Selon les sondages, après les élections, le PiS et ses alliés (la Droite unie) pourraient obtenir environ 180 sièges au Parlement, tandis que Confédération en obtiendrait près de 70 (soit cinquante-sept de plus qu’aux dernières élections). Dans un Parlement comptant 460 sièges, cela donnerait donc à ces partis en coalition une majorité suffisante pour former un gouvernement. Aussi déplaisant qu’il soit, c’est aujourd’hui l’un des scénarios qui se présente à nous et il faut donc en tenir compte. Pendant longtemps, le PiS a repoussé l’idée d’une coalition avec Confédération, mais Jaroslaw Kaczynski a récemment fait évoluer son discours dans une interview : « Confédération est notre rivale, c’est inévitable, mais nous avons beaucoup en commun avec la grande majorité de ses électeurs. Ils partagent nos opinions sur la sécurité ; ils veulent une armée forte ; ils ne veulent pas que la Pologne soit vendue ; ils ne veulent pas la privatisation des entreprises les plus solides ; ils ne veulent pas la privatisation des forêts ; et ils ne veulent pas non plus que Tusk soit au pouvoir, parce qu’ils savent qui il servira et ce qu’il fera à la Pologne. » Selon vous, le PiS et Confédération peuvent-ils former un gouvernement, et à quoi pensez-vous qu’un gouvernement du PiS et de Confédération pourrait ressembler ?
Kamil Dziubka
Pour le moment, Confédération déclare qu’elle ne veut pas de coalition avec qui que ce soit, mais lorsqu’elle sentira l’odeur du pouvoir, cela pourrait changer. Sławomir Mentzen, l’un des leaders de Confédération, est un homme d’affaires, tout comme Mateusz Morawiecki. J’ai le sentiment qu’au niveau politique et commercial, ces hommes politiques pourraient s’entendre. Cependant, tout dépend du nombre de voix qui manqueront à la droite unie pour obtenir la majorité. Mais avant de parler à Confédération, je pense que le premier partenaire potentiel vers lequel le PiS se tournera sera le PSL (Parti paysan polonais, qui compte 23 députés dans la Diète actuelle), ou du moins une partie de celui-ci.
Toutefois, il semble que Jaroslaw Kaczynski n’exclut pas un tel scénario. À quoi ressemblerait donc une coalition entre le PIS et Confédération ? Quelles seraient leurs premières décisions ?
Marcin Kącki
Nous voulons tenter de réfléchir à Confédération en la prenant comme une formule politique cohérente. En théorie, ce parti ne devrait pas exister en raison de divisions internes. On y trouve Grzegorz Braun et son obsession pour le Christ-roi. Les nationalistes n’ont pas de tête politique et sont en conflit permanent avec les KORWiNistes 1. Et il y a Mentzen, qui n’a aucune expérience politique. C’est un jeune homme d’une trentaine d’années, un TikToker, qui a monté un cabinet de conseil fiscal dont la seule raison d’être est de priver l’État de ses revenus fiscaux. Sa maxime est de ne pas payer. Il n’a aucune expérience politique. En d’autres termes, il ne sait rien des intrigues, de la construction d’une cour, de structures partisanes, d’une base politique, de la capacité à avoir des conversations qui ne seront pas révélées au grand jour. Je ne sais pas qui Kaczynski enverra pour parler à Mentzen, mais vous pouvez vous attendre à ce qu’il commente cela sur TikTok le jour même. Il pâtit donc d’un manque de confiance essentiel, et il manque de partenaire pour le soutenir. De plus, le principal conseiller de Mentzen est Przemyslaw Wipler, qui est passé par le PiS où il est aujourd’hui détesté.
Mais si toutes ces difficultés s’aplanissaient et que, de l’autre côté, la perspective d’une défaite qui priverait le PiS de milliers d’emplois publics, il est possible que les dirigeants du PiS ouvrent des pourparlers, au nom de l’intérêt national bien sûr. Pour Mentzen, la condition préalable à une telle coalition est l’obtention d’un poste de vice-premier ministre et du ministère des finances. Cela impliquerait que cette coalition s’effondre dès l’élaboration du budget.
Les deux partis signeraient un accord de coalition, mais ils finiraient par s’opposer sur la question du budget ?
