Écrivain, poète, critique de jazz, un temps rédacteur en chef de la Nouvelle revue française (1987-1995), Jacques Réda a fait de ses promenades urbaines, suburbaines et campagnardes le moteur d’une œuvre importante, en vers et en prose, dont Paris est indiscutablement le centre. Dans l’entretien que nous publions ici1, nous avons interrogé l’auteur sur les motifs de cette entreprise psychogéographique poursuivie à travers une dizaine de livres. Il y est donc question, de Paris et de sa banlieue, des paysages, de la description, de la littérature et de la musique.
Dans un des nombreux livres que vous avez nourris de vos promenades parisiennes, vous vous comparez à « une antenne vagabonde que la ville promènerait dans l’éventail de ses états ». J’aimerais savoir quelles images vous viennent à l’esprit, lorsque vous vous efforcez ou lorsqu’il vous arrive simplement de vous représenter Paris aujourd’hui ?
L’image la plus immédiate (mais elle ne m’est sûrement pas personnelle) est celle d’un cœur. Pas le coeur des cartes à jouer ou des « graffiti élégiaques », mais un cœur presque physiologique en forme d’éponge, plutôt, ou de pierre ponde, ou de cœur comme on en mange quand c’est du cœur de veau (ou bien le cœur du troubadour qui a séduit votre femme). Bref : le cœur de la France en tout cas. Ou alors un foie ? Mais c’est moins éloquent. Ensuite, je ne vois rien. Si : une sorte de flaque. L’énorme flaque suburbaine qui s’étend très loin par-delà la ceinture de plus en plus théorique des « maréchaux ». Ou encore une très longue rue sale, noire et anonyme qu’un copain bourguignon, qui avait fait son service militaire près de la capitale (et ne connaissait jusqu’alors de bâti que Le Creusot), m’avait décrite. C’était ça qui l’avait frappé en visitant Paris. Frappé de ce qui l’avait frappé, je n’ai plus cessé de revoir cette image qui suivit à tous les ravalements. Plus jeune, j’aurais dit : la pointe de la tour Eiffel, qu’on apercevait à environ trente kilomètres à vol d’oiseau depuis mon jardin de banlieue. On mettait plus de temps pour s’y rendre (encore maintenant, je crois) que pour aller en TGV au Creusot, justement. Mais le cœur est en somme une allégorie, la tour un symbole, et la flaque manque de précision. Je n’ai en vérité de Paris aucune représentation intime globale, parce que j’y ai sans doute trop circulé dans le détail, en cherchant à cerner des images de ses sous-ensembles, comme les arrondissements, les quartiers, les rues, jusqu’à m’en dégouter.
Je n’arrive pas à « embrasser » Paris. Les Ternes, oui ; Belleville, oui ; le Dixième ou le Treizième ; la rue des Montibœufs. Il ne faut pas croire que ce soit plus facile. Découvrir le caractère de la rue des Montibœufs ou même de la rue Lafayette relève de l’exploit. Elles n’en ont pas, peut-être, ou je ne suis pas assez doué. J’ai eu ce tort de vouloir traiter les rues comme des personnes, et cela parce qu’il n’y a plus de constante simplement humaine dans les quartiers. Un jour c’est tout arabe, un an plus tard indien ou afrcain, six mois après on a tout démoli pour loger du cadre international dans du neuf cher et insipide, ou une autre tribu dans du même neuf en moins épais. Le promeneur se fatigue, l’écriveur ne peut rien construire de sérieux.
Des images, il me semble que j’en ai dispersé à la douzaine au fil d’une demi-douzaines de livres, et c’est comme des photos : plus jamais on ne les regarde, on en prend d’autres qu’on ne regardera plus. Et pourtant de chacune (et des moins significatives : un pan de mur, la porte d’un immeuble, des pavés) se lève tout entier le fantôme insaisissable et indescriptible dans la substance duquel je m’agite. Assez souvent, je vais considérer son incarnation presque complète du haut de la rue des Envierges. Il ne bouge pas. Il s’aplatit. Il fait semblant d’être, en plus panoramique, une des photos que j’aurais pu prendre. Je reconnais tous les monuments (non, il y en a deux ou trois qui me déroutent), et je n’aurais qu’un geste à faire pour les abolir (l’Opéra Bastille, Beaubourg, la tour Montparnasse, la Bibliothèque) ou pour les déplacer : Notre-Dame à la place de la Défense, la Sacré-Coeur à la place du Panthéon, le Mont Valérien à la place de la Butte-aux-Cailles, etc.
Je m’en garde.
Ce que j’ai oublié de signaler, c’est une image de rêve, et de rêve récurrent qui se déroule ainsi : je monte vers Montmartre et, quand j’arrive près du sommet, la basilique s’efface, je vois s’ouvrir en creux devant moi une étendue infinie et infiniment réjouissante de campagne, infinie mais quand même à l’intérieur de Paris. Je ne suis pas sûr de ce que ça signifie, mais ça donne à réfléchir sur mon « naturel parisien ».
