Économie

Le printemps de Scott Bessent ou le trumpisme à visage humain

« America First ne signifie pas America Alone ».

Le secrétaire au Trésor américain a tenté aujourd’hui une opération de charme face aux économistes et investisseurs internationaux réunis lors des rencontres du printemps du FMI et de la Banque mondiale.

Désavoué à plusieurs reprises ces derniers mois, souvent totalement tenu à l’écart des politiques économiques menées avec brutalité par le président américain, cet ancien financier proche de Soros a articulé un programme de réforme du système économique international.

Nous le traduisons.

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Le Grand Continent
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© AP Photo/Jacquelyn Martin

Si Donald Trump a jusqu’ici provoqué de profondes ruptures en bouleversant les équilibres mondiaux, son secrétaire au Trésor, Scott Bessent, a soutenu aujourd’hui une version plus réformiste de ce qui pourrait être le programme économique international de la Maison-Blanche.

L’occasion était toute trouvée : vingt jours après le Liberation Day, le FMI et la Banque mondiale organisaient leurs réunions du printemps (Spring Meetings). Ce forum annuel réunit à Washington les ministres des Finances, les gouverneurs de banques centrales, des experts et des acteurs économiques mondiaux afin d’évoquer la conjoncture économique, de coordonner les politiques financières internationales et de faire avancer les priorités globales.

C’est face au gotha des institutions de la finance et de l’économie mondiale que le secrétaire au Trésor américain — dont la crédibilité a été fortement remise en cause depuis l’annonce des tarifs dont il semblait ignorer presque tout — a tenté une grande opération de charme.

Sans rejeter les institutions économiques internationales, Bessent a annoncé la volonté de l’administration américaine de les « réformer » — c’est un mot qu’il utilise à plusieurs reprises et qui contraste avec la violence de la disruption trumpiste des dernières semaines — pour servir une vision de l’ordre économique qui privilégie d’abord les intérêts américains, tout en garantissant un équilibre potentiellement bénéfique pour d’autres acteurs. Sa formule : « America First ne signifie pas America Alone » a reçu un accueil favorable dans la salle — tout en paraissant marquer un écart par rapport aux positionnements du président américain. À noter : dans le moment d’échanges avec la salle, Bessent a salué ce que l’Europe et notamment l’Allemagne font déjà, en citant le rapport de Mario Draghi.

L’argument central de Scott Bessent est que le FMI et la Banque mondiale doivent se recentrer sur leurs mandats initiaux, définis en 1944 : « Les architectes de Bretton Woods avaient compris qu’une économie mondiale exigeait une coordination mondiale. Pour encourager cette coordination, ils ont créé le FMI et la Banque mondiale. Ces deux institutions jumelles sont nées après une période de grande volatilité géopolitique et économique. Leur objectif était de mieux aligner les intérêts nationaux sur un ordre international pour apporter de la stabilité à un monde instable. Leur objectif, en somme, était de restaurer et de préserver l’équilibre. ». Avant d’ajouter : « Mon objectif ce matin est de proposer une feuille de route pour restaurer l’équilibre du système financier mondial et des institutions qui en garantissent la stabilité. » 

En particulier, le FMI devrait cesser de se disperser sur des sujets hétérogènes à son mandat et centrer ses activités pour rééquilibrer l’économie mondiale, en ciblant notamment la Chine.

Dans un passage remarqué, Bessent souligne que l’administration américain « ne tolèrer[a] pas que le FMI évite de critiquer les pays qui le méritent le plus — en premier lieu, les pays excédentaires ». Le secrétaire au Trésor américain a également dénoncé le fait que la Chine continue à pouvoir emprunter aux conditions d’un pays en développement malgré sa puissance économique.

Le discours de Bessent est construit pour formuler une attaque contre le géant asiatique, bien que dans une rhétorique moins brutale que celle du président américain : « La Chine doit changer. Elle le sait. Tout le monde le sait. Et nous voulons l’aider à changer, car nous avons, nous aussi, besoin d’un rééquilibrage. »

En revendiquant les transformations prônées par le président Trump, le secrétaire au Trésor a d’autre part accusé le FMI et la Banque mondiale de s’être éloignés de leurs fonctions fondamentales en s’intéressant à des thèmes comme le climat, la question du genre ou les questions sociales, qu’il qualifie de « projets creux, fondés sur des slogans à la mode, sans engagements réels en matière de réformes ».