Marcin Kącki
Mentzen a ouvertement déclaré qu’il était intéressé par le portefeuille de ministre des Finances. C’est fascinant parce que sa campagne semble être la première à avoir été menée par un homme ivre. Sa tendance à s’abaisser au niveau du téléspectateur, comme l’illustre cette vidéo enregistrée lorsqu’il avait la gueule de bois, montre qu’il n’a pas ce qu’il faut pour être un partenaire politique sérieux. Son succès repose trop sur la proximité qu’il entretient avec sa base électorale pour s’intéresser vraiment au système. Ce jeu cynique lui donne un véritable avantage, mais il porte un discours déjà si anti-système et si anti-démocratique qu’il pourrait ne plus trouver d’interlocuteur.
Que se passerait-il si un tel gouvernement voyait le jour ?
Kamil Dziubka
À mon avis, Kaczynski s’adresse aux électeurs de Confédération, pas à Confédération elle-même. Il s’est toujours intéressé aux électeurs, pas nécessairement aux trois partis qui constituent cette coalition d’extrême droite.
Dans un entretien, vous avez demandé à Janusz Korwin-Mikke quel ministère il souhaiterait obtenir s’il entrait dans une coalition gouvernementale. Ce à quoi, il vous a répondu : « À mon âge, les affaires étrangères seraient mon domaine de prédilection, suivi de l’éducation, car il est possible d’y apporter des changements significatifs en l’espace de six mois. Je mettrais fin immédiatement à la coéducation, en séparant garçons et filles. Ensuite, je procéderais à la privatisation des écoles, en introduisant des chèques éducation. » Vous lui avez ensuite demandé s’il pensait que l’école devrait rester obligatoire : « Non. Il n’y aurait pas de conséquences majeures si 20 % des enfants en Pologne devenaient analphabètes. Imaginez à quel point Internet serait différent en Pologne si les gens ne savaient ni lire ni écrire. »
Marcin Kącki
Kaczyński ne pourrait faire cette coalition que s’il affrontait une pression monstre. Mais cela pourrait arriver si, effectivement, le PiS n’obtenait que 180 sièges, comme le laissent entendre les sondages, une période d’hystérie s’ensuivrait. Nous assistons actuellement à une « orbanisation » de l’État, avec des centaines de milliers de postes accordés à des militants du parti et aux membres de leurs familles. En dévoilant ces informations dans les médias, nous n’avons jusqu’ici qu’effleurer la surface du problème. Les individus liés à PiS profitent tout simplement des avantages offerts par l’État. Perdre le pouvoir mettrait en question cette relation.
Si Kaczyński faisait une coalition avec Confédération et leur cédait les ministères des Finances, de l’Éducation nationale et de la Santé, ils pourraient alors conserver les autres ministères régaliens, ainsi que les portefeuilles qui gèrent des entreprises d’État. Il pourrait également confier le ministère de l’Agricultère à Confédération. Celui recouvre des milliers de postes au sein des organismes chargés de la gestion agricole. Mentzen deviendrait ainsi le principal représentant des petites et moyennes entreprises, englobant ainsi plusieurs millions de Polonais et leurs familles. Mais si, au sein de ce gouvernement, il échouait à tenir ses promesses de réduire les impôts, les cotisations et les aides sociales, il perdrait la moitié de ses électeurs, qui sont constitués de petits et moyens entrepreneurs qui se sentent négligés par les partis tels que la Plateforme civique et d’autres mouvements similaires.
Et si Mentzen venait à perdre la moitié de ses partisans et que le gouvernement plongeait dans le chaos, il serait évincé du Parlement lors des élections suivantes, subissant une défaite orchestrée par Kaczyński. En revanche, si le gouvernement échouait en matière de gestion budgétaire, ce serait la situation idéale pour Mentzen. Il pourrait intégrer le gouvernement, prendre les rênes des entreprises d’État, insuffler aux structures un sentiment d’action et d’autorité, puis laisser la gestion budgétaire se solder par un échec sans qu’il ne soit jugé responsable.
Cela lui permettrait d’augmenter encore son nombre d’électeurs aux élections anticipées qui auraient lieu quelques mois plus tard. Les conséquences d’un tel échec stratégique du PiS sont difficiles à mesurer, mais elles pourraient donner un rôle central à Confédération.
Autrement dit, votre première tentative d’imaginer à quoi ressemblerait une coalition entre le PiS et Confédération se traduit par une répartition chaotique des postes. Et nous n’avons même pas évoqué les Affaires étrangères et la coopération avec l’Ukraine.
