Prendre l’Europe par l’élection. L’extrême droite mondiale à Madrid
De Milei à Orbán en passant par Meloni et Le Pen ; du Portugal de Ventura à l’Amérique de Trump : l'internationale néonationaliste s’est retrouvée à Madrid ce week-end dans un imposant rassemblement. À la veille d’un scrutin continental qui devrait la voir prospérer, la droite radicale européenne traverse une recomposition profonde — il faut entendre ces discours pour comprendre sa stratégie, ses convergences et ses blocages. Morceaux choisis et commentés du meeting de Vistalegre par le spécialiste Steven Forti.
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- Steven Forti •
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Les 18 et 19 mai, Madrid a accueilli le congrès Europa Viva 24. L’événement, organisé par Vox et les Conservateurs et Réformistes Européens (CRE), a réuni une large représentation de dirigeants d’extrême droite européens et américains au Palais Vistalegre dans la capitale espagnole. Outre le dirigeant de Vox, Santiago Abascal, qui accueillait la réunion, et ses partisans José Antonio Ortega Lara et Jorge Buxadé, d’autres dirigeants du groupe CRE, tels que l’ancien Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki et la présidente du Conseil italienne Giorgia Meloni, ont pris part à cet important rassemblement.
Mais Viva 24 a également accueilli des membres de l’autre groupe politique d’extrême droite au Parlement européen, Identité et Démocratie (ID), tels que le leader du Chega portugais, André Ventura, et la présidente du Rassemblement national français, Marine Le Pen. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui a transformé la Hongrie en autocratie électorale depuis son retour au pouvoir en 2010, était également connecté par visio, à l’instar de Giorgia Meloni.
La représentation extra-européenne était également un marqueur important de cette séquence : d’une part, à travers la présence du président argentin, Javier Milei et du chef du Parti républicain chilien, José Antonio Kast ; d’autre part à travers divers représentants du trumpisme comme le président de l’American Conservative Union et chef de file de la Conservative Political Action Conference (CPAC), Matt Schlapp, et le vice-président de la Heritage Foundation, Roger Severino. Le ministre israélien des Affaires de la diaspora et de la lutte contre l’antisémitisme, Amichai Chikli, a également participé à la réunion.
La réunion de Madrid s’inscrit non seulement dans le sillage d’autres réunions organisées précédemment par Vox, telles que Viva 21 et Viva 22, auxquelles avaient déjà participé des dirigeants internationaux comme Ventura, Meloni ou Morawiecki, mais aussi dans le cadre des nombreux sommets organisés par l’ultra-droite de part et d’autre de l’Atlantique : des différentes éditions des CPAC aux États-Unis, au Brésil, au Mexique ou en Hongrie aux Sommets de l’Iberosphère, lancés par Vox en 2022 après la création du Forum de Madrid, en passant par les rencontres intitulées « Defend Europe », organisées à Varsovie en 2021 et à Madrid en 2022. Europa Viva 24 démontre une fois encore l’existence d’un réseau transnational dense d’extrême droite qui s’est renforcé au cours des dernières années.
Cet événement devait en outre marquer le lancement de la campagne pour les élections européennes qui se tiendront du 6 au 9 juin. À l’approche du scrutin, l’extrême droite veut montrer qu’elle est en position de force : selon tous les sondages, elle devrait voir ses scores grimper et pourrait modifier l’équilibre politique au sein de l’Union.
Si en 2019, le principal rassemblement électoral avait été organisé à Milan, avec le leader de la Ligue, Matteo Salvini, comme hôte et homme fort, cette année, c’est l’Espagne qui a accueilli le principal événement de l’extrême droite. Cela démontre au moins deux choses. Premièrement, l’importance croissante de Vox dans la géographie de l’extrême droite européenne et transatlantique — le parti est peu à peu devenu la tête de pont entre l’Union et l’Amérique latine. Deuxièmement, l’obsession de l’extrême droite pour le gouvernement de gauche dirigé par Pedro Sánchez — nouvel ennemi public n°1 dans une Europe de plus en plus brune.
André Ventura (Portugal)
Chers amis de Vox, je suis extrêmement fier d’être ici aujourd’hui. Cette convention n’est pas seulement une école pour les dirigeants, les présidents et les personnalités. Beaucoup de ceux qui sont venus ici, sur cette scène, ont gagné dans leur pays — ils ont gagné la liberté de leur pays. Je suis sûr qu’ici, parmi nous, se trouvent beaucoup de ceux qui gouverneront à l’avenir en Europe, en Amérique et en Amérique du Sud. Je vois ici le prochain président du gouvernement espagnol, Santiago Abascal ; la prochaine présidente de la France, Marine Le Pen ; et, vous me l’autorisez, le prochain premier ministre du Portugal.
Jusqu’à récemment, André Ventura était un dirigeant peu connu en dehors des frontières du Portugal. Cependant, lors des élections législatives de mars dernier, son parti, Chega, a remporté près de 20 % des voix. Cela a fait de Ventura un leader en pleine ascension. Dans son discours, deux points méritent d’être soulignés. D’une part, la volonté — partagée par tous les leaders d’extrême droite — de se présenter comme modéré et présentable, rejetant l’étiquette de radical et d’extrémiste. D’autre part, la tentative de se réapproprier le concept de liberté au niveau européen et mondial.
Aujourd’hui, au Portugal, mais aussi en Espagne et, j’en suis sûr, dans toute l’Europe, les journaux disent que la droite la plus radicale se réunit ici à Madrid. Ils se trompent. Nous ne sommes pas la droite la plus radicale d’Europe, nous sommes les seuls — les seuls ! — à nous être levés pour défendre la liberté de l’Europe et la liberté du monde entier !
Jorge Buxadé (Espagne)
Le 9 juin, l’avenir de l’Espagne et de l’Europe tout entière est en jeu.
Le 9 juin prochain, nous déciderons si l’Europe restera entre les mains de fanatiques mondialistes qui cherchent la destruction des campagnes, la dévastation des classes moyennes, la défaillance des frontières et la soumission de l’Europe aux caprices d’une caste bureaucratique de rapporteurs de l’ONU ; ou si, au contraire, les nations européennes reprendront le contrôle de leurs vies, de leur économie et de leur liberté.
Tête de liste de Vox aux élections européennes, Buxadé a été la principale force motrice du tournant antimondialiste du parti, incarné par l’Agenda España. Ce document programmatique, présenté à Viva 21, avait été conçu comme une réponse ultranationaliste et identitaire à l’Agenda 2030 des Nations unies, présenté comme l’un des principaux « ennemis » de l’Espagne et une menace pour la souveraineté des nations. L’eurodéputé Vox, au passé phalangiste avant de rejoindre le Partido Popular pendant une décennie, est également souvent fustigé pour l’introduction de politiques sociales timides et abstraites qui ont partiellement modéré le programme économique ultra-libéral de Vox à ses débuts. Il est cependant difficile de comprendre comment les politiques sociales prétendument néo-phalangistes défendues par Buxadé pourraient s’inscrire dans un programme paléolibertarien de destruction de l’État tel que celui défendu par l’invité vedette du rassemblement des 18 et 19 mai — Javier Milei.