Revenons quelques instants sur cette image de la flaque suburbaine, dont vous dites vous-même qu’elle manque de précision. Vous l’avez pourtant arpentée, cette flaque, au moins autant que le cœur de la ville. Vous serait-il possible, sans en décrire la carte, ni en énumérer les parties géographiques, d’introduire un peu de distinction dans cette image globale : ne peut-on y distinguer quelques états ou familles, strates ou atmosphères psychogéographiques typiques, et cela malgré l’espèce de transformation permanente dont vous parlez ? De quels mondes est fait ce monde si difficile à décrire comme un tout ?
La flaque n’est pas tout à fait une image, plutôt une espèce de concept. Son support matériel, ou encore mieux : graphique, pourrait être une de ces cartes routières de la région parisienne où les zones bâties apparaissent en rose ou en jaune, et le reste (quand il reste quelque chose) en vert pâle jusqu’à l’évanouissement. Dès la fin du XIXe siècle, Verhaeren avait chanté les Villes tentaculaires. Le poulpe suburbain n’a pas cessé de s’étendre depuis lors. Mais c’est une impression d’ensemble et pour ainsi dire « de cabinet ». Une fois qu’on se trouve sur le motif, tout change et devient plus excitant. J’ai beaucoup parcouru les ramifications de ce polypier géant des banlieues, en cherchant à comprendre ce qu’elles ont en commun et à saisir le caractère spécifique de chacune, qui ne tient souvent que dans son nom. À moins d’une longue habitude, il est difficile par exemple de savoir si l’on circule dans Vanves, Montrouge ou Malakoff. Quand font défaut certains repères, comme les accidents du relief, on ne tarde pas à se perdre et à se sentir comme phagocyté par le poulpe. Ainsi, entre autres, du côté de Villemomble, les Pavillons-sous-Bois. Mais c’est un des buts de l’exercice. Assez souvent, ma « technique » consiste à me rendre à n’importe quelle porte de Paris et à y monter dans le premier autobus qui se présente, sans me préoccuper de l’itinéraire ni de l’endroit où il me déposera à son terminus. On découvre alors de l’inattendu et parfois du pittoresque, mais il arrive aussi qu’on échoue au cœur de cette indistinction qui, en fait, n’a pas de centre, et où il semble qu’on pourrait avancer indéfiniment sans jamais en sortir. C’est pour moi une expérience essentielle, culminant dans le moment où l’on n’est pas que topographiquement perdu, mais où l’on se perd de vue en tant que personne pour devenir une sorte de fragment, encore un peu doté de conscience, l’étendue qu’on parcourt.
À ce moment, il n’est plus question de « flaque » ni de « représentation » d’aucune espèce. On est « dedans », on est en voie de s’y fondre, on touche même une région qui n’a plus rien à voir avec la banlieue et avec des notions comme « la ville », « l’urbanisme », etc. C’est quasiment d’ordre métaphysique. Pour rester concret, j’ajouterai d’abord que cet état est favorisé par l’aspect en général totalement inhabité de ces territoires aux heures honnêtement diurnes où je m’y promène. On se demande où sont passés les gens, sinon leurs chiens. L’effet est aujourd’hui accentué par la disparition d’activités industrielles massives. Dans des souvenirs vieux de plus de cinquante ans, je revois des banlieues hérissées d’usines (même le XVe arrondissement — où subsistait une ferme – bourdonnait d’ateliers de mécanique, pour ne rien dire de l’immense périmètre occupé par Citroën), et si je n’ignore pas les motifs de cette métamorphose (qui a fait de l’industrieux Levallois une vaste nécropole « rési dentielle ») il ne m’est pas naturel ni commode de l’interpréter en termes d’économie ou de sociologie ou d’urbanisme. Qu’est-ce que j’ai fait ? Peut-être quelque chose d’indécis entre une vague phénoménologie de la ville et une timide ontologie des lieux. On ne peut pas appeler ça une « discipline ». Ça ne m’empêche pas d’avoir, comme tout le monde, discerné ce qui sépare les « belles » banlieues (en gros à l’ouest de la capitale) des « ouvrières » (en gros à l’est), ni reconnu, au nord et au sud, des modulations et des états mixtes, ni apprécié partout des contrastes et des contradictions. Mais il serait difficile de dire à qui et à quoi mon exemple est utile. Au fond, si j’ai tellement sillonné la région parisienne, c’est parce qu’elle se trouvait, pour toutes sortes de raisons dues au hasard, à portée de ma main, de mes yeux, de mes roues ou de mes semelles. Or, je suis en réalité un grand veau qui n’aime rien tant que se rouler dans l’herbe des prairies, dans la fougère des bois, et téter le lait des nébuleuses.