Kamil Dziubka
Imaginez que Grzegorz Braun devienne ministre des Affaires étrangères 2. Ajoutons qu’il s’entend très bien avec Mentzen.
Marcin Kącki
Les avantages matériels apaisent les tensions au sein de chaque parti. L’ascension au pouvoir est souvent facilitée par l’efficacité des structures locales d’un parti, qui doivent être récompensées par des postes au sein du gouvernement. Cependant, Confédération, très divisée en plusieurs tendances, manque de telles structures. Le mouvement Korona Polska de Braun représente une petite communauté. Les nationalistes, bien que nombreux, sont plus engagés dans le champ idéologique que dans l’action politique concrète. Les partisans de Korwin manquent également de structures organisationnelles, donc il n’en faudra pas beaucoup pour les satisfaire.
Kamil Dziubka
Il faut souligner qu’une portion significative des membres de Confédération sont actuellement des conseillers du PiS, car les partis qui constituent cette coalition ont des structures locales quasi inexistantes. Lorsqu’ils sont interrogés sur leurs intentions, ils déclarent ne pas souhaiter intégrer un gouvernement. Leur objectif est de renverser le système en place, et notamment le Premier ministre Mateusz Morawiecki, avec qui ils entretiennent un contentieux.
Marcin Kącki
Bien qu’ils déclarent être hostiles à toute coalition, la situation pourrait changer si Confédération venait à obtenir un nombre substantiel de sièges au Parlement. Imaginons qu’ils reçoivent 20 % des voix lors des élections anticipées, ce qui leur donnerait environ 100 sièges. Le PiS pourrait tomber à 160, tandis que la Plateforme Civique en obtiendrait 180, ce qui conduirait à une impasse politique. Dans ce cas, Confédération devra décider si elle souhaite participer au gouvernement ou si elle préfère rester dans l’opposition, continuant à croître en tant que parti de protestation sans assumer de responsabilités gouvernementales. À mon avis, il est peu probable que Mentzen et son équipe jouent un rôle central. Ils ont plus d’intérêt à agir comme une opposition parlementaire.
Il me semble qu’il est possible de concilier les deux approches : on peut toujours jouer la partie.
Marcin Kącki
Pour eux, la raison d’État est une affaire divertissante. Il ne s’agit pas vraiment d’un parti de protestation. Leur programme se concentre essentiellement sur la réduction des impôts et une forme de libertarianisme illimité. Leur but est simplement de semer le chaos dans les institutions.
Qu’est-ce qui inquiète le plus les membres actifs du PiS actuellement ?
Kamil Dziubka
Cela dépend des individus. On parle de 230 députés avec des familles, et des positions sociales qui se sont établies au cours des huit dernières années. Ce sont des personnes qui sont passées de salaires modestes à des niveaux nettement plus élevés. Kaczyński a délibérément orchestré cette ascension sociale. Dans mon livre, je relate une conversation avec un ancien membre du conseil d’administration d’une entreprise d’État qui avait obtenu son poste sous le règne du PiS, alors qu’il avait longtemps évolué en dehors des cercles du pouvoir. Le problème était qu’il refusait d’embaucher des militants du PiS, même après avoir reçu une liste de 50 noms. Il a été convoqué et s’est vu rappeler son devoir d’embaucher. Ce système a été soigneusement conçu par Kaczyński.
N’est-ce pas là une motivation fantastique pour vouloir conserver le pouvoir à tout prix ?
Marcin Kącki
Il ne s’agit pas de motivation, mais de peur. Dans ces discussions, nous avons un parti qui craint de perdre ses privilèges et un autre qui n’a peur de rien. Le second aura l’avantage, c’est pourquoi Mentzen sera en position de force.
Kaczyński adore ce jeu consistant à inverser les alliances et à démanteler l’adversaire. Cela a déjà fonctionné en politique intérieure. Pourquoi ne pourrait-il pas l’utiliser pour attirer certains membres de Confédération dont il a besoin pour obtenir une majorité ?
Marcin Kącki
Pas en un ou deux mois. Ce sont des opérations qui prennent du temps, un an ou deux peut-être.
Kamil Dziubka
Ils seront euphoriques d’avoir un grand groupe parlementaire, car pour l’instant, ils n’en possèdent pas.
