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Alors que le monde n’a jamais été si interconnecté, les pays en développement sont confrontés à un paysage économique de plus en plus complexe et souvent hostile, façonné par trois grands groupes de contraintes politiques distinctes. Premièrement, la montée des tendances protectionnistes parmi les grandes puissances a rendu l’environnement mondial plus difficile, en particulier parce que les économies avancées se tournent de plus en plus vers les politiques industrielles pour atteindre des objectifs économiques spécifiques et que l’intensification des rivalités géopolitiques conduit à la restructuration des chaînes de valeur mondiales et au regroupement des pays en blocs économiques. Deuxièmement, alors que la demande de services publics n’a jamais été aussi forte, la marge de manœuvre des pays en développement en matière de politique macroéconomique s’est considérablement restreinte après qu’une série de crises — de la crise financière mondiale au Covid-19 en passant par les chocs de prix sur les matières premières — a épuisé les ressources budgétaires des gouvernements. Troisièmement, les progrès technologiques rapides sont perturbateurs, rendant obsolètes les réformes politiques traditionnelles en faveur de la croissance et de la transformation structurelle, nécessitant une expérimentation politique dans des domaines nouveaux et inexplorés.
Ces trois groupes de contraintes politiques ont créé une tempête parfaite pour les pays en développement. Dans cet article, nous nous proposons d’examiner l’impact multiforme de ces changements mondiaux sur les options de politique économique dont ils disposent. Actuellement, ces pays sont confrontés au défi de fonctionner sans un cadre clair et cohérent pour leurs politiques et stratégies de développement. Cela a conduit à un changement de paradigme caractérisé par le « chacun-pour-soi », qui se traduit par l’absence d’objectifs ou d’instruments politiques clairs pour naviguer dans cette nouvelle réalité. Une telle approche n’est pas viable et présente des risques importants pour la stabilité économique mondiale et le développement inclusif. Une alternative est néanmoins possible : un cadre de politique économique solide, nuancé et adapté, qui réponde aux défis uniques des pays en développement tout en tirant parti de leurs forces et de leur potentiel inhérents.
L’évolution du paysage économique mondial
La montée du protectionnisme dans l’environnement mondial
Avec l’émergence d’une tendance dominante au protectionnisme, le paysage économique mondial a connu un changement radical ces dernières années, marquant une rupture significative avec la tendance à la libéralisation des échanges qui avait caractérisé la majeure partie de l’ère de l’après Seconde Guerre mondiale.
Cette montée du protectionnisme, qui a débuté après la crise financière mondiale, s’est intensifiée depuis la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine en 2018.
Ce conflit est né de tensions économiques de longue date entre les deux puissances. Pendant des décennies, les États-Unis ont critiqué les pratiques commerciales de la Chine — l’accusant de vol de propriété intellectuelle, de transfert forcé de technologie et de subventions publiques qui donnent aux entreprises chinoises un avantage injuste. La Chine considère ces critiques comme des tentatives d’entraver son essor économique et de consolider la domination américaine. En 2018, les États-Unis ont imposé des droits de douane importants sur les importations chinoises, provoquant la réaction de Pékin. En 2019, les droits de douane américains moyens sur les produits chinois sont passés de 3,1 % à 19,3 %, tandis que les droits de douane chinois sur les produits américains sont passés de 8 % à 21,1 % 1. Depuis, la guerre commerciale s’est transformée en un conflit économique et technologique plus large, les deux pays cherchant à découpler leurs chaînes d’approvisionnement.
L’Union européenne est récemment entrée dans ce conflit commercial en proposant de nouveaux droits de douane sur les véhicules électriques chinois, invoquant une concurrence déloyale due aux subventions chinoises. En réponse, la Chine a ouvert une enquête sur les subventions de l’Union aux produits laitiers, aggravant ainsi les tensions commerciales.
Outre les droits de douane, les économies avancées se tournent de plus en plus vers d’autres politiques industrielles pour atteindre des objectifs économiques spécifiques. Ce changement représente une rupture significative avec l’orthodoxie du marché libre que ces pays préconisaient auparavant pour le monde en développement. Aux États-Unis, le CHIPS & Science Act de 2022 prévoit 52,7 milliards de dollars pour la recherche, le développement, la fabrication et le développement de la main-d’œuvre dans le domaine des semi-conducteurs, dans le but de stimuler une industrie stratégique et de réduire la dépendance à l’égard des fournisseurs étrangers 2. En 2020, l’Union avait lancé sa « Stratégie industrielle » pour soutenir la transformation verte et numérique des États membres. En 2024, elle a annoncé une stratégie visant à renforcer sa position concurrentielle face aux États-Unis et à la Chine en améliorant ses politiques industrielles et commerciales 3. Ces stratégies mettent l’accent sur une intervention significative de l’État pour renforcer les industries clefs et garantir l’autonomie stratégique. Les réactions des États-Unis et de l’Union répondent de fait toutes deux à l’ambitieuse politique industrielle de la Chine, reflétée dans son plan « Made in China 2025 » qui vise à moderniser complètement l’industrie chinoise pour la rendre plus efficace et plus intégrée afin qu’elle puisse occuper les parties les plus élevées des chaînes de production mondiales 4.
Parallèlement à la montée du protectionnisme, le paysage économique mondial est remodelé par l’intensification des rivalités géopolitiques, ce qui entraîne une restructuration des chaînes de valeur mondiales notamment à travers le « friendshoring » — la pratique consistant à s’approvisionner en matériaux, en composants et en produits manufacturés auprès de pays considérés comme des alliés ou des amis. Cette tendance est largement motivée par des considérations géopolitiques et des préoccupations sur la résilience de la chaîne d’approvisionnement, en particulier à la suite des perturbations causées par la pandémie de Covid-19.
Pour les pays en développement, la montée du protectionnisme et la réorientation des chaînes de valeur mondiales présentent à la fois des opportunités et des défis. Les pays politiquement alignés peuvent attirer davantage d’investissements et d’échanges, les entreprises cherchant à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement. Par exemple, Haberkorn et ses coauteurs, de la Réserve fédérale, ont constaté que le Mexique et les pays de l’ASEAN comme la Malaisie et le Vietnam ont bénéficié des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine — la production se déplaçant de la Chine vers ces régions. Mais les pays exportateurs de ressources et les nations les moins développées restent confrontés à des défis importants 5 : le ralentissement économique mondial, exacerbé par la guerre commerciale et la pandémie, a réduit la demande de produits de base, nuisant aux pays qui dépendent des exportations de ressources naturelles.