Cette « feuille de route » et cet appel à une réforme concertée pour un « rééquilibrage » traduisent-ils toutefois la position de Donald Trump et de la Maison-Blanche ? 

Elle marque un net contraste et s’écarte largement du programme de la Heritage Foundation qui, pendant la campagne de Donald Trump, appelait la future administration républicaine à sortir les États-Unis de la Banque mondiale et du FMI dans les pages du Projet 2025.

Depuis le début de son mandat, le secrétaire au Trésor semble souvent plus en train d’essayer d’influencer, par ses déclarations et ses positionnements, la direction de la politique économique de son administration — plutôt que de la mener.

En 1968, Alexander Dubček, premier secrétaire du Parti communiste tchécoslovaque, visait à instaurer un communisme plus libéral et démocratique dans son pays autour d’un slogan : « le socialisme à visage humain » (en tchèque : « socialismus s lidskou tváří »). Celui-ci marquera le début du Printemps de Prague, qui — comme chacun sait — s’achèvera brutalement avec l’invasion du pays par les troupes du pacte de Varsovie, suivie d’un retour à l’ordre autoritaire appelé « normalisation ».

Toute proportion gardée, la tentative de Scott Bessent énoncée aux rencontres du printemps du FMI et de la Banque mondiale pourrait bientôt apparaître de la même manière que celle d’Alexander Dubček : une parenthèse bientôt démentie — sans doute avec brutalité, et un retour à une « normalisation ». 

Le trumpisme au visage humain peut-il réellement tenir ? 

À Washington, la réponse est toujours la même : « Ultimately, it’s up to the president ».

Introduction

C’est un honneur d’être ici.

Dans les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants occidentaux ont réuni les plus grands esprits économiques de leur époque. Leur mission ? Bâtir un nouveau système financier.

Dans une station de ski paisible, nichée dans les montagnes du New Hampshire, ils ont jeté les bases de la Pax Americana.

Les architectes de Bretton Woods avaient compris qu’une économie mondiale exigeait une coordination mondiale. Pour encourager cette coordination, ils ont créé le FMI et la Banque mondiale.

Ces deux institutions jumelles sont nées après une période de grande volatilité géopolitique et économique. Leur objectif était de mieux aligner les intérêts nationaux sur un ordre international pour apporter de la stabilité à un monde instable.

Leur objectif, en somme, était de restaurer et de préserver l’équilibre.

Cet objectif reste au cœur des institutions de Bretton Woods. 

Pourtant, partout dans le système économique international, nous constatons des déséquilibres.

Il y a une bonne nouvelle : il n’y a pas de raison que cela reste ainsi. 

Mon objectif ce matin est de proposer une feuille de route pour restaurer l’équilibre du système financier mondial et des institutions qui en garantissent la stabilité.

J’ai passé la majeure partie de ma carrière à observer les cercles de politique financière de l’extérieur. Aujourd’hui, j’en fais partie, et je suis impatient de collaborer avec vous tous pour rétablir l’ordre du système international. Mais pour y parvenir, nous devons d’abord reconnecter le FMI et la Banque mondiale à leurs missions fondatrices.

Avant de rejoindre l’administration Trump, Scott Bessent a effectué sa carrière dans le domaine de la finance spéculative (hedge fund). Il a longuement travaillé dans la société de gestion de Georges Soros (Soros Fund Management), qu’il a rejoint en 1991 et n’a quittée qu’en 2016. 

Il lance son propre fonds en 2016 avec 4,5 milliards de dollars sous gestion, faisant de lui un acteur important de la place de New York. Selon le New York Times, le fonds aurait perdu de son attractivité et gérerait aujourd’hui une somme bien plus faible.

Comme d’autres membres de l’administration, Bessent continue de se présenter comme un outsider. Nous avons dressé son profil complet ici.

