Politique

Le style technopopuliste de Mario Draghi

Mario Draghi vient de prononcer devant le Sénat italien l'un des discours les plus intéressants et ambigus de sa carrière politique. Lorenzo Castellani analyse sa rhétorique particulière — à la fois très technocratique mais faisant sauter les médiations entre lui et le peuple.

Auteur
Lorenzo Castellani
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© AP Photo/Andrew Medichini

Mario Draghi a prononcé un discours très dur au Sénat de la République Italienne. Comme tout leader – parce que la technocratie aussi, à son plus haut niveau, prévoit des leaders – Draghi a utilisé la crise ouverte par le Mouvement 5 Étoiles comme moment de relance de son action de gouvernement. Le Président du Conseil a demandé aux partis un mandat plein pour compléter les réformes, en particulier celles liées au plan de relance et à la législation européenne, en mettant donc fin pour les prochains mois aux tensions et aux négociations qui faisaient régulièrement surface au sein de la majorité parlementaire et parmi les partis et le gouvernement. Son discours ne recherche pas le compromis : si les forces politiques ont l’intention de poursuivre avec un gouvernement Draghi, ce discours sera le programme — et sur le programme, on ne négocie pas. 

Le Président du Conseil a aussi choisi, en créant la surprise, la voie de la désintermédiation : les partis vont devoir répondre de leurs actions et des leurs choix d’abord aux Italiens, avant d’avoir à en répondre au chef du gouvernement. C’est ainsi que le technopopulisme réapparaît dans la politique italienne par l’intermédiaire du leadership institutionnel de Draghi, à la frontière avec des formes de post-parlementarisme et d’antipolitique. Ce discours ouvre aussi un lien direct entre Draghi et la société civile italienne, sur laquelle le Président s’est appuyé pendant son dur rappel à l’ordre, conscient du soutien dont il jouit au sein de nombreux cercles d’intérêt. Le Président du Conseil a donc esquissé davantage la figure d’un « Draghi Plus » qu’un « Draghi 2 » pour tenter d’obtenir la confiance parlementaire. Un gouvernement plus fort, du moins à court terme, qui rendrait encore plus évident l’état de commissariamento de la politique italienne, mais qui pourrait garantir efficacité et stabilité. 

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénatrices et les Sénateurs, jeudi dernier j’ai remis ma démission au Président de la République, Sergio Mattarella. Cette décision fait suite à l’effondrement de la majorité d’unité nationale qui avait soutenu ce gouvernement depuis sa création. Le Président de la République a rejeté ma démission et m’a demandé d’informer le Parlement de ce qui s’était passé – une décision que j’ai partagé. Cette Communication que je vous fais aujourd’hui me permet de vous expliquer, ainsi qu’à tous les Italiens, les raisons d’un choix tout aussi pénible que nécessaire. En février dernier, le Président de la République m’avait confié la tâche de former un gouvernement pour faire face aux trois urgences auxquelles l’Italie était confrontée : pandémique, économique, sociale. « Un gouvernement » — ce furent ses mots — « au profil élevé, qui ne doit pas s’identifier à aucune formule politique ». « Un gouvernement qui aborde avec célérité les sérieuses urgences qui ne peuvent pas être remises à plus tard ». Tous les principaux partis – à une exception près – ont décidé de répondre positivement à cet appel. Dans le discours inaugural que j’ai prononcé dans cet hémicycle, j’ai fait explicitement référence à « l’esprit républicain » du gouvernement, qui serait fondé sur le principe de l’unité nationale. Pendant ces mois, l’unité nationale a été la meilleure garantie de la légitimité démocratique de cet exécutif et de son efficacité. Je pense qu’un Président du Conseil qui ne s’est jamais présenté devant les électeurs doit bénéficier du soutien le plus large possible au Parlement. Cela est d’autant plus important dans un contexte d’urgence, où le gouvernement doit prendre des décisions qui affectent profondément la vie des Italiens. Le très large consensus dont jouissait le gouvernement au Parlement a permis d’obtenir cette « célérité » des décisions que le Président de la République avait demandé. 