Pour revenir à la « flaque », je constate qu’elle s’étend sans arrêt, et pas seulement autour de l’agglomération parisienne. Le moindre bourg veut son HLM et sa zone pavillonnaire. Les TGV me semblent une préfiguration des RER qui circuleront à travers les « flaques » de Paris, Lyon, Marseille une fois opérée leur jonction. Il finira par ne plus y avoir qu’une seule gigantesque conurbation européenne, à laquelle échapperont quelques zones montagneuses décidément inconstructibles, et des terrains vagues concédés aux écologistes et aux cultivateurs « bio ». À moins d’un renversement de la courbe démographique et tel que, déjà, nous aurions bâti à l’excès. Il se pourrait alors que l’étrange silence des banlieues que j’ai arpentées annonce celui de cet avenir. Mais retrouvera-t-on jamais le silence des nuits habitées par la flûte des crapauds de muraille et trois ou quatre petites lampes dans le sommeil des coteaux ? Cependant l’être humain semble d’une plasticité inusable ; il trouvera sans doute ailleurs son bonheur. Je me rappelle un reportage sur des jeunes des banlieues dites défavorisées qu’on avait emmenés se mettre « au vert ». Il fallait voir la tête qu’ils faisaient en regardant la campagne (ils ne la voyaient pas), et en évoquant avec une vraie et lourde nostalgie le béton et les gazons jonchés de boîtes de conserve de leur petite patrie. Je serais moi-même tragiquement incapable de vivre longtemps à la campagne. Vous verriez que je parlerais de la rue Sorbier ou de Bagnolet avec des tremblements dans la voix. C’est le passé qui est notre vraie patrie.
Et si vous nous parliez un peu de la rue Sorbier justement, ou de la rue de la Bidassoa, de ces escaliers urbains, de ces vues sur Paris, de ce square si étrange situé, si je ne m’abuse, au-dessus de la petite ceinture (ici littéralement sub-urbaine). Vous évoquiez tout à l’heure ce rêve paradoxal d’une étendue de campagne infinie et cependant intérieure à la ville. Est-ce que le lieu de ce rêve (et sans doute aussi de ses échecs ou de ses dévoiements) n’est pas justement la banlieue, dans toutes ses déclinaisons, depuis les faubourgs englobés dans la ville jusqu’aux régions plus lointaines où les grandes infrastructures, les gros équipements, les lotissements pavillonnaires, les grands ensembles ou les « villes nouvelles » sont venus auréoler des villages, circonvenir des plaines agricoles, côtoyer les ex forêts royales ou s’inscrire dans les tracés de grands jardins classiques ? On a le sentiment que c’est toujours cette superposition ou cette équivoque proprement « suburbaine » qui vous aimante, même lorsque vous arpentez le cœur beaucoup plus densément stratifié et scénographié de la ville. Votre penchant pour les jardins urbains et les gares, pour tous ces lieux où l’on est à la fois ici et ailleurs paraît à cet égard tout à fait caractéristique. Ne seriez vous pas à la recherche, vous aussi, d’une impossible cité-jardin ? dont la rue Sorbier ou la rue de Bagnolet seraient des fragments réalisés ?
Le fond de la question est peut-être celui de notre aptitude à vivre en société. Je crois que mon rêve est un rêve de paradis terrestre. Adam était seul dans l’Éden. Ensuite (j’allais dire : beaucoup plus tard, mais je n’en sais rien), Dieu lui adjoint Ève. Pourquoi Ève et non plutôt un autre Adam ? Non pas un semblable un peu ennuyeux mais un copain pour aller à la pêche et jouer à la belote. On ne peut s’empêcher de penser que Dieu a déjà une idée en tête ; ou, si Dieu n’y est pour rien, qu’Ève naît dans l’âme d’Adam comme un rêve et un désir irrésistibles. Au point de se transformer en os. Dieu opère. Après l’affaire de l’Arbre, c’est l’humanité qui apparaît avec la famille, ses structures et ses drames. Il me semble qu’Adam a dû alors encore se mordre les doigts. Finies, les délicieuses balades solitaires dans la nature toute vierge, avec une tigresse et une biche familières sur les talons. Il est possible qu’il y ait pour une part dans mon rêve un reflet de mes rapports habituels et originaires avec la réalité, mais ce que j’y éprouve, c’est un émerveillement de voir l’étendue bâtie disparaître au profit d’une campagne édénique. L’impression que la ville cependant demeure plus ou moins autour