En mai dernier, les prédictions du Cook Political Report (auteur d’un rapport non-partisan qui établit des projections de sièges en vue des élections au Sénat et à la Chambre) tablaient sur une « vague rouge » qui annonçait un gain de 20 à 35 sièges à la Chambre pour le Parti républicain, octroyant une majorité absolue au GOP.

  • Selon l’institut, la hauteur de la vague devrait être bien moindre, avec des projections drastiquement réduites à un gain de seulement 2 sièges. Le Parti démocrate devrait quant à lui perdre 33 sièges.
  • Si l’écart semble très important, 32 élections sont jugées trop compétitives pour faire l’objet de projections — parmi elles, 25 concernent des districts aux mains des Démocrates dans la législature actuelle, contre 10 aux mains des Républicains1.

Si le Parti républicain doit gagner seulement un siège pour obtenir la majorité au Sénat, les sondages s’accordent à dire que la course est trop serrée pour annoncer la victoire d’un camp ou d’un autre.

Ce revirement peut être retracé à un événement majeur qui s’est produit au cours de l’été, corrélé à la popularité de Joe Biden ainsi qu’aux sondages d’opinion portant sur les thématiques jugées comme « très importantes » pour les votes des électeurs américains : la décision ayant mis fin à la jurisprudence Roe v. Wade le 24 juin dernier.

  • Pour rappel, cette décision — qualifiée par Noëlle Lenoir dans nos colonnes de « plus grande régression de l’histoire juridique américaine » — a mis fin à la garantie du droit à l’avortement au niveau fédéral, rendant ainsi la décision aux États.
  • À ce jour, l’avortement est désormais interdit dans 13 États et menacé dans 5 autres par l’imposition d’une limite de gestation de quelques semaines.

Ainsi, en octobre, l’avortement se hissait parmi les préoccupations principales des Américains aux côtés des soins de santé, de l’éducation ou bien de la politique énergétique du pays. Si le clivage partisan demeure particulièrement important (30 points d’écart, selon le Pew Research Institute), 39 % des électeurs républicains disaient en octobre considérer l’avortement comme « très important » pour leur vote aux midterms2.

Entre mars et août, le pourcentage d’électeurs inscrits qui considèrent l’avortement comme une question électorale « très importante » a augmenté de 13 points, passant de 43 % à 56 %.

  • Cette proportion est restée stable depuis : en octobre, 56 % des électeurs inscrits déclaraient que l’avortement sera très important pour leur vote aux élections de mi-mandat.

Si l’avortement et la décision de la Cour suprême sont un facteur crucial pour ces élections, il convient toutefois de prendre en compte la situation économique des États-Unis, et plus particulièrement l’inflation.

  • En septembre elle s’établissait à 8,2 %, prolongeant une baisse amorcée au début de l’été mais toujours bien au-dessus de la cible de 2 % fixée par la FED.
  • La banque centrale américaine a dû augmenter à plusieurs reprises ses taux directeurs cette année pour lutter contre l’augmentation des prix.
  • Selon le site de sondages FiveThirtyEight, c’est l’inflation et le droit à l’avortement qui pourraient peser le plus sur les scrutins au Nevada, un swing state où la course pour les élections au Sénat s’annonce très serrée3.

D’une manière générale, les électeurs font plus confiance aux Républicains lorsqu’il s’agit d’économie, de crime ou d’inflation selon un sondage Washington Post / ABC News — trois sujets centraux pour ces élections4.

Dans le même sondage, lorsque les électeurs sont interrogés sur leurs priorités pour les midterms, les personnes sondées placent l’économie, l’avortement et l’inflation comme leurs priorités.

  • Avec une majorité d’Américains estimant que l’avortement devrait être légal — ce qui aurait plus tendance à les diriger vers un vote démocrate —, cette tendance devrait favoriser les votes en faveur du Parti présidentiel5.
  • À l’inverse, la confiance placée par les électeurs américains dans les candidats républicains pour ce qui concerne les sujets économiques, particulièrement dans le contexte actuel de risque de récession, promet de conduire de nombreux indécis vers un vote conservateur.

Le Parti du président perd quasiment systématiquement des sièges à la Chambre des représentants, et très souvent au Sénat. Pour Mathieu Gallard, auteur d’une étude publiée dans nos colonnes sur le Parti démocrate face à la malédiction des midterms, « le phénomène de polarisation croissante de l’électorat, qui conduit de plus en plus d’électeurs à n’envisager de voter que pour un parti, réduit mécaniquement les chances de bascule des sièges à la Chambre ».

Sources
  1. Ratings, The Cook Political Report.
  2. Katherine Schaeffer et Ted Van Green, « Key facts about U.S. voter priorities ahead of the 2022 midterm elections », Pew Research Institute, 3 novembre 2022.
  3. Monica Potts, « Control Of The Senate Could Rest On Abortion And Inflation In Nevada », FiveThirtyEight, 6 novembre 2022.
  4. Dan Balz, Scott Clement et Emily Guskin, « Post-ABC poll : House vote nearly split, GOP has edge on economy and turnout », The Washington Post, 6 novembre 2022.
  5. « Three in five registered voters believe abortion should be legal », Ipsos, 30 octobre 2022.