Marcin Kącki
Quoi qu’il arrive, même s’ils forment un gouvernement, il est probable que cela éclatera au sujet du budget. Il n’est pas possible de concilier les demandes de Confédération avec le programme social du PiS.
Dans votre livre, vous décrivez vous-même leur volatilité lorsque vient le moment de prendre de l’argent : « Si l’État offre de l’argent, alors je prends parce que je peux ». Leur engagement quant à leurs positions est opportuniste.
Marcin Kącki
Imaginons que Mentzen devienne ministre des Finances. Le budget prévoit des allocations familiales et des retraites supplémentaires. Si Mentzen réduit les impôts ne serait-ce que de 2 %, tout s’effondre. Le budget montrerait un déficit d’un demi-milliard, et Mentzen en sortirait de nouveau vainqueur, car il dirait : « Ce budget est impossible, parce que j’ai voulu réduire vos impôts, mais de l’autre côté nous avons affaire à des communistes ».
Pensez-vous vraiment que le PiS ne puisse pas prendre le dessus sur Confédération ? Avec leur grande expérience et la pression constante pour maintenir leur accès aux ressources financières ?
Kamil Dziubka
C’est possible. Mais Kaczyński n’a jamais eu à composer avec un tel parti. De plus, Confédération a attiré un électorat très hostile au PiS. Lors du second tour des élections présidentielles de 2020, près de la moitié des électeurs de Krzysztof Bosak 3 du premier tour ont voté pour Rafał Trzaskowski 4. Mentzen doit également en tenir compte.
Dans votre livre, vous écrivez : « Jarosław Kaczyński ne s’intéresse qu’au pouvoir pur. Il est un psychopathe émotionnel. Sa situation matérielle ne le préoccupe pas. Il ne pense pas à ce qu’il va manger, car il se nourrit de politique. » Une personne avec un tel profil peut-elle s’entendre avec un jeune homme qu’elle tire de l’ombre ?
Marcin Kącki
Cela peut être tentant en se disant qu’il pourra plus facilement le modeler. Cependant, Mentzen est devenu un leader qui a su mobiliser un certain électorat grâce à sa rhétorique et sa perception mémétique de la réalité.
Trump est devenu président avec un profil similaire.
Marcin Kącki
Exactement. Nous avons affaire à une personnalité forte, expansive et médiatique. Les gens votent pour lui. Une partie du Parti républicain était contre la candidature de Trump à la présidentielle et il a désormais un net avantage.
Et bien justement, le parti républicain a cédé !
Marcin Kącki
Car il a compris que nous sommes dans l’ère de la politique des influenceurs YouTube, loin de l’ancienne politique de leadership autoritaire.
C’est pourquoi je peux imaginer que notre paysage politique puisse subir des changements structurels qui feront de figures comme Mentzen le nouveau standard, plutôt que des hommes d’État traditionnels comme Jarosław Kaczyński. Revenons aux questions programmatiques. Mentzen avait fait un « Top 5 » des choses qu’il entendait rejeter, dont il a du reste commencé à se distancer car il lui nuisait. Cependant, c’est un point de départ programmatique important pour comprendre sa ligne. Je me demande comment ce Top 5 pourrait s’aligner avec les idées du PiS. Rappelons les paroles de Mentzen : « Nous ne voulons pas de Juifs, d’homosexuels, d’avortements, d’impôts, ni de l’Union européenne ». Dans votre livre, vous citez une autre déclaration de Mentzen s’adressant à ses militants : « Il faut dire aux gens que les Juifs prendront nos terres polonaises. Cela aura plus d’impact. Et vous croyez vraiment qu’ils vont les cultiver eux-mêmes ? Non, ils embaucheront des Polonais ». Et enfin, « Il faut lancer une idée radicale pour mobiliser les radicaux, car les signatures ne se recueillent pas toutes seules, les tracts ne se distribuent pas d’eux-mêmes et les affiches ne s’affichent pas toutes seules ». Mentzen applique un cynisme total aux idées les plus radicales.
Kamil Dziubka
Concernant ce « Top 5 de Mentzen », si l’on excepte l’hostilité aux impôts, ce sont des points de vue que le PiS pourrait tenir.
Alors pourquoi ne pas s’entendre ?