La guerre commerciale a par ailleurs perturbé les chaînes d’approvisionnement mondiales, augmentant l’incertitude pour les pays en développement qui commercent à la fois avec les États-Unis et la Chine. Le ralentissement de la croissance économique de la Chine, combiné à la montée du protectionnisme mondial, a rendu l’environnement économique plus volatile, compliquant la planification future des pays en développement. Le rôle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en tant que forum pour les négociations commerciales et de la résolution des litiges en tant qu’instrument politique pour ces nations tend à s’amenuiser.
La tendance à la restructuration des chaînes de valeur mondiales soulève également des inquiétudes quant à la fragmentation du système commercial mondial. Au fur et à mesure que les chaînes d’approvisionnement sont réorganisées en fonction des lignes géopolitiques, les inefficacités risquent de s’accumuler, réduisant l’intégration économique mondiale. Cela pourrait ralentir la croissance mondiale et limiter les possibilités pour les pays en développement de bénéficier du transfert de technologie et de l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales.
Une marge de manœuvre macroéconomique limitée
La marge de manœuvre macroéconomique des pays en développement se rétrécit en raison de la diminution des ressources budgétaires, de la flexibilité limitée de la politique monétaire et de l’affaiblissement de l’indépendance des banques centrales.
Le manque d’espace fiscal
Les budgets publics des pays en développement ont été affectés par les crises récentes, notamment la crise financière mondiale, le Covid-19 et les chocs des prix des produits de base au cours de la dernière décennie. En outre, les demandes concurrentes de dépenses publiques ont augmenté en raison des tendances démographiques, du changement climatique, du poids élevé de l’endettement et du service de la dette, et de l’augmentation des dépenses militaires. Cette interaction complexe crée un environnement difficile pour la gestion de la stabilité et de la croissance économiques.
Tendances démographiques : vieillissement des populations, chômage des jeunes et fuite des cerveaux
Le vieillissement des populations pèse de plus en plus sur les finances publiques de nombreux pays en développement. Alors que le vieillissement était traditionnellement un défi pour les économies avancées, de nombreux pays en développement sont aujourd’hui confrontés à ce changement démographique plus rapidement que prévu. Selon les projections des Nations Unies 6, la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus dans les pays en développement devrait passer de 8,4 % en 2024 à 14,7 % en 2050. D’ici 2071, les personnes âgées seront plus nombreuses que les moins de 14 ans.
Cette évolution démographique intensifie la demande en soins de santé, en pensions et dans d’autres services sociaux. À titre d’exemple, les dépenses de santé au Brésil ont atteint 10 % du PIB en 2023 en partie à cause du vieillissement de la population. De même, les pays à revenu intermédiaire comme la Thaïlande connaissent une croissance rapide de leur population âgée, ce qui accroît la pression sur les ressources publiques. Les données de la Banque mondiale montrent que les dépenses de santé publique dépassent déjà 5,4 % du PIB dans les pays à revenu intermédiaire, contre moins de 4,9 % dix ans plus tôt, et que d’autres augmentations sont attendues.
Le défi est aggravé par des filets de sécurité sociale limités. L’Organisation internationale du travail estime que seuls 12,7 % des retraités des pays à faible revenu bénéficient d’une retraite — contre une couverture quasi universelle (96,8 %) dans les pays à revenu élevé 7. Les populations âgées sont donc vulnérables et les gouvernements sont contraints d’étendre les services sociaux, exerçant une pression encore plus grande sur les ressources fiscales.
Le chômage des jeunes représente également un fardeau important. Les gouvernements doivent en effet souvent augmenter les dépenses consacrées aux programmes de protection sociale, à la formation professionnelle et aux initiatives éducatives pour favoriser l’engagement économique et éviter les troubles sociaux. L’OIT prévoit un taux de chômage mondial des jeunes d’environ 13 % en 2024. Dans des régions comme l’Afrique du Nord, ce taux a déjà atteint jusqu’à 23 % 8. Or un taux de chômage élevé chez les jeunes réduit les recettes fiscales tout en augmentant les besoins en dépenses publiques, détournant ainsi des fonds qui pourraient être destinés à des infrastructures essentielles ou à des services de santé.
En sus, la fuite des cerveaux exacerbe la perte de ressources en privant les pays en développement de professionnels instruits et qualifiés qui émigrent pour trouver de meilleures opportunités. Cet exode limite la main-d’œuvre nationale dans des domaines vitaux tels que les soins de santé et l’éducation, obligeant les gouvernements à dépenser davantage pour le recrutement, la formation et l’externalisation afin de combler les lacunes. La perte de professionnels hautement qualifiés étouffe enfin l’innovation et réduit les recettes publiques, aggravant les pressions fiscales. Un chiffre est singulièrement parlant : en 2018, près de 25 000 médecins formés en Afrique subsaharienne — près d’un quart de l’ensemble des médecins de la région — travaillaient dans les pays de l’OCDE 9.
Le changement climatique
Le changement climatique présente à la fois des risques d’impact et des besoins urgents d’adaptation.
Les pays en développement sont en effet confrontés à de graves conséquences, notamment l’élévation du niveau des mers, la désertification et les conditions météorologiques extrêmes, qui peuvent perturber la croissance et la stabilité économique. Pour faire face à ces situations, des investissements importants sont nécessaires pour transformer les systèmes énergétiques, l’agriculture et les infrastructures urbaines et pour prendre des mesures d’adaptation 10. Le financement de ces initiatives dépend fortement du soutien extérieur, les estimations indiquant que 2 à 4 % du PIB en investissements supplémentaires seront nécessaires chaque année.
La charge du service de la dette
Le poids élevé de la dette est un autre problème critique pour les pays en développement. Nombre d’entre eux ont accumulé une dette importante pour financer les infrastructures et les programmes sociaux, en particulier pendant la pandémie de Covid-19. Les données de la Banque mondiale montrent que le ratio moyen de la dette extérieure au PIB dans les pays à faible revenu est passé de 28,8 % en 2012 à 44,5 % en 2022. Dans certains cas, comme en Zambie et au Sri Lanka, les niveaux d’endettement sont devenus insoutenables, entraînant des défauts de paiement et des appels à l’aide internationale.