Les Espagnols, les Italiens, les Polonais, les Français ou les Hongrois ne se soucient pas le moins du monde de la création artificielle d’un peuple européen. Ce qui les préoccupe, au contraire, c’est la sécurité dans les rues, la création d’emplois stables, l’inflation des produits de base, l’accès au logement, la compétitivité de nos entreprises face à la concurrence étrangère, l’immigration clandestine, la prévention de l’effondrement de nos systèmes de santé ou de l’avenir de nos jeunes !
Sous la direction de Giuliano da Empoli.
Avec les contributions d’Anu Bradford, Josep Borrell, Julia Cagé, Javier Cercas, Dipesh Chakrabarty, Pierre Charbonnier, Aude Darnal, Jean-Yves Dormagen, Niall Ferguson, Timothy Garton Ash, Jean-Marc Jancovici, Paul Magnette, Hugo Micheron, Branko Milanovic, Nicholas Mulder, Vladislav Sourkov, Bruno Tertrais, Isabella Weber, Lea Ypi.
Giorgia Meloni (Italie)
Ces dernières années, l’Union européenne a exigé de décider ce que nous pouvions ou pas manger, comment nous devions ou pas renouveler nos maisons — bien sûr sans nous dire avec quel argent —, quelle voiture nous pouvions ou pas conduire, quelles technologies nous pouvions ou pas utiliser dans nos entreprises.
Ils ont utilisé l’alibi de la défense de la nature pour permettre une atteinte à notre liberté que nous devons rejeter. Nous défendrons nos agriculteurs, nos pêcheurs, notre industrie manufacturière, nos petites et moyennes entreprises contre ces attaques sans précédent. Nous les défendrons pour défendre l’Europe, parce qu’ils ont fait l’Europe avec leur travail, leurs sacrifices, leur créativité, leurs produits d’excellence, pendant que les écologistes discutaient de la meilleure manière de proposer les prochaines lois absurdes, confortablement installés dans le canapé de leur salon.
L’Union à laquelle nous pensons doit retrouver la fierté de son histoire et de son identité. Nous continuerons à nous opposer fermement à toutes les tentatives visant à nier ou à effacer nos racines culturelles, à commencer par nos racines chrétiennes. Les premières briques de l’Europe ont été celles des premiers monastères. C’est un fait. L’oublier, le nier, l’amoindrir, c’est nier le sens même de l’Europe comme civilisation. Et nous ne le permettrons pas. Nous nous opposerons de la même manière à ceux qui veulent remettre en cause la famille comme pilier de notre société, à ceux qui veulent introduire la théorie du genre dans les écoles, à ceux qui veulent promouvoir des pratiques inhumaines comme la gestation pour autrui. Personne ne me fera croire que l’on peut appeler progrès le fait de permettre à des hommes riches d’acheter le corps de femmes pauvres ou de choisir leurs enfants comme s’il s’agissait de produits de supermarché. Ce n’est pas du progrès — c’est de l’obscurantisme.
Je suis fière que le Parlement italien discute actuellement d’une loi proposée par Fratelli d’Italia qui vise à faire de la maternité de substitution un crime universel. Nous pourrons ainsi la rendre punissable en Italie même si le crime est commis à l’étranger.
Si Giorgia Meloni a choisi de ne pas être présente en personne à Madrid, elle n’a pas manqué l’appel d’Abascal en se connectant par visio, et ce pour au moins trois raisons. Tout d’abord, Europa Viva 24 était co-organisé par les CRE, que Meloni préside depuis 2020. Ensuite, il existe une relation personnelle étroite entre l’actuelle présidente du Conseil italienne et Abascal : outre les éditions précédentes de Viva, Meloni a accompagné Abascal et Macarena Olona lors du désormais célèbre rassemblement dans les arènes de Marbella pendant la campagne pour les élections andalouses de 2022. Pour sa part, Abascal s’est rendu en Italie à plusieurs reprises, participant notamment à Atreju, le rendez-vous annuel de la droite melonienne. Troisièmement, Meloni ne pouvait pas manquer le rendez-vous de Madrid car elle est la dirigeante d’extrême droite en Europe qui occupe le poste le plus important, à la tête du gouvernement de la troisième économie de l’Union. Sans atteindre les excès du rassemblement de Marbella, Meloni est revenue à un discours plus identitaire et critique vis-à-vis de l’Union, démontrant que sa prétendue modération après son arrivée au Palazzo Chigi n’est rien d’autre qu’un pragmatisme de façade ayant pour but de la faire accepter au niveau international. La partie la plus intéressante est l’attaque — sans le nommer — contre le PPE pour ses accords avec les libéraux et les sociaux-démocrates. Cette pression non diplomatique semble s’opposer en partie à la stratégie englobante qu’elle a déployée ces derniers mois en tissant une relation de complicité avec Ursula von der Leyen.
Nous nous battrons surtout contre ceux qui, à l’instar de la gauche biaisée par la volonté d’effacer les identités, cherchent à utiliser Bruxelles pour imposer leur agenda mondialiste et nihiliste. Où les nations sont réduites à des accidents de l’histoire, les peuples à de simples consommateurs, où le multiculturalisme et le relativisme éthique sont présentés comme les piliers nécessaires de l’intégration européenne…
Chers amis, la législature européenne 2019-2024 a été caractérisée par de mauvaises priorités et de mauvaises stratégies. Alors que d’autres forces politiques ont soutenu des accords contre nature avec la gauche — donnant naissance à une imposition verte et progressiste — nous nous sommes toujours battus, souvent seuls, pour une Union différente. Mais aujourd’hui, il se peut que nous vivions un moment différent. Nous sommes à la veille d’une élection décisive car, pour la première fois, les résultats des élections européennes pourraient en finir avec des majorités contre-nature et contre-productives. Nous devons rester concentrés, garder les pieds sur terre et les yeux sur l’horizon ; l’heure est à la mobilisation, il est temps de descendre dans la rue, de regarder nos compatriotes dans les yeux et de leur expliquer ce que nous voulons faire dans les cinq prochaines années.
Nous avons le devoir de nous battre jusqu’au dernier jour de la campagne électorale. Car aucun changement en Europe n’est possible sans les conservateurs européens. Et c’est un fait. Nous sommes le moteur et les protagonistes de la renaissance de notre continent.
Vive l’Italie !
Vive l’Espagne !
Vive les conservateurs européens !
