Politique

L’agenda stratégique de l’Union pour 2024-2029 : texte intégral

Huit pages pour se donner un cap. Tous les cinq ans, un document aussi important que peu connu est adopté par le Conseil européen. Fruit d’un compromis, reflet aussi bien des crises persistantes que des pouvoirs en place, l’agenda stratégique 2024-2029 connaîtra peut-être des inflexions — mais il fixe des objectifs quinquennaux et présente quelques nouveautés. Il doit être étudié de près. Une première lecture.

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Le Grand Continent
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Plan du bâtiment du Conseil à Bruxelles

Comme la liste des top jobs qu’ils ont finalisée hier soir, le document sur lequel se sont mis d’accord les chefs d’État et de gouvernement est une pièce importante de l’engrenage décisionnel qui définira le prochain cycle.

Ainsi que nous l’expliquait Klaus Welle, le processus qui se joue ces jours-ci ne vise pas seulement à élire des individus, « il fixe également les priorités politiques de la future Commission. Le Conseil européen publiera d’abord un document stratégique qui, du fait du caractère de cette institution, sera assez général. Puis, les différents groupes politiques au Parlement européen formuleront leurs demandes, qui devront être confirmées par le candidat à la présidence de la Commission dans le discours qu’il tiendra juste avant le vote en plénière. Les groupes se retireront alors pour décider s’ils souhaitent voter la confiance. Les préférences et les convictions personnelles de la candidate ou du candidat elle-même influent également sur les priorités. La Commission prendra ensuite un à deux ans à élaborer la législation en détail et s’efforcera de la faire adopter jusqu’à la fin de la législature. »

De portée générale et fruit d’une série de compromis, il convient de nuancer son caractère immédiatement programmatique tout en prêtant attention aux nouveautés qu’il inclut. Parmi celles-ci, on peut relever le rôle accru que le Conseil européen entend donner à la Banque européenne d’investissement, particulièrement en matière d’industrie de défense et de relance de la compétitivité par l’investissement. L’institution, dont l’ancienne ministre de l’Économie espagnole Nadia Calviño a pris les rênes le 1er janvier dernier, concentrait habituellement ses prêts sur les infrastructures, le climat ou encore la cohésion.

Un deuxième aspect qui a notamment été beaucoup relevé — y compris avant la publication officielle du document à l’occasion des fuites des versions précédentes — concerne la place relativement réduite laissée à la transition écologique dans l’agenda stratégique alors que l’adoption du Pacte vert est largement considéré comme un succès de la première Commission von der Leyen.

L’Union européenne a été fondée sur l’impératif de garantir la paix en Europe, en s’appuyant sur la coopération, la solidarité et la prospérité économique commune. Cette promesse initiale nous guide toujours et sert de base à nos priorités pour une Europe forte et souveraine.

Le paysage politique mondial est aujourd’hui remodelé par la concurrence stratégique, l’instabilité mondiale croissante et les tentatives de remise en cause de l’ordre international fondé sur des règles. La Russie a ramené la guerre sur notre continent. Dans notre voisinage, la situation au Moyen-Orient est dramatique. Notre environnement naturel est de plus en plus endommagé et perturbé par le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution. Le développement rapide des nouvelles technologies est porteur d’opportunités mais aussi de risques potentiels.

Ces défis sans précédent nous ont conduits à franchir de nouvelles étapes dans notre coopération et notre intégration au cours des cinq dernières années. Ensemble, nous avons fixé des objectifs clefs pour lutter contre le changement climatique et mis en place un cadre ambitieux pour la transition numérique. Ensemble, nous avons développé et distribué des vaccins à travers l’Europe et au-delà, et mis en place un important fonds de relance en réponse à une pandémie qui a affecté nos sociétés de manière imprévisible. Ensemble, nous avons protégé nos économies pendant la crise énergétique. Et ensemble, nous avons fourni à l’Ukraine un soutien militaire et économique important pour se défendre contre la guerre d’agression de la Russie et protéger la sécurité européenne. Nous ne nous arrêterons pas là. Nous répondrons à l’appel des fondateurs de l’Union et veillerons à ce que la créativité de nos réponses soit à la hauteur des défis qui nous attendent.

En tant qu’Union et États membres, nous combinerons nos forces et nos ressources pour affronter les années à venir avec unité et détermination. Nous répondrons aux aspirations de nos citoyens.