Kamil Dziubka
Il existe de nombreuses convergences, mais les dirigeants des deux partis ne sont pas encore prêts à pousser en faveur de cette coalition. Mis à part les impôts, le PiS pourrait approuver toutes les autres propositions. Mentzen avait aussi répondu à l’appel de Jarosław Kaczyński pour défendre les églises en 2020 lors des manifestations contre la décision du Tribunal constitutionnel sur l’avortement.
Marcin Kącki
C’est Mentzen qui a introduit Braun dans Confédération. L’un et l’autre veulent défendre l’idée d’une Pologne profondément catholique, voire théocratique. Mais en définitive, les décisions finales sur l’alliance seront prises lors du Conseil des leaders de Confédération, dominé par les partisans de Mentzen, et ils n’auront plus à se justifier auprès de qui que ce soit.
Mais le parti pourra-t-il rester uni devant cette possibilité de coalition ?
Marcin Kącki
La plupart d’entre eux n’ont jamais vraiment fait quelque chose de sérieux dans leur vie, l’exception peut-être de Mentzen. Pour eux, s’asseoir avec Jarosław Kaczyński ou ses émissaires sera comme passer le baccalauréat — ce sera le premier véritable test de leur vie. C’est pourquoi je suis extrêmement curieux de voir comment cela va se passer. Ce ne sera plus une manifestation à toute allure dans les rues de la ville ou un enregistrement vidéo fait à la hâte après une bière avec les électeurs. Certains recevront même leur premier vrai salaire en étant député… C’est un mythe qu’il y a des grands informaticiens ou hommes d’affaires parmi eux. Le monde des affaires observe Mentzen et réfléchit avant de déterminer sa position. Lorsque l’on considère les résultats possibles de cette élection, il ne faut pas réfléchir comme si l’on était dans une démocratie éprouvée stable. En Pologne, nous avons sans cesse de nouvelles pièces qui apparaissent sur l’échiquier politique et qui se déplacent dans des directions complètement différentes.
Kamil Dziubka
Malgré les déclarations en demie teinte des leaders des deux partis, il est encore possible qu’il y ait une coalition. Je pense par exemple à Przemyslaw Wipler, qui a été membre du PiS lorsque le parti était dans l’opposition. Ceci dit, Kaczyński ne l’aime pas car il faisait partie de l’Opus Dei, une organisation à laquelle il est allergique. Après des années dans le monde des affaires, Wipler est revenu sur le devant de la scène. Il pourrait avoir l’ambition de retourner au siège du PiS pour négocier face à Kaczyński.
Marcin Kącki
Pour le simple plaisir de pouvoir regarder à nouveau Kaczyński dans les yeux et lui dire : ‘Tu vois, mon vieux, je suis de retour dans la mêlée, et maintenant je suis un interlocuteur valable pour toi.’
Le plaisir de se venger du PiS ? Au fond, ce serait pour cela que Confédération se serait lancé dans la course électorale ? Et pourquoi le PiS vise le pouvoir pour la troisième fois ?
Kamil Dziubka
Le PiS cherche à obtenir le pouvoir pour survivre.
C’est la seule raison ? Qu’en est-il de ses principes idéologiques ?
Kamil Dziubka
Les idéaux du PiS ont cessé de peser dans la politique du parti en 2015, lorsque Beata Szydło est devenue Première ministre ; au plus tard en 2019. Un parlementaire du PiS m’a dit qu’en 2019, il savait encore de quoi se vanter pendant la campagne : les allocations familiales « 500+ » 5, l’abaissement de l’âge de la retraite, etc. Maintenant, il a un problème parce que depuis 2019, le PiS ne fait que gérer l’administration.
Marcin Kącki
Kaczyński envisage-t-il une vie dans l’opposition ?
Kamil Dziubka
Je pense que Kaczyński craint surtout cette perspective. À 74 ans, si Tusk prend le pouvoir, il pourrait passer ses vieux jours à être interrogé. Ce n’est pas une perspective réjouissante pour lui.
Il aura une immunité parlementaire.
Kamil Dziubka
Elle peut être levée à tout moment. C’est la majorité parlementaire qui en décide. Cela dit, Kaczyński n’a laissé aucune trace écrite, au contraire d’autres membres du PiS : Morawiecki, Ziobro aussi 6, de même que Jacek Sasin 7 et Daniel Obajtek 8. À mon avis ce dernier devrait déjà être en prison, ou du moins faire l’objet d’accusations.
Par exemple ?