Marine Le Pen (France)
Avec Vox et son président, Santiago Abascal — avec qui nous sommes en contact depuis longtemps — vous incarnez le mouvement patriotique espagnol. Je sais pouvoir compter sur vous au niveau européen pour faire revivre l’Europe. Car l’Europe, la vraie, celle de la liberté et des peuples, celle de la souveraineté et des États, celle de l’identité et des nations, a besoin de nos forces conjuguées. Car l’Union européenne lui a fait beaucoup de mal depuis des décennies.
Dans ce combat politique commun, je viens vous dire combien sont importants pour notre projet de redressement l’amitié entre nos deux pays, la fraternité entre nos deux partis, la solidarité entre nos parlementaires. Et permettez-moi de vous adresser le salut de millions de patriotes français et de vous assurer que vous pouvez compter sur leur amitié et leur soutien.
Ensemble, nous sommes dans la dernière ligne droite pour faire du 9 juin un jour de libération et d’espoir. Il nous reste trois semaines pour convaincre nos compatriotes respectifs d’aller voter et de se déplacer pour que Jordan Bardella et Jorge Buxadé arrivent avec la plus grande délégation possible à Bruxelles. Les promoteurs de l’Union européenne emmenés par le duo Macron-Von der Leyen n’en ont jamais assez : ils veulent désormais amener notre continent à une quasi-fusion européenne, une marche forcée vers un super-État européen centralisé. Cette fois-ci — et c’est sans précédent — ils le font au grand jour. Tout est dans le rapport Verhofstadt adopté par le Parlement européen à quelques voix près en novembre dernier, qui parle notamment de la fin du droit de veto.
Plus ils construisent une Union intégrée, plus les résultats sont mauvais. Il est difficile de ne pas évoquer la question de l’immigration en ce moment. Des zones entières de mon pays, la France, sont en situation de submersion migratoire et ne sont plus sous l’autorité de l’État. On parle souvent de zones de non-droit : en réalité, il s’agit de zones régies par d’autres lois que les lois françaises. Cette situation de séparatisme migratoire — qui existe aussi en Grande-Bretagne, en Belgique ou en Suède —, avec une insécurité croissante et la menace constante de troubles, menace l’ensemble de l’Europe.
[…] Ils ont échoué sur tout — tout sauf la liberté des peuples européens. Car vous ne voulez pas de cette vision. Nous n’en voulons pas non plus. Je pense qu’une grande partie des peuples d’Europe n’en veulent pas non plus. L’Union veut faire taire les peuples et nous voulons une Europe qui garantisse leur liberté. L’Union veut supprimer le droit de veto, qui garantit aux nations la défense de leurs intérêts, et elle veut s’immiscer partout dans la vie de nos concitoyens alors que nous voulons une Europe des coopérations librement consenties. L’Union européenne veut uniformiser le continent : nous voulons une Europe qui assure la diversité des cultures et des identités des peuples européens.
La présence de la cheffe de file du Rassemblement national à Europa Viva 24 est doublement importante.
Tout d’abord, elle démontre qu’au-delà de la division entre les groupes CRE et ID au Parlement européen, l’extrême droite européenne peut travailler ensemble. Les divergences sur des sujets aussi importants que la géopolitique — les positions pro-poutiniennes de Marine Le Pen sont bien connues, et son parti a reçu en 2014 quelque 11 millions d’euros de prêts de banques liées au Kremlin — ne semblent pas empêcher la collaboration, comme le montre le manifeste en faveur des racines chrétiennes de l’Europe, signé par la grande majorité des partis d’extrême droite en juillet 2021, ou la participation de Le Pen au sommet de Madrid en janvier 2022.
La décision de Le Pen et Salvini de ne plus siéger avec l’AfD allemande pose-t-elle les bases d’un rapprochement entre le groupe CRE et une partie d’ID ? Il est vrai que la possibilité d’une unification de l’ensemble de l’extrême droite en Europe a toujours été un serpent de mer qui ne s’est jamais concrétisé, mais il pourrait y avoir des surprises à cet égard à partir du 10 juin.
Deuxièmement, le discours de Mme Le Pen est beaucoup plus dur que celui de Meloni. Ses attaques contre von der Leyen et Macron sont directes. La dirigeante du Rassemblement national affirme en outre ce que d’autres n’ont pas osé dire : bien qu’elle parle de vouloir régénérer l’Europe, son discours est clairement positionné sur une ligne eurosceptique. Les angoisses liées à la fin du droit de veto montrent en creux le modèle d’Europe prôné par Le Pen : une confédération d’États souverains qui ne s’accordent que sur certains sujets, comme l’économie ou l’immigration. Un modèle d’ailleurs également défendu à ce jour par Fratelli d’Italia.
Roger Severino (États-Unis)
Chers amis, je porte des États-Unis un message urgent : ce qui arrive au président Trump à New York peut arriver à Madrid, à Paris, à Londres, peut m’arriver, et vous arriver. Je fais référence aux gauchistes qui corrompent le droit et le transforment en une arme pour interférer avec la démocratie et faire taire la voix du peuple.
Incapables de convaincre des millions de personnes de voter pour leurs programmes absurdes, les gauchistes tentent de convaincre 12 jurés d’un crime qui n’existe pas. Au lieu de débattre avec leurs opposants, ils veulent les emprisonner. Ce qui était impensable il y a 10 ou même 5 ans est notre réalité aujourd’hui. Mais ce n’est pas le seul avertissement que je lance. Aujourd’hui, sur les campus américains, il y a du désordre, de la violence et un antisémitisme rampant, promu par une idéologie radicale qui traite les agresseurs comme des victimes et l’un des groupes les plus opprimés de l’histoire comme des oppresseurs.
Ces mêmes jeunes ont été bombardés par une culture et un système médical qui leur disent d’explorer tous les appétits sexuels dès l’âge de 10 ans, que l’avortement n’est pas la destruction de bébés mais un soin médical, que s’ils ne sont pas à l’aise avec leur sexe, c’est qu’ils sont probablement nés dans le mauvais corps et que des opérations chirurgicales peuvent réparer cette erreur.
Mais je suis ici pour vous dire que Dieu ne fait pas d’erreur. Notre civilisation occidentale commune risque de disparaître précisément parce que nous avons oublié Dieu et le Christ. Mais Il est toujours avec nous. Même en ces jours sombres, nous devons avoir foi en notre héritage occidental et en tout le bien reçu pendant deux mille ans, centré sur la foi, la raison, l’État de droit et la famille.
L’Europe et les États-Unis ont tellement perdu la foi en l’Occident que non seulement nous n’avons pas réussi à transmettre notre culture à nos enfants, mais nous n’avons même plus d’enfants. Dans la plupart des pays occidentaux, il y a malheureusement plus de morts que de naissances. Si nous laissons cette situation perdurer, ce sera le triomphe ultime de la gauche qui considère chaque être humain — lorsqu’elle lui permet de naître — comme une source supplémentaire de pollution au carbone.