Nous renforcerons notre compétitivité et deviendrons le premier continent climatiquement neutre, en réussissant les transitions climatique et numérique, sans exclure personne de ce processus. Nous relèverons les défis de la migration. Nous prendrons les responsabilités qui s’imposent en matière de sécurité et de défense et renforcerons notre capacité à agir pour défendre nos intérêts et devenir plus influents dans le monde. Nous prendrons l’initiative de relever les défis mondiaux, en défendant le droit et les institutions internationales, une gouvernance mondiale équitable, un multilatéralisme inclusif, ainsi qu’une croissance et un développement durables. 

​​Face à l’agression russe de Ukraine, prise dans la rivalité entre la Chine et les États-Unis, l’Union européenne, historiquement puissance de paix, se retrouve aux prises avec le retour de la guerre. À partir de la notion de « multipolarité inclusive », Laurence Tubiana et Bernice Lee avaient dans nos pages tracé une feuille de route pour une nouvelle diplomatie européenne. L’ambition de refaire de l’Union une puissance de réconciliation face à l’agression russe, après le 7 octobre et dans la guerre des capitalismes politiques apparaît en bonne place dans l’agenda stratégique pour le nouveau cycle.

Des économies sociales de marché fortes et compétitives seront le moteur de la réalisation de nos ambitions. Dans le monde hypercompétitif d’aujourd’hui, nous devons libérer l’esprit d’entreprise européen. L’Europe est un continent d’entrepreneurs, de créateurs et d’innovateurs. Faire confiance à nos entreprises pour transformer les risques en opportunités stimulera l’investissement, stimulera la croissance économique et fera de l’Europe un leader mondial dans les industries et les technologies vertes et numériques.

La compétitivité et la croissance sont au cœur des objectifs de l’Union. Dans quelques jours devrait paraître le très attendu rapport sur ces questions que la présidente de la Commission Ursula von der Leyen a commandé à Mario Draghi — et dont un premier aperçu a déjà été publié dans le Grand Continent.

Nos valeurs et l’État de droit sont notre boussole, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Elles sont le fondement d’une Union plus forte, plus prospère et plus démocratique pour nos citoyens. 

Le Conseil européen convient des priorités listées dans ce document et invite le Parlement européen, le Conseil et la Commission à les mettre en œuvre au cours du prochain cycle institutionnel, dans le respect de l’équilibre institutionnel des pouvoirs tel qu’il est défini dans les traités et des principes de délégation, de subsidiarité et de proportionnalité. Le prochain cadre financier pluriannuel de l’Union devra refléter ces priorités, en veillant à ce que le budget de l’Union soit adapté à l’avenir et à ce que des réponses européennes soient apportées aux défis européens. À cet égard, nous travaillerons à l’introduction de nouvelles ressources propres. 

Une Europe libre et démocratique

Défendre les valeurs européennes au sein de l’Union 

Nos valeurs sont notre force. Nous protégerons et ferons la promotion de nos valeurs fondatrices — le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’État de droit et le respect des droits de l’homme, y compris les droits des personnes appartenant à des minorités — qui restent la pierre angulaire de notre Union.

Nous encouragerons et préserverons le respect de l’État de droit, qui est le fondement de la coopération européenne, en défendant les principes d’objectivité, de non-discrimination et d’égalité de traitement des États membres. Nous renforcerons notre résilience démocratique, notamment en approfondissant l’engagement citoyen, en protégeant des médias et une société civile libres et pluralistes, en nous attaquant aux ingérences étrangères et en contrant les tentatives de déstabilisation, y compris par la désinformation et les discours de haine. Nous renforcerons le discours démocratique et veillerons à ce que les géants technologiques assument leurs responsabilités en matière de protection du dialogue démocratique en ligne. Nous ferons la promotion de notre diversité et de notre patrimoine culturels. 

Respecter nos valeurs au niveau mondial 

L’Union européenne continuera d’être le plus ardent défenseur de l’ordre juridique international, en soutenant fermement les Nations unies et les principes consacrés par la Charte des Nations unies. L’Union poursuivra en particulier ses efforts pour promouvoir la paix, la justice et la stabilité dans le monde, ainsi que la démocratie, les droits de l’homme universels et la réalisation des objectifs de développement durable dans toutes les enceintes internationales. Nous nous efforcerons de réformer le système multilatéral pour le rendre plus inclusif et plus efficace.

