Les Paysans de Languedoc (thèse), Paris, SEVPEN, 1966. 

« Aucun doute : nous tenons, avec ces paysans de Languedoc, un livre d’histoire comme il n’en paraît pas un par décennie.

Tout y est : le cadre géographique, original et large sans excès, un morceau du monde méditerranéen ; la durée, trois bons siècles, le temps d’une croissance en deux temps et de deux retombées ; la richesse de l’information, étayée surtout par les admirables compoix (cadastres) et les longues comptabilités ecclésiastiques du Midi ; l’ordonnance souveraine de la composition, naturellement chronologique, fortement assemblée et centrée ; une culture multi-disciplinaire (de la météorologie et de la pédologie aux modèles économiques et à la psychiatrie) et internationale sans équivalent notoire, surtout quand on sait que l’auteur rédigea son livre peu après sa trente-cinquième année ; des conclusions fermes et lumineuses, et un jaillissement continuel d’audacieuses hypothèses ; le style d’un grand écrivain de notre temps, familier et recherché, provoquant et pittoresque, et qui apporte enfin, parmi les grisâtres guérets des trop classiques thèses françaises, ces trop rares fleurs : la vie, l’humour. Livre princier, qui scelle une époque, et marquera toute une génération »1

Histoire du climat depuis l’an mil, Paris, Flammarion, 1967. 

« Historien, conduit à l’histoire du climat par ses recherches d’histoire agraire et en particulier par les dates des vendanges, Emmanuel Le Roy Ladurie a étendu son enquête à toutes les manifestations historiques des changements climatiques, parmi lesquelles les variations des glaciers tiennent une très grande place. Si ce n’est pas la première fois que pareil sujet est abordé, Le Roy Ladurie a le grand mérite de le faire en historien de métier, un historien qui fait de l’histoire critique et ne cherche pas à expliquer l’histoire par le climat. Son livre deviendra donc pour beaucoup de chercheurs un indispensable instrument de travail »2

Le territoire de l’historien, Paris, Gallimard, 1973. 

« Le territoire de l’historien, c’est celui d’un chasseur. Chasseur toujours à l’affût de méthodes nouvelles pour “piéger” la réalité du passé, mais qui flâne aussi dans son territoire de chasse, humant “la verdeur du bocage” ou s’asseyant dans l’âtre d’un paysan poitevin pour évoquer Mélusine. Dans ce recueil d’articles et de travaux, on trouve à la fois des articles de méthodes parus dans les Annales, mais aussi des chroniques du Monde ou du supplément littéraire du Times. Aux yeux d’Emmanuel Le Roy Ladurie, l’historien voit donc s’ouvrir devant lui un champ d’action qui englobe tant les préoccupations méthodologiques les plus en pointe (ordinateur) que le souci de faire connaître au plus grand nombre les travaux scientifiques »3.

Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, Paris, Gallimard, 1975. 

« Lecture fascinante, émouvante, foisonnante aussi de données neuves. Le Roy Ladurie parce qu’il feint de sourire sans cesse, parvient parfaitement à rendre présents, humains, les pauvres, les très pauvres gens de ce village, pauvres dans leur vie quotidienne, mais d’une liberté d’esprit et d’une richesse intérieure extraordinaires. On est, comme lui, ému par cette profondeur, vibrant devant cette simplicité. Mieux encore : nous avions des Lancelot, des Roland, de saint Louis, des Jeanne d’Arc aux destins d’exception, mais il nous manquait les hommes des autres jours. Les voici : Pierre Maury, le “bon pasteur”, le berger heureux qui philosophe en regardant au travers des nuages ; la châtelaine Béatrice de Planissolles, “Héloïse de village” dont les amours coupables avec le curé du lien semblent comme aviver croyances et remords ; Bélibaste, le “Parfait” au maquis, intarissable donneur de réprimandes et de conseils ; Pierre Clergue enfin, l’âme tourmentée du livre, le curé paillard, savant et mouchard, mais d’une si extraordinaire puissance de geste et d’esprit. À présent nous ne pourrons plus éviter de les interroger lorsque nous retournerons vers “ce monde que nous avons perdu” »4.

Le Carnaval de Romans : de la Chandeleur au Mercredi des Cendres (1579–1580), Paris, Gallimard, 1979. 

« Malgré l’originalité de destinées insolites, l’histoire du Dauphiné au xvie siècle n’avait guère attiré que des auteurs locaux, de bonne encre toutefois : Joseph Roman, Brun-Durand, André Lacroix, les chanoines Dussert et Gavard. Pourtant, soutenue pendant plus d’un siècle, l’inlassable revendication des roturiers contre l’accaparement de la propriété foncière par les privilégiés au moyen d’un cadastre, gage irremplaçable à leurs yeux de l’équité fiscale à laquelle ils aspiraient, devait aboutir à cette révolution — fruit d’un long dessein et unique dans la France d’Ancien Régime — que représenta la substitution de la taille réelle venue du Piémont, de Provence et de Languedoc, à la taille personnelle des provinces septentrionales […].