Le Fiscal Monitor d’octobre 2024 du FMI formule à cet égard une mise en garde : la dette publique mondiale 11 devrait dépasser 100 000 milliards de dollars — 93 % du PIB mondial — d’ici 2024, et pourrait atteindre 100 % du PIB mondial d’ici 2030. À titre de comparaison, en 2007, avant la crise financière mondiale, cette dette représentait moins de 61 % du PIB mondial. Pour les marchés émergents et les pays en développement, la « dette à risque » — la dette dans des scénarios défavorables — a augmenté pour atteindre 88 % du PIB. La Banque mondiale estime que les pays à revenu faible et à revenu intermédiaire paieront plus de 100 milliards de dollars au titre du service de la dette en 2024. Dans certains États comme le Ghana et l’Égypte, le service de la dette absorbe plus de 40 % des recettes publiques, ayant pour effet d’évincer fortement les dépenses consacrées aux services essentiels.
De nombreux pays en développement ont par ailleurs emprunté en devises étrangères, les rendant vulnérables aux fluctuations des taux de change. Par exemple, l’inflation et la dépréciation de la monnaie ont alourdi le fardeau de la dette en Turquie et en Argentine, ce qui a encore réduit une marge de manœuvre budgétaire déjà limitée.
Le poids de plus en plus important des dépenses militaires
Les tensions géopolitiques croissantes, en particulier entre les États-Unis et la Chine et d’autres grandes puissances, ont conduit certains pays en développement à augmenter leurs dépenses de défense.
L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) indiquait ainsi qu’en 2023, les dépenses militaires avaient augmenté dans les cinq régions géographiques pour la première fois depuis 2009 12. Les dépenses de défense en Afrique ont augmenté de 22 % en termes réels, avec des augmentations notables en Afrique du Nord (38 %) et en Afrique subsaharienne (8,9 %). L’Asie de l’Est a connu une hausse de 6,2 %, reflétant les préoccupations régionales en matière de sécurité. Cette tendance à privilégier les dépenses de défense détourne elle aussi des fonds destinés à répondre à des besoins de développement essentiels.
Une marge de manœuvre limitée pour la politique monétaire
La capacité des banques centrales des pays en développement à utiliser la politique monétaire pour stabiliser leurs économies a été considérablement réduite. Les taux d’intérêt mondiaux élevés ont contraint de nombreux pays en développement à augmenter leurs propres taux pour éviter les sorties de capitaux et la dépréciation de leur monnaie, ce qui a pour effet d’augmenter les coûts d’emprunt nationaux et de ralentir l’investissement et la croissance. Par exemple, la banque centrale du Brésil a porté son taux d’intérêt de référence à 13,75 % en 2023 pour freiner l’inflation, ce qui a ralenti la croissance économique. De même, l’Égypte a relevé ses taux pour contrôler l’inflation, ce qui a entraîné une baisse des investissements et une hausse des coûts d’emprunt pour les entreprises et les ménages.
En outre, les flux de capitaux sont devenus plus volatils, ce qui complique la gestion des taux de change. Avec la diminution des réserves de change dans de nombreux pays en développement, la défense des monnaies est devenue de plus en plus difficile. Les réserves de change du Pakistan sont ainsi tombées à titre d’exemple à moins de deux mois d’importations en 2023, ce qui est inférieur au seuil minimum conventionnel de trois mois pour l’adéquation des réserves. Cette insuffisance a fortement limité la capacité du pays à gérer efficacement sa monnaie.
Les pays en développement sont confrontés à un trilemme monétaire qui consiste essentiellement équilibrer trois contraintes : la stabilité du taux de change 13, une politique monétaire indépendante et la mobilité des capitaux 14. Ce trilemme suggère qu’un pays ne peut atteindre que deux de ces trois objectifs à la fois 15 et que le choix de l’objectif prioritaire dépend de circonstances spécifiques. Obsfelt et Taylor 16 ont noté que ce trilemme monétaire avait par exemple empêché la plupart des pays de maintenir des parités monétaires fermes étant donné la nécessité de poursuivre une politique monétaire indépendante pour atteindre des objectifs économiques nationaux.
Les chocs externes — tels que la hausse des taux d’intérêt internationaux — exacerbent ce trilemme. Des taux d’intérêt internationaux plus élevés rendent plus difficile l’ancrage d’un taux de change en raison des pressions exercées en faveur d’une dévaluation. Pour réduire l’impact des chocs extérieurs sur l’économie nationale, les responsables politiques peuvent être amenés à limiter les flux de capitaux ou à adopter des taux de change plus flexibles afin de conserver la capacité d’influencer les taux d’intérêt nationaux. Mais la nécessité d’une politique monétaire indépendante est également cruciale pour une autre raison : au sortir de la pandémie de Covid-19, de nombreuses PME et même de grandes entreprises se trouvaient dans une situation vulnérable et avaient besoin de fonds de roulement et de nouveaux investissements pour reprendre et développer la production. Toute tentative des banques centrales d’augmenter les taux d’intérêt nationaux en réponse à la hausse des taux d’intérêt internationaux aurait pu pousser ces entreprises à la faillite et avoir un impact négatif sur la croissance économique.
L’érosion de l’indépendance des banques centrales
Or l’accroissement fiscal croissant, alimenté par une dette élevée et des crises successives, a poussé certains gouvernements à vouloir exercer une plus grande influence sur les décisions des banques centrales, compromettant ainsi leur indépendance. Dans des pays comme la Turquie et l’Argentine, elles ont été poussées à maintenir des taux bas ou à imprimer de la monnaie pour financer les déficits budgétaires — ce qui a entraîné une hyperinflation et une dévaluation de la monnaie. Cette érosion de l’indépendance sape la crédibilité des banques centrales et rend le contrôle de l’inflation et la stabilité économique plus difficiles.
Changement technologique et croissance économique
Le rythme du changement technologique s’est considérablement accéléré ces dernières années, modifiant fondamentalement la nature du travail, du commerce et du développement économique. Souvent qualifiées de quatrième révolution industrielle, les avancées dans les domaines de l’intelligence artificielle, de la robotique, de l’Internet des objets, de l’impression 3D et de la biotechnologie transforment les économies d’une manière similaire à l’impact de l’électricité au XIXe siècle.
La transition technologique bouleverse les modèles traditionnels de croissance économique.
Traditionnellement, la croissance dans les pays en développement avait été alimentée par la transformation structurelle — c’est-à-dire le déplacement des ressources des secteurs à faible productivité vers les secteurs à forte productivité, par exemple de l’agriculture vers l’industrie manufacturière. En Afrique, la transformation structurelle représentait 74 % de la croissance de la productivité avant la crise financière de 2008 17. Ce n’est toutefois plus le cas. Dani Rodrik et Joseph Stiglitz 18 ont souligné que la transformation structurelle par l’industrialisation orientée vers l’exportation — qui a aidé les pays d’Asie de l’Est à devenir des nations développées — n’est plus viable aujourd’hui. Plusieurs facteurs y contribuent : les changements technologiques ont rendu la fabrication plus intensive en compétences et en capital ; la pandémie de Covid-19 a accéléré les tendances existantes de ralentissement de la croissance et d’augmentation de la dette ; la concurrence géopolitique et les réactions contre l’hyper-mondialisation se sont accrues ; et le changement climatique affecte les secteurs traditionnels tels que l’agriculture.