de cet infini non cernable, c’est probablement la conscience (mauvaise) du peu de cas que je fais à ce moment de mon être social. Exactement comme dans mes randonnées bucoliques : une véritable ivresse des espaces — forêts, plateaux, collines, prairies, bêtes – avec le dégrisement du soir qui oblige à rallier un coin d’humanité suffisamment civilisé pour y découvrir une auberge, un bureau de poste peut-être, une pharmacie, une librairie, et pourquoi pas un mail où vont et viennent en se donnant le bras et en cédant quelquefois à « la crise », les princesses de l’endroit. J’ai ce côté « panique », voire un peu faune, négligé par ceux qui ne voient que mon côté citadin. Mais je ne suis pas un citadin heureux, surtout depuis que j’ai dû renoncer, pour des raisons diverses (où la SNCF joue un rôle que je ne lui pardonne pas), à un mode de circulation parfaitement adapté à ma quête d’édens provisoires. Alors il est possible que la banlieue, avec son mélange, propose une espèce de moyenne, de cote mal taillée entre l’aspiration à la solitude extasiée et le besoin, voire le goût (car je suis un peu asocial mais assez sociable), de ce qu’on ne trouve que grâce à la vie en société. Ce qui m’émeut le plus dans les banlieues, ce sont en effet les trouées qui laissent croire un instant que ce massif d’arbres, là-bas, dissimule lui aussi l’accès au rêve récurrent dont je vous ai parlé. Puis il y a une certaine douceur d’humanité à laquelle je suis très sensible : des gens qui repeignent un cadre de fenêtre au fond d’une cour, qui arrosent leurs salades dans un jardin, parfois dans un chantier de démolitions dont les ouvriers ont su astucieusement et clandestinement exploiter les emprises, pour une saison.
Et je suis doué d’une forme de sympathie un peu particulière, due sans doute à une manière d’incertitude concernant ma propre réalité, et qui me porte non pas tant à imaginer les existences, qu’à m’identifier à elles jusqu’à un certain point. J’ai passé une bonne part de mon temps à dire cela mieux et avec plus de précision dans mes livres ; c’est toujours un peu déprimant de se répéter. Il faudrait d’ailleurs tenir compte de cet espace très singulier, qui n’est ni la ville ni la campagne ni la banlieue mais… la page, et qui est le véritable site où j’évolue sur ce véhicule de transport en commun qu’est le langage, en le bricolant et le détournant à des fins complexes et un peu énigmatiques. Parlons plutôt de ce quartier en effet attrayant qui se situe entre le boulevard de Ménilmontant et la rue des Pyrénées. J’en ai décrit plusieurs aspects dans La Liberté des rues et Le Citadin ; on le retrouve dans un texte d’Accidents de la circulation à paraître au début de l’année prochaine. Je ne chôme pas. Oui, la rue Sorbier et la rue de la Bidassoa, la rue Boyer et toutes les transversales : rue des Plâtrières, rue Laurence-Savart, l’escalier de la rue d’Annam… C’est plein de « trouées » que j’aime aller revoir, mais la magie perd de son pouvoir avec l’accoutumance, et il faudrait sans cesse aller ailleurs, alors qu’il existe des lieux champêtres où, comme Adam avant la faute, je crois que je pourrais passer l’éternité. Le square de la rue de la Bidassoa est quand même des plus étranges, vous avez raison. Il y est fait allusion déjà dans Les Ruines de Paris, et j’y retourne fréquemment surtout quand les grands acacias, gleditschias et vernis du Japon sont en feuilles ou en fleurs. Il s’y réalise quelque chose de mystérieux qu’on ne rencontre que dans les images poétiques, comme celle du salon au fond d’un lac de Rimbaud. Le chemin de fer de ceinture, de fait, passe au-dessous. À six heures du soir, le square se vide. Il n’y a plus qu’un ou deux vieux mélancoliques, et parfois une grappe de petites négresses qui rigolent sur un banc et discutent avec une pointe de l’accent de Belleville. Je songe à ce que remueront plus tard ces arbres et ce silence dans leurs souvenirs. Je m’en souviens avant elles. Je sais qu’il y en a une qui va se faire engueuler parce qu’elle aura oublié d’acheter le pain.
À propos de souvenirs (et en tant « qu’écriveur »), que pensez-vous de l’image du palimpseste souvent utilisée aujourd’hui pour évoquer l’épaisseur du territoire lui-même ?
