Cette visite intervient quelques jours après la présentation par Ursula von der Leyen des propositions de mesures européennes visant à répliquer à l’Inflation Reduction Act (IRA) et en amont d’un Conseil européen qui se tiendra les les 9 et 10 février, au cours duquel ces propositions seront discutées entre États-membres.

  • La France et l’Allemagne ont fait connaître leur position commune concernant les possibles réponses à l’IRA dans une proposition communiquée le 19 décembre dernier.
  • Paris et Berlin sont notamment en faveur d’un assouplissement des règles d’aides d’État et d’une simplification d’accès aux fonds existants.
  • Contrairement à la France, l’Allemagne est opposée à la création d’un nouveau fonds commun.

À Washington, les deux ministres rencontreront Brian Deese (le directeur du Conseil économique national de la Maison-Blanche), Mike Pyle (conseiller adjoint à la sécurité nationale), la secrétaire au Commerce Gina Raimondo, la secrétaire au Trésor Janet Yellen ainsi que le sénateur démocrate Joe Manchin1.

  • Aucune rencontre avec Joe Biden — qui prononcera ce soir son discours sur l’état de l’Union — n’est prévue, ni avec le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan ou la représentante au Commerce Katherine Tai.
  • Lors du Forum économique mondial, en janvier, Manchin — qui avait bloqué pendant de longs mois les négociations sur l’IRA avec le Majority Leader du Sénat Chuck Schumer — avait déclaré « qu’il n’avait pas réalisé que les États-Unis et l’Union européenne n’avaient pas d’accord de libre-échange »2.

L’Union souhaite obtenir une dérogation à ce titre afin de pouvoir bénéficier, de la même manière que le Canada ou le Mexique, des subventions réservées aux véhicules dont les matières premières critiques présentes dans les batteries électriques sont partiellement extraites ou traitées aux États-Unis ou « dans tout pays avec lequel les États-Unis ont un accord de libre-échange en vigueur »3.

  • Cette clause s’ajoute à une obligation d’assemblage final aux États-Unis pour les modèles concernés4.
  • Sur ce point, une exception a été annoncée fin décembre par le Trésor concernant les véhicules assemblés en dehors de l’Amérique du Nord achetés à crédit (en leasing), qui peuvent désormais bénéficier d’un crédit d’impôt allant jusqu’à 7 500 dollars5.

Le sujet le plus sensible qui sera abordé durant cette visite concerne la crainte de délocalisation d’entreprises européennes aux États-Unis pour y bénéficier des subventions dans le cadre de l’IRA. Bruno Le Maire a déclaré se rendre à Washington avant tout pour y demander de la « transparence sur le montant des subventions et crédits d’impôts qui seront accordés »6.

Le 27 janvier, Ursula von der Leyen avait annoncé vouloir mettre en œuvre une « clause de contrepartie » afin d’aligner le montant des subventions européennes sur celles mises en place aux États-Unis, afin d’éviter que les entreprises européennes ne redirigent leurs investissements sur le territoire américain, comme annoncé par le fabricant suédois de batteries Northvolt en novembre7.

  • Le ministre français a également fait part de son souhait de « mettre en place des dispositifs d’échanges réguliers qui garantissent une approche coopérative sur les investissements les plus stratégiques dans des domaines aussi sensibles que les semi-conducteurs »8.
  • Lundi 6 février, la secrétaire au Trésor américaine, lors d’un appel avec la Commissaire européenne à la concurrence Margrethe Vestager, a quant à elle souligné « la nécessité de stimuler le développement et le déploiement des technologies des deux côtés de l’Atlantique afin d’accélérer la transition vers les énergies vertes et d’atteindre nos objectifs climatiques collectifs »9.

En effet, la réponse américaine aux craintes et demandes européennes semble se constituer autour de la mise en avant des bénéfices apportés par l’IRA : le principal représentant de la Maison-Blanche qui rencontrera les deux ministres a déclaré hier que « l’Europe et d’autres pays alliés n’ont rien à craindre de la loi sur la réduction de l’inflation et ont beaucoup à gagner […] nous n’avons aucune raison de nous excuser et toutes les raisons d’être fiers »10.