Une Europe forte et sûre 

Garantir une action extérieure cohérente et influente

Le monde qui nous entoure est devenu plus conflictuel, plus transactionnel et plus incertain. Nous nous adapterons à des circonstances en constante évolution, en affirmant l’ambition et le rôle de l’Union en tant qu’acteur stratégique mondial dans le nouveau contexte géopolitique multipolaire.

L’invasion massive de l’Ukraine est également une attaque contre une Europe libre et démocratique. L’Union européenne soutiendra l’Ukraine dans sa lutte pour conserver son indépendance et sa souveraineté et retrouver son intégrité territoriale à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues. Nous soutiendrons également sa reconstruction et la recherche d’une paix juste. Nous intensifierons nos efforts pour promouvoir la sécurité, la stabilité, la paix et la prospérité dans notre voisinage et au-delà.

Fortement marqué par les événements qui ont bouleversé la vie de l’Union et de ses États membres dans les deux dernières années, l’agenda stratégique consacre un paragraphe entier au soutien et à la reconstruction de l’Ukraine. Tout en restant vague sur le calendrier, cela permettrait d’ancrer institutionnellement le soutien au pays dans un temps long dans la mesure où il est aujourd’hui admis qu’une issue à la guerre semble peu envisageable à court terme.

Nous collaborerons étroitement avec nos partenaires et mettrons en place des partenariats stratégiques mutuellement bénéfiques pour relever des défis communs. Nous tirerons parti des politiques internes et externes de l’Union dans notre intérêt et de manière bien coordonnée.

Renforcer notre sécurité et notre défense et protéger nos citoyens

L’Europe doit être un endroit où les gens sont et se sentent libres et en sécurité. L’Union européenne et les États membres ont pris des mesures audacieuses pour renforcer l’état de préparation et la capacité de défense de l’Union, notamment en augmentant les dépenses de défense. À l’avenir, nous investirons beaucoup plus et mieux ensemble, nous réduirons nos dépendances stratégiques, nous augmenterons nos capacités et nous renforcerons en conséquence la base industrielle et technologique de la défense européenne.

Le renforcement de notre sécurité passe par une base économique solide. Nous mobiliserons les instruments nécessaires pour renforcer notre sécurité et la protection de nos citoyens, et pour répondre aux nouvelles menaces émergentes. Nous renforcerons l’interopérabilité entre les forces armées européennes. Nous améliorerons d’urgence les conditions permettant de développer l’industrie européenne de la défense en créant un marché européen de la défense mieux intégré et en encourageant les acquisitions conjointes. Nous saluons les projets phares et les initiatives des États membres en matière de défense. Nous améliorerons l’accès aux financements publics et privés, en explorant toutes les options, y compris en renforçant le rôle de catalyseur du groupe de la Banque européenne d’investissement.

Le rôle dévolu à la BEI en matière de financement de la base industrielle et technologique de défense européenne est l’un des aspects les plus novateurs du document. Récemment nommée à la tête de cette institution multilatérale dont le mandat initial concerne plutôt le financement de projets d’infrastructure, l’ancienne ministre de l’Économie espagnole Nadia Calviño devra inventer de nouveaux moyens d’action. La Banque avait déjà été mobilisée comme levier de financement en 2020, au début de la crise sanitaire, à travers le Fonds de garantie paneuropéen.

Une Union plus forte et plus compétente dans le domaine de la sécurité et de la défense contribuera positivement à la sécurité mondiale et transatlantique et sera complémentaire de l’OTAN qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective. Nous coopérerons avec les partenaires transatlantiques et l’OTAN, dans le plein respect des principes énoncés dans les traités et par le Conseil européen, sans préjudice du caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres et en tenant compte des intérêts de tous les États membres en matière de sécurité et de défense. 

Pour renforcer la sécurité au sein de l’Union, nous lutterons contre la criminalité en ligne et hors ligne et nous préviendrons et combattrons la corruption, en utilisant tous les outils de coopération policière et judiciaire de notre Union. Nous serons résolus à lutter contre la criminalité organisée et à interrompre les flux de profits illicites provenant d’activités criminelles transfrontalières. Nous lutterons contre les tentatives de division, de radicalisation, de terrorisme et d’extrémisme violent. 