Le FMI et la Banque mondiale n’ont rien perdu de leur pertinence, mais la dérive de leur mission les a faits dévier de leur cap. 

Il nous faut engager des réformes essentielles pour garantir que ces institutions servent leurs parties prenantes — et non l’inverse.

Ramener l’équilibre dans la finance mondiale exigera un leadership lucide de la part du FMI et de la Banque mondiale.

Ce matin, j’expliquerai comment elles peuvent jouer ce rôle de leadership pour bâtir des économies plus sûres, plus fortes et plus prospères dans le monde entier. J’invite mes homologues internationaux à se joindre à nous dans cette démarche.

Sur ce point, je tiens à être clair : America First ne signifie pas America Alone

Au contraire, j’appelle à une collaboration plus profonde et à un respect mutuel entre partenaires commerciaux.

Loin de chercher le repli, la politique America First vise à étendre le leadership des États-Unis au sein d’institutions comme le FMI et la Banque mondiale. En adoptant un leadership renforcé, notre agenda America First cherche à rétablir l’équité dans le système économique international.

Déséquilibres mondiaux et commerce

Nulle part les déséquilibres évoqués ne sont plus évidents que dans le domaine du commerce. C’est pourquoi les États-Unis prennent des mesures dès maintenant pour rééquilibrer le commerce mondial.

Si Bessent fait partie des « modérés » au sein de l’administration Trump, notamment sur la politique commerciale, il continue ici de défendre le mot d’ordre trumpiste du Liberation Day : un prétendu « rééquilibrage » du système international en faveur des États-Unis qui passerait par l’imposition de tarifs dits « réciproques ». Nous faisons le point sur cet argumentaire — et ses évidentes limites — dans notre Observatoire de la guerre commerciale.

Pendant des décennies, les administrations successives ont cru à tort que nos partenaires commerciaux adopteraient des politiques favorisant un équilibre global. Au lieu de cela, nous sommes confrontés à une réalité marquée par des déficits américains importants et persistants, résultat d’un système commercial injuste.

Les choix politiques délibérés d’autres pays ont vidé l’industrie manufacturière américaine et fragilisé nos chaînes d’approvisionnement essentielles, mettant en péril notre sécurité économique et nationale. Le président Trump a pris des mesures énergiques pour corriger ces déséquilibres et leurs effets négatifs sur les Américains.

Le statu quo de ces déséquilibres persistants est insoutenable — non seulement pour les États-Unis mais aussi pour l’économie mondiale dans son ensemble.

Je sais que le mot « durabilité » est à la mode ici.

Mais je ne parle pas de changement climatique ou d’empreinte carbone.

Je parle de durabilité économique et financière — celle qui élève les niveaux de vie et soutient les marchés. C’est exclusivement à cette forme de durabilité que les institutions financières internationales doivent se consacrer si elles veulent réussir.

À la suite des annonces tarifaires du président Trump, plus de 100 pays se sont tournés vers nous pour aider à rééquilibrer le commerce mondial. Ils ont réagi de manière positive et ouverte aux actions du président visant à créer un système international plus équilibré. Nous sommes engagés dans des discussions constructives et sommes ouverts à d’autres dialogues.

La Chine, en particulier, a besoin d’un rééquilibrage. Les données récentes montrent que son économie continue de s’éloigner de la consommation au profit de la production manufacturière. Ce modèle de croissance par les exportations creuse davantage les déséquilibres avec ses partenaires commerciaux.

Le modèle économique chinois repose sur l’exportation pour sortir de ses difficultés. 

Un tel modèle est insoutenable et nuit non seulement à la Chine, mais au monde entier.

La Chine doit changer. Elle le sait. Tout le monde le sait. Et nous voulons l’aider à changer — car nous avons, nous aussi, besoin d’un rééquilibrage.

Cela commence par un recentrage sur la demande intérieure et la consommation. Un tel changement contribuerait grandement au rééquilibrage mondial dont le monde a cruellement besoin.

Bien entendu, le commerce n’est pas le seul facteur des déséquilibres économiques mondiaux. La dépendance persistante à la demande américaine déséquilibre toujours davantage l’économie mondiale.