Dans les années 1980, Ronald Reagan et Margaret Thatcher ont restauré un sentiment de fierté nationale. Ils ont fait reculer le socialisme et les familles ont recommencé à s’agrandir. Plus récemment, le président Trump a formé une nouvelle coalition conservatrice qui exige des frontières sûres et la liberté face aux élites mondialistes qui veulent contrôler tout ce que vous achetez, tout ce que vous mangez, tout ce que vous dites et même tout ce que vous pensez. J’ai eu le grand honneur de servir pendant quatre ans sous la présidence de Donald Trump et je l’ai vu défendre les travailleurs oubliés. Trump s’est directement opposé aux élites woke du monde des affaires, de la Big Tech et de l’université. Ses efforts de déréglementation ont conduit à une prospérité économique et à des niveaux d’emploi jamais vus depuis une génération. Il a mis fin aux programmes DEI (Diversity, Equity, Inclusion) qui rendaient le peuple responsable devant l’administration — et non l’inverse.
Mais au moment où nous commencions à restaurer la grandeur de l’Amérique, ses efforts ont été interrompus. Je m’attends à ce que, dans quelques mois, Trump revienne pour accomplir ce qu’il a commencé.
Au meeting de Madrid, Severino représentait la voix du trumpisme. Son discours reprend clairement les slogans de l’ultra-droite américaine qui s’est emparée du Parti républicain et de toute une série de fondations et de groupes de réflexion conservateurs, comme la Heritage Foundation elle-même, dont Severino est vice-président, qui ont considérablement radicalisé leurs positions au cours de la dernière décennie. La recette de Severino, c’est-à-dire la recette trumpiste, repose principalement sur trois éléments : la foi religieuse — avec pour corollaire la lutte contre l’avortement et la poussée de la natalité — ; des politiques économiques ultra-libérales ; et la lutte contre la supposée hégémonie culturelle de la gauche — concentrée dans la paranoïa du wokisme.
On peut retenir trois éléments de son intervention à Vistalegre. D’une part, la volonté de se présenter comme le défenseur de la liberté et de la démocratie face à une gauche prétendument antidémocratique. D’autre part, l’attaque directe contre les universités américaines et les étudiants accusés d’être antisémites — la défense du gouvernement de Netanyahou étant devenu un point de convergence pour presque l’ensemble de l’extrême droite. Enfin, la mention explicite de Reagan et Thatcher, présentés comme des modèles et des précurseurs — rappelons à cet égard que George W. Bush, digne héritier de Reagan, n’a pas soutenu Trump lors de l’élection de 2020.
Mateusz Morawiecki (Pologne)
Comme vous pouvez l’entendre, je parle en polonais. Je m’excuse car je ne peux malheureusement pas être à Madrid. Pourquoi ai-je commencé par parler dans ma langue maternelle ? Parce qu’aujourd’hui, certains oublient que l’anglais n’est pas la seule langue et que Bruxelles n’est pas la seule capitale.
Certains oublient que l’Europe est avant tout une union de nations. Et non pas le pays des bureaucrates. C’est pourquoi une voix s’élève de l’Espagne, de la Pologne, mais aussi de nombreux autres pays d’Europe.
Sous la direction de Giuliano da Empoli.
Avec les contributions d’Anu Bradford, Josep Borrell, Julia Cagé, Javier Cercas, Dipesh Chakrabarty, Pierre Charbonnier, Aude Darnal, Jean-Yves Dormagen, Niall Ferguson, Timothy Garton Ash, Jean-Marc Jancovici, Paul Magnette, Hugo Micheron, Branko Milanovic, Nicholas Mulder, Vladislav Sourkov, Bruno Tertrais, Isabella Weber, Lea Ypi.
L’Europe doit être la terre d’un nouvel espoir, la patrie de l’avenir. L’Europe doit être un leader. Malheureusement, le monde est redevenu un endroit dangereux. Nous sommes très préoccupés par la tentative d’assassinat du Premier ministre Robert Fico en Slovaquie. Nous devons aller de l’avant pour l’Europe, nous devons aller de l’avant les uns pour les autres. En 1795, alors nous étions divisés par trois agresseurs — la France, la Prusse et la Russie — Don Domingo de Iriarte fut l’un des derniers diplomates espagnols à rester à Varsovie. Évoquer son souvenir doit nous donner une leçon : ce qui se passe aujourd’hui sous nos yeux, c’est la division de l’Europe. En Pologne, nous savons que la Russie ne s’arrêtera pas à l’Ukraine. Nous savons que l’agression de la Russie est une menace pour l’ordre européen.
Aujourd’hui, l’Europe est confrontée à de nombreuses menaces. Nous avons un ennemi existentiel. Oui, la Russie est la nemesis de l’Europe. C’est pourquoi les conservateurs doivent aujourd’hui être une force civilisatrice : c’est nous qui devons assurer cette stabilité. Nous devons veiller à ce que l’Europe, comme héritage, survive.
Soulignant son opposition à l’intégration politique européenne — l’Union ne devrait être qu’une « union de nations » — l’ancien premier ministre polonais, député du PiS (Droit et Justice) et membre des CRE, s’est attaché à mettre en avant la menace russe — on imagine mal Le Pen tenir le même discours. La fracture géopolitique restera-t-elle l’élément majeur qui empêchera l’unification de toute l’extrême droite à l’échelle européenne ? Ou bien, comme l’a montré l’accord de gouvernement aux Pays-Bas, suffit-il que l’extrême droite d’ID modère un peu ses positions et prenne ses distances avec Moscou pour être considérée comme « présentable » pour les partis populaires, voire libéraux ?
José Antonio Kast (Chili)
Ce mégaphone a été un instrument pour arrêter la gauche dans son idéologie néfaste. Ici, en Espagne — et nous le disons haut et fort — l’échec de Podemos n’aurait pas été possible sans Vox, sans Santiago Abascal et sans vous tous. L’échec de Podemos est dû à la lutte de millions de personnes pour la liberté qui a arrêté l’avancée de la gauche la plus radicale.
Aujourd’hui, beaucoup de gens se concentrent sur les chiffres, sur les pourcentages, parce qu’ils sont incapables de voir au-delà et de comprendre le danger qui se cache derrière ces groupes radicaux et les dommages profonds qu’ils peuvent causer à un pays. Sánchez gouverne aujourd’hui un gouvernement désastreux pour l’Espagne, incapable d’arrêter l’immigration illégale, de lutter contre l’insécurité et de donner de la solidité à l’économie et à l’emploi.
