La question de l’utilisation des actifs d’État russes gelés à l’étranger pour contribuer au financement de la reconstruction de l’Ukraine est en discussion depuis le printemps 2022. Après plus de deux ans de guerre, l’attention immédiate ne porte plus tant sur la reconstruction du pays que sur l’octroi de moyens financiers visant à permettre à l’Ukraine de se défendre contre l’armée russe.

Initialement réticents, les principaux soutiens de l’Ukraine (Union européenne, États-Unis, Royaume-Uni, Japon) semblent désormais favorables à l’utilisation de ces fonds pour soutenir financièrement Kiev. La question reste de savoir comment.

  • Dans l’Union, où plus des deux tiers de ces actifs sont détenus, la Commission penche pour la saisie des profits exceptionnels générés par ces avoirs chez Euroclear — qui détient 95,5 % des actifs russes présents en Europe, soit 191 milliards d’euros. 
  • Cette solution, proposée dès l’automne 2023 et formalisée le 28 février de cette année, pourrait apporter à l’Ukraine jusqu’à 5 milliards d’euros par an. Bien que significative, cette manne financière reste faible par rapport aux besoins.
  • Un autre montage imaginé par Washington, plus ambitieux, consiste quant à lui à utiliser les actifs russes comme collatéral pour contracter un prêt de 50 milliards de dollars pour l’Ukraine1.

Cette idée a été imaginée par le journaliste britannique Hugo Dixon, le juriste Lee Buchheit et l’actuel conseiller adjoint à la sécurité nationale des États-Unis pour l’économie internationale, Daleep Singh2. Ce dernier, considéré comme le principal architecte des sanctions américaines mises en place contre la Russie, marquait au même moment son retour à la Maison-Blanche après avoir quitté son poste au printemps 2022.

  • L’administration démocrate a commencé à discuter de cette initiative il y a quelques semaines avec les autres membres du G7, en amont d’une décision qui devrait être prise lors du sommet qui se tiendra du 13 au 15 juin3.
  • Concrètement, le G7 se porterait garant de l’obligation ou du prêt et se servirait des revenus générés par les intérêts des actifs immobilisés pour rembourser la dette. 
  • Cette forme de compromis présente l’avantage de pouvoir fournir à l’Ukraine une somme importante de liquidités dès 2025 tout en se protégeant vis-à-vis des potentiels problèmes juridiques qui pourraient découler d’une saisie pure et simple des actifs. 

Lorsque Washington a présenté l’idée aux membres du G7 pour la première fois en mars, Paris et Berlin auraient initialement exprimé une certaine réticence. Le secrétaire d’État aux Affaires étrangères britannique, David Cameron, a quant à lui apporté son soutien au plan le mois dernier4.

Sources
  1. Alberto Nardelli et Jennifer Jacobs, « US Backs $50 Billion Ukraine Bond Using Frozen Russia Assets », Bloomberg, 21 mars 2024.
  2. Dixon, Hugo and Buchheit, Lee C. and Singh, Daleep, Ukrainian Reparation Loan : How it Would Work, SSRN, 20 février 2024.
  3. Isobel Koshiw, Guy Chazan, Paola Tamma et Laura Dubois, « US proposes debt to fund Ukraine using profits from frozen Russian assets », Financial Times, 12 avril 2024.
  4. « Frozen Russian assets will soon pay for Ukraine’s war », The Economist, 18 avril 2024.