Kamil Dziubka
Gazeta Wyborcza en a parlé. Obajtek a acheté un appartement de près de 200 mètres carrés auprès d’un promoteur qui parraine une école de football, et Orlen, l’entreprise que dirige Obajtek, est par la suite devenue le sponsor de cette école.
Dans votre livre, vous soulignez justement qu’Obajtek a dit qu’il suivrait n’importe quel ordre de Kaczyński, quel que soit les dispositions légales en vigueur. Le Président du PiS semble semble apprécier cette attitude.
Kamil Dziubka
Quand le gouvernement a changé, Obajtek a reçu une offre pour devenir le gouverneur de la Voïvodie de Petite-Pologne. Il ne voulait pas car il savait qu’il n’y avait rien à gagner.
Marcin Kącki
Ce qui est intéressant, c’est que vous citez les passages de nos livres qui décrivent des personnes complètement dépourvues de moralité.
Je pense que la politique est en quelque sorte un miroir de la société. Si ces personnes atteignent des postes de ministres ou de vice-ministres, qu’est-ce que cela dit de notre société ?
Kamil Dziubka
Nous sommes encore une jeune démocratie, seulement 30 ans…
Sources
- Ce nom désigne les soutiens de Janusz Korwin-Mikke, fondateur en 2014 de la Coalition pour la restauration de la liberté et de l’espoir de la République (en polonais : Koalicja Odnowy Rzeczypospolitej Wolność i Nadzieja, KORWiN), qui lui permet d’être élu au Parlement européen où il se distingue par ses sorties sexistes, et ses comparaisons entre l’Union européenne et le Troisième Reich. En 2022, le parti est renommé Nouvel espoir (en polonais : Nowa nadzieja) par Sławomir Mentzen. Ce dernier, et d’autres, ont depuis écarté Janusz Korwin-Mikke des instances dirigeantes du parti.
- Grzegorz Braun est membre de Confédération. Ultra catholique et monarchiste, il a été candidat à l’élection présidentielle de 2015 où il reçut 0,09 % des voix. En 2019, il est élu au Sejm. En 2023, lors d’une conférence de l’historien Jan Grabowski à l’Institut historique allemand de Varsovie, Braun a attaqué la scène et interrompu la séance.
- Candidat de Confédération à l’élection présidentielle de 2020, il arrive en quatrième position avec 6,8 % des voix.
- Membre de la Plateforme civique et maire de Varsovie depuis 2018, il est candidat à l’élection présidentielle en 2020, qu’il a perdu avec 49 % des voix au second tour.
- En 2016, le PiS a instauré un programme d’allocations familiales intitulé 500+. Pour chaque enfant, les familles polonaises reçoivent 500 zlotys (l’équivalent de 115 euros) par mois à partir du deuxième enfant. Pour les plus modestes, les versements commencent dès le premier enfant. Cette année, et en prévision de la campagne électorale, l’allocation est passée à 800 zlotys.
- Le 30 septembre 2021, la Haute Cour de contrôle polonaise (NIK), qui s’apparente à la Cour des comptes, a accusé le ministre de la justice, Zbigniew Ziobro, qui a été le principal organisateur de la réforme judiciaire condamnée par l’Union européenne et un certain nombre d’alliés de la Pologne, de détournements massifs de fonds publics, le plus souvent à des fins de clientélisme électoral.
- Le 10 mai 2020, Jacek Sasin, vice-premier ministre, a alloué la somme de 68 896 820 zlotys polonais pour l’élection présidentielle en Pologne. Cependant, cette élection n’a finalement pas eu lieu. Le ministre a ordonné l’impression des bulletins de vote sans suivre de procédure formelle et sans aucune base légale, ce qui a finalement entraîné leur perte.
- Daniel Obajtek est un dirigeant d’entreprises et un ancien élu local du PiS. Le 26 février 2021, le journal polonais Gazeta Wyborcza a publié un article intitulé « Les bandes d’Obajtek » qui contenait des enregistrements de conversations téléphoniques entre Daniel Obajtek et ses partenaires commerciaux, remontant à l’époque où il était wójt [l’équivalent de maire pour une commune rurale] de la commune de Gmina Pcim. Ces enregistrements étaient censés démontrer qu’il avait fait de fausses déclarations concernant l’exercice d’une fonction publique tout en dirigeant une entreprise, TT Plast.