Avec cette notion de « palimpseste », se repose à moi le problème de la description. À quoi bon décrire, en effet, si l’on ne décrit pas tout (au moins le tout de tel ou tel endroit qu’on a retenu), ou si l’on ne décrit pas en se fondant sur une théorie qui applique, sur ce qu’on appelle la réalité, une sorte de grille désignant à l’avance ce qu’il y a lieu de décrire, voire comment. Et alors on décrit surtout la théorie, mais cela n’apparaît pas forcément tout de suite. On peut également s’imaginer qu’on décrit en toute liberté, alors qu’on utilise sans le savoir (ou sans trop le savoir) une théorie. Ou bien c’est elle qui insidieusement nous conduit. Il existe d’adroits dénonciateurs de cette illusion de liberté descriptive, mais qui parfois se servent eux aussi d’une théorie pour dénoncer. Des théories et des époques, ou bien des théories d’époque : on ne décrit plus aujourd’hui comme au temps de Lamartine, de Boileau, du Roman de la Rose, etc. Mais, me direz-vous, pourquoi décrire ? Il me semble qu’on décrit toujours, même d’un point de vue littéraire assez strict. Les romanciers décrivent des situations et des caractères (voire des boutons de porte, comme on l’a dit du « nouveau roman ») ; les philosophes décrivent des processus d’idées ; les poètes romantiques décrivent leurs sentiments ; les surréalistes, des rêves ou les sautes du « continu » mental. Grâce à la métaphore, la poésie (ou ce qui entre dans sa mouvance) obtient des raccourcis ou des comprimés de description. Mais il y a un démon qui pousse moins au rapt qu’à l’enveloppement plus ou moins patient d’une réalité dans son site et dans sa durée. On voudrait saisir le présent et le prolonger. Or le présent n’a presque pas d’existence. Il ne prend vraiment consistance que refroidi, passé. C’est pourquoi toutes les descriptions en quelque façon « datent » (ce qui ne signifie pas qu’elles perdent leur charme ni même leur intérêt : elles font partie en un sens du présent où on les découvre et peuvent faire à leur tour l’objet d’une description) soit parce que plus rien de très sûr ne les rattache à un modèle disparu, soit (ou en outre, parce qu’on a décrit ce modèle avec des moyens bientôt périmés, y compris certains moyens de langage.
On peut donc supposer que plus la description sera variée et profonde dans ses approches, plus elle aura de chances d’être juste et de durer. Connaître par exemple l’histoire des lieux qu’on décrit a une grande importance, puisqu’ils ne sont devenus tels qu’on les voit qu’avec le temps, à la suite de toutes sortes d’interventions humaines. Sous les pavés, on trouve rarement la plage tout de suite mais (surtout dans nos vieux continents) d’autres pavés cachant un chemin de cailloux qui en cache un autre de terre battue. C’est un premier aspect du palimpseste dont vous parliez. Mais sous le plus ancien des chemins repérable, il y a encore le résultat du travail anonyme et chiffrable en myriades de siècles des sols. Ce qui rend les descriptions de Julien Gracq si merveilleusement vivantes, c’est la parfaite intégration poétique de ses connaissances d’historien, de géographe, de géologue, au dessin en quatre dimensions et en couleurs des paysages qu’il a parcourus. Je ne sais trop si c’est ce que j’envie, ou le coup de plume foudroyant et souple de Cingria décrivant la démarche d’un chat dans un présent vibrant sur un fond où revit l’Assyrie. On n’est jamais assez savant, dans une tâche où tout l’art consiste à faire un usage judicieux et inattendu (parce que la surprise est instructive) de son savoir. En ce qui me concerne, je ne risque pas d’être étouffé par le poids de mes connaissances. Non que j’en sois tout à fait dépourvu, mais elles sont le plus souvent comme frappées d’interdit par le spectacle des choses. Ce qui me requiert est sans doute le phénomène de l’apparition, qu’il s’agisse d’une montagne, d’une touffe d’herbe, d’un clocher roman, d’un visage, d’un son, d’une odeur, d’une baraque de banlieue ou du malheureux massif architectural de la Défense (que je suis allé revoir aujourd’hui, pour mon inauguration personnelle et tardive du tramway Val de Seine). Mais si mon savoir ne m’encombre pas (et à quoi bon le ramener s’il n’apporte rien de plus aux spécialistes), j’ai beaucoup plus de mal à brider le petit personnage remuant qui, en moi, réagit constamment aux sollicitations anecdotiques, et s’amuse, se fâche, ironise ou s’émeut là où il faudrait toute la gravité (mais aussi l’immobilité, peut-être jusqu’à la paralysie) qu’appelle ce phénomène tout à fait sidérant, convaincant et incompréhensible de l’apparition ; Je dirais encore que feuilleter le palimpseste, si l’on veut aller jusqu’au bout, pourrait nous entraîner beaucoup plus loin que les vestiges archéologiques et que les abîmes de la géologie. On toucherait à la constitution même de la matière, qui est pour nous le support immédiat et « naturel » de toute « réalité ». On bascule alors dans une sorte de métaphysique tellement subtile, rétive, complexe, que – si j’ai bien compris, car je suis le contraire d’un savant dans ce domaine – seule l’abstraction mathématique permet d’en prendre un aperçu.
