Lors de la première édition du sommet Russie-Afrique qui s’est tenue en octobre 2019 à Sotchi, 45 chefs d’État africains avaient fait le déplacement pour rencontrer Vladimir Poutine en personne et discuter de possibles voies pour le développement de leurs relations bilatérales. Cette année, seulement 17 chefs d’État sont présents à Saint-Pétersbourg.

  • Malgré l’absence de chefs d’État de grandes économies africaines au sommet de cette année, 49 des 54 pays du continent sont représentés dont 27 par « le plus haut ou le deuxième plus haut responsable du pays », selon le conseiller en politique étrangère du Kremlin Iouri Ouchakov1.
  • Si le président sud-africain Cyril Ramaphosa et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi — à la tête des deuxième et troisième économies africaines — se sont tous deux déplacés en personnes, on note l’absence du président nigérien Bola Tinubu qui est représenté à Saint-Pétersbourg par son vice-président Kashim Shettima.
  • Le président du Niger Mohamed Bazoum — dont le pays était représenté par son prédécesseur Mahamadou Issoufou en 2019 — est également absent, tandis qu’il est retenu prisonnier par des militaires putschistes ayant annoncé avoir pris le pouvoir dans la nuit du 26 au 27 juillet.

Comme le montre le graphique ci-dessous, les chefs d’État présents à l’édition de 2019 représentaient la quasi-totalité du PIB (96,57 %, selon les données 2019 de la Banque mondiale) et de la population (94,59 %) du continent africain. Cette année, les dirigeants africains ont massivement préféré s’y faire représenter par leurs vice-présidents, ministres ou ambassadeurs : cette position apparaît comme une mesure de précaution visant à ne pas prendre trop clairement parti pour la Russie dans ce qui pourrait être perçu comme un acte de défiance par les pays occidentaux.

  • Le Service européen pour l’action extérieure a déclaré que la décision de participer ou non au sommet « appartient exclusivement aux autorités de chaque pays africain et [que] l’Union respecte pleinement les choix souverains de ses partenaires africains »2.
  • Pour le Kremlin, la baisse de la participation serait partiellement due à des « changements de calendrier » de certains dirigeants africains mais résulterait surtout de « l’ingérence absolument flagrante et odieuse des États-Unis, de la France et d’autres pays » ainsi que des « tentatives de pression pour empêcher leur participation active au forum »3.

Le président de l’union des Comores et de l’Union africaine Azali Assoumani, qui s’est exprimé hier après une allocution prononcée par Vladimir Poutine, a quant à lui profité du podium pour appeler à une solution rapide concernant l’exportation des céréales russes et ukrainiennes à la suite du retrait de Moscou de l’accord. Si « l’ouverture de l’accès à l’exportation des céréales ukrainiennes et russes sauverait des vies africaines », Assoumani a néanmoins ajouté que « la Russie n’a pas eu raison ou tort. Elle a agi selon ses propres raisons »4.

  • Tandis que Poutine a réitéré qu’il ne souhaitait pas rejoindre l’accord, il a annoncé la livraison gratuite de 25 000 à 50 000 tonnes de blé à six pays africains : le Burkina Faso, le Zimbabwe, le Mali, la Somalie, la République centrafricaine et l’Érythrée5.
  • À titre de comparaison, l’accord sur les céréales ukrainiennes a permis la livraison de 32,9 millions de tonnes de céréales depuis sa mise en place en juillet 2022, dont 8,9 millions de tonnes de blé.
  • Si la Russie considère que « ce sont les pays européens et les États-Unis qui ont provoqué la crise sur le marché alimentaire international en imprimant de l’argent d’une manière qui n’était pas justifiée économiquement pour faire face à leurs problèmes causés par la pandémie de Covid-19 », les contributions russes au Programme alimentaire mondial représentent 0,14 % du financement de l’organisation pour l’année 20236.

Enfin, le chef de Wagner Evgueni Prigogine a été aperçu en train de serrer la main au chef du protocole du président de la République centrafricaine, Freddy Mapouka, en marge du sommet. Sa présence à Saint-Pétersbourg malgré sa supposée installation au Bélarus indique qu’il ne semble pas être tombé en disgrâce aux yeux de Vladimir Poutine, ce qui n’est pas surprenant selon la chercheuse au CSIS Catrina Doxsee étant donné que Wagner comme le Kremlin souhaitent afficher une image de « retour à la normale » après la tentative d’insurrection de Prigogine. Ce sont des combattants de Wagner qui assurent la sécurité personnelle du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra « en échange de concessions sur des mines d’or et de diamants »7.

Sources
  1. « Russia-Africa summit to be attended by 17 heads of state — Kremlin aide », TASS, 25 juillet 2023.
  2. Nicholas Vinocur, « EU watches closely as Putin courts Africa », Politico, 28 juillet 2023.
  3. « Fewer delegates to attend Russia-Africa Summit due to leaders’ schedule changes — Kremlin », TASS, 26 juillet 2023.
  4. Robyn Dixon, « African leaders urge Putin to end blockade of Ukraine’s grain », The Washington Post, 27 juillet 2023.
  5. Andrew Osborn, « Putin promises African leaders free grain despite ‘hypocritical’ Western sanctions », Reuters, 27 juillet 2023.
  6. Meeting with heads of delegations of African states, Russia-Africa Summit.
  7. Max Seddon et Andres Schipani, « Wagner boss Prigozhin appears on sidelines of Russia-Africa summit in St Petersburg », Financial Times, 27 juillet 2023.