Le jour d’après, nous commençons à disposer d’un cadre clair sur les effets de l’attaque.

  • Selon le porte-parole de l’armée israélienne, « Plus de 300 projectils — drones, missiles de croisière et missiles balistiques — auraient été tirés depuis l’Iran ».
  • L’opération a été un échec tactique. La plupart des munitions (« 99 % ») ont été interceptées en dehors de l’espace aérien israélien. Un très petit nombre a touché le territoire, causant des dommages mineurs. Une petite fille a été blessée et une base militaire israélienne a été légèrement endommagée1.
  • Comment expliquer cet échec ? Comme l’a noté Bruno Tertrais « l’attaque iranienne était prévue, annoncée, visible : Israël et ses alliés ont pu se préparer à la parer et les Iraniens le savaient sans doute ». Les drones se déplacent lentement et en ligne droite, au-dessus d’un espace désertique où personne ne sera blessé s’ils sont interceptés à temps.
  • Les États-Unis ont aidé Israël à abattre la plupart des drones et des missiles. Un point notable : selon des sources consultées par Reuters, l’aviation jordanienne aurait abattu des dizaines de drones iraniens qui traversaient le nord et le centre de la Jordanie en direction d’Israël.
  • Bien que les effets réels aient été peu probants, il s’agit bien de la première attaque lancée par l’Iran depuis son sol contre Israël. « Un seuil a été franchi. Celui d’une attaque israélienne massive sur le territoire iranien. ». 

Si techniquement, l’Iran est à l’origine d’une escalade, à Téhéran, les autorités se félicitent du succès de l’opération, en appelant à la retenue. 

  • Le chef d’état-major des Forces armées iraniennes, Mohammed Hossein Baqeri, a pris la parole aujourd’hui pour indiquer que le pays n’avait pas « l’intention de poursuivre l’opération contre Israël » et que les autorités consideraient que « cette opération est parvenue à ses objectifs et qu’elle est désormais terminée. ». 
  • Le régime de Téhéran, à travers le chef des Gardiens de la Révolution iranienne, Ali Jafari, parle désormais d’une doctrine de la « nouvelle équation » : « si le régime sioniste attaque, il fera l’objet d’une contre-attaque depuis l’Iran. »2.
  • Le Président du Parlement iranien, Mohammad Ghalibaf, s’est également félicité d’une attaque « précise » qui avait « donné une leçon » au « régime sioniste »3.

Revenons en Israël. Gérard Araud pose la question clef : « La doctrine stratégique israélienne veut que l’ennemi n’ait jamais ‘le dernier mot’. L’Iran a tiré certes sans succès. Maintenant, quoi que disent les Américains, que va décider Israël ? ». 

  • Le cabinet de guerre à Tel-Aviv se réunira aujourd’hui pour décider comment réagir. Le Conseil de sécurité des Nations unies devrait également se réunir à la demande d’Israël.
  • Le soutien interne à Netanyahu reste fort. « 88 % des Israéliens juifs interrogés en janvier estiment que le nombre de morts palestiniens reste justifié. Une grande majorité pense également que les forces de défense israéliennes utilisent une force adéquate, voire insuffisante, à Gaza ».
  • Il est difficile aujourd’hui de voir ce qui pourrait inciter Netanyahou à faire autre chose qu’une nouvelle escalade — même si l’effet de la riposte de l’Iran s’avère symbolique. La frappe du 1er avril en Syrie a donné lieu à des promesses de soutien de la part des alliés américains et européens et a détourné l’attention de la question épineuse de la survie du Hamas et des mouvements de contestation internes.

L’Iran vient de détourner l’attention du conflit à Gaza — s’agit-il d’un piège stratégique israëlien ? Selon le spécialiste Ali Vaez il ne faut pas sous-estimer le gain de soft power dans le monde musulman de cette attaque.

Les images des drones passant sur la Mosquée al-Aqsa sont actuellement en train de faire le tour du monde.

Le soutien à Israël de certains pays, comme la Jordanie, produit d’ailleurs une clarification sur son positionnement par rapport à la crise de Gaza, en le forçant à prendre parti.

À Washington, le président des États-Unis Biden a convoqué son Conseil de sécurité nationale dans la soirée d’hier.

  • S’il a publiquement réaffirmé « un soutien inébranlable à la sécurité d’Israël face aux menaces de l’Iran et de ses proxies », selon des informations obtenues par Axios, dans une conversation téléphonique d’environ 25 minutes le président américain aurait dit à Netanyahu que les États-Unis ne seraient pas prêt à soutenir aucune contre-attaque visant l’Iran et son territoire.
  • Biden a également déclaré : « J’ai dit au Premier ministre Netanyahu qu’Israël avait fait preuve d’une capacité remarquable à se défendre contre des attaques sans précédent et à les vaincre, envoyant ainsi un message clair à ses ennemis : ils ne peuvent pas menacer efficacement la sécurité d’Israël ».
  • Sur initiative du président des États-Unis, les dirigeants du G7 se réuniront aujourd’hui pour coordonner une position commune.

Il faut noter une tendance contre-intuitive : 

  • Comme le remarque Jean-Marie Guéhenno : « Les attaques relativement modérées du Hezbollah et maintenant de l’Iran contre Israël suggèrent que le concept israélien de dissuasion (utilisation d’une force massive comme au Liban en 2006) peut fonctionner : une conclusion dangereuse qui confortera ceux qui veulent continuer à utiliser une force écrasante à Gaza ». 
Sources
  1. La base aérienne de Nevatim, particulièrement ciblée par l’Iran car elle aurait été à l’origine de l’opération du 1er avril contre le complexe diplomatique iranien de Damas, semble encore opérationnelle.
  2. Golnaz Esfandiari, Twitter, 14 avril 2024, Accessible en ligne.
  3. Iran Press News Agency, Vidéo de la session parlementaire du 14 avril, Disponible en ligne.