J’y pense, pourtant, quand je contemple un mur, une rivière, n’importe quoi. Mais c’est encore certainement une pensée d’époque, et nous ignorons quelles seront les théories scientifiques de la nature des choses dans cinquante ou mille ans. À moins de croire que « le monde » a élaboré ou choisi notre cerveau pour se penser, on ne voit pas comment ce morceau de monde pourrait prendre, vis-à-vis de lui, la distance d’objectivité qu’on associe à toute saine méthode de connaissance. Il y a dans tout cela, même dans la mort (car disparaître, à mesure que s’approche l’échéance, devient – n’étaient la souffrance et la dégradation qui souvent précèdent – un autre phénomène du plus extraordinaire intérêt : je dirais que ce qui me frappe, de plus en plus, n’est pas qu’il soit inévitable de disparaître mais que nous en soyons capables), dans tout cela, donc, il y a une espèce d’humour fantastique. Tournée la dernière page du palimpseste, on ne peut même pas avancer qu’il n’y a rien : simplement, il n’y a pas de dernière page parce qu’il n’y a pas de fond, ni d’apparences, mais différents niveaux de l’apparition.
Vous parliez tout à l’heure de la page comme d’un analogue du territoire, et puis vous avez évoqué Cingria, Gracq, Verhaeren… Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus sur ces confrères que vous croisez sur le territoire de la littérature ? Vous avez consacré des textes voire des livres à certains d’entre eux, à Cingria en particulier, et ils apparaissent aussi dans vos promenades, parfois, au détour d’une rue ou d’une réflexion, assez discrètement d’ailleurs, comme si vous faisiez attention à ne pas vous marcher sur les pieds. (Vous écrivez quelque part de tel coin de Paris « où la littérature est déjà passée », que cela « dispense de s’attarder ».) Est-ce que vous pourriez dresser une petite carte de ces affinités électives, y compris parmi vos contemporains, si vous vous en connaissez ?
Je suis d’un caractère facilement influençable, défaut corrigé plus ou moins par l’effet superficiel et peu durable des influences qui se succèdent, se chassent les unes les autres ou s’additionnent pour s’amalgamer avec quelque chose qui doit être de mon fond. Je ne digère pas tout ce qu’elles apportent et me suis souvent délivré consciemment de leur part inassimilable en pratiquant l’imitation. C’est un trait qui ne vaut pas que pour l’aspect littéraire du personnage, mais restons-en à cet aspect. Mes lectures, mes affinités, mes goûts et par conséquent les influences que j’ai subies sont nombreux et très éclectiques. Ceux qu’on pourrait regarder (prudemment, partiellement) comme des « écrivains de la ville » ou, plus spécifiquement encore, des « écrivains de Paris » n’ont pas compté – je crois — plus que les autres, plutôt moins. On me considère volontiers comme un descendant de Fargue, alors que le premier de mes livres qu’on situe à tort ou à raison dans sa mouvance (Les Ruines de Paris), a été écrit de 1974 à 1976, à une époque où je n’avais pas lu Le Piéton de Paris et où, n’ignorant pas son existence, je me suis bien gardé de l’ouvrir. De même pour le très bon Paris de Follain, dont je me sens d’ailleurs plus proche que de celui de Fargue. Pour Baudelaire, évidemment, le cas est plus complexe. Mais je sais qu’en écrivant les tout premiers textes des Ruines de Paris (en me fixant pour la première fois, dans ce domaine voisin du poème en prose, un programme thématique d’assez longue haleine encore qu’intermittent), le seul modèle idéal que j’avais en tête était Connaissance de l’Est de Claudel, un des rares livres dont je puis dire qu’il n’a guère quitté mon chevet depuis plus de cinquante ans. Je me trompe peut-être sur les processus et les résultats de ma propre chimie : Les Ruines de Paris n’ont a priori rien de très claudélien. Mais c’est à discuter au sujet d’une part assez importante du livre, celle qui se tourne vers les paysages de campagnes, généralement d’ailleurs vus d’un train. Plus tard, grâce à des habitudes de circulation différentes, je pense avoir autant que je le pouvais supprimé cette vitre en roulant ou en stationnant au cœur même du « motif ». Il me semble que j’ai cherché à modeler une sorte d’orographie de ma prose, non dans un but imitatif, mais pour tenter d’exprimer le mouvement intérieur que provoque celui du territoire. Les reliefs sont des émotions. En ce sens, l’orographie urbaine m’apparaît comme une suite d’accidents aussi « naturels » que ceux des collines, vallées, montagnes, plateaux. Je les « lis » tous un peu de la même manière, dans le texte encore sans mots qu’ils impriment à travers mon regard. D’où (en outre justifiée par l’existence de spécialistes qui se chargent à la perfection de cette tâche) mon indifférence relative mais certaine (et sûrement regrettable) à l’égard de ce qui n’est pas le contact brut et générateur d’émotion avec les phénomènes. Il faut comprendre aussi que j’ai été d’abord et que je suis resté dans une large mesure un lecteur et auteur de poésie, c’est-à-dire de poèmes. J’ai bien dû lire trois fois, par exemple, La Chartreuse de Parme, L’Éducation sentimentale, ou Guerre et Paix. Eh bien je serais incapable de vous en résumer l’histoire (mais vous la connaissez) ou de vous en citer facilement les principaux personnages. Alors que je garde en mémoire des centaines