• Le 27 septembre 2020, le conflit gelé au Haut-Karabakh qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan reprenait, 26 ans après la signature d’une trêve qui s’était traduite par la mise en place d’un cessez-le-feu en 1994. La question de la souveraineté territoriale de cette terre entre les deux pays date d’au moins un siècle, mais les violences ont été ravivées lors de la chute de l’URSS.
  • Coincée entre l’Arménie à l’ouest et l’Azerbaïdjan à l’est, le Haut-Karabakh (ou république d’Artsakh) a proclamé son indépendance en septembre 1991, avant la tenue d’un référendum le 20 février 2017 qui a instauré un régime présidentiel, sans pour autant obtenir la reconnaissance internationale de la souveraineté du pays.
  • Après la seconde guerre du Haut-Karabagh — qui s’est soldée par la mise en place d’un cessez-le-feu ainsi qu’une proclamation de victoire par l’Azerbaïdjan —, Bakou a conservé les territoires conquis au Sud du Haut-Karabakh ainsi qu’une grande partie de la république d’Artsakh, à la frontière avec l’Arménie.
  • Selon l’accord de cessez-le-feu, la Russie occupe une position de médiateur et ses forces armées contrôlent le corridor de Latchine qui assure une voie d’accès entre l’Arménie et le Haut-Karabagh1. Moscou est très proche des deux pays du Caucase et partage une frontière longue de presque 300 km avec l’Azerbaïdjan. De plus, l’Arménie dispose d’un Traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle signé avec la Russie en 1997, dont l’article 2 prévoit que « la Fédération de Russie peut fournir une assistance à la République d’Arménie pour assurer sa sécurité, sur la base des relations alliées entre l’Arménie et la Russie »2.
  • Dans la nuit de lundi à mardi, des tirs d’artillerie lourde de l’Azerbaïdjan vers l’Arménie ont été observés, présentant le risque d’une éventuelle escalade malgré le cessez-le-feu de 2020. Cet épisode est le dernier en date d’une crise frontalière qui s’est ouverte en mai 2021, lorsque plusieurs militaires azerbaïdjanais s’étaient aventurés en territoire arménien, violant de facto l’accord sur le Haut-Karabakh.
  • La guerre livrée par la Russie contre l’Ukraine a toutefois bouleversé l’équilibre du conflit. Le contingent de maintien de la paix de Moscou, situé dans le corridor de Latchine, n’est composé que de 1 960 hommes, conformément à l’accord de 2020. Ainsi, il se pourrait que l’engagement des forces russes en Europe — ainsi que l’importante défaite russe provoquée par la contre-offensive ukrainienne initiée la semaine dernière — crée une opportunité de ravivement du conflit par l’Azerbaïdjan qui y verrait un momentum pour conquérir le territoire restant du Haut-Karabakh, que Bakou considère comme faisant partie intégrante de son territoire.
  • En mars 2021, Karen Mazmanian pointait déjà le rôle exercé par la Russie dans la région et dans ce conflit. Il écrivait que « si dans l’immédiat l’Arménie ne risque pas de disparaître, elle se situe dans une zone trop stratégique pour s’estimer en sécurité. Encerclée d’« ennemis » elle ne trouvera de salut qu’en sortant de la mainmise du Kremlin et de son giron post-soviétique, seule façon sérieuse d’aboutir à un désenclavement économique et géopolitique durable ».