L’Union européenne renforcera ses capacités de résilience, de préparation, de prévention des crises et de réaction, dans le cadre d’une approche tous risques et de l’ensemble de la société, afin de protéger nos citoyens et nos sociétés contre différentes crises, y compris les catastrophes naturelles et les urgences sanitaires. Nous renforcerons notre réponse collective à la guerre cybernétique et hybride, à la manipulation et aux ingérences étrangères et aux menaces pesant sur nos infrastructures critiques. Nous accorderons une attention particulière au renforcement de la résilience de la société.

Se préparer à une Union plus grande et plus forte 

La nouvelle réalité géopolitique souligne l’importance de l’élargissement en tant qu’investissement géostratégique dans la paix, la sécurité, la stabilité et la prospérité. Le processus d’élargissement connaît un nouveau dynamisme. L’Union et les pays candidats ont désormais la responsabilité de tirer le meilleur parti de cette opportunité et de le faire savoir clairement.

L’Union européenne suivra une approche de l’adhésion fondée sur le mérite et assortie d’incitations tangibles. Elle aidera les pays candidats à remplir les critères d’adhésion au moyen d’instruments appropriés et utilisera toutes les possibilités pour faire progresser l’intégration progressive. Elle encouragera également les efforts de réforme, notamment en ce qui concerne l’État de droit, ainsi que l’intégration régionale, les relations de bon voisinage, la réconciliation et la résolution des différends bilatéraux. 

Parallèlement, l’Union européenne entreprendra les réformes internes nécessaires pour garantir que nos politiques sont adaptées à l’avenir et financées de manière durable et que les institutions de l’Union continuent de fonctionner et d’agir efficacement.

L’agenda stratégique entérine les préconisations du rapport du « Groupe des Douze » que ses rapporteurs Olivier Costa et Daniela Schwarzer avaient pu développer dans ces pages et qui ont été discutées dans le cadre confidentiel du Sommet Grand Continent en décembre 2023 en présence de plusieurs ministres impliqués dans le processus d’élargissement.

Poursuivre une approche globale de la gestion des migrations et des frontières

Garantir la libre circulation des citoyens au sein de l’Union est une réalisation fondamentale de l’Union européenne et nécessite le bon fonctionnement de l’espace Schengen. Cette liberté s’accompagne de la responsabilité partagée de remplir et de mettre en œuvre nos obligations communes et de protéger efficacement les frontières extérieures de l’Union. C’est une condition préalable pour garantir la sécurité et faire respecter l’ordre public, conformément à nos principes et à nos valeurs. 

Grâce à son approche globale des partenariats, l’Union européenne continuera à coopérer de manière mutuellement bénéfique avec les pays d’origine et de transit. Ensemble, nous nous attaquerons aux défis à long terme de la migration irrégulière et à ses causes profondes, et nous travaillerons sur les retours. Nous étudierons également les possibilités de migration, y compris par des voies légales. Nous lutterons contre les réseaux de passeurs et briserons le modèle économique de ceux qui tirent profit de ce commerce inhumain. Nous envisagerons de nouveaux moyens de prévenir et de contrer les migrations irrégulières. Nous trouverons des solutions communes à la menace que représente l’instrumentalisation des migrations pour la sécurité. 

Une Europe prospère et compétitive

Renforcer notre compétitivité

Nous sommes déterminés à renforcer les bases de notre compétitivité à long terme et à améliorer le bien-être économique et social des citoyens. Nous nous efforcerons d’augmenter leur pouvoir d’achat, de créer des emplois de qualité et de garantir la qualité des biens et des services en Europe. Nous renforcerons notre souveraineté dans les secteurs stratégiques et ferons de l’Europe une puissance technologique et industrielle, tout en promouvant une économie ouverte. Nous comblerons nos écarts de croissance, de productivité et d’innovation avec nos partenaires internationaux et nos principaux concurrents. Cela nécessite un effort d’investissement collectif important, mobilisant des fonds publics et privés, y compris par l’intermédiaire de la Banque européenne d’investissement. 

