdames et Messieurs les députés,
Protéger notre démocratie est notre tâche la plus importante. Mais il nous faut pour cela montrer que la démocratie apporte des solutions face aux préoccupations légitimes des citoyens. Cela vaut par-dessus tout en ce qui concerne la migration. C’est pourquoi nous avons proposé que les moyens alloués à la gestion de la migration et des frontières soient multipliés par trois dans le prochain budget.
Cette enquête est la troisième vague d’un sondage d’un type nouveau, opéré par Cluster 17 dans une dizaine de pays et avec des milliers de points de données, particulièrement complexe à mettre en œuvre, pour mesurer l’opinion publique européenne.
Afin que nous puissions gérer efficacement la migration et protéger nos frontières extérieures. Mais il est évident qu’il faut faire plus.
Les citoyens, en Europe, ont montré qu’ils étaient prêts à aider ceux qui fuient la guerre et les persécutions. Mais leur frustration grandit s’ils ont l’impression que nos règles ne sont pas respectées. C’est pourquoi nous devons redoubler d’efforts. Il nous faut un système qui soit humain, sans pour autant être naïf.
Nous devons nous attaquer sérieusement à la question du retour dans leur pays d’origine des demandeurs d’asile rejetés. Il n’est tout de même pas possible que seulement 20 % de ceux qui ne sont pas autorisés à rester quittent effectivement l’Europe.
Il nous faut donc parvenir rapidement à un accord sur le système européen commun en matière de retour. Nous n’avons plus de temps à perdre.
Nous devons également veiller à ce que le pacte sur la migration et l’asile soit pleinement mis en œuvre dès qu’il entrera en vigueur. Il est strict, mais équitable. Et il ne fonctionnera que si chacun fait sa part. Les États membres du Nord comme du Sud, de l’Est comme de l’Ouest.
Bien entendu, nous respecterons toujours nos engagements internationaux. Mais c’est à nous, en Europe, qu’il appartient de décider qui vient chez nous et dans quelles circonstances, et non aux trafiquants et aux passeurs. Ils gagnent des millions et des millions avec leurs promesses cyniques, mensongères et fatales.
C’est pourquoi nous devons détruire leur modèle économique. Les chiffres sont certes globalement en baisse, mais le nombre de personnes qui tentent de franchir illégalement les frontières ou qui meurent en chemin demeure trop élevé. Nous devons travailler avec les plateformes de médias sociaux afin de mettre fin à la planification en ligne et à la publicité en ligne pour les opérations des passeurs.
Nous devons coopérer plus étroitement avec les compagnies aériennes, en particulier en ce qui concerne les routes problématiques, comme celles vers la Biélorussie. Et ce n’est qu’en suivant l’argent à la trace que nous pouvons repérer les réseaux criminels et assécher leurs sources de financement.
Et il nous faut un nouveau régime de sanctions qui cible les passeurs et les trafiquants d’êtres humains. Pour geler leurs avoirs. Pour restreindre leurs possibilités de déplacement. Pour limiter leurs gains. Le trafic d’êtres humains est une activité cruelle et criminelle, et aucun passeur ni trafiquant ne doit rester impuni en Europe.
Mesdames et Messieurs les députés,
Le message que j’entends faire passer est simple. Si quelque chose est important pour les Européens, c’est important pour l’Europe. Il est de notre devoir immuable d’apporter des résultats.
L’été dernier, nous avons vu ces images de forêts et de villages européens en proie aux flammes. Plus d’un million d’hectares sont partis en fumée. Près d’un tiers de la superficie de la Belgique. L’ampleur des dégâts est considérable.
Et nous savons qu’il ne s’agit pas d’un épisode isolé. Le changement climatique rend chaque été plus chaud, plus âpre et plus dangereux. C’est pourquoi nous devons radicalement intensifier nos efforts en faveur de l’adaptation aux changements climatiques et de la résilience face à ces changements, en optant pour des solutions fondées sur la nature.