Comme on dit au Chili : « il lui reste peu de temps ». Nous disons aussi au Chili « Dehors ! Dehors ! ». Notre moment viendra, nous irons le chercher avec persévérance et constance et avec les idées de liberté toujours devant nous.
Le leader du Parti républicain chilien a concentré sa charge sur la gauche — en particulier Podemos et le gouvernement de Pedro Sánchez, sans toutefois franchir de lignes rouges comme Javier Milei. Vu d’Espagne, ce qui frappe est qu’à l’exception des mentions de Vox, son discours aurait pu être prononcé par Alberto Núñez Feijóo — ce qui témoigne moins de la supposée modération de Kast que de la radicalisation du PP. La référence au mégaphone est un clin d’œil à Abascal et à ses premiers rassemblements.
Viktor Orbán (Hongrie)
Je vous salue depuis Budapest à la veille des élections européennes. Nous sommes confrontés à une grande bataille commune. Bruxelles déclenche une immigration illégale massive, empoisonne nos enfants avec une propagande sexiste, abandonne les campagnes et détruit les familles traditionnelles. Nous ne pouvons pas le permettre.
Pour ne rien arranger, il y a quelques semaines, à Bruxelles, nous avons été envoyés à la police parce qu’ils ne voulaient pas entendre que nous parlions de valeurs conservatrices, chrétiennes et patriotiques. En d’autres termes, de l’avenir de notre Europe. Il n’y a pas d’autre alternative dans cette situation, chers amis espagnols : nous, les patriotes, devons occuper Bruxelles.
Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes si nous voulons défendre les frontières de l’Europe. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes si nous voulons que nos familles soient en sécurité et en paix. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes si nous voulons aider les gens à avoir des enfants et si nous voulons que les campagnes, les campagnes espagnoles, aient elles aussi un avenir. Et pour cela, nous avons besoin de nombreux combattants patriotes dans toute l’Europe. Des gens qui ont déjà fait leurs preuves.
Mon ami Santiago Abascal et les partisans de Vox sont des combattants dévoués, surtout lorsqu’il s’agit de la sécurité, de la liberté, de la protection des Espagnols et des familles.
Allez Santiago, allez Vox, rendons à l’Europe sa grandeur !
Si Fiala, membre tchèque des CRE, n’a pas assisté à Viva 24, Meloni et Orbán, les seuls chefs de gouvernement européens d’extrême droite à y avoir participé, l’ont fait par voie numérique. Dans le discours du premier ministre hongrois, deux points sont à souligner.
D’une part, la centralité des quatre thèmes brandis comme des étendards et partagés par toutes les extrêmes droites au niveau européen : l’immigration, la famille traditionnelle, la « théorie du genre » et le monde rural. D’autre part, Orbán est peut-être l’un des orateurs les plus explicites dans sa volonté de prendre le pouvoir au sein de l’Union ou, pour reprendre ses termes, « d’occuper Bruxelles ». Il convient de souligner le changement opéré par l’extrême droite au cours de la dernière décennie : de la volonté de détruire l’Union et de quitter l’euro à celle de la conquérir. Lors des élections européennes de 2019, elle visait déjà ce tournant à 180 degrés : aujourd’hui, le virage est achevé.
Javier Milei (Argentine)
Vive la liberté, putain !
Vive la liberté, putain !
Vive la liberté, putain !
[chantant]
Bonjour à tous, je suis le lion,
rugit la bête au milieu de l’avenue,
les gauchistes pleurent sans comprendre
Un panic show en plein jour.
Plusieurs minutes s’écoulent sous les applaudissements longs et soutenus d’un public qui acclame Milei et réclame le fameux « Viva la libertad, carajo ! » répété — crié — trois fois par le président argentin. Il commence alors son discours en chantant et en adaptant la chanson Panic Show du groupe de rock argentin La Renga.
Allons-y !
Je voudrais commencer par remercier les organisateurs de Viva, Vox et mon cher ami Santiago Abascal de m’avoir invité à être ici avec vous aujourd’hui. Vendredi, lorsque j’ai présenté mon livre El camino del libertario, j’ai dit que lorsque j’ai commencé à mener publiquement cette guerre culturelle, j’étais plus seul qu’Adam le jour de la fête des mères. C’est dans ce contexte que l’un des rares à avoir embrassé ma cause et à m’avoir soutenu alors que tout le monde me tournait le dos était ce cher Santiago. Je veux donc commencer aujourd’hui par le remercier publiquement devant vous. Je vous remercie.
Santiago, regarde Santiago, que de chemin parcouru et que de chemin à parcourir. J’ai prêché ma vision du système capitaliste devant des assemblées où la plupart de ceux qui m’écoutaient ne partageaient pas toujours ce que je disais. Parfois même, je prêche devant des gens qui détestent cela parce qu’ils se sentent visés par ma critique — c’est ce qui s’est produit par exemple au Forum de Davos. Je dois donc dire que, tout comme lorsque j’ai pris la parole au Milken Institute de Los Angeles, il est bon d’être parmi des amis aujourd’hui. Il est réconfortant d’être devant un public qui partage nos idées et cela fait partie de l’immense tâche de mener la bataille culturelle contre ceux qui veulent nous imposer une vision du monde qui est non seulement immorale mais aussi contraire aux valeurs qui ont fait la grandeur de l’Occident.
Deux ans, c’est vrai, ce n’est pas grand chose — mais il s’est passé des choses depuis la dernière fois que j’étais ici avec vous. Lorsque je suis arrivé ici il y a deux ans, je n’étais qu’un député national qui, accompagné seulement de celui qui est aujourd’hui le vice-président de la nation, affrontait tout le système politique argentin, en défendant les idées de liberté. Je tiens à vous dire que même si j’ai aujourd’hui un travail un peu plus compliqué et un peu plus particulier, je n’ai jamais laissé de côté — et je ne le ferai jamais — ma tâche historique, qui est d’être un humble diffuseur des idées de liberté. Car je suis convaincu qu’aujourd’hui plus que jamais, ces idées et ces valeurs qui ont porté l’espèce humaine au sommet sont en danger et doivent être défendues contre l’assaut du socialisme maudit et cancéreux.
