La confiance accordée aux institutions occupe une place centrale dans l’Ukraine d’aujourd’hui. En raison de la guerre de haute intensité livrée par la Russie depuis février 2022, les capacités de l’Ukraine à défendre son territoire et à œuvrer pour reprendre possession des régions saisies par Moscou dépendent, au moins partiellement, de la capacité de l’État à continuer de fonctionner.

L’Institut international de sociologie de Kiev (KIIS) a publié lundi 18 décembre une enquête d’opinion publique « panukrainienne » pour laquelle les entretiens téléphoniques ont été conduits entre fin novembre et début décembre 20231.

  • Seules les personnes vivant dans les régions contrôlées par Kiev jusqu’au 24 février 2022 — à l’exception donc de la Crimée, de Sébastopol ainsi que de certains districts des oblasts de Louhansk et Donetsk — ont été sollicitées pour ce sondage.
  • Les résultats révèlent une importante perte de confiance dans le gouvernement ukrainien (passant de 52 % en décembre 2022 à 26 %), dans le parlement (35 % à 15 %), la police (58 % à 41 %) ainsi que dans les tribunaux et procureurs (25 % à 12 %).
  • Le président Volodymyr Zelensky conserve un niveau élevé de confiance, bien que celui-ci ait significativement baissé depuis décembre 2022 (62 % contre 84 %). Le niveau de confiance quasi-absolu dans les forces armées reste quant à lui inchangé par rapport à l’année précédente (96 %).

Les mouvements bénévoles continuent eux aussi à être perçus très positivement par la société ukrainienne (84 % de confiance, inchangé depuis décembre 2022). Comme l’explique Anna Colin Lebedev dans une étude sur l’après-guerre en Ukraine, « les mouvements bénévoles ont tissé un filet de sécurité alternatif dans un État où la protection sociale reste défaillante ». L’armée est quant à elle « devenue une institution de jonction entre l’État et la société ».

  • La publication de ces données intervient à un moment critique pour l’Ukraine. Tandis que le vote d’une nouvelle aide américaine par le Congrès est pour l’heure plus qu’incertain, la Hongrie s’est opposée à octroyer une aide européenne de 50 milliards d’euros à Kiev lors du Conseil des 14-15 décembre.
  • Depuis plus d’un an, tous les salaires des fonctionnaires ukrainiens sont financés par le programme Public Expenditures for Administrative Capacity Endurance (PEACE) de la Banque mondiale. Sur les 23,4 milliards envoyés à l’Ukraine via celui-ci, 20,2 provenaient des États-Unis2.
  • Si d’autres pays contribuent à ce programme, la fin du soutien américain compromettrait les capacités de l’État ukrainien à fonctionner comme il l’a fait jusqu’à présent, malgré la guerre.
  • Au début du mois de décembre, en amont d’une visite de Volodymyr Zelensky à Washington, la député ukrainienne Oleksandra Ustinova déclarait : « Si nous ne survivons pas en tant qu’État, nous ne pourrons pas gagner une guerre »3.
  • L’Union européenne a directement contribué au financement de 46 % du budget de l’État ukrainien depuis le début de l’année. Pour les États-Unis, ce chiffre est de 28 %.

Un éventuel retard voire arrêt des financements octroyés à l’État ukrainien serait susceptible de contribuer à la baisse de confiance dans les institutions déjà observée plus haut. Tandis qu’il est peu probable que la ligne de front évolue au cours des prochains mois, la poursuite de l’érosion de la confiance accordée aux autorités nuirait aux capacités de Kiev à continuer le combat en 2024 — alors que l’effort de guerre russe devrait quant à lui s’intensifier.

Sources
  1. Dynamics Of Trust In Social Institutions In 2021-2023, Institut international de sociologie de Kiev (KIIS), 18 décembre 2023.
  2. William Mauldin et Marcus Walker, « U.S. Funding Cutoff Threatens Ukraine’s Economic Stability », The Wall Street Journal, 3 octobre 2023.
  3. Isabelle Khurshudyan, Siobhán O’Grady et David L. Stern, « Ukraine’s Zelensky appears increasingly embattled as U.S. backing wavers », The Washington Post, 9 décembre 2023.