Draghi met là en évidence quel est le périmètre à l’intérieur duquel son opération technocratique peut avoir lieu, forte d’un soutien parlementaire partagé.

Pendant longtemps, les forces de la majorité ont pu mettre de côté les divisions et converger, avec sens de l’État et générosité, vers une action rapide et efficace, pour le bien de tous les citoyens. Grâce aux mesures de confinement, à la campagne de vaccination, aux mesures de soutien économique aux familles et aux entreprises, nous avons pu surmonter la phase la plus aiguë de la pandémie et donner un élan à la reprise économique. La relance des investissements et la protection des revenus des ménages nous ont permis de sortir plus rapidement que d’autres pays de la récession provoquée par la pandémie. L’année dernière, l’économie a connu une croissance de 6,6 % et le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut a diminué de 4,5 points de pourcentage. L’élaboration du Plan National de Relance et de Résilience, approuvé à une très large majorité par ce Parlement, a mis en route un chemin de réformes et d’investissements sans précédent dans l’histoire récente. Les réformes de la justice, de la concurrence, de la fiscalité et des marchés publics – en plus de l’important programme de simplification – constituent une étape essentielle de la modernisation de l’Italie. À ce jour, tous les objectifs des deux premiers semestres du PNRR ont été atteints. Nous avons déjà reçu 45,9 milliards d’euros de la Commission européenne, auxquels viendront s’ajouter 21 milliards d’euros supplémentaires dans les semaines à venir, soit un total de près de 67 milliards d’euros.

Avec le fort soutien parlementaire de la majorité et de l’opposition, nous avons réagi avec une totale fermeté à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Notre condamnation des atrocités russes et notre soutien sans réserve à l’Ukraine ont montré comment l’Italie peut et doit jouer un rôle de premier plan au sein de l’Union européenne et du G7. Dans le même temps, nous n’avons jamais cessé de rechercher la paix – une paix qui doit être acceptable pour l’Ukraine, durable et viable. Nous avons été parmi les premiers à nous engager afin que la Russie et l’Ukraine puissent travailler ensemble pour éviter une catastrophe alimentaire, tout en ouvrant une fenêtre de négociation. Les progrès constatés la semaine dernière en Turquie sont encourageants, et nous espérons qu’ils pourront être encore consolidés. Nous avons agi très rapidement pour surmonter notre inacceptable dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, conséquence de décennies de choix imprudents et dangereux. En quelques mois seulement, nous avons réduit nos importations de gaz russe de 40 % à moins de 25 % du total, et nous avons l’intention de les réduire à zéro d’ici un an et demi. C’est une réalisation qui semblait impensable, qui donne à l’industrie et aux familles une plus grande tranquillité pour l’avenir, et qui renforce notre sécurité nationale et notre crédibilité dans le monde. Nous avons accéléré, par de profondes simplifications et des investissements massifs, sur le front des énergies renouvelables, pour défendre l’environnement et accroître notre indépendance énergétique. Et nous avons agi avec détermination pour protéger les citoyens et les entreprises des conséquences de la crise énergétique, en accordant une attention particulière aux plus faibles. Nous avons alloué 33 milliards en un peu plus d’un an, soit près de deux points de pourcentage du PIB, alors même que les marges de nos finances publiques étaient étroites. Nous avons pu le faire grâce à une crédibilité collective retrouvée, qui a permis de contenir l’augmentation du coût de la dette même dans une phase de hausse des taux d’intérêt. Le mérite de ces résultats vous revient – pour votre volonté de mettre de côté les différences et de travailler pour le bien du pays, dans le respect mutuel et avec la même dignité. Vous avez été la meilleure réponse à l’appel du Président de la République en février dernier et à l’appel au sérieux, au besoin de protection, aux inquiétudes pour l’avenir émanant des citoyens. Les Italiens ont à leur tour soutenu ce miracle civil, et sont devenus les véritables protagonistes des politiques que nous avons mises en place de temps à autre. Je pense au respect patient des restrictions pour freiner la pandémie, à la remarquable participation à la campagne de vaccination. Je pense à l’accueil spontané réservé aux réfugiés ukrainiens, accueillis dans les foyers et les écoles avec chaleur et solidarité. Je pense à l’implication des communautés locales dans le PNRR, qui en a fait le plus grand projet de transformation par le bas de l’histoire récente. Jamais auparavant je n’ai été aussi fier d’être italien. L’Italie est forte quand elle sait être unie.