Les mêmes auteurs proposent une nouvelle stratégie de croissance pour les pays en développement 19, basée sur deux composantes. La première se concentre sur la transition verte et notamment la transformation des systèmes énergétiques, l’investissement dans l’agriculture durable et la construction d’infrastructures durables. La deuxième composante est axée sur l’amélioration de la productivité dans les services non commerciaux à forte intensité de main-d’œuvre : la capacité d’absorption de main-d’œuvre de l’industrie manufacturière ayant diminué, les services resteront en effet le principal secteur d’absorption de main-d’œuvre. Ils proposent une approche en trois volets : encourager les grandes entreprises à créer des emplois moins qualifiés dans les services non échangeables, fournir des intrants publics aux petites entreprises et investir dans des technologies qui complètent les travailleurs peu qualifiés plutôt que de les remplacer. Ils soulignent l’importance de l’expérimentation et de l’apprentissage des politiques, les objectifs, les instruments et les institutions évoluant au fil du temps.
Si l’approche de Rodrik et Stiglitz en matière de politique industrielle est convaincante, son succès dépendra de trois facteurs clefs. Premièrement, le secteur public des pays en développement a une faible capacité institutionnelle et devra être considérablement renforcé pour soutenir efficacement le secteur privé dans l’expérimentation des politiques, la planification et l’exécution des programmes d’aide. Deuxièmement, comme l’ont noté Rodrik et Stiglitz, la productivité dans les secteurs des services est faible, ce qui signifie que cette approche axée sur les services est susceptible de produire une croissance économique plus faible que les stratégies traditionnelles axées sur l’industrie manufacturière. Pour contrer ce phénomène, les pays en développement devraient non seulement développer le tourisme pour attirer les travailleurs peu ou semi-qualifiés du secteur informel, mais aussi prendre des mesures pour promouvoir des sous-secteurs manufacturiers spécifiques à forte intensité de main-d’œuvre, tels que l’industrie textile et l’agro-industrie 20.
Troisièmement, le processus de remplacement de la main-d’œuvre par l’IA et d’autres technologies devrait se dérouler progressivement. Comme l’a montré Daron Acemoğlu 21, les effets macroéconomiques de l’IA, bien que significatifs, sont relativement modestes, la productivité totale des facteurs ne devant pas augmenter de plus de 0,7 % sur une décennie. D’autres auteurs ont également souligné que si l’IA va remodeler les schémas de travail, les prédictions d’une automatisation rapide et généralisée négligent souvent la lenteur de l’adoption et les défis techniques et économiques liés au développement de systèmes d’IA capables de gérer des tâches spécifiques 22. Par conséquent, les pays en développement pourraient avoir au moins une à deux décennies devant eux avant que les emplois manufacturiers ne soient affectés de manière significative.
De nouvelles orientations politiques pour les pays en développement
Le Consensus de Washington — l’ensemble des prescriptions de politiques économiques axées sur le marché qui ont dominé la réflexion sur le développement dans les années 1980 et 1990 — appartient désormais en grande partie à l’histoire.
Ce paradigme, qui mettait l’accent sur la privatisation, la déréglementation et la libéralisation du commerce, a été promu par les institutions financières internationales après que la stratégie d’industrialisation par substitution aux importations des années 1960 et 1970 n’eut pas donné les résultats escomptés. Cependant, le bilan des pays qui ont suivi le Consensus de Washington est pour le moins mitigé : ils n’ont pas connu une croissance beaucoup plus rapide que ceux qui n’ont pas suivi un tel programme 23. De fait, certains des pays en développement les plus performants de ces dernières décennies, comme la Chine et le Vietnam, ont connu une croissance rapide alors qu’ils ne mettaient en œuvre que de manière sélective des éléments du Consensus de Washington.
L’affaiblissement du consensus a laissé un vide important dans l’économie du développement.
Il n’existe plus d’ensemble clair et largement accepté de politiques publiques à suivre par les pays en développement. À la place, une approche plus éclectique a vu le jour, reconnaissant l’importance des politiques spécifiques au contexte et le rôle potentiel de l’État dans la promotion du développement. Certains auteurs ont introduit les « diagnostics de croissance » 24, une approche axée sur l’identification et le traitement des contraintes les plus pressantes pour la croissance économique dans un pays donné. D’autres ont proposé le concept de « nouvelle économie structurelle », qui met l’accent sur des politiques industrielles adaptées à l’avantage comparatif et au niveau de développement d’un pays 25. Si ces approches offrent des perspectives intéressantes, elles n’ont pas la rigueur et le cadre théorique cohérent nécessaires pour fournir le type de politiques claires et réalisables que le Consensus de Washington cherchait autrefois à mettre en place.
Ce vide politique a parfois laissé les décideurs des pays en développement à la dérive dans un paysage économique mondial de plus en plus complexe, les obligeant à prendre des décisions cruciales en matière de commerce, de fiscalité, de finances et de réformes structurelles sans disposer d’un cadre cohérent pour guider leurs choix.
Cette approche ad hoc de l’élaboration des politiques économiques — « chacun pour soi » — a abouti à des résultats incohérents, à une vulnérabilité accrue aux chocs extérieurs et à une crédibilité politique réduite, les pays s’efforçant d’équilibrer les injonctions parfois contradictoires des institutions financières internationales, des électeurs et des marchés mondiaux. L’absence d’un paradigme de développement clair a conduit à des expérimentations politiques qui, bien que potentiellement innovantes, manquent souvent du soutien institutionnel et des fondements théoriques nécessaires à une transformation économique durable.
En outre, la situation actuelle, dans laquelle chaque pays en développement doit relever seul les défis économiques mondiaux — de la volatilité des flux de capitaux aux perturbations technologiques et au changement climatique — représente une inefficience significative au sein du système économique international. En l’absence d’une compréhension commune des priorités de développement et d’outils politiques éprouvés, ces pays réinventent souvent la roue ou, pire, répètent les erreurs des autres. Les gains opportunistes à court terme ne seront pas durables à long terme. Une telle approche, fragmentée, augmente non seulement le risque d’échec des politiques mais entrave également l’action collective face à des défis transnationaux qui nécessitent des réponses coordonnées. La nécessité d’un nouveau cadre de développement cohérent, ancré dans des intérêts alignés et des comportements suivis, est devenue de plus en plus urgente alors que les pays en développement cherchent à construire des économies résilientes tout en s’attaquant aux inégalités et aux transitions numérique et technologique.