Mais nous devons aussi nous donner les moyens de réagir. C’est pourquoi nous proposerons la création d’une nouvelle plateforme européenne de lutte contre les incendies, basée à Chypre, qui pourrait également venir en aide à nos voisins régionaux.
Nous savons que notre mécanisme de protection civile peut faire la différence. Au cours de l’été, 760 braves Européens ont été dépêchés aux quatre coins de l’Europe. Ils se sont littéralement rués vers les flammes.
J’aimerais d’ailleurs conclure mon discours en leur rendant hommage, à eux les pompiers, les pilotes et les membres d’équipage. À toutes celles et à tous ceux qui ont redoublé d’efforts. Je souhaiterais vous raconter l’histoire d’un groupe de 20 pompiers grecs.
Ce sont des experts dans la maîtrise des pires incendies de forêt. Lorsque les incendies se sont déclarés dans les Asturies, l’Espagne a appelé l’Europe à l’aide. Et la Grèce a répondu présente. Les feux étaient si vastes que la fumée était visible de l’espace.
Pourtant, cinq jours durant, les 20 pompiers grecs ont lutté aux côtés de leurs homologues espagnols. Alors que les flammes se rapprochaient du village de Genestoso, ces pompiers les on combattues nuit et jour pour les tenir à distance. Et finalement, tous ensemble, ils ont pu maîtriser le feu et le village a été sauvé.
Mesdames et Messieurs les députés,
C’est un honneur immense que d’accueillir aujourd’hui l’un de ces héros. Le chef de l’équipe grecque, le lieutenant Nikolaos Paisios. Lieutenant, cher Nikolaos, Votre courage est pour nous tous une source d’inspiration.
Pour votre force, pour votre engagement et pour vos extraordinaires qualités de chef, je vous dis ευχαριστώ – à vous et à toute votre équipe de héros européens.
Mesdames et Messieurs les députés,
L’Europe revêt ici le visage d’une authentique communauté. C’est là l’Europe que j’aime. Une Europe qu’il nous faut protéger à tout prix. Et nous devons le faire ensemble.
J’entends travailler avec cette assemblée et avec l’ensemble des forces démocratiques européennes pour apporter des résultats aux Européens. Je travaille à l’élaboration de paquets législatifs en vue de doter cette majorité pro-européenne de moyens d’action.
Je suis tellement heureuse, chère Roberta, que nous ayons été en mesure de renouveler l’accord-cadre entre la Commission et le Parlement. Notre coopération ne pourra que s’en trouver renforcée.
Cet accord nous servira de catalyseur pour travailler sur les réformes véritablement nécessaires. Parce que je soutiens le droit d’initiative du Parlement européen. Et parce que je pense que nous devons passer à la majorité qualifiée dans certains domaines, par exemple pour la politique étrangère.
Le moment est venu de nous libérer du carcan de l’unanimité ! Nous devons en fait faire en sorte que notre Union agisse plus rapidement et puisse apporter des résultats aux Européens. Parce que c’est ainsi que nous pourrons remporter ensemble ce combat.
Faire progresser l’Europe vers son indépendance. Rappelons-nous que toujours nous avons dû lutter pour nos libertés. Qu’il s’agisse de la génération qui a lutté pied à pied sur tout notre continent.
Ou de la presse clandestine qui a gardé vivace la flamme de la liberté à travers l’Europe centrale et orientale pendant la Guerre froide. Ou encore des Frères de la forêt, dans les États baltes, qui ont sans cesse résisté à l’oppression soviétique. Ce combat, est profondément ancré en nous autres Européens.
Il y a 80 ans, notre continent était l’enfer sur terre. Il y a 40 ans, notre continent était divisé par un mur. Mais, à chaque fois qu’ils l’ont pu, les Européens ont décidé de se battre pour un avenir meilleur.
Pour que l’Europe devienne un tout – et que ce tout soit fort. Et c’est ce à quoi je m’emploierai jour après jour.
Longue vie à l’Europe.