L’applaudissement qui a suivi ces paroles était loin d’être unanime : le M5S et la Ligue sont restés silencieux.

Malheureusement, au fil des mois, cette demande de cohésion émanant des citoyens s’est heurtée à une recherche croissante de distanciation et de division de la part des forces politiques. Les réformes du Conseil Supérieur de la Magistrature, du cadastre et des concessions balnéaires ont montré un effilochage progressif de la majorité sur le programme de modernisation du pays. En matière de politique étrangère, nous avons assisté à des tentatives visant à affaiblir le soutien du gouvernement à l’Ukraine, à fragiliser notre opposition aux visées du président Poutine. Les appels à de nouveaux emprunts se sont multipliés au moment même où il était le plus nécessaire de veiller à la viabilité de la dette. Le désir d’avancer ensemble s’est progressivement affaibli, et avec lui la capacité d’agir efficacement, avec « célérité », dans l’intérêt du pays. Comme je l’ai dit au Conseil des Ministres, le vote de confiance de jeudi dernier a certifié la fin du pacte de confiance qui unissait cette majorité. Ne pas voter la confiance à un gouvernement dont on est membre est un geste politique clair qui a une signification évidente. Il n’est pas possible de l’ignorer, car cela reviendrait à ignorer le Parlement. Il n’est pas possible de le contenir, car cela signifierait que n’importe qui peut le répéter. Il n’est pas possible de le minimiser, car il intervient après des mois de déchirements et d’ultimatums. La seule voie, si nous voulons encore rester ensemble, est de reconstruire ce pacte à partir de zéro, avec courage, désintéressement, crédibilité. Ce sont surtout les Italiens qui le demandent. La mobilisation de ces derniers jours par les citoyens, les associations, les territoires en faveur du maintien du gouvernement est sans précédent et impossible à ignorer. Elle a impliqué le monde associatif, les écoles et les universités, le milieu économique, les entreprises ou encore le monde du sport. Il s’agit d’un soutien non mérité, mais dont je suis extrêmement reconnaissant.

Draghi fait ici montre de son esprit politique : le technocrate se réfère au kratos. Il sait que les déchirements et les pactes font partie de la politique, son auctoritas résiduelle peut être mobilisée pour neutraliser les conflits.

Le Président du Conseil fait fi des partis et se tourne directement vers la société civile. Les citoyens et les organisations voient d’un bon œil la poursuite du gouvernement, en s’opposant donc aux partis. Telle est la logique argumentative mise en place dans ce discours. 

La seconde est celle du personnel soignant, les héros de la pandémie, à qui notre gratitude collective est immense. Cette exigence de stabilité nous oblige tous à décider s’il est possible de recréer les conditions dans lesquelles le gouvernement peut véritablement gouverner. C’est le cœur de notre discussion d’aujourd’hui. C’est le sens de l’engagement sur lequel nous devons confronter avec les citoyens. 

Ce passage souligne l’un des points forts du projet de gouvernement technocratique de ces dernières années : il met en avant la stabilité et l’ordre comme contrepoint efficace aux incertitudes des programmes souverainistes, populistes et radicaux. 