Certains pays favorisent ainsi l’excès d’épargne, freinant la croissance tirée par le secteur privé. D’autres maintiennent les salaires artificiellement bas, ce qui freine également la croissance. Ces pratiques nourrissent une dépendance globale à la demande américaine. Elles rendent aussi l’économie mondiale plus faible et plus vulnérable qu’elle ne devrait l’être.

En Europe, l’ancien président de la BCE, Mario Draghi, a identifié plusieurs causes de stagnation, et a proposé des recommandations concrètes pour relancer l’économie

Les pays européens feraient bien de les suivre.

L’Europe a déjà pris certaines mesures tardives mais nécessaires, que je salue.

Ces efforts stimulent la demande mondiale et renforcent la sécurité. Les relations économiques mondiales doivent refléter les partenariats en matière de sécurité.

Les partenaires de sécurité sont les plus susceptibles d’avoir des économies compatibles avec un commerce mutuellement bénéfique : si les États-Unis continuent à fournir des garanties de sécurité et à maintenir des marchés ouverts, nos alliés doivent s’engager davantage dans la défense collective. 

Les premiers signes d’augmentation des dépenses militaires en Europe prouvent donc que la politique de l’administration Trump fonctionne.

Le leadership des États-Unis au FMI et à la Banque mondiale

L’administration Trump et le Trésor américain sont déterminés à maintenir et à renforcer le leadership économique des États-Unis dans le monde, en particulier au sein des institutions financières internationales.

Le FMI et la Banque mondiale jouent des rôles essentiels dans le système international. L’administration Trump est prête à travailler avec eux — à condition qu’ils restent fidèles à leurs missions.

Actuellement, ce n’est pas le cas.

Les institutions de Bretton Woods doivent se détourner de leurs agendas tentaculaires et flous qui entravent leur efficacité.

L’administration Trump utilisera donc le poids des États-Unis pour recentrer ces institutions sur leurs mandats essentiels. Nous exigerons également que leurs directions soient tenues responsables des progrès concrets réalisés. Je vous invite tous à vous joindre à nous dans cet effort de recentrage. C’est dans notre intérêt commun.

FMI

Premièrement, nous devons faire en sorte que le FMI redevienne… le FMI.

En anglais, la formule — « We must make the IMF the IMF again » — rappelle le slogan de Donald Trump : « Make America Great Again ». Il s’agit d’une inflexion notable : le Projet 2025, plateforme programmatique portée par les trumpistes pendant l’élection et que le président américain a déjà largement commencé à mettre en œuvre, proposait ni plus ni moins de quitter les institutions de Bretton Woods. La Heritage Foundation encourageait ainsi explicitement la future administration républicaine à se retirer de la Banque mondiale et du FMI et de « mettre fin à la contribution financière des États-Unis à ces deux institutions » — sur le modèle de ce que l’administration Trump a fait avec l’Organisation mondiale de la santé.

La mission du FMI est de promouvoir la coopération monétaire internationale, de faciliter la croissance équilibrée du commerce mondial, de soutenir la croissance économique et de décourager les politiques nuisibles comme la dévaluation compétitive des taux de change. Ce sont là des fonctions cruciales pour soutenir les économies américaine et mondiale.

Or le FMI a souffert d’une dérive de sa mission. Il fut un temps où il était inébranlable dans sa volonté de promouvoir la coopération monétaire et la stabilité financière mondiales. Aujourd’hui, il consacre une part disproportionnée de ses ressources aux questions climatiques, de genre et sociales.

Ces sujets ne relèvent pas de la mission du FMI. Et leur prise en charge empiète sur les travaux macroéconomiques essentiels de l’institution.

Le FMI doit redevenir un porte-parole franc de la réalité, et pas seulement envers certains de ses membres. Actuellement, il ferme les yeux sur des déséquilibres évidents. Son Rapport sur le secteur extérieur de 2024, intitulé Les déséquilibres se résorbent, illustre bien cette approche trop optimiste. Ce manque de rigueur est symptomatique d’une institution plus soucieuse de préserver le statu quo que de poser les vraies questions.

