Dimanche 19 février, suite à une rencontre avec Wang Yi en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité, Antony Blinken a déclaré que Washington disposait d’informations selon lesquelles Pékin envisagerait de fournir des armes létales à Moscou. Quelques jours après, le 23 février, des responsables américains ont fait savoir que l’administration Biden « envisageait de rendre publics » ces renseignements1.

Si le ministère chinois des Affaires étrangères a nié ces informations, accusant les États-Unis de « déplacer les responsabilités et de répandre de la désinformation », le Spiegel a obtenu des informations allant dans le sens des craintes exprimées par Blinken — et même « encore plus loin ».

  • Selon le site d’information allemand, Moscou aurait engagé des négociations avec le fabricant chinois Xi’an Bingo Intelligent Aviation Technology pour produire des drones kamikazes à destination de l’armée russe2.
  • L’entreprise aurait accepté de produire 100 drones ZT-180 qui seront livrés d’ici avril. Ces derniers sont capables de transporter des charges explosives allant jusqu’à 50 kg.
  • De plus, Bingo fournirait également à la Russie les capacités de « produire elle-même » une centaine de drones par mois sur son territoire.
  • La Russie a jusqu’alors utilisé des drones kamikazes iraniens Shahed 136 (renommés « Geran-2 ») en Ukraine, qui disposent de l’avantage d’être peu coûteux et d’agir comme une arme psychologique sur les civils et militaires ukrainiens3.

Seulement deux pays ont pour le moment livré des armes à la Russie qui ont été utilisées dans la guerre contre l’Ukraine : l’Iran et la Corée du Nord, qui, selon les services de renseignement américains, a approvisionné le groupe Wagner en missiles et en obus par l’intermédiaire de la Russie4.

Si l’armée russe utilise déjà des drones civils de fabrication chinoise (généralement achetés par des tiers avant de se retrouver en Ukraine), ces derniers ne sont pas létaux et peuvent être achetés librement. Le fabricant de ces drones, Da-Jiang Innovations Science & Technology Co. (DJI), en a condamné l’utilisation « à des fins militaires » dès le mois d’avril 20225.

La fourniture d’armes létales à la Russie nuirait considérablement aux capacités de Pékin de se présenter comme un potentiel « médiateur », rôle appuyé par un document sur la « position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne » publié vendredi 24 février6.

Sources
  1. Vivian Salama, William Mauldin et Nancy A. Youssef, « U.S. Considers Release of Intelligence on China’s Potential Arms Transfer to Russia », The Wall Street Journal, 23 février 2023.
  2. « China Reportedly Negotiating with Russia To Supply Kamikaze Drones », Der Spiegel, 23 février 2023.
  3. Annabelle Timsit, Isabelle Khurshudyan, Adam Taylor et William Neff, « What are kamikaze drones ? Here’s how Russia and Ukraine are using them », The Washington Post, 18 octobre 2022.
  4. Steve Holland, « Exclusive : US says Russia’s Wagner Group bought North Korean weapons for Ukraine war », Reuters, 22 décembre 2022.
  5. DJI Statement On Military Use Of Drones, 21 avril 2022.
  6. China’s Position on the Political Settlement of the Ukraine Crisis, Ministère chinois des Affaires étrangères, 24 février 2023.