Le département d’État américain et la Commission européenne ont tous deux exprimé leur inquiétude quant à la création de cette nouvelle entité chargée d’enquêter sur l’influence russe dans la vie politique polonaise entre 2007 et 2022 et dotée du pouvoir d’interdire à certaines personnes d’exercer une fonction publique pendant une période pouvant aller jusqu’à dix ans.

  • Aux élections législatives qui doivent se tenir cet automne,le parti national-conservateur au pouvoir, Droit et Justice (PiS), se présente pour un troisième mandat. Jaroslaw Kaczynski, chef de file du PiS, accuse depuis des années Donald Tusk (Plateforme civique), son principal rival politique, d’avoir toléré l’influence de la Russie (notamment dans les politiques énergétiques) lorsqu’il était premier ministre, de 2007 à 2014.
  • Dans le cadre de la loi, les membres de la nouvelle commission, nommés par le Sejm, la chambre basse du parlement, où le gouvernement est majoritaire, peuvent unilatéralement décider d’interdire à une personne déclarée coupable d’exercer des fonctions publiques, sans recourir à des tribunaux indépendants.

Devant les critiques et inquiétudes des experts juridiques, le président polonais Andrzej Duda a renvoyée la loi pour examen au Tribunal constitutionnel, mais elle entrera néanmoins en vigueur dans l’intervalle. 

  • Des juristes polonais ont critiqué la mesure, arguant qu’il s’agissait d’une violation de la législation de l’Union européenne ; l’ombudsman du pays a quant à lui déclaré que certaines de ses dispositions étaient contraires à la Constitution polonaise.

Dans une déclaration publiée le même jour1, le département d’État américain a déclaré que « le gouvernement américain [était] préoccupé par l’adoption de la nouvelle législation, qui pourrait être utilisée à mauvais escient pour interférer avec les élections libres et équitables en Pologne ». 

  • Le département d’État a déclaré qu’il « partageait les inquiétudes exprimées par de nombreuses personnes » quant au fait que la commission « pourrait être utilisée pour bloquer la candidature d’hommes politiques de l’opposition sans procédure régulière ».
  • Parallèlement, mardi 30 mai, le Commissaire européen chargé de la justice, Didier Reynders, a également exprimé ses inquiétudes2 : « La Commission [européenne] analysera la législation, mais nous n’hésiterons pas à prendre des mesures si cela s’avère nécessaire, car il est impossible d’accepter un tel système sans accès à la justice, à un juge indépendant ». 

Dès 2017, la Commission a déclenché une procédure au titre de l’article 7 pour traiter un risque éventuel de violation des valeurs de l’Union et de l’État de droit par la Pologne. Un mécanisme de conditionnalité, subordonnant les fonds européens au respect de l’État de droit, avait été mis en place fin 2020 ; il a été activé à l’été 2022 contre la Pologne, aboutissant au gel – encore en cours – de 35,4 milliards d’euros de fonds de relance.