L’émergence de la Chine en tant que deuxième acteur mondial et la montée en puissance de nouveaux concurrents asiatiques ont des implications importantes pour tous les pays et leurs stratégies de croissance 26.
À cet égard, l’une des principales préoccupations des pays en développement est que la montée du protectionnisme des États-Unis et de l’Union pourrait entraîner une augmentation des exportations de la Chine vers ces pays. Cette inquiétude repose sur trois facteurs. Premièrement, les exportations chinoises sont très compétitives pour un large éventail de produits — de ceux à faible valeur ajoutée à ceux à forte valeur ajoutée — en raison d’un écosystème de production efficace caractérisé par des économies d’échelle massives, une vaste chaîne d’approvisionnement nationale, une efficacité organisationnelle et une main-d’œuvre bien formée. Deuxièmement, en 2023, les exportations de la Chine atteindront 3 500 milliards de dollars, dont près de la moitié à destination des États-Unis et de l’Union. Un protectionnisme accru de la part de ces marchés pourrait détourner cet excédent vers les économies en développement, étant donné que la capacité de production de la Chine est axée sur les exportations plutôt que sur la consommation intérieure. Troisièmement, des recherches récentes ont montré un changement induit par la guerre commerciale : les principaux partenaires commerciaux des États-Unis importent davantage de Chine 27. Entre 2019 et 2022, la part de la Chine dans les importations de l’ASEAN a augmenté de 1,5 à 4 points de pourcentage, principalement dans les biens soumis à des droits de douane. Le Mexique a connu une augmentation similaire de 0,5 à 2,5 points de pourcentage, également concentrée sur les biens soumis à des droits de douane.
Une approche passive ou d’inaction de la part des pays en développement pourrait conduire à un système mondial dans lequel la plupart des économies dépendraient de facto d’un petit nombre de pays dominants pour l’approvisionnement en biens industriels, et ce uniquement pour des raisons d’efficacité. Dans un tel scénario, les pays importateurs ne produiraient plus que de la nourriture, des services non échangeables et des reconnaissances de dettes pour payer les biens des pays producteurs. Bien que cette configuration puisse sembler rationnelle du point de vue de l’efficacité économique, elle serait indésirable pour de nombreux citoyens, car elle pourrait aggraver les inégalités et saper la souveraineté économique.
Pour les décideurs politiques des pays en développement, la révolution technologique actuelle exige de savoir composer une partition délicate. Ils doivent trouver des moyens d’exploiter les nouvelles technologies pour stimuler la croissance économique et améliorer les services publics, tout en atténuant les risques de déplacement d’emplois et d’aggravation des inégalités. Les pays qui parviennent à naviguer dans cette dynamique, à tirer parti de leurs atouts et à forger des partenariats stratégiques seront les mieux placés pour transformer les défis posés par la concurrence des grandes puissances en opportunités de développement et de prospérité.
Des stratégies pour les pays en développement
Le cadre politique destiné à aider les pays en développement à naviguer dans un environnement mondial de plus en plus complexe et incertain devrait être suffisamment souple pour s’adapter aux circonstances diverses des différentes nations, tout en fournissant des orientations claires sur les domaines politiques clés. Voici quelques piliers essentiels de ce nouveau cadre :
i) créer des amortisseurs macroéconomiques pour améliorer la résistance aux chocs extérieurs ;
ii) tirer parti de la technologie pour réaliser des gains de productivité, en particulier dans le secteur public ;
iii) promouvoir la croissance et la transformation structurelle ; et
iv) renforcer la coordination des politiques entre les pays en développement.
La communauté internationale a un rôle crucial à jouer en soutenant ces efforts par le biais d’une assistance technique et d’un soutien financier.
La mise en place d’amortisseurs macroéconomiques
Dans un contexte mondial de plus en plus volatil, les pays en développement doivent donner la priorité à la mise en place de solides amortisseurs macroéconomiques afin d’améliorer leur résistance aux chocs extérieurs.
Cela implique quatre types de réformes — sur les politiques budgétaires, monétaires, de taux de change et macroprudentielles :
- La politique budgétaire devrait être renforcée afin d’atténuer les effets négatifs sur la production et les inégalités en combinant les mesures relatives aux recettes et aux dépenses, en préservant les investissements publics, en protégeant les ménages vulnérables grâce à des transferts ciblés et en supprimant progressivement les subventions non ciblées 28. Cela pourrait impliquer d’améliorer la collecte des impôts en modernisant les systèmes fiscaux et en élargissant l’assiette fiscale. En outre, les dépenses devraient donner la priorité aux investissements favorisant la croissance dans des domaines tels que les infrastructures et le capital humain. Pour remédier aux vulnérabilités de la dette, les gouvernements devraient atténuer la dette non identifiée résultant des arriérés et des engagements conditionnels.
- La politique monétaire devrait pouvoir adopter des régimes flexibles de ciblage de l’inflation afin d’équilibrer la stabilité des prix avec d’autres objectifs clefs, tels que la stabilité financière et la croissance économique. Il est également important de développer les marchés obligataires en monnaie locale afin de réduire la dépendance à l’égard des emprunts en devises, qui expose les économies à la volatilité des taux de change. Par exemple, le passage de l’Inde à un régime flexible de ciblage de l’inflation en 2016 a contribué à ancrer les attentes en matière d’inflation et à réduire la volatilité macroéconomique.
- La politique des taux de change doit être suivie de près et des réserves internationales doivent être constituées. Les pays doivent s’orienter vers des régimes de taux de change plus flexibles, capables d’absorber les chocs contre la volatilité extérieure. Les interventions sur le marché des changes devraient atténuer la volatilité excessive, plutôt que de défendre un niveau de taux de change particulier. Les études montrent que les pays dotés de régimes de change plus flexibles sont moins susceptibles de connaître des crises monétaires. Ils se remettent également plus rapidement des chocs.
- Les politiques macroprudentielles doivent s’attaquer aux risques systémiques dans le secteur financier et gérer les flux de capitaux volatils. Ces politiques doivent être coordonnées avec les politiques monétaires et fiscales pour une plus grande efficacité tout en maintenant l’autonomie financière. Les outils macroprudentiels complets de la Corée du Sud, tels que les limites imposées aux positions des banques sur les produits dérivés de change et un prélèvement sur les engagements en devises étrangères non essentiels, se sont avérés efficaces pour renforcer la stabilité financière.