Le socialisme est une idéologie peinte d’une patine altruiste mais qui cache fondamentalement le pire de l’être humain : l’envie, la haine, le ressentiment, l’inégalité de traitement devant la loi et, si nécessaire, le meurtre, car n’oubliez jamais que les maudits socialistes ont assassiné 150 millions d’êtres humains. Récemment, lors de la conférence que j’ai donnée au Milken Institute, j’ai dit que, dans un certain sens, nous, les Argentins, sommes les prophètes d’un avenir apocalyptique que nous avons déjà vécu, mais que vous, en Occident, avez encore devant vous. Si vous regardez l’histoire de l’Argentine au cours des deux derniers siècles, vous verrez une tragédie en deux parties : l’ascension et la chute, une tragédie qui témoigne de ce qui peut arriver lorsque les idées de liberté sont remplacées par n’importe quel type d’expérience collectiviste. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les dirigeants argentins ont gravé dans le marbre les principes de base du libéralisme, à savoir la défense de la vie, de la liberté et de la propriété privée. En conséquence, nous avons connu le processus de croissance économique le plus fort de notre histoire. La croissance de l’Argentine était supérieure à celle de la Chine à cette époque. En seulement 35 ans, nous sommes devenus une puissance mondiale, nous avons été la première nation de l’histoire de l’humanité à éradiquer l’analphabétisme, nous avons eu un PIB total supérieur à la somme du Brésil, du Mexique, du Paraguay et du Pérou réunis. Et nous étions la première puissance mondiale en termes de PIB par habitant.
Nous, pays périphérique que le reste du monde connaissait à peine, avons été La Mecque de l’Occident et avons accueilli des millions et des millions d’immigrants qui rêvaient d’une vie meilleure en Argentine. La plupart d’entre eux étaient espagnols, ce qui explique en partie l’éternelle fraternité entre nos peuples.
Or à partir de la première moitié du XXe siècle, les dirigeants politiques sont tombés amoureux de l’État, ont abandonné les idées de liberté et les ont remplacées par la doctrine de la justice sociale, qui porte directement atteinte à la liberté et à la propriété de l’individu. C’est ainsi qu’a commencé le siècle de l’humiliation en Argentine. 100 ans de décadence au cours desquels toutes les règles de base de l’économie ont été violées à maintes reprises pour soutenir l’empressement des politiciens à dépenser ce que nous n’avons pas sous le prétexte délirant que là où il y a un besoin naît un droit.
[…]
La justice sociale est toujours injuste puisqu’elle implique le vol et un traitement inégal devant la loi, et que chaque tentative des politiciens pour se faire bien voir finit par nuire à la production de richesses et, par conséquent, à la société dans son ensemble. Ils ne comprennent pas non plus, ou ne semblent pas s’en soucier, que le coût du maintien de cette pantomime bien pensante des progressistes est la subversion de toutes les valeurs qui ont fait de la civilisation occidentale le fer de lance de l’histoire du progrès humain. Car au fond, ils sont guidés par les passions humaines les plus basses : l’envie, la haine et le ressentiment, qui obscurcissent leur pensée et les aveuglent. Elles les aveuglent tellement qu’ils vivent en projetant leurs malheurs sur les autres. C’est pourquoi, à tous ceux qui pensent sauver le monde avec un État omniprésent, des impôts élevés, des quotas de genre et des charges punitives pour les employeurs, je dis : savez-vous ce qui est le mieux pour les travailleurs ? Laissez-les conclure librement des contrats avec leurs employeurs et cessez de considérer les femmes comme des victimes ayant besoin d’une attention particulière.
Je demande : les socialistes considèrent-ils les femmes comme des êtres inférieurs pour leur accorder des privilèges ? Je demande aux socialistes : savent-ils ce qui est le mieux pour la planète ? Laissez le marché trouver les meilleures solutions, comme il l’a toujours fait. Savez-vous ce qui est le mieux pour les enfants ? Un père et une mère qui les connaissent bien mieux que n’importe quel bureaucrate. Et savez-vous comment on y parvient ? En supprimant l’État parasite de la vie des gens et en laissant les citoyens libres, en les laissant s’associer librement, choisir ce qu’ils produisent, qui ils emploient, où ils étudient, à qui ils vendent, ce qu’ils achètent et ce qu’ils font du fruit de leur travail.
Le monde ne sera pas sauvé par la poursuite de l’agenda coupable de quelques bureaucrates, mais par le rétrécissement de l’État pour élargir la société. Nous devons détruire cette idée parasite qui a été apprise en Occident selon laquelle la tâche de l’État — c’est-à-dire du bureaucrate — serait de contrôler tous les aspects de la vie des citoyens, cette idée selon laquelle les hommes politiques devraient s’occuper des gens — du berceau jusqu’à la tombe. Cela n’a jamais été la tâche de l’État : la tâche de l’État, si tant est qu’il existe, est de défendre la vie, la liberté et la propriété privée des individus.
Mais les élites mondiales ne comprennent pas à quel point la mise en œuvre des idées du socialisme peut être destructrice parce qu’elles en sont trop éloignées. Elles ne savent pas quel type de société et de pays cela peut produire, quel type de personnes s’accroche au pouvoir et quels niveaux d’abus cela peut engendrer — même quand ils ont une femme corrompue et qu’il prennent cinq jours pour y réfléchir.
C’est pourquoi il m’appartient de vous montrer ce qui est sinistre et infâme, ce qu’est le socialisme, parce que nous en avons fait l’expérience, nous en souffrons tous les jours, parce que l’Argentine est un pays infecté par le socialisme depuis des décennies, ou peut-être devrais-je dire, était. Le socialisme mène à la pauvreté et à la mort — quiconque dit le contraire est un ignorant ou un menteur. Il conduit à la mort. Nous ne devons jamais céder à quoi que ce soit, nous ne pouvons pas nous laisser bousculer d’un millimètre par les gauchistes, même lorsqu’ils semblent avoir raison — parce qu’ils n’ont jamais raison.
Le président argentin était sans aucun doute l’invité vedette d’Europa Viva 24. Son discours remarquablement agressif a été le plus remarqué de ceux prononcés à Vistalegre.
Ce n’est pas nouveau, mais le lieu et le contexte dans lequel il l’a prononcé sont importants. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit du premier voyage officiel de Milei en Espagne et qu’il n’a demandé à rencontrer ni le chef de l’État ni le président du gouvernement Pedro Sánchez. Il a même insulté son épouse, la qualifiant de « corrompue » sans aucune preuve, déclenchant une crise diplomatique majeure entre Madrid et Buenos Aires. La recette paléolibertarienne ou — comme aime à le dire le président argentin — « anarcho-capitaliste » se résume à l’attaque du socialisme, défini comme une idéologie qui engendrerait la misère et la mort ; à l’affirmation que la justice sociale est une « aberration » ; à la négation de l’existence des droits ; à la défense constante de la liberté, qui devient un signifiant vide ; à l’idée que l’État devrait en pratique disparaître et ne pas s’immiscer dans la vie des citoyens. La proposition de Milei mélange l’autoritarisme et le conservatisme avec un ultra-libéralisme agressif à faire pâlir Reagan et Thatcher : on pense à sa critique du Forum de Davos, considéré comme un sommet de dangereux socialistes… Tout cela dans une stratégie marquée par la guerre culturelle, clairement assumée en arsenalisant la pensée du philosophe communiste italien Antonio Gramsci — souvent citée par Milei — et en la décontextualisant. Cependant, il ne faut pas oublier que le leader de La Libertad Avanza utilise les guerres culturelles, mêlées aux fake news et à la post-vérité — en témoigne sa vision idéalisée de l’histoire de l’Argentine, éloignée de toute base scientifique — pour créer du bruit médiatique et du chaos afin que d’autres questions ne soient pas abordées — comme, par exemple, les politiques d’austérité mises en œuvre après son arrivée à la Casa Rosada. Des politiques qui non seulement n’ont pas amélioré la situation économique du pays, mais ont augmenté de manière exponentielle le nombre de familles vivant dans la pauvreté.