Notre plus grand atout dans cette entreprise est le marché unique, moteur à long terme de la prospérité et de la convergence qui permet de réaliser des économies d’échelle. Nous allons donc l’approfondir, notamment dans les domaines de l’énergie, de la finance et des télécommunications. Nous supprimerons les obstacles qui subsistent, notamment en ce qui concerne les services et les biens essentiels, et nous garantirons l’égalité d’accès au marché unique grâce à l’amélioration de la connectivité. Nous mettrons en place un cadre équilibré et efficace en matière d’aides d’État et de concurrence afin de préserver l’intégrité du marché unique et des conditions de concurrence équitables. Les PME resteront au cœur du tissu économique et social de l’Europe.

L’agenda stratégique reprend les recommandations du rapport d’Enrico Letta sur le marché unique, dont la version synthétique est disponible dans les différentes langues de la revue, en particulier concernant le « serpent de mer » de l’Union des marchés de capitaux dont le document prévoit qu’elle sera achevé d’ici 2029 (voir paragraphe suivant).

Pour libérer le potentiel d’investissement nécessaire, nous accélérerons l’intégration financière en réalisant l’Union des marchés de capitaux et en achevant l’Union bancaire. Nous créerons des marchés européens des capitaux véritablement intégrés, accessibles et attrayants pour tous les citoyens et toutes les entreprises, et qui profiteront à tous les États membres. 

Tirant les leçons de notre expérience, nous ne permettrons pas que l’on porte atteinte à l’ouverture de nos marchés. Nous défendrons fermement le rôle central de l’OMC et poursuivrons une politique commerciale ambitieuse, solide, ouverte et durable qui permette la conclusion d’accords commerciaux équitables, ouvre les marchés des pays tiers aux entreprises de l’Union, défende les intérêts de l’Union, permette le développement de chaînes d’approvisionnement résilientes et fiables, garantisse des conditions de concurrence véritablement équitables et crée des possibilités d’accès réciproque aux marchés. Nous renforcerons notre sécurité économique, réduirons les dépendances préjudiciables et diversifierons et sécuriserons les chaînes d’approvisionnement stratégiques, notamment en améliorant notre sécurité maritime. Nous renforcerons nos propres capacités dans les secteurs sensibles et les technologies clés de l’avenir, tels que la défense, l’espace, l’intelligence artificielle, les technologies quantiques, les semi-conducteurs, la 5G/6G, la santé, les biotechnologies, les technologies net-zéro, la mobilité, les produits pharmaceutiques, les produits chimiques et les matériaux avancés. La promotion de l’innovation et de la recherche, ainsi que l’utilisation d’outils tels que les marchés publics, sont essentielles à cette fin.

L’agenda stratégique programme un parcours le long d’une ligne de crête : continuer à commercer — mais en préservant la sécurité économique. Pour comprendre ce que cette expression recouvre, ce que l’Union a déjà fait en la matière et ce qui pourrait être mis en œuvre au cour du prochain cycle, nous vous conseillons cette pièce de doctrine signé Jean Pisani-Ferry, Beatrice Weder di Mauro et Jeromin Zettelmeyer.

Réussir les transitions verte et numérique 

Sur la voie de la neutralité climatique d’ici à 2050, nous ferons preuve de pragmatisme et exploiterons le potentiel des transitions verte et numérique pour créer les marchés, les industries et les emplois de qualité de demain. Nous fournirons un cadre stable et prévisible et créerons un environnement plus favorable à l’augmentation de la capacité de production de l’Europe pour les technologies et les produits à zéro émission. Nous investirons dans de vastes infrastructures transfrontalières pour l’énergie, l’eau, les transports et les communications.

Alors que le Pacte vert européen a été le trademark de la législature précédente et considéré comme le principal succès de la première Commission von der Leyen, l’écologie se trouve reléguée relativement bas dans l’agenda stratégique. L’urgence des nouvelles crises peut expliquer partiellement ce recul, mais il pourrait avoir aussi des causes politiques : comme l’explique Jean-Yves Dormagen, nous assistons à la fin du « consensus mou » sur la transition écologique.

Nous poursuivrons une transition climatique juste et équitable, dans le but de rester compétitifs au niveau mondial et d’accroître notre souveraineté énergétique. En accélérant la transition énergétique, nous construirons une véritable union de l’énergie, garantissant l’approvisionnement en énergie abondante, abordable et propre. Cela nécessitera une électrification ambitieuse faisant appel à toutes les solutions « zéro net » et à faible teneur en carbone, ainsi que des investissements dans les réseaux, le stockage et les interconnexions. Nous développerons une économie plus circulaire et plus efficace dans l’utilisation des ressources, en faisant avancer le développement industriel des technologies propres, en tirant pleinement parti de la bioéconomie et en adoptant une mobilité propre et intelligente avec des infrastructures de réseau adéquates. Cela permettra d’augmenter le revenu réel et le pouvoir d’achat, améliorant ainsi le niveau de vie de tous les citoyens de l’Union.

