L’agence de presse américaine Bloomberg a dévoilé mercredi 19 avril que l’État russe avait conscience des risques posés par l’imposition de sanctions — suite à l’invasion de l’Ukraine — sur la souveraineté technologique du pays1.

  • Dans un document confidentiel, des fonctionnaires du ministère du Développement numérique, des communications et des médias russe ont notamment fait part de leurs craintes relatives à l’établissement de monopoles en Russie exercés par des entreprises chinoises (notamment Huawei).
  • Certains composants technologiques essentiels (semi-conducteurs, routeurs, radioélectronique…) sont désormais particulièrement vulnérables en raison des difficultés rencontrées par les entreprises russes à se fournir autre part qu’en Chine du fait des sanctions.
  • Si la Russie parvient sporadiquement à contourner les sanctions, les chaînes de production sont soumises à des risques élevés en raison du manque de diversité dans les sources d’approvisionnement.

Selon l’Administration générale des douanes chinoises, le montant total du commerce avec la Russie a augmenté de 25,9 % entre janvier-février 2022 et 2023. C’est le montant des importations (+ 31,3 % en variation annuelle) qui a le plus augmenté, tandis que le montant des exportations a connu une hausse de 19,8 % sur la même période. Le total des échanges entre la Chine et la Russie demeure toutefois loin derrière l’Union européenne ou les États-Unis.

Tandis que la Chine n’affirme pas explicitement son soutien à l’agression russe en Ukraine et n’a pas annoncé de livraisons d’armes à ce jour — bien que des services de renseignement occidentaux pensent que Pékin serait sur le point de le faire —, l’isolement russe bénéficie aux entreprises chinoises.

  • Lors d’une rencontre avec le président chinois Xi Jinping en mars, le président du gouvernement russe, Mikhaïl Michoustine, avait annoncé que « la Russie souhaite intensifier la coopération avec la Chine dans les domaines de l’investissement et du commerce, de l’énergie, du gaz naturel, de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, de l’aviation et de l’aérospatiale, de l’innovation scientifique et technologique, du transport transfrontalier et de la logistique… »2
  • Malgré ces déclarations, le rapprochement économique sino-russe depuis l’invasion de l’Ukraine suscite également des inquiétudes à Moscou. Selon le document, l’État russe considère que la dépendance des réseaux nationaux vis-à-vis de Huawei « constitue un danger pour la sécurité de l’information ainsi que pour la fiabilité des réseaux ».
  • Selon des fonctionnaires européens ayant eu connaissance du mémo avant ces révélations, « l’évaluation suggère même d’envisager des restrictions sur les technologies produites par Huawei et d’autres entreprises chinoises afin d’éviter un scénario de dépendance totale ».

Bien qu’on ne sache pas si Vladimir Poutine lui-même a eu connaissance de ce document — on sait cependant qu’il a été transmis à l’état-major général des forces armées ainsi qu’à certains membres du Conseil de sécurité russe —, celui-ci témoigne de l’impact des sanctions occidentales sur la souveraineté économique et technologique de la Russie. Si Vladimir Poutine et Xi Jinping avaient déclaré l’an dernier une « amitié sans limites » entre les deux pays, les difficultés rencontrées par la Russie pour se fournir et produire des technologies avancées font peser des doutes au sein de l’administration russe sur le coût réel de cette dernière.

Sources
  1. Alberto Nardelli, « Russian Memo Said War Leaves Moscow Too Reliant on Chinese Tech », Bloomberg, 19 avril 2023.
  2. President Xi Jinping Meets with Russian Prime Minister Mikhail Mishustin, Ministère chinois des Affaires étrangères, 21 mars 2023.