Joe Biden entreprend aujourd’hui, vendredi 18 octobre, ce qui pourrait être son dernier voyage en Europe en tant que président des États-Unis. Alors que l’Ukraine perd du terrain, que la Russie a intensifié sa rhétorique nucléaire et que des soldats nord-coréens seraient sur le point d’être déployés sur le front dans l’oblast russe de Koursk, Biden est en Allemagne pour tenter de rassurer Kiev et ses partenaires européens sur la continuité du soutien de Washington.

  • Malgré une demande formulée par la Maison-Blanche, le GOP n’a pas inclus la prolongation du rehaussement du plafond du principal programme d’assistance militaire à l’Ukraine dans l’accord temporaire sur le financement du gouvernement fédéral adopté par le Congrès le 25 septembre — qui expire le 20 décembre.
  • Concrètement, la Maison-Blanche ne dispose plus de programme actif permettant de fournir à Kiev le niveau d’aide militaire observé depuis début 2022. Environ 5,55 milliards de dollars restants de l’aide approuvée en avril devraient servir à continuer de financer des envois de munitions et d’armes jusqu’à la fin de l’année, voire jusqu’à début 2025.
  • Si Donald Trump est élu le 5 novembre, celui-ci aura toute l’autorité requise pour s’opposer à l’envoi de matériel et munitions à l’Ukraine. Il pourra également peser sur l’envoi par les alliés de Washington de matériel produit par les États-Unis ou comportant des éléments américains — ce qu’a déjà fait l’administration démocrate.

La rencontre entre les cinq dirigeants constituera l’occasion pour Zelensky d’échanger avec ses homologues sur son plan de victoire, qu’il a présenté dès fin septembre à Biden — et Trump — puis à Scholz, Macron et Starmer au cours des dernières semaines. Hier, jeudi 17 octobre, le président ukrainien était à Bruxelles pour dévoiler le plan aux 27 dirigeants de l’Union.

Une partie du « plan de victoire » de Zelensky a été rendue publique à l’occasion1. Celui-ci comprend cinq parties : 

  1. Une « invitation immédiate » à rejoindre l’OTAN. Si la Maison-Blanche reconnaît que celle-ci fait l’objet d’une discussion entre les pays membres, « il n’y a pas de consensus à l’heure actuelle ». Il s’agit d’un des points principaux sur lesquels les discussions devrait aujourd’hui porter à Berlin2.
  2. Augmentation de l’assistance militaire. Kiev appelle notamment à « lever toutes les restrictions, investir dans la base industrielle de défense ukrainienne, coproduire, et saturer l’Ukraine de défense aérienne dès que possible ».
  3. Dissuasion non-nucléaire. Zelensky propose de « placer sur le territoire ukrainien un dispositif de dissuasion qui obligerait la Russie à participer à de véritables négociations de paix ou permettrait la destruction de ses cibles militaires ». Sur ce volet, les détails ont vraisemblablement uniquement été partagés avec les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne, qui disposent des capacités les plus avancées en matière d’armes moyenne et longue portée.
  4. Ressources financières. L’Ukraine veut tirer profit de ses ressources naturelles stratégiques — uranium, lithium, titane, graphite, manganèse… — afin de débloquer des « trillions de dollars ». Pour cela, Kiev propose à ses principaux partenaires des investissements conjoints ainsi qu’un « accord spécial sur la protection des ressources essentielles de l’Ukraine ».
  5. Post-guerre. Zelensky propose de mettre à contribution l’expérience de combat acquise par les soldats ukrainiens pendant la guerre au profit de l’OTAN « en remplaçant certains contingents américains par nos soldats, surtout en Europe ». Il s’agit du seul point du plan de victoire qui ne soit pas à un horizon immédiat.

Si la plupart des États membres ont exprimé leur soutien à l’Ukraine, ces derniers n’ont pas pour autant réagi publiquement au plan de victoire. Le chancelier allemand Olaf School a répété hier devant la presse que l’Allemagne restait ferme sur sa position de ne pas fournir de missiles Taurus à Kiev. Il a également appelé à « tout faire – en plus de soutenir clairement l’Ukraine – pour trouver un moyen d’empêcher cette guerre de continuer ». Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a quant à lui déclaré que le plan de victoire de l’Ukraine était « terrifiant ».

  • Dans un discours prononcé hier à Bruxelles et obtenu par le Grand Continent, Zelensky a expliqué pourquoi l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN serait clef : « une invitation renforcera notre position diplomatique. Et ce sera l’un des points permettant d’arrêter la guerre ».

Lors d’un point de presse lors du Conseil d’hier, le président ukrainien a souligné à plusieurs reprises l’importance de l’OTAN pour l’Ukraine et pour l’efficacité de son plan de victoire : « Il y a du sensationnalisme à propos de ce sujet, en particulier aux États-Unis. Certains disent que cela mènera à la guerre ou que cela reviendrait à franchir une ligne rouge. Je ne le crois pas. L’invitation à l’OTAN est une mesure préventive ». Le lancement d’une offensive à Koursk, sur le territoire russe, visait notamment à faire voler en éclats le « concept naïf et illusoire des soi-disant lignes rouges » de la Russie.