L’Italie a besoin d’un gouvernement capable d’agir efficacement et rapidement sur au moins quatre fronts. Le PNRR est une occasion unique d’améliorer notre croissance à long terme, de créer des opportunités pour les jeunes et pour les femmes, et de corriger les inégalités, à commencer par celles entre le Nord et le Sud. D’ici la fin de l’année, nous devons atteindre 55 objectifs, ce qui nous permettra de recevoir une nouvelle tranche de 19 milliards d’euros. Les objectifs couvrent des questions fondamentales telles que l’infrastructure numérique, le soutien au tourisme, la création de logements universitaires et de bourses de recherche, et la lutte contre le travail non déclaré. L’achèvement du PNRR est une question de rigueur envers nos citoyens et nos partenaires européens. Si nous ne montrons pas que nous savons comment dépenser cet argent de manière efficace et honnête, il sera impossible d’exiger de nouveaux instruments communs de gestion de crise. L’avancement du PNRR requiert la réalisation des investissements qui le composent. Des chemins de fer au haut débit, des jardins d’enfants aux maisons communautaires, nous devons nous efforcer de réaliser tous les projets que nous avons conçus avec la contribution décisive des communautés locales. Nous devons être unis contre la bureaucratie inutile, celle qui retarde trop souvent le développement du pays. Et nous devons veiller à ce que les autorités territoriales — à commencer par les municipalités — disposent de tous les outils nécessaires pour surmonter les éventuels problèmes de mise en œuvre. Dans le même temps, nous devons avancer rapidement dans les réformes qui, avec les investissements, sont au cœur du PNRR. La réforme du code des marchés publics vise à assurer la rapidité de la réalisation des travaux publics et à renforcer les instruments de lutte contre la corruption. Nous devons garder les mafias hors du PNRR. C’est la meilleure façon d’honorer la mémoire de Giovanni Falcone et de Paolo Borsellino ainsi que des hommes et des femmes de leur escorte, trente ans après leur meurtre abominable.

La réforme du code des marchés publics a été approuvée, et les travaux sont en cours pour préparer les projets de décrets délégués. Ceux-ci doivent être passés d’ici le mois de mars de l’année prochaine. La réforme de la concurrence servira à promouvoir la croissance, à réduire les rentes et à encourager l’investissement et l’emploi. Dans cet esprit, nous avons approuvé des règles visant à supprimer les obstacles à l’ouverture des marchés, à la protection des consommateurs. La réforme touche les services publics locaux, y compris les taxis, et les concessions de biens et de services, y compris les concessions balnéaires. Le projet de loi doit être approuvé avant la pause estivale, afin de permettre une nouvelle approbation des décrets délégués d’ici la fin de l’année, comme le prévoit le PNRR. Ce qu’il faut maintenant, c’est un soutien convaincu à l’action de l’exécutif — et non un soutien à des contestations non autorisées, et parfois violentes, contre la majorité gouvernementale. En ce qui concerne la justice, nous avons approuvé la réforme du procès pénal, du procès civil et des procédures de faillite et nous avons soumis au Parlement la réforme de la justice fiscale. Ces réformes sont essentielles pour avoir des procès équitables et rapides, comme nous le demandent les Italiens. C’est une question de liberté, de démocratie, de prospérité. Les délais fixés par le PNRR sont très précis. Nous devons finaliser d’ici la fin de l’année la procédure des décrets d’application de la loi de procuration civile et pénale. La loi de réforme de la justice fiscale est en cours de discussion au Sénat et doit être approuvée d’ici la fin de l’année. Enfin, à l’automne dernier, le gouvernement a lancé le projet de loi sur la révision du système fiscal. Nous sommes conscients que la fiscalité en Italie est complexe et souvent injuste. C’est pourquoi nous n’avons jamais augmenté les impôts des citoyens. Toutefois, c’est pour cela qu’il faut procéder avec une majeure transparence. Nous avons l’intention de réduire les taux de l’Irpef à partir des revenus moyens et bas ; de dépasser l’Irap ; de rationaliser la TVA. Les premières mesures ont été prises avec la dernière loi de finance, qui a lancé la révision de l’Irpef et la réforme du système de collecte. En Italie, l’Agenzia delle Entrate-Riscossione compte 1 100 milliards d’euros de crédits en souffrance, soit plus de 60 % du produit intérieur brut national – un chiffre impressionnant. Nous devons donc approuver la réforme fiscale, qui comprend l’achèvement de la réforme du prélèvement fiscal, le plus rapidement possible, et lancer les décrets d’application immédiatement après.