Aux États-Unis, nous savons que nous devons remettre de l’ordre dans nos finances publiques.

L’administration précédente a accumulé le plus grand déficit en temps de paix de notre histoire. 

L’administration actuelle s’engage à corriger cela.

Nous acceptons les critiques. Mais nous ne tolérerons pas que le FMI évite de critiquer les pays qui en ont le plus besoin — en premier lieu les pays excédentaires.

Conformément à son mandat de base, le FMI doit dénoncer les pays comme la Chine, qui ont poursuivi pendant des décennies des politiques distorsives à l’échelle mondiale et des pratiques monétaires opaques.

Je m’attends aussi à ce que le FMI dénonce les pratiques de prêt insoutenables de certains créanciers officiels. Il doit inciter plus activement ces créanciers bilatéraux à s’asseoir à la table au plus tôt, afin de coopérer avec les pays emprunteurs pour limiter la durée des crises d’endettement.

Le Fonds doit recentrer son action sur la résolution des problèmes de balance des paiements. Et ses prêts doivent rester temporaires.

Lorsqu’ils sont faits de manière responsable, les prêts du FMI constituent l’une des principales contributions de l’organisation à l’économie mondiale : quand les marchés échouent, le FMI intervient pour fournir des ressources. En échange, les pays appliquent des réformes économiques pour résoudre leurs déséquilibres et stimuler la croissance. Ces réformes sont parmi les contributions les plus importantes du FMI à une économie mondiale forte, durable et équilibrée.

L’Argentine en est un bon exemple. 

Je me suis rendu sur place plus tôt ce mois-ci pour témoigner du soutien des États-Unis aux efforts du FMI en vue d’aider le pays à se rétablir financièrement. L’Argentine mérite le soutien du FMI car elle progresse réellement vers le respect de ses objectifs financiers.

Mais ce n’est pas le cas de tous les pays. Le FMI doit exiger que ses emprunteurs appliquent les réformes économiques convenues. 

Et parfois, il doit dire non.

L’organisation n’a aucune obligation de prêter à des pays qui refusent de réformer. 

Ce sont la stabilité économique et la croissance qui doivent être les indicateurs du succès du FMI — pas le montant total prêté.

Banque mondiale

Comme le FMI, la Banque mondiale doit retrouver sa raison d’être.

La Banque mondiale aide les pays en développement à faire croître leurs économies, à réduire la pauvreté, à attirer les investissements privés, à créer des emplois dans le secteur privé, et à réduire leur dépendance à l’aide étrangère. Elle offre un financement transparent et abordable à long terme pour permettre aux pays d’investir dans leurs priorités de développement.

La Banque, tout comme le FMI, fournit aussi un soutien technique important pour promouvoir la viabilité de la dette dans les pays à faible revenu, ce qui leur donne les moyens de résister aux conditions de prêts opaques ou coercitives de certains créanciers. Ces fonctions fondamentales s’alignent sur les efforts de l’administration Trump pour favoriser des économies plus sûres, plus fortes et plus prospères aux États-Unis et dans le monde.

Mais à l’instar du FMI, la Banque s’est écartée de sa mission initiale sur certains points.

Elle ne peut plus s’attendre à recevoir des chèques en blanc pour des projets creux, fondés sur des slogans à la mode, sans engagements réels en matière de réformes. En revenant à ses objectifs fondamentaux, elle doit utiliser ses ressources de manière plus efficace et démontrer une réelle valeur pour l’ensemble de ses pays membres.

La Banque peut commencer à mieux utiliser ses ressources en se concentrant sur l’amélioration de l’accès à l’énergie. Les chefs d’entreprise du monde entier identifient l’approvisionnement énergétique peu fiable comme l’un des principaux freins à l’investissement. 

L’initiative conjointe entre la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, Mission 300, qui vise à fournir l’accès à l’énergie à 300 millions de personnes en Afrique, est une avancée bienvenue.

Mais la Banque doit répondre aux priorités et aux besoins des pays en matière d’énergie, en misant sur des technologies fiables capables de soutenir la croissance plutôt que de chercher à atteindre des objectifs artificiels de financement vert.