Nous optimiserons le potentiel inexploité des données, favoriserons l’interopérabilité des données et encouragerons les investissements dans les technologies numériques qui changent la donne en Europe, en faisant progresser leur application dans l’ensemble de l’économie, tout en garantissant le respect de la vie privée et la sécurité. Cela nécessitera une infrastructure numérique de pointe. En nous appuyant sur l’identité numérique de l’Union, nous créerons de nouveaux services électroniques de haute qualité à l’échelle de l’Union.

Le document suit là encore les orientations de plusieurs experts sur un sujet relativement négligé : le partage des données. Pour un état de l’art exhaustif sur ce nouveau chantier européen, nous renvoyons à l’étude de Boris Otto et Hubert Tardieu.

L’Union encouragera un secteur agricole compétitif, durable et résilient qui continue à garantir la sécurité alimentaire. Nous défendrons des communautés rurales dynamiques et renforcerons la position des agriculteurs dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire. Nous continuerons à protéger la nature et à inverser la tendance à la dégradation des écosystèmes, y compris des océans. Nous renforcerons la résilience de l’eau dans l’ensemble de l’Union. 

Promouvoir un environnement favorable à l’innovation et aux entreprises

Dans une économie de plus en plus axée sur la connaissance et les données et dans un marché mondial et concurrentiel, l’Europe accompagnera, nourrira et développera ses entreprises et son industrie, attirera et retiendra les talents, et restera un lieu d’investissement attrayant. 

Nous renforcerons la capacité de recherche et d’innovation de l’Europe dans les technologies émergentes et habilitantes, y compris à double usage. Pour atteindre une puissance industrielle dans des secteurs clés, l’Union doit également préserver une concurrence loyale, lutter contre les pratiques déloyales et garantir des conditions de concurrence équitables, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. 

Pour permettre aux entreprises de prospérer, nous allons réduire de manière ambitieuse la charge bureaucratique et réglementaire à tous les niveaux, et simplifier, accélérer et numériser les procédures administratives, y compris l’octroi de permis, afin de répondre aux besoins d’un environnement d’investissement moderne, dynamique et favorable aux consommateurs. Nous nous engageons à mieux légiférer, notamment en utilisant au mieux l’administration numérique et en tenant compte des besoins des PME et des jeunes entreprises. Nous travaillerons de manière intégrée, coordonnée et cohérente dans tous les domaines d’action et mettrons l’accent sur la mise en œuvre et l’application des politiques convenues. 

Cette exigence de « simplification » pour relancer l’innovation et la croissance était l’un des points clefs du deuxième discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron.

Progresser ensemble

La croissance économique doit profiter à tous les citoyens. Nous défendrons la dimension sociale de l’Union européenne afin que chacun puisse saisir les opportunités offertes par les transitions verte et numérique. Nous aborderons de manière globale les défis démographiques et leur impact sur la compétitivité, le capital humain et l’égalité. Nous veillerons à ce que le modèle économique et les systèmes de protection sociale européens soutiennent une société prospère fondée sur la longévité. Dans ce contexte, nous renforcerons encore la coopération en matière de santé aux niveaux européen et international et améliorerons l’accès aux médicaments dans l’ensemble de l’Union. 

Nous investirons dans les compétences, la formation et l’éducation des personnes tout au long de leur vie et encouragerons la mobilité des talents au sein de l’Union européenne et au-delà. Rappelant le pilier européen des droits sociaux, l’Union et les États membres s’efforceront de renforcer le dialogue social, de défendre l’égalité des chances et de réduire les inégalités. L’augmentation de la participation au marché du travail et la promotion de l’emploi des jeunes revêtiront une importance capitale dans les années à venir. 

Pour promouvoir le développement harmonieux de l’Union, nous renforcerons la cohésion économique, sociale et territoriale, en visant une convergence continue vers le haut, en réduisant les disparités, en augmentant notre résilience et notre compétitivité et en stimulant la croissance à long terme dans l’ensemble de l’Union. 

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