Matt et Mercedes Schlapp (États-Unis)
Santiago, merci beaucoup de nous avoir invités en Espagne. Vous nous aviez dit que le voyage en vaudrait la peine, et c’est le cas. Quelle belle époque pour être en vie, pour participer à ce combat pour la liberté. Quel grand moment pour les États-Unis de se battre pour tout ce qui fait la grandeur de l’Amérique.
Mercedes et moi avons un message : arrêtez de regarder CNN. Arrêtez de lire les journaux américains, arrêtez. Nous avons quelque chose d’important à vous dire : aux États-Unis, nous allons gagner parce que Donald Trump va redevenir notre président. Il reste des mois, des jours, pour que les Américains se soulèvent. Parce qu’on a menti aux Américains, on leur a menti par les mêmes personnes qui vous mentent ici en Espagne. On vous a dit que vos familles étaient brisées, qu’elles n’étaient pas importantes. On vous a dit qu’il valait mieux que vos enfants soient élevés par le gouvernement. On vous a dit que votre foi en Dieu était une idée fausse et une conception dépassée.
Ce n’est pas pour son contenu que l’intervention des époux Schlapp — qui se réduit aux slogans trumpistes classiques, y compris les attaques contre les médias indépendants — est importante. Ce qu’il faut retenir, c’est la présence à Madrid du président de l’American Conservative Union et du dirigeant de la Conservative Political Action Conference (CPAC) — les principaux groupes de réflexion du trumpisme avec la Heritage Foundation.
D’une part, elle démontre comment Vox et l’extrême droite européenne entretiennent de bonnes relations avec les ultras d’outre-Atlantique. De l’autre, elle témoigne de la présence tentaculaire des réseaux et groupes de pression de l’ultra-droite à travers le monde.
À partir de 2017, pendant la présidence de Trump, alors que sa femme Mercedes travaillait comme directrice des communications stratégiques de la Maison Blanche, Schlapp a été le principal moteur de l’expansion mondiale de CPAC, qui a commencé à organiser des sommets au Japon, en Corée du Sud, en Australie, au Brésil, au Mexique et en Hongrie. La plupart des dirigeants présents à Vistalegre ont participé à l’un ou l’autre des événements organisés par la CPAC en Europe ou dans les Amériques.
La raison pour laquelle l’Amérique gagnera et pour laquelle Trump sera à nouveau président est que nous réaffirmons en ce moment notre foi en Dieu, notre croyance en sa vérité. Nous honorons la vie qu’il nous donne et nous célébrons toute vie. Nous le remercions de nous avoir engagés dans ce combat pour la liberté, pour la civilisation, pour notre avenir et il est crucial que nous nous tenions tous ensemble, main dans la main, les conservateurs, les personnes qui croient en la tradition, en la foi. Nous n’allons pas laisser Biden ou Soros nous diviser.
Amichai Chikli (Israël)
C’est un grand privilège d’être ici. Merci beaucoup, Monsieur Abascal, pour votre invitation à cet événement unique. Comme nous le savons tous, Israël traverse une période difficile. Nous subissons actuellement une attaque multiple avec des missiles de croisière iraniens, une attaque du Hezbollah et de ses organisations sœurs, lancée sans provocation depuis la frontière libanaise. Et bien sûr, la guerre contre le Hamas qui a lancé une attaque brutale il y a quelques mois contre Israël, faisant plus de 1 000 morts parmi les civils, des personnes âgées, des enfants, des femmes. Comment un être humain peut-il être motivé pour torturer une femme devant ses enfants et les assassiner ensuite ? Comment peut-on cultiver le désir de mort, le viol de jeunes femmes qui étaient à une fête ?
Ce sont les vérités corrompues du Hamas et de l’islam radical. Dans les écoles, le système éducatif palestinien enseigne la haine, le désir de tuer les infidèles, les Juifs, avec ce mélange de fanatisme religieux et de troupes paramilitaires.
[…]
N’oubliez pas, s’il vous plaît, les innocents, n’oubliez pas comment tout cela a commencé, comment cette guerre a commencé. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous battre et de gagner pour le bien de nos enfants, pour le bien du monde libre. Malheureusement, le Premier ministre espagnol Sánchez estime que les Palestiniens doivent être récompensés pour leur massacre et que le moment est venu de leur donner un État.
Quelques faits à propos de l’Autorité palestinienne doivent être rappelés. Pas un seul haut fonctionnaire n’a condamné la barbarie du Hamas. Pas même un poste au sein du gouvernement palestinien de l’Autorité palestinienne. Au contraire, de nombreux Palestiniens soutiennent le massacre au sein du gouvernement et pensent qu’il s’agit d’une réponse naturelle. Les responsables du Fatah disent qu’à Sabra, il y a eu d’autres massacres et qu’ils sont dans un état d’euphorie. Ils sont dans un état d’euphorie, de joie immense. Mais l’Autorité palestinienne va plus loin. Elle exige des paiements pour les prisonniers, elle exige des milliards de shekels pour que les écoles puissent continuer à endoctriner les jeunes à haïr les Juifs.
Sous la direction de Giuliano da Empoli.
Avec les contributions d’Anu Bradford, Josep Borrell, Julia Cagé, Javier Cercas, Dipesh Chakrabarty, Pierre Charbonnier, Aude Darnal, Jean-Yves Dormagen, Niall Ferguson, Timothy Garton Ash, Jean-Marc Jancovici, Paul Magnette, Hugo Micheron, Branko Milanovic, Nicholas Mulder, Vladislav Sourkov, Bruno Tertrais, Isabella Weber, Lea Ypi.
L’Institut palestinien a mené une étude en octobre : 90 % des Palestiniens étaient fiers de l’attentat du 7 octobre. Il faut tout un peuple pour élever un enfant et il faut aussi tout un peuple pour élever des violeurs meurtriers. Santiago, il y a quelques mois, vous êtes venu en Israël pour témoigner votre solidarité. Vous avez traversé les maisons détruites des kibboutz, vous avez vu les enfants qui y avaient abandonné leurs jouets et, contrairement à d’autres, vous ne l’avez pas fait pour la photo. Contrairement à d’autres, votre bon cœur vous a conduit à vous aligner sur l’État d’Israël au lieu d’aimer le Hamas.