Le recours à la technologie pour gagner en productivité
Les pays en développement peuvent exploiter les technologies avancées pour améliorer la productivité, en particulier dans le secteur public. Elle peut notamment jouer un rôle transformateur dans les domaines clefs suivants :
- Gouvernance. Les systèmes numériques pour les services gouvernementaux peuvent réduire la bureaucratie, augmenter l’efficacité et réduire la corruption. Le développement de systèmes nationaux d’identité numérique peut améliorer l’accès aux services publics et l’inclusion financière. Un secteur public numérisé efficace et transparent peut améliorer la gestion des projets, l’analyse des données et l’évaluation des politiques, en encourageant l’utilisation de données et d’évaluations rigoureuses dans la conception et la mise en œuvre des politiques, y compris les examens annuels des programmes d’investissement et de dépenses courantes. Le système complet d’e-gouvernance de l’Estonie illustre le potentiel de transformation de la gouvernance numérique.
- Éducation. La technologie peut améliorer l’accès à une éducation de qualité, en particulier dans les zones reculées. Les plateformes numériques dotées de technologies d’apprentissage adaptatif peuvent personnaliser l’enseignement et combler les lacunes en matière d’apprentissage. La plateforme d’apprentissage en ligne BYJU’S, en Inde, qui a accompagné plus de 80 millions d’étudiants, démontre ce potentiel.
- R&D et innovation. Les technologies, notamment l’intelligence artificielle et l’Internet des objets, offrent un potentiel considérable pour transformer la recherche et le développement dans les pays en développement. L’IA peut améliorer l’efficacité en automatisant les tâches de routine, en analysant de vastes ensembles de données et en générant des connaissances qui accélèrent l’innovation dans tous les secteurs, de l’agriculture aux soins de santé. Ces technologies peuvent en outre compenser la limitation des ressources en permettant la collaboration à distance, les simulations virtuelles et la rationalisation des flux de travail, aidant ainsi les pays en développement à surmonter les obstacles traditionnels à la R&D, tels que le manque d’infrastructures, de financement et de personnel qualifié. Grâce à des investissements stratégiques, l’IA et l’Internet des objets peuvent permettre à ces nations de relever les défis locaux de manière innovante et de contribuer à la création de connaissances à l’échelle mondiale par la collecte et l’analyse de données.
- Santé. Les innovations telles que les systèmes de télémédecine et les analyses basées sur l’IA peuvent améliorer l’accès aux soins de santé, la surveillance des maladies et la planification des systèmes de santé, en particulier dans les zones rurales. La télémédecine permet aux patients de consulter des médecins à distance, surmontant ainsi les longues distances et les pénuries de professionnels de la santé. L’analyse pilotée par l’IA peut soutenir la surveillance des maladies en traitant rapidement les données pour identifier les épidémies et les schémas, ce qui permet de réagir plus rapidement et de mieux cibler les interventions. En outre, les outils d’IA peuvent aider à la planification des systèmes de santé en prévoyant les besoins des patients, en optimisant l’allocation des ressources et en garantissant une prestation efficace et opportune des services de santé. L’utilisation par le Rwanda de drones pour livrer des fournitures médicales dans des zones reculées est un exemple d’innovation réussie dans ce domaine.
- Agriculture. Dans l’agriculture, l‘analyse prédictive pilotée par l’IA peut aider les agriculteurs à maximiser le rendement des cultures sous contrainte de ressources, tandis que les dispositifs d’Internet des objets peuvent surveiller et relayer en temps réel des données essentielles sur la santé des sols et les conditions météorologiques, ce qui rend les efforts de recherche plus précis et plus exploitables. Le projet Digital Green en Inde et en Éthiopie, qui utilise des vidéos communautaires pour partager les meilleures pratiques agricoles, a ainsi touché plus de 1,8 million d’agriculteurs.
La promotion de la croissance et de la transformation structurelle
Si l’approche de Rodrik et Stiglitz met l’accent sur la création d’emplois dans le secteur des services, elle ne peut à elle seule fournir des emplois aux millions de jeunes qui entrent chaque année sur le marché du travail dans les pays en développement.
Cela s’explique en partie par la productivité plus faible du secteur des services par rapport au secteur manufacturier, qui entraîne une croissance économique plus faible, et en partie par le fait que la demande de services (pour la plupart non échangeables) prend plus de temps à se matérialiser, contrairement à la demande de produits manufacturés qui est immédiatement disponible sur les marchés mondiaux. Ainsi, les secteurs économiques traditionnels restent essentiels pour absorber les travailleurs non qualifiés et semi-qualifiés, ce qui rend crucial pour les gouvernements de promouvoir la croissance dans ces secteurs et de les intégrer dans l’économie au sens large.
Pour relever ces défis, les pays en développement doivent mettre en œuvre une stratégie équilibrée et adaptable qui inclut différents types d’entreprises.
Celle-ci devrait comprendre la formulation de politiques d’investissements visant à intégrer les pays à faible revenu dans les chaînes de valeur mondiales et à faciliter une plus grande participation des pays à revenu intermédiaire aux chaînes de valeur, à stimuler la croissance des entreprises nationales desservant les marchés régionaux et nationaux et à promouvoir activement la numérisation pour relier les deux secteurs. Les politiques doivent être pratiques, fondées sur des études de cas empiriques qui mettent en évidence les succès et les échecs dans des scénarios spécifiques.
L’augmentation de l’intensité capitalistique de l’industrie manufacturière est une question cruciale pour l’industrialisation des pays en développement. Les recherches montrent que des pays comme l’Éthiopie et la Tanzanie ont des ratios capital/travail élevés par rapport à d’autres nations. Certains auteurs vont jusqu’à noter que les coûts de la main-d’œuvre dans les pays d’Afrique subsaharienne sont sensiblement plus élevés que dans les pays ayant des niveaux de revenus similaires 29. Cela suggère que les coûts de main-d’œuvre plus élevés peuvent conduire les entreprises multinationales à adopter des technologies à plus forte intensité de capital dans leurs investissements en Afrique subsaharienne.
Diverses solutions politiques peuvent répondre à ce défi. Certains pays d’Amérique latine ont ainsi créé des « zones industrielles spéciales » dotées de réglementations salariales spécifiques. Par ailleurs, les coûts élevés de la main-d’œuvre pourraient être compensés par d’autres facteurs de production, tels que des terrains industriels dotés d’infrastructures essentielles (électricité, eau, transports, etc.). Dans ces contextes, des solutions pratiques de second ordre peuvent être préférables. Nos recherches sur l’industrie manufacturière africaine ont révélé de nombreux exemples de groupements industriels — par exemple, les fleurs coupées au Kenya et en Éthiopie, les tomates au Sénégal — qui prospèrent en dépit des contraintes sectorielles 30.