Parallèlement au PNRR, il est nécessaire de mettre en place un véritable agenda social, en commençant par les plus faibles, comme les personnes atteintes d’un handicap ou les personnes âgées non autonomes. L’augmentation du coût de l’énergie et le retour de l’inflation ont provoqué de nouvelles inégalités, qui aggravent celles produites par la pandémie. Depuis le début du gouvernement, nous avons partagé avec les syndicats et les associations d’entreprises une méthode de travail impliquant des réunions régulières et des tables de travail. Cette méthode a déjà servi à gérer certaines des urgences du pays : de la reprise des activités de production en phase pandémique à la sécurité de l’emploi, pour laquelle beaucoup a été fait et beaucoup reste à faire.Il est aujourd’hui essentiel de poursuivre cette discussion et de définir dans une vision partagée les interventions à effectuer dans la prochaine loi budgétaire. Cette année, la situation des finances publiques est meilleure que prévu et nous permet d’intervenir, comme nous l’avons fait jusqu’à présent, sans des nouveaux glissements budgétaires. Une mesure de grande ampleur doit être adoptée d’ici le début du mois d’août pour atténuer l’impact de l’augmentation des coûts de l’énergie sur les citoyens et les entreprises, puis pour renforcer le pouvoir d’achat, notamment des couches les plus faibles de la population. La réduction de la charge fiscale sur les travailleurs, en commençant par les salaires les plus bas, est un objectif à moyen terme. C’est un point sur lequel syndicats et entrepreneurs se retrouvent. Avec la dernière loi budgétaire, nous avons mis en œuvre une première mesure temporaire. Nous devons en ajouter une autre prochainement, dans les limites de nos ressources financières. Nous devons également faire pression pour le renouvellement des contrats collectifs. Beaucoup d’entre eux, notamment ceux du commerce et des services, sont périmés depuis de trop nombreuses années. La négociation collective est l’une des forces de notre modèle industriel, pour l’extension et la qualité des protections, mais elle ne touche pas encore tous les travailleurs. Au niveau européen, une directive sur le salaire minimum est en cours d’approbation finale, et c’est dans cette direction que nous devons aller, avec les partenaires sociaux, pour garantir des niveaux de salaire décents pour les groupes de travailleurs qui en ont le plus besoin. Le revenu de citoyenneté est une mesure importante pour réduire la pauvreté, mais il peut être amélioré pour favoriser les personnes les plus dans le besoin et réduire les effets négatifs sur le marché du travail. Il est nécessaire de procéder à une réforme des pensions qui garantisse des mécanismes de sortie flexibles dans un cadre durable, ancré dans le système contributif.

L’Italie doit poursuivre le réaménagement de sa politique énergétique, comme elle l’a fait au cours des derniers mois. Le sommet d’Alger de cette semaine confirme notre détermination absolue à diversifier nos fournisseurs, à pousser fortement en faveur des énergies renouvelables. Pour ce faire, nous avons besoin de l’infrastructure nécessaire. Nous devons accélérer l’installation de gazéifieurs — à Piombino et Ravenne. Il n’est pas possible de dire que nous voulons la sécurité énergétique pour les Italiens et en même temps de protester contre ces infrastructures. Il s’agit de centrales sûres, essentielles pour nos besoins énergétiques et pour le maintien de notre tissu productif. En particulier, nous devons achever l’installation du gazéifieur à Piombino d’ici le printemps prochain. C’est une question de sécurité nationale. 

Un passage intéressant, qui met en évidence une thématique destinée à être de plus en plus présente : le réformisme légitimé en nom de la sécurité nationale.