Merci beaucoup Santiago Abascal, merci d’avoir soutenu la vérité au nom des citoyens et du gouvernement d’Israël. Je tiens à vous remercier parce que vous avez très bien compris que cette guerre ne concerne pas seulement l’avenir de Gaza ou de l’État d’Israël. Il s’agit d’une bataille existentielle pour l’avenir de notre civilisation contre l’islam radical, l’avenir de la civilisation occidentale, l’avenir de l’humanité.
La présence à Vistalegre du ministre israélien en charge des Affaires de la diaspora et de la lutte contre l’antisémitisme est symptomatique de la convergence entre l’extrême droite mondiale et l’État d’Israël, conçu comme une sorte de « sentinelle de l’Occident » au Moyen-Orient. Au cours des dernières décennies, et surtout après le 11 septembre 2001, l’extrême droite a opéré un virage à 180 degrés, passant d’un antisémitisme diffus à un soutien à Israël sur fond d’opposition à l’islam. Le gouvernement de Netanyahou, formé par le Likoud, allié des CRE, et des formations religieuses d’extrême droite, est un modèle d’unification de la droite pour l’ultra-droite dans le reste du monde.
Santiago Abascal (Espagne)
Quels bons amis nous avons, quelle joie de pouvoir entendre ici aujourd’hui tant de langues différentes, tant d’accents différents, tant de partis, d’associations et de mouvements différents, mais qui luttent contre les mêmes menaces — et ceux qui ont parlé avant moi les ont toutes évoquées. Parce que nous subissons ces menaces absolument communes, nous sommes prêts à coopérer, à collaborer et à faire preuve de solidarité les uns envers les autres. C’est la clef : parce que nous défendons tous notre souveraineté et notre intérêt national, parce que notre premier devoir est envers nos compatriotes.
Bien que nous soyons ici aujourd’hui avec nos alliés internationaux, nous savons aussi que nous ne pouvons pas le faire seuls parce que les autres, nos adversaires, ne le font pas seuls et face au mondialisme qui attaque les souverainetés nationales et face à son âme socialiste absolument criminelle qui restreint la liberté de la presse, nous devons répondre par une alliance mondiale des Patriotes pour défendre le bon sens, la prospérité économique, la sécurité et la liberté. Car nous partageons la menace, mais aussi l’espoir du changement, du triomphe. Et cela doit nous conduire à une fraternité absolue, à une collaboration permanente, à travailler côte à côte et sans relâche jusqu’à ce que nous mettions en échec chacune des politiques qui ne visent que la ruine morale, économique et nationale de nos peuples.
Ces politiques, nous les avons vues à l’œuvre en Espagne depuis trop longtemps, nous les avons vues et nous les subissons encore. Un gouvernement mondialiste soumis, livré ou kidnappé par tous les ennemis de notre pays, de ceux qui veulent le briser de l’intérieur à ceux qui veulent l’envahir de l’extérieur, et depuis lors, il ne se passe pas un seul jour sans qu’ils ne portent atteinte à l’unité nationale, à la séparation des pouvoirs, qu’ils ne s’attaquent à nos frontières ou qu’ils ne mettent directement la main à la poche des travailleurs. Et c’est ainsi tous les jours et un jour après l’autre, parce qu’un jour ils font sauter une centrale électrique et le lendemain ils augmentent les impôts pour payer le gaz à la Russie. Un jour, alors que la moitié de l’Espagne a soif et que l’autre moitié est inondée, ils s’opposent aux barrages et aux transferts d’eau conformément aux prescriptions de la loi sur la restauration de la nature, et le lendemain, ils approuvent des centaines de millions pour payer le Maroc pour ses propres transferts d’eau et ses propres barrages.
Un jour, ils se déguisent — car ici aussi ils se déguisent, cher José Antonio — en défenseurs de la démocratie et le soir même, mais le soir même, ils sont au lit avec tous les régimes narcos. Ils se prennent en photo avec les restes humains des victimes du socialisme du siècle dernier. Le président du gouvernement l’a fait, comme s’ils aimaient raviver les vieilles rancœurs et les vieilles guerres. Et le lendemain, ils promeuvent une loi d’amnistie pour les terroristes et les voleurs parce qu’ils disent qu’il faut oublier cela.
[…] Ce sont eux qui sont coupables de promettre un faux avenir, un faux espoir à des millions de personnes dans le monde, que nous ne sommes même pas en mesure d’offrir à nos enfants et à nos familles. Ce sont eux, les progressistes, les gauchistes, les rouges, les socialistes et l’aile droite lâche et consciente d’elle-même, qui sont coupables.
Le leader de Vox, hôte de l’événement, n’a rien ajouté de foncièrement nouveau à son discours habituel.
Il convient toutefois de noter la violence verbale de son intervention, qui va jusqu’à appeler à « mettre à la porte » le gouvernement de Pedro Sánchez, et les attaques incessantes contre le PP, qualifié de « droite lâche ».
Le passage le plus intéressant concerne probablement la mention d’une « alliance mondiale des patriotes pour la défense du bon sens ». Elle montre, d’une part, que l’extrême droite se sent membre d’une même famille mondiale et a tissé des réseaux internationaux qui devraient théoriquement contredire l’ultranationalisme qu’elle professe. D’autre part, elle fait référence au « bon sens », notion qu’il faut comprendre à la fois dans la logique de dé-diabolisation de ces formations — elles ne se considèrent ni extrémistes, ni radicales : elles prétendent défendre les gens du peuple, le commun des mortels — et dans la volonté d’aller à la conquête du bon sens entendu comme sens commun — la recherche d’une normalisation du discours au point de le considérer, justement, comme relevant du « bon sens ».
[…] Et ainsi de suite chaque jour et chaque mois jusqu’à ce que nous chassions ce gouvernement. La question est de savoir comment il est possible que nous ne les ayons pas chassés plus tôt, que nous ne les ayons pas battus à plate couture, en nous souvenant de toutes ces barbaries, de tous ces outrages, de ceux qu’ils ont commis, de ceux qu’ils commettent et de ceux qu’ils s’apprêtent à commettre.
Telle est la question.
Vous verrez qu’ils diront que j’ai fait une proposition littérale et qu’ils feront les gros titres tous les jours parce qu’ils ne comprennent pas la langue espagnole. Vous savez pourquoi il est possible que nous n’y soyons pas encore parvenus ? Eh bien, parce qu’il y a une droite lâche et trompeuse qui, un jour, prétend s’opposer à ces choses et qui, le lendemain, les approuve, les assume d’une manière ou d’une autre, parce que la droite lâche et trompeuse, un jour, manifeste contre ce gouvernement et, le lendemain, mendie n’importe quel pacte — du financement des régions jusqu’à la manière de répartir les juges.