D’autres études soulignent que certains sous-secteurs manufacturiers, tels que le textile, l’agro-alimentaire et les produits à forte intensité de matériaux continuent à requérir une main-d’œuvre importante 31. Si l’emploi direct dans l’industrie manufacturière basée sur les ressources naturelles peut être limité en raison de l’intensité capitalistique, les bénéfices indirects de ces exportations peuvent être significatifs. L’agro-transformation, par exemple, a le potentiel de créer des emplois et de la richesse indirectement pour les entreprises de logistique et d’emballage, les restaurants et les hôtels, et les fournisseurs d’intrants agricoles. Les mêmes auteurs ont également observé que parmi les entreprises du secteur informel, un petit sous-groupe — appelé entreprises « intermédiaires » — a enregistré une très forte croissance de la productivité 32. L’un des moyens de favoriser cette croissance est d’identifier et d’encourager les jeunes entreprises à fort potentiel de croissance. La nouvelle zone de libre-échange continentale africaine offre aux pays d’Afrique subsaharienne une excellente occasion d’étendre leur marché.
Le tourisme est un secteur à fort potentiel pour la création d’emplois pour les travailleurs peu ou semi-qualifiés dans les pays en développement. En Afrique, par exemple, le Conseil mondial du voyage et du tourisme a indiqué que le tourisme avait généré plus de 24 millions d’emplois en 2023, dont une grande partie concernait des postes peu ou semi-qualifiés dans des domaines tels que l’hôtellerie, la restauration, le transport et les services culturels et récréatifs. La nature à forte intensité de main-d’œuvre de ce secteur et les exigences étendues en matière de services créent des opportunités d’emploi accessibles qui ne nécessitent pas nécessairement des compétences avancées ou une éducation formelle, offrant ainsi un point d’entrée dans la main-d’œuvre à de nombreuses personnes et soutenant l’inclusion économique. En outre, les emplois indirects créés par le tourisme dans les industries de soutien, telles que le commerce de détail et les transports, amplifient son impact sur l’emploi et son potentiel de développement pour les communautés à faibles revenus.
Le secteur de la fabrication verte présente une autre voie potentielle d’industrialisation, en particulier compte tenu du potentiel d’énergie solaire du Sud. La transition vers l’industrie verte pourrait améliorer la compétitivité des coûts dans l’industrie légère et favoriser la croissance de l’emploi. L’industrie pharmaceutique est également un secteur viable pour l’industrialisation, car elle offre des avantages à la fois sanitaires et économiques.
Les pays en développement devraient adopter une stratégie d’industrialisation pragmatique ancrée dans les principes suivants :
- Reconnaître que les forces du marché ne suffisent pas à générer l’industrialisation.
- Comprendre qu’il n’existe pas de politique « universelle » mais que des stratégies individualisées sont nécessaires.
- Veiller à ce que les politiques soient pratiques, flexibles et axées sur les défis du monde réel plutôt que sur des idéologies rigides.
- Favoriser une collaboration étroite entre les secteurs public et privé pour faciliter des initiatives d’industrialisation efficaces.
Les politiques d’industrialisation recommandées peuvent être divisées en deux catégories 33 : i) des politiques générales visant à faciliter la transformation structurelle et ii) des politiques spécifiques destinées à encourager l’industrie manufacturière.
i) Politiques générales visant à faciliter la transformation structurelle (intersectorielle) :
- Créer un environnement favorable. Soutenir la stabilité politique et macroéconomique, et donner la priorité aux activités à forte intensité de main-d’œuvre et au renforcement du secteur privé en tant qu’objectifs gouvernementaux clefs.
- Augmenter la productivité agricole. Introduire des mesures telles que la sécurité foncière, l’amélioration de l’accès au marché et au financement, la sélection éclairée des cultures, l’utilisation efficace des engrais et l’amélioration de l’irrigation, afin de déplacer le surplus de main-d’œuvre vers des secteurs plus productifs.
- Maximiser le potentiel du secteur informel. Améliorer les compétences des travailleurs, faciliter l’accès aux services financiers, améliorer les transports et les communications, fournir des soins de santé et consolider les droits fonciers et de propriété. En outre, simplifier le passage du secteur informel au secteur formel en réduisant les coûts d’enregistrement.
- Réduire les obstacles à la mobilité. Donner la priorité aux investissements dans les infrastructures essentielles, telles que les réseaux de transport, les sources d’énergie et les systèmes de communication. Envisager de fournir des logements pour les travailleurs à proximité des zones industrielles et de simplifier les procédures administratives, telles que l’inscription à l’école.
ii) Politiques spécifiques pour soutenir l’industrie manufacturière :
- Cultiver l’investissement direct étranger. Les dirigeants nationaux et locaux doivent encourager et attirer activement les investissements tout en s’attaquant aux obstacles qui entravent leur croissance. Les efforts de collaboration entre les entreprises qui investissent et les institutions professionnelles peuvent fournir une formation essentielle à la main-d’œuvre. L’expérience de l’Asie de l’Est montre qu’elles ne créent pas seulement des emplois, mais facilitent également le transfert de connaissances et l’intégration financière.
- Stimuler les entreprises économiques locales. Il est important de reconnaître et de soutenir les initiatives économiques locales. Des études sur l’Afrique et l’Asie donnent des indications sur les stratégies efficaces de croissance de l’industrie manufacturière, telles que le séquençage stratégique, le démarrage à petite échelle, l’augmentation ou la réduction d’échelle selon les besoins, et l’identification des zones de réussite par le biais de politiques ciblées 34.
- Rapprocher les petites et les grandes entreprises. Les pays en développement peuvent mettre en œuvre des politiques qui comblent le fossé entre les petites entreprises et les grandes entreprises liées à l’IDE ou aux chaînes de valeur mondiales. Il peut s’agir d’offrir les mêmes incitations aux exportateurs directs et indirects et d’encourager les groupements organiques, qui sont des groupes d’entreprises et d’institutions partageant une activité commerciale spécifique dans une zone géographique limitée.
- Faire progresser la numérisation pour la croissance industrielle. L’écart entre la production et l’emploi dans les petites et grandes entreprises des pays en développement constitue une opportunité pour la numérisation. L’intégration numérique stratégique peut élever les MPME, renforcer les capacités technologiques des grandes entreprises au sein des chaînes de valeur mondiales et favoriser la coopération mutuelle entre les deux secteurs.