Nous saluons l’annonce récente selon laquelle la Banque mondiale compte lever l’interdiction de financer l’énergie nucléaire — ce qui pourrait révolutionner l’approvisionnement énergétique de nombreux marchés émergents.

Nous encourageons la Banque à aller plus loin, en donnant aux pays l’accès à toutes les technologies capables d’assurer une production d’énergie de base abordable.

La Banque doit rester neutre technologiquement et prioriser l’accessibilité. Dans la majorité des cas, cela signifie investir dans le gaz et les autres énergies fossiles. Dans d’autres cas, cela signifie investir dans les énergies renouvelables couplées à des systèmes permettant de gérer leur intermittence.

L’histoire humaine est sans équivoque : l’abondance énergétique engendre l’abondance économique. C’est pourquoi la Banque devrait encourager une approche inclusive et diversifiée du développement énergétique. Une telle approche rendra son action plus efficace et la reconnectera à sa mission première : la croissance économique et la réduction de la pauvreté.

Outre l’accès à l’énergie, la Banque pourrait également utiliser ses ressources plus efficacement en appliquant véritablement sa politique de graduation. Cela lui permettrait de concentrer ses prêts sur les pays les plus pauvres, où son impact est le plus significatif.

Au lieu de cela, la Banque continue chaque année à prêter à des pays qui remplissent déjà les critères de graduation. Cela n’a aucune justification. Cela détourne les ressources des priorités urgentes et entrave le développement des marchés privés. Cela décourage aussi les efforts des pays pour sortir de la dépendance à la Banque mondiale et s’orienter vers une croissance tirée par le secteur privé.

La « politique de graduation » désigne le processus par lequel un pays cesse d’être éligible à l’assistance de l’Association internationale de développement (IDA), une branche du groupe de la Banque mondiale.

Lorsqu’un pays connaît une amélioration durable de son revenu par habitant et de sa capacité d’emprunt sur les marchés financiers, il peut ainsi — dans un jargon traduisant un anglicisme — « graduer » pour devenir uniquement éligible aux financements de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD, autre branche de la Banque mondiale), qui propose des prêts à des conditions moins dérogatoires.

Désormais, la Banque doit fixer des calendriers clairs pour la graduation des pays qui remplissent les critères depuis longtemps. Traiter la Chine — deuxième économie mondiale — comme un « pays en développement » est absurde.

La montée en puissance de la Chine a été rapide et impressionnante — souvent au détriment des marchés occidentaux. Mais si elle veut jouer un rôle mondial à la hauteur de son poids réel, elle doit aussi en assumer les responsabilités.

La Banque mondiale doit mettre en place des politiques de passation de marchés transparentes et fondées sur la valeur globale. Elle doit aider les pays à s’éloigner des approches qui privilégient uniquement les offres les moins chères.

De telles politiques favorisent les subventions industrielles et les pratiques déformantes qui entravent le développement. Elles étouffent aussi le secteur privé, encouragent la corruption et la collusion, et entraînent des coûts supérieurs à long terme. Des politiques de passation de marché fondées sur la meilleure valeur sont préférables tant sur le plan de l’efficacité que du développement. Leur application rigoureuse profitera à la Banque et à ses actionnaires.

À ce sujet, je tiens à envoyer un message clair concernant la reconstruction de l’Ukraine : aucune entité ayant financé ou approvisionné la machine de guerre russe ne pourra bénéficier des fonds destinés à la reconstruction de l’Ukraine.

Conclusion

Pour conclure, j’invite nos alliés à travailler avec nous afin de rééquilibrer le système financier international et de recentrer le FMI et la Banque mondiale sur leurs chartes fondatrices.

America First signifie que nous redoublons d’efforts pour nous engager dans le système économique international, notamment au FMI et à la Banque mondiale.

Un système économique mondial plus durable sera un système qui sert mieux les intérêts des États-Unis — et de tous les autres participants. Nous nous réjouissons de collaborer avec vous pour atteindre cet objectif. Merci.

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