Mark Rutte est, après Viktor Orbán, le second chef de gouvernement en Europe par la longévité, ayant accédé pour la première fois au poste de ministre-président en octobre 2010. Il a depuis mené quatre cabinets de plein exercice, trois au centre-droit et un sous la forme d’une grande coalition. 

  • Son dernier gouvernement en date, formé en janvier 2022, associait son parti le VVD (RE, libéral-conversateur) aux D66 (RE, sociaux-libéraux), à la CDA (PPE, chrétien-démocrate) et à la ChristenUnie (PPE, centre-droit chrétien).
  • Les quatre partis de la coalition s’étaient dernièrement affrontés sur les questions migratoires, jugées particulièrement urgentes du fait de l’incapacité des centres pour de demandeurs d’asile de faire face aux flux accrus à partir de 2022. Alors que Mark Rutte souhaitait soumettre à quota le regroupement familial pour les réfugiés de guerre, la ChristenUnie, plus petit parti de la coalition, s’y est refusée, arguant d’une incompatibilité fondamentale de cette mesure avec ses valeurs chrétiennes. Constatant des « désaccords insurmontables », Mark Rutte a annoncé vendredi soir la démission collective de son gouvernement. Comme il est d’usage, celui-ci restera cependant en poste jusqu’à nouvel ordre pour gérer les affaires courantes.
  • Le gouvernement Rutte III avait chuté en 2021 suite à l’affaire dite des « aides à l’enfance » (Toeslagenaffaire) dans laquelle des dizaine de milliers de familles — principalement issues de l’immigration — s’étaient vu accusées à tort de fraude sociale et vues contraintes de rembourser des sommes élevées à l’État. Un gouvernement de composition similaire avait cependant été reconduit à la suite de la victoire du VVD en mars de la même année. Cette nouvelle déconvenue constitue une mauvaise nouvelle pour Mark Rutte, sur lequel pèse désormais une aura de fin de règne.

Aux élections provinciales de mars 2023, tous les partis de la coalition avaient subi une déroute. La surprise était venue du Mouvement Paysan-Citoyen (BoerBurgerBeveging, BBB) mené par Caroline van der Plas, qui l’avait emporté dans toutes les provinces avec une large avance. La plateforme avait gagné en popularité à l’occasion du mouvement de protestation massif des milieux agricoles contre les normes de pollution à l’azote depuis 2019. L’émission d’azote des Pays-Bas est la plus élevée d’Europe, notamment du fait de l’élevage intensif, créant des tensions importantes entre différents usages (industrie agricole, construction, voirie), mais aussi entre milieux urbains et ruraux. Récemment, le BBB est fréquemment apparu en tête des sondages nationaux, parfois avec une large avance.

  • Le parlement néerlandais, traditionnellement fragmenté (actuellement 17 partis), pourrait voir sa composition évoluer radicalement lors du prochain scrutin : le BBB semble en effet en capacité d’absorber une partie significative des votes de droite, tandis que les libéraux et les chrétiens-démocrates devraient perdre un grand nombre de sièges. Les Verts (GL, Verts/ALE) et les travaillistes (PvdA, S&D) pourraient obtenir des gains modestes.
  • Mais ce sont surtout d’autres partis plus récents qui devraient se démarquer : du Parti des animaux (PvdD, animaliste), qui porte une position radicalement opposée à celle du BBB sur les questions environnementales, à Volt (Verts/ALE, fédéraliste européen) en passant par JA21 (CRE, droite radicale populiste). En définitive, le parlement pourrait être divisé en six blocs : le BBB (~30 sièges), le VVD (~20 sièges), les partis chrétiens (~15 sièges), le centre progressiste (~15 sièges), la gauche (~45 sièges) et l’extrême droite (~20 sièges). Dans ce contexte, la recherche d’une majorité, qui s’élève à 76 sièges, pourrait s’avérer particulièrement délicate.
  • La commission électorale a annoncé que les élections anticipées se tiendraient probablement à la mi-novembre.