de vers de Virgile, d’Ovide, de Marot, de du Bellay, La Fontaine, Vigny, Baudelaire, Mallarmé, Valéry, Toulet et quantité d’autres. Je retiens encore aisément des morceaux de prose dont la texture est assez comparable, par sa densité, à celle des vers « classiques ». C’est le cas de Claudel, que d’ailleurs je peux relire et relire sans plus m’en lasser que de certains paysages où se renouvelle en permanence le miracle du mouvement qui les soulève et de la puissante présence qui les assoit. On trouve parfois quelque chose d’identique chez Cingria, mais on y aime aussi un génie qui paraît le guider par des caprices nécessaires à sa liberté inventive et comique de langage, d’intelligence et de vision. Cingria semble s’être dépeint lui-même dans le passage final du Comte des formes qui célèbre les fontaines de Rome. Si je dis que personne n’a mieux écrit des villes que lui (mais aussi de la montagne, de la banlieue, des chats, des couleuvres, des locomotives, du plain-chant, de la bicyclette, du thomisme, de Trotsky, des musées de province, des vieilles dames russes, de Rimbaud, de la reine Berthe, du prix des timbres, de l’architecture, de tout), c’est surtout parce que, plus encore que je ne l’admire (j’admire aussi Thucydide et Faulkner, Proust et Ponge, Beckett et Ronsard, Borges et Racine, Montaigne et Dante, Shakespeare et Homère, etc.), sa lecture m’est aussi indispensable que le fait d’avoir à me nourrir. Mais comme je suis un animal littéraire omnivore, je ne peux pas me passer davantage de quelques autres auteurs dont la plupart sont des poètes que je connais parfois presque en entier par cœur et que j’oublie pour pouvoir les réapprendre, comme Toulet. Or entre Cingria et Toulet, Faulkner et La Fontaine, on peut estimer qu’il y a une sorte d’abîme, mais il y en a un aussi entre le Causse Méjean ou le bocage et la place des Vosges ou la petite bolge d’enfer suburbain de Galliéni. J’aime peut-être moins ce qu’on appelle la « réalité » ou « la vie », que la littérature qui augmente mon sentiment de la vie et de la réalité. Vous me priez de citer pour finir quelques proches contemporains déjà inscrits dans mon paysage ou ma vaste agglomération de lectures. Je crains d’en oublier. Laissant à regret de côté tous ceux que j’espère avoir honorés dans La Sauvette (poètes presque tous), ainsi que beaucoup de mes conscrits dans une génération toujours sur la brèche, permettez-moi de m’en tenir à une seule et unique recommandation (car Bergounioux, Macé, Michon, cela va de soi, je suppose) : celle de lire le roman La Vraie, de Dominique Pagnier. Je voudrais encore réparer une omission fâcheuse, à propos des « écrivains de Paris » qui m’enchantent, en nommant Henri Calet.
Vous êtes par ailleurs plus qu’un amateur, un vrai spécialiste de jazz. Quel rapport la musique entretient-elle chez vous avec l’écriture et la promenade ?
Je ne peux guère une fois de plus que me répéter, à propos d’un sujet qui m’est familier depuis environ cinquante-cinq ans, et sur lequel j’ai commencé de m’exprimer en 1963 de façon régulière et mensuelle2. Je suis même en un sens maintenant plus vieux que le jazz que j’ai découvert dans la seconde phase de sa vie adulte, ne m’ en réjouis pas. Son parcours est aussi bouclé que celui de la poésie courtoise ou de la tragédie racinienne. Reste qu’on peut lire encore avec plaisir Racine ou Bertrand de Born, voire écrire un sirventès ou des alexandrins dialogués à rimes plates sur le thème de Bérénice. C’est ce que font aujourd’hui les musiciens de jazz qui ne peuvent que se couler, selon leurs goûts et leur tempérament, dans les traces de Johnny Dodds ou Coleman Hawkins, Lester Young ou Charlie Parker, John Coltrane ou Éric Dolphy, Albert Ayler, etc. C’est-à-dire dans le giron rassurant de tel ou tel moment préféré de l’histoire du jazz qui, en tant que processus historique désormais accompli, ne permet que des réitérations parfois surprenantes ou admirables, mais non un pas de plus en avant. Ce pas sort fatalement du jazz pour entrer dans un domaine très vaste que par intérêt ou commodité on continue d’appeler « jazz », mais qui ressortit à ces « musiques nouvelles » ou « musiques improvisées » utilisant des traits du jazz et non moins volontiers ceux de tels folklores ou traditions plus ou moins exotiques. C’est peut-être le début confus de quelque chose qui n’a pas encore vraiment de nom. Cela ne signifie pas que le jazz est « mort » ou tombé en désuétude, car le mouvement qui a porté sa trajectoire survit à l’interruption naturelle de son parcours. C’est le mot « swing » qui désigne le caractère essentiel de ce mouvement. On pourrait dire que même une interprétation de jazz complètement ratée atteint cependant un niveau de swing égal à 0,1 – tandis qu’une interprétation qui ne réunit pas les conditions mélodiques, harmoniques et surtout rythmiques sans lesquelles le swing ne saurait se produire, n’a aucune raison d’être appelée du jazz. Et ça n’a bien sûr qu’une importance toute relative. Je n’aime pas que le jazz3. Mais il n’y a que le jazz qui puisse me donner ce qui précisément le constitue, c’est-à-dire le swing, en tant que métamorphose en danse du mouvement de la marche (ce qu’on appelle en gros le « rock » n’est avec tous ses dérivés qu’un avatar – accessoire, un peu tératologique et sans destin – du jazz).