Le renforcement de la coordination des politiques entre les pays en développement
Une meilleure coordination des politiques entre les pays en développement peut ouvrir de nouvelles perspectives de croissance et de résilience partagées. La coopération Sud-Sud, l’intégration régionale et les initiatives politiques conjointes peuvent contribuer à renforcer les positions de négociation des pays en développement et à développer leur capacité collective :
- Coopération Sud-Sud. Il est essentiel de partager les meilleures pratiques dans des domaines tels que la politique industrielle, la protection sociale et l’adoption de technologies. Les pays en développement peuvent mettre en place des plateformes et des réseaux de partage des connaissances afin de faciliter la collaboration entre les décideurs politiques et les experts. Le forum de dialogue Inde-Brésil-Afrique du Sud (IBSA) est un bon exemple de ce type de coopération, qui permet à ces pays de coordonner leurs positions sur des questions mondiales et de partager leurs expériences en matière de développement.
- Intégration régionale. L’approfondissement de l’intégration économique au niveau régional peut créer des marchés plus vastes et renforcer la compétitivité. En se concentrant sur les chaînes de valeur régionales, les pays peuvent réduire leur dépendance à l’égard des marchés mondiaux volatils et accroître leur résilience. La zone de libre-échange continentale africaine est une initiative prometteuse qui vise à créer un marché unique pour les biens et les services dans 54 pays africains. Une mise en œuvre réussie pourrait considérablement stimuler le commerce intra-africain, favorisant ainsi la croissance économique et le développement.
- Recherche et développement conjoints. La mise en commun des ressources pour la recherche et le développement dans des domaines d’intérêt commun, tels que l’agriculture tropicale ou les énergies renouvelables, peut générer des avantages significatifs. La création de centres de recherche conjoints et de programmes d’échange peut favoriser l’innovation et faciliter le partage des connaissances. Le réseau de centres de recherche du CGIAR (initialement le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale) démontre le potentiel des efforts de collaboration pour relever des défis communs dans le domaine de l’agriculture et de la sécurité alimentaire.
- Réseaux d’apprentissage des politiques. Il est essentiel de créer des plateformes permettant aux décideurs politiques de différents pays en développement d’échanger leurs expériences et de tirer les leçons des succès et des échecs de chacun. Des programmes de formation conjoints et des simulations de politiques peuvent renforcer la capacité des décideurs à répondre efficacement aux nouveaux défis. L’initiative « Global Thinkers » Sud-Sud, soutenue par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et le Bureau des Nations unies pour la coopération Sud-Sud (UNOSSC), est un exemple de réussite, facilitant le partage des connaissances sur les questions de développement durable entre les groupes de réflexion des pays en développement.
Le rôle de la communauté internationale
La communauté internationale joue un rôle important en soutenant les pays en développement dans la formulation et la mise en œuvre de leurs politiques économiques. Ce soutien doit viser à développer les capacités de ces pays, tout en évitant une approche uniforme. Les domaines clefs de l’assistance internationale comprennent l’aide technique pour améliorer l’expertise en matière de réglementation financière, de négociations commerciales et de gestion publique, avec des programmes tels que ceux offerts par les institutions financières internationales. Le financement concessionnel, tel que celui fourni par l’Association internationale de développement de la Banque mondiale, est également crucial, tout comme les stratégies de financement innovantes, telles que les échanges dette-climat 35.
Il est tout aussi important de réformer la gouvernance économique mondiale pour que les pays en développement aient davantage voix au chapitre dans les institutions et les accords internationaux. Des initiatives telles que les réformes des quotes-parts du FMI, qui cherchent à augmenter le pouvoir de vote des marchés émergents, sont des exemples de ces efforts.
Le transfert de technologies et l’équilibre des droits de propriété intellectuelle sont également essentiels au développement durable, en particulier pour les technologies vertes et les médicaments essentiels. L’accord sur les ADPIC — les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce —, supervisé par l’OMC, offre une certaine flexibilité pour les licences obligatoires, ce qui a aidé des pays comme l’Inde et le Brésil. Le renforcement de la coopération sur les biens publics mondiaux, tels que l’atténuation du changement climatique et la préparation aux pandémies, est un autre aspect essentiel — des institutions telles que le Fonds vert pour le climat soutenant ces efforts.
Il est également crucial d’améliorer la collecte et l’accessibilité des données pour une prise de décision éclairée. L’initiative Open Data de la Banque mondiale montre comment un meilleur accès aux données peut favoriser la prise de décision. En fin de compte, le soutien international devrait permettre aux pays en développement de construire des économies résilientes grâce à une meilleure utilisation des technologies, à des institutions publiques plus fortes et à une meilleure coordination des politiques, leur permettant ainsi de faire face aux défis mondiaux de manière plus efficace.
*
Ce qu’il faut, c’est un nouveau cadre de politique économique pour les pays en développement, qui réponde aux défis uniques auxquels ils sont confrontés, tout en tirant parti de leurs forces et de leur potentiel. Ce cadre devrait être suffisamment souple pour s’adapter particularités propres à chaque État, tout en fournissant des orientations claires sur les domaines politiques clefs. Nous avons tenté d’examiner les principaux piliers d’un tel cadre à travers une série de recommandations :
- Mettre en place des amortisseurs macroéconomiques pour améliorer la résistance aux chocs extérieurs et l’auto-assurance ;
- Tirer parti de la technologie pour réaliser des gains de productivité, en particulier dans le secteur public ;
- Promouvoir des politiques de croissance et de transformation structurelle, en mettant l’accent sur la R&D et l’innovation ;
- Renforcer la coordination des politiques entre les pays en développement.
La communauté internationale a un rôle crucial à jouer en soutenant ces efforts par le biais d’une assistance technique et d’un soutien financier adaptés à l’espace politique et aux capacités de chaque pays en développement.
Les pays en développement doivent s’approprier leur processus de développement, en élaborant des politiques qui reflètent leur situation, leurs priorités et leurs aspirations propres. Cela implique non seulement de relever les défis économiques immédiats, mais aussi d’investir dans des capacités à long terme dans des domaines tels que l’éducation, l’innovation et le développement institutionnel.
Le chemin à parcourir ne sera pas facile, et il y aura sans aucun doute des revers et des défis à relever. Toutefois, en encourageant une plus grande coopération entre les pays en développement, en tirant parti des nouvelles technologies et en poussant à la réforme du système économique mondial, les pays en développement peuvent s’engager sur la voie d’un développement plus inclusif et durable.
Sources
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