En sus des spécialistes d’anthropologie historique ou d’institutions, cet ouvrage savant et nourri comblera les historiens des idées politiques par son dernier chapitre, Les primitifs de l’égalité. Issus des prétoires locaux, les défenseurs du Tiers sous Henri IV, Delagrange, Vincent et Rambaud, surent porter devant l’opinion, en plaidoiries largement diffusées, les arguments qui pouvaient en souder les diverses composantes : hostilité devant la croissance de l’État, mise en cause des ordres privilégiés, appel à l’équité fiscale par application d’un droit naturel imprescriptible, valorisation des libertés provinciales, etc. Ainsi ce livre, riche de tant d’aperçus nouveaux sur la culture populaire, s’achève-t-il par un appel à une étude de la culture savante des juristes »5.

Histoire humaine et comparée du climat, Paris, Fayard, 2004-2009 (3 vol.). 

« L’histoire du climat telle que E. Le Roy Ladurie la conçoit dans les premières années du troisième millénaire a toutes les apparences d’un retour à l’homme, d’un recentrage sur l’humain.Déjà, écrivait André Burguière, l’historien avait amorcé un “tournant anthropologique” (et non “anthropocentrique”), sans pour autant tourner le dos à l’histoire sérielle et l’histoire quantitative, avec des enquêtes collectives comme “l’anthropologie des conscrits”. L’histoire du climat est devenue une histoire “humaine” du climat, partie prenante de l’histoire rurale, mettant l’accent sur l’agriculture et la viticulture d’abord, mais aussi sur la santé, la mortalité, le tourisme. Sans renier le “structural” et “la longue durée” braudéliens, il entendait revenir à l’‘événementiel” et adopter autant que possible dans le troisième volume un “découpage décennal” »6.

Le Siècle des Platter, Paris, Fayard, 1997-2006 (3 vol.). 

« Fils d’un paysan devenu directeur de collège à Bâle et demi-frère de Félix Platter, professeur de médecine dans la même ville, dont les aventures avaient été contées dans le premier volume du Siècle des Platter, Thomas Platter entreprit en septembre 1595 un long voyage d’étude qui le conduisit à travers la France, la Catalogne, l’Angleterre, les Pays-Bas et l’Allemagne. E. Le Roy Ladurie nous offre aujourd’hui la traduction, réalisée en collaboration avec Francine-Dominique Liechtenhan et annotée par lui, de l’édition allemande du récit de voyage que rédigea Thomas Platter entre 1604 et 1605 à partir des notes qu’il prit au cours de ses quatre ans et cinq mois de pérégrinations. Elle est accompagnée d’une forte introduction, d’une traduction des notes érudites qui accompagnaient l’édition de 1968, et, enfin d’une série d’instruments de travail (cartes, index, cahier d’illustrations) qui facilitent la lecture de l’ensemble »7.

Histoire de France des régions : la périphérie française, des origines à nos jours, Paris, Le Seuil, 2001.

Cette histoire des régions françaises a une caractéristique : elle exclut les pays d’oïl, les pays appartenant au vieux domaine du français, au noyau d’origine de la nation. Par conséquent, l’examen porte sur les régions linguistiquement différentes qui se sont agrégées progressivement au noyau central : Alsace, Lorraine, Flandre, Pays basque, Roussillon, Corse, Savoie et, on l’a dit, l’ensemble riche et varié des pays d’oc. Ces « minorités périphériques », cela nous dit quelque chose. […] Le livre de Le Roy Ladurie est bien, d’abord, un beau livre d’Histoire, nourri de références, écrit avec verve dans une langue inimitable, cocasse, inventive, imagée, elliptique, savante mais aussi peu académique que possible. […] Naturellement, un pareil livre dispose d’un atout majeur pour susciter notre curiosité. La France des régions n’est pas une histoire close, c’est un problème d’actualité. L’ouvrage de Le Roy Ladurie est celui d’un historien, mais aussi d’un citoyen qui suit les événements et lit le journal chaque matin »8.

Une vie avec l’histoire. Mémoires, Paris, Tallandier, 2014. 