La plupart des grandes œuvres du jazz reposent sur un tempo qui peut osciller de celui d’un pas très vif à l’allure d’une promenade (le parangon absolu à cet égard me semblant être Body and soul de Coleman Hawkins). Est-ce que je danse quand je marche ? Est-ce que mon pied d’appui accuse plus particulièrement le temps faible, comme pour essayer de swinguer ? Quelquefois peut-être… Mais j’en viens au rapport fondamental qui existe entre le blues, structure à la fois close et ouverte (sur le retour de son propre cercle), et le swing qu’elle a quand même délivré, ou qui s’en est dégagé pour aller de l’avant sur une ligne apparemment et à l’infini droite, mais qui comme toutes les lignes droites a suivi une courbe parabolique (historique, esthétique, technique) jusqu’à complète résolution. Puis, en définitive, cet infini horizontal trompeur a pris une dimension verticale et supra-historique où planent et rayonnent, avec tant de chefs-d’œuvre homologués, tous les moments qui les ont préparés, accompagnés ou rendus possibles. C’est pourquoi l’univers limité du jazz garde pour moi quelque chose d’inépuisable, quand ce ne serait que la répétition toujours différente d’un de ces moments (et, par exemple, tel solo de Benny Carter que, pour la millième fois sans doute, j’ai encore réécouté trois ou quatre fois de suite ce matin). Mais ce qui est vraiment inépuisable, c’est ce rebondissement aérien du pas qui épouse pourtant franchement le sol, même quand il semble s’en affranchir avec la foulée de Lester Young.Le jazz est ainsi pour moi une leçon permanente de philosophie et de poétique. Je ne dis pas un modèle pour mes propres petits travaux. On m’a souvent demandé si je me livrais à des « improvisations d’écriture » (comme si l’improvisation était quelque chose d’opposé radicalement à la composition), ou si je cherchais à « swinguer » en écrivant ! Je crois que ma filiation rythmique me rattache plus directement à Racine qu’à Duke Ellington, étant d’autre part entendu que les poètes de langue anglaise les moins suspects d’avoir pu s’inspirer du jazz (Wordsworth, par exemple) ont plus de chance de « swinguer » pour notre oreille que nos poètes modernes les plus syncopés. Il est vrai que j’ai suggéré qu’un swing furtif du vers classique était peut-être décelable dans la position adroite ou miraculeuse des e muets. Mais ce sont là des rapprochements superficiels ou anecdotiques. Il y a certains quartiers de Paris où, quand j’y circule, les massifs des cheminées me semblent se dresser l’un après l’autre au soleil avec la précision éclatante des « sections » de Jimmie Lunceford… Presque toujours en marchant je sifflote ou chantonne. Pas forcément le blues ou Rockin’in rhythm. J’ai un assez vaste et assez curieux répertoire. Ainsi je me demande qui, aujourd’hui, à part moi, dans ces rues, se souvient encore intégralement de l’office des Complies ou de La Protestation des chasseurs à pied… J’ai également un faible pour ce blues ellingtonisé où un passant, qui énumère un peu mélancoliquement ses modestes rencontres, conclut chaque strophe par I guess I’m just a lucky so-and-so. C’est une forme d’optimisme face à notre disparition entre les tentacules infatigables de la ville.
Sources
- Réalisé par télécopie en septembre 2000, vous trouverez à ce lien les autres épisodes de cette série d’été en partenariat avec la revue Le Visiteur.
- Dans Jazz Magazine. Voir également L’Improviste, une lecture du jazz, Folio Essais, 1990
- Une majesté spécifique (et, de ma part, une vieille humilité plébéienne) ne me laisse toutefois pas concevoir que je puisse commenter, entre autres, Bach.