L’artillerie est centrale dans la guerre en Ukraine. Celle-ci soutient l’avancée des deux armées et vise à provoquer le plus de dégâts possible sur les lignes ennemies dans le cadre de la guerre d’attrition à laquelle se livrent les deux belligérants.

  • L’Ukraine et la Russie disposent toujours, malgré les nombreuses pertes matérielles subies au cours des 600 jours de guerre, d’un arsenal considérable de pièces d’artillerie.
  • Celles-ci sont cependant sous-utilisées en raison du manque d’obus disponibles. En mars, l’ancien ministre ukrainien de la Défense Oleksiy Reznikov déclarait que l’armée ukrainienne pourrait tirer jusqu’à 594 000 obus par mois en exploitant au maximum tous ses systèmes d’artillerie1.
  • Au cours de l’été, Kiev a quasiment doublé sa consommation mensuelle d’obus, qui est passée d’environ 110 000 à plus de 200 000 dans le cadre de sa contre-offensive2.

Cette cadence de tir est largement supérieure aux capacités occidentales de production. Selon les dernières données disponibles, les États-Unis produisent environ 28 000 obus de calibre 155 mm par mois et les pays de l’Union européenne 25 0003. Les stocks des pays membres de l’OTAN diminuent quant à eux à un rythme jugé préoccupant par le président du comité militaire de l’Alliance, Rob Bauer4.

  • En mars, les États-membres de l’Union européenne s’étaient engagés à livrer à Kiev 1 million d’obus de calibre 155 mm en un an. Sept mois plus tard, seulement 30 % de l’objectif a été atteint5.
  • Si plusieurs commandes ont été passées par les États-membres auprès d’industriels européens, dans le cadre du programme accéléré d’acquisition conjointe de munitions de l’Agence européenne de défense, le volume des contrats ne serait pas suffisant pour livrer les 700 000 obus restants d’ici mars 20246.
  • Afin de subvenir aux besoins de l’Ukraine, les États-Unis augmentent eux aussi leur capacité de production d’obus de 155 mm. Celle-ci a plus que doublé par rapport à début 2022, passant de 14 000 à 28 000 obus par mois et devrait atteindre 80 000 d’ici fin 2025 — un chiffre qui représente toutefois une baisse par rapport à un précédent objectif de 100 000 annoncé en septembre par le Pentagone7.

De son côté, la Russie augmente rapidement sa capacité de production domestique et disposerait encore de 4 millions d’obus en réserve, selon le chef du centre de renseignement des forces de défense estoniennes8. Avec 300 à 500 000 obus livrés récemment à la Russie par la Corée du Nord, l’armée russe « sera probablement en mesure de maintenir ses cadences de tir dans un avenir prévisible », estimées entre 10 000 et 15 000 tirs par jour — soit un rythme trois à cinq fois plus faible par rapport à l’été 20229.

Sources
  1. Andy Bounds, « Ukraine asks EU for 250,000 artillery shells a month », Financial Times, 3 mars 2023.
  2. Jack Watling, Ukraine Must Prepare for a Hard Winter, Royal United Services Institute (RUSI), 19 octobre 2023.
  3. Margaryta Khvostova et Dmytro Kryvosheiev, The art of defence : Why the West should help Ukraine grow its military industry, European Council on Foreign Relations (ECFR), 26 octobre 2023.
  4. James Landale, « Ukraine war : Western allies say they are running out of ammunition », BBC, 3 octobre 2023.
  5. Alberto Nardelli, Jennifer Jacobs et Courtney McBride, « Ukraine’s Missing EU Ammunition Could Hand Russia Advantage », Bloomberg, 26 octobre 2023.
  6. Seven EU Member States order 155mm ammunition through EDA joint procurement, European Defence Agency, 2 octobre 2023.
  7. Sam Skove, « Army spending $1.5B on 155mm rounds to feed Ukrainian artillery », Defense One, 9 octobre 2023.
  8. « EDF colonel : Russia still has four million artillery shells left », ERR, 20 octobre 2023.
  9. Karolina Hird, Christina Harward, Angelica Evans, Nicole Wolkov et Mason Clark, Russian Offensive Campaign Assessment, October 23, 2023, Institute for the Study of War.