Dans le même temps, nous devons poursuivre de toute urgence la transition énergétique vers des sources propres. D’ici 2030, nous devons installer environ 70 GW de centrales d’énergie renouvelable. Les sécheresses et les vagues de chaleur anormales qui ont frappé l’Europe ces dernières semaines nous rappellent qu’il est urgent de s’attaquer sérieusement à la crise climatique dans son ensemble.Je pense également aux interventions destinées à améliorer la gestion des ressources en eau, dont l’entretien a souvent été gravement lacunaire. Le PNRR prévoit plus de 4 milliards pour ces investissements, auxquels il faut ajouter un « plan eau » plus urgent. En ce qui concerne les mesures d’efficacité énergétique et les primes à la construction en général, nous avons l’intention d’aborder les problèmes critiques dans le transfert des crédits d’impôt, mais en même temps de réduire la générosité des subventions. Comme promis dans mon discours inaugural, et soutenu par vous ici, ce gouvernement s’identifie pleinement à l’Union européenne, au lien transatlantique. L’Italie doit continuer à jouer un rôle de premier plan en matière de politique étrangère. Notre position est claire et forte : au cœur de l’UE, dans le lien transatlantique. Notre position est claire et forte au sein de l’UE, du G7 et de l’OTAN. Nous devons continuer à soutenir l’Ukraine de toutes les manières possibles, comme ce Parlement a engagé le gouvernement à le faire par une résolution parlementaire. Comme le président Zelensky me l’a répété hier au téléphone, armer l’Ukraine est le seul moyen pour les Ukrainiens de se défendre. En même temps, nous devons poursuivre nos efforts pour trouver des solutions négociées, en commençant par la crise des céréales. Et nous devons accroître nos efforts pour lutter contre l’ingérence de la Russie et d’autres autocraties dans notre politique, dans notre société. L’Italie est un pays libre et démocratique. Face à ceux qui veulent tenter de nous séduire avec leurs modèles autoritaires, nous devons répondre avec la force des valeurs européennes. L’Union européenne est notre maison et c’est en son sein que nous devons poursuivre des défis ambitieux. Nous devons continuer à nous battre pour un plafonnement du prix du gaz russe, qui profiterait à tous, et pour la réforme du marché de l’électricité, qui peut commencer chez nous avant même les accords européens. Ces mesures sont essentielles pour défendre le pouvoir d’achat des ménages, pour assurer les niveaux de production des entreprises. En Europe, la réforme du budget commun, la défense commune et  le dépassement du principe de l’unanimité seront bientôt des thèmes à l’ordre du jour. Dans tous ces domaines, l’Italie a beaucoup à dire – avec crédibilité, esprit constructif, et sans aucune subalternité. Il y a d’autres engagements que l’exécutif veut prendre qui concernent, par exemple, la réforme du système des médecins généralistes et le débat pour la reconnaissance des formes différenciées d’autonomie. Tout cela nécessite d’un gouvernement réellement fort et soudé et d’un parlement qui l’accompagne avec conviction, dans le respect mutuel des rôles. L’Italie n’a pas besoin d’une façade de confiance, qui s’évanouit face à des mesures gênantes. Elle a besoin d’un nouveau pacte de confiance, sincère et concret, comme celui qui nous a permis de changer le pays pour le mieux jusqu’à présent. Les partis et vous, les parlementaires, êtes-vous prêts à reconstruire ce pacte ? Êtes-vous prêt à confirmer cet effort que vous avez fait dans les premiers mois, et qui s’est ensuite éteint ? Nous sommes ici, dans cet hémicycle, aujourd’hui, à ce stade du débat, parce que et seulement parce que les Italiens l’ont demandé. Ce n’est pas à moi que vous devez donner la réponse à ces questions, mais à tous les Italiens.

Finale in crescendo : Draghi se présente comme une sorte d’émanation « des Italiens ». Ainsi, il serait présent sur la scène politique uniquement parce que la nation le requiert. Toutes choses égales par ailleurs, on remarque la dimension assez gaulliste de ce passage. À la fin du discours, il entre dans le champ de la démocratie pour défier les partis sur son programme de gouvernement. Technocratie, anti-partitisme, réalisme démocratique se mêlent et contribuent à la création d’un des discours les plus représentatifs et complexes de la carrière de Draghi. 

 Merci.

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