« Ces mémoires ajoutent ainsi une nouvelle touche à un genre d’écriture en pleine expansion, genre qui pose inévitablement la question du rapport entre les souvenirs de leurs auteurs et la réalité reconstituée à partir des sources d’archives. Une lecture comparée des souvenirs d’Emmanuel Le Roy Ladurie et des nombreuses sources concernant son activité en est édifiante. Elle confirme à bien des égards la “mémoire d’ordinateur” de l’historien. L’entrée de Roland Barthes au Collège de France, avec le concours d’Emmanuel Le Roy Ladurie, en est un exemple éclairant. Étonné du silence à ce sujet des biographes de l’auteur du Degré zéro de l’écriture, il ne cesse de rappeler son rôle dans cette accession et les archives consultées en apportent des preuves incontestables, à l’instar des lettres que l’historien a reçues de Roland Barthes pour le remercier de ses démarches, dont celle du 2 mars 1974 dans laquelle ce dernier reconnaissait son « action bienfaisante ». On jugera davantage l’intérêt de ses archives là où sa mémoire fait défaut. Elles rappellent par exemple les deux acquisitions prestigieuses de la Bibliothèque nationale à l’époque où il était son administrateur général et qu’il oublie de mentionner : les Heures Belmont, enluminées par Georges Trubert , et le manuscrit J’accuse d’Émile Zola, acquisition réalisée « à la demande pressante de la présidence de la République », selon les raisons qu’il devra justifier ultérieurement devant la Cour des comptes ! »9

Les paysans français d’Ancien régime, Paris, Seuil, 2015. 

« Après le succès, “totalement imprévu”, selon l’auteur lui-même, de Montaillou, village occitan, ce petit village de l’Ariège dominé par l’hérésie cathare, Emmanuel Le Roy Ladurie est devenu le grand historien du monde paysan. Ses ouvrages l’ont conduit au Collège de France. Dans ce nouveau livre, sobrement intitulé Les Paysans français d’Ancien Régime, l’auteur revient sur l’histoire de cet univers campagnard qui occupa pendant de longs siècles plus de 90 % des Français. Ce travail de synthèse est destiné à un large public, “notamment, précise Le Roy Ladurie, un peu optimiste, paysan ou cultivateur”(sic). En moins de 300 pages (en y incluant même la postface de Jean-Marc Moriceau, président de l’Association d’histoire des sociétés rurales), l’auteur réussit à nous dresser un vif portrait d’un monde rural en pleine métamorphose durant cinq siècles. […]Agréable promenade dans un monde aujourd’hui totalement exotique (ce n’était pas encore vrai voilà un demi-siècle), cette histoire des paysans se résume à l’ambition affichée par l’auteur : dévoiler, “au terme d’une écriture plus brève, plus dense (…), moins lourde”, cinq siècles d’histoire rurale »10.

Sources
  1. Pierre Goubert, « Le Roy-Ladurie (Emmanuel). Les paysans de Languedoc [compte-rendu] », Revue belge de Philologie et d’Histoire, 1967, vol. 45-3, p. 957-959.
  2. Paul Veyret, « Ladurie (Em.). — Histoire du climat depuis l’an mil. [compte-rendu] », Revue de Géographie Alpine, 1968, vol. 56/3-4, p. 639-640.
  3. Jean Cavignac, « Emmanuel Le Roy Ladurie. Le territoire de l’historien. Paris, Gallimard, 1973. In-8°, 544 pages. (Bibliothèque des histoires.) », Bibliothèque de l’École des chartes, 1975, vol. 133-1, p. 146-148.
  4. Robert Fossier, « Emmanuel Le Roy Ladurie. Montaillou, village occitan, de 1294 à 1324. Paris, Gallimard, 1975. In-8°, 642 pages, cartes. (Bibliothèque des histoires.) », Bibliothèque de l’École des chartes, 1977, vol. 135-1, p. 196-200.
  5. Vital Chomel, « Emmanuel Le Roy Ladurie. Le carnaval de Romans. De la Chandeleur au Mercredi des cendres 1579-1580. Paris, Gallimard, 1979. In- 8°, 439 pages, carte, graphique et fac-similés. (Bibliothèque des Histoires.) », Bibliothèque de l’École des chartes, 1980, vol. 138-2, p. 286-289.
  6. Anouchka Vasak, « Emmanuel Le Roy Ladurie et l’écriture de l’histoire du climat », Revue de la BNF, 2010, n° 36, p. 19-25.
  7. François-Joseph Ruggiu, « E. Le Roy Ladurie, Le voyage de Thomas Platter, 1595-1599. Le siècle des Platter II [compte-rendu] », Histoire, économie & société, 2003, vol. 22-3, p. 456-457.
  8. André Zavriew, « Minorités Périphériques », Revue Des Deux Mondes, 2001, p. 176–179.
  9. Stefan Lemny, « Le Roy Ladurie Emmanuel, Liechtenhann Francine-Dominique (collab.), Une vie avec l’histoire : mémoires, Paris, Tallandier, 2014, 256 p. », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 132, 2016, p. 204–05.
  10. Jacques de Saint-Victor, « Le Roy Ladurie : portrait des campagnes de France », Le Figaro, 7 janvier 2015.