Depuis l’entrée en fonction du nouveau gouvernement le 21 novembre 2023, le socialiste Pedro Sánchez ne parvient pas à gouverner en Espagne.

  • Minoritaire à la suite des élections anticipées du 23 juillet 2023, le Parti socialiste (PSOE) a dû former une coalition avec le parti Sumar de Yolanda Díaz et s’assurer le soutien notamment des indépendantistes catalans, Junts per Catalunya.
  • Au cours de longues et laborieuses négociations, Carles Puigdemont s’était retrouvé faiseur de roi et avait réussi à obtenir des socialistes une loi d’amnistie en échange de son soutien à Sánchez.

Depuis l’investiture, pour toutes les lois que le gouvernement espagnol veut faire passer, la même opération doit être répétée : les socialistes doivent négocier au préalable avec les indépendantistes catalans qui n’hésitent pas à voter contre en cas de désaccords.

Ce mardi 23 juillet, le Congrès espagnol a rejeté le projet de loi du gouvernement de modification de la loi sur les étrangers.

  • Cette initiative proposait d’ajouter un article sur les « situations de contingence migratoire extraordinaire » qui établirait un protocole d’action pour le transfert et la répartition des mineurs non accompagnés dans les régions autonomes espagnoles.
  • Junts a décidé de s’allier au Parti populaire (PP) et à Vox pour voter contre. 

Le même jour, Junts a voté contre les objectifs de déficit et de dette publique — première étape indispensable pour présenter le budget 2025.

  • L’exécutif avait inclus de meilleures prévisions de croissance macroéconomique, avec une reprise du PIB à 2,4 % cette année et à 2,2 % en 2025. La trajectoire budgétaire proposée laisserait le déficit public à 2,5 % en 2025, à 2,1 % en 2026 et à 1,8 % en 2027, et qui ramènerait la dette publique en dessous de 100 % à la fin de la période1.
  • Les indépendantistes catalans ont donc décidé de freiner ce processus qui aurait permis à Sánchez de sécuriser la législature. Cela est urgent pour le gouvernement, d’autant plus que c’est le budget de 2023 qui est toujours en vigueur, l’exécutif ayant renoncé l’année dernière à approuver le budget de 2024.
  • Le porte-parole adjoint de Junts au Congrès a justifié ce rejet en expliquant que son parti demande que les objectifs de stabilité budgétaire apportent aux communautés autonomes plus de capacités et de ressources économiques.
  • La temporalité de cette décision n’est pas anodine : cette semaine se poursuivent les négociations entre le PSOE et la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) — concurrents de Junts — sur l’investiture du socialiste Salvador Illa en tant que président de la Generalitat de Catalogne. 

Cette instabilité politique peut donner une idée de ce à quoi pourrait ressembler la nouvelle législature française.

Dans le même temps, la loi d’amnistie continue de poser problème.

  • La Cour suprême pointait du doigt cette semaine une potentielle inconstitutionnalité de la loi pour « violation du droit à l’égalité et du principe de sécurité juridique ».
  • Ce sera à la Cour Constitutionnelle de décider si la législation s’inscrit dans le cadre de la Constitution espagnole ou non.

L’enquête pour trafic d’influence et corruption qui vise Begoña Gómez ne cesse quant à lui de prendre de l’ampleur.

  • Le 24 avril dernier, Sánchez avait publié une lettre adressée aux Espagnols pour annoncer qu’il annulait son agenda des jours suivants afin de réfléchir à son avenir politique en raison de l’affaire qui touche son épouse. Après avoir fait planer le doute sur son éventuelle démission, Sánchez avait déclaré qu’il restait au pouvoir afin de combattre « les fake news et l’extrême droite ».
  • Le vendredi 19 juillet, l’épouse de Sánchez a usé de son droit de ne pas témoigner au tribunal.
  • En réaction, le juge Juan Carlos Peinado, en charge de l’affaire, a décidé d’interroger Sánchez en qualité de témoin le 30 juillet à partir de 11h, à la Moncloa, siège de la présidence du gouvernement espagnol.
  • Le président du gouvernement a répondu au juge qu’il entendait « collaborer avec la justice » mais souhaitait faire sa déclaration par écrit. 

Le PP a demandé la démission de Sánchez et le parti d’extrême droite Vox a immédiatement surenchéri : « Nous ne nous reposerons pas tant que nous n’aurons pas délogé le clan corrompu qui occupe la Moncloa et que nous ne l’aurons pas fait payer devant un tribunal »2.