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La position de nombreux pays africains, asiatiques ou latino américains concernant la guerre en Ukraine montre une volonté de nombre de ces pays de ne pas s’aligner sur l’Europe ou les États-Unis, semblant renvoyer dos-à-dos Russie, Chine et pays occidentaux. Mais ce nouveau non-alignement ne s’explique pas uniquement en termes politiques : il s’est exprimé aussi très fortement à la COP26 de Glasgow sur le changement climatique en décembre 2021, lorsque nombre de pays du Sud, comme le Sénégal mais aussi l’Inde, ont réclamé non seulement que les pays déjà développés tiennent leurs promesses de transferts financiers du Nord vers le Sud, mais aussi plus largement que l’économie zéro carbone en train de se construire ne soit pas à nouveau un moyen de les cantonner à un rôle d’économies extractives, et au contraire, qu’elle soit l’occasion de rééquilibrer la structure des chaînes de valeur mondiales et la répartition du pouvoir dans cette nouvelle étape de mondialisation.
Les négociations internationales sur l’environnement constituent à ce titre un point d’observation clef pour mieux comprendre ce que les pays du Sud non alignés expriment et revendiquent, pourquoi ils le font avec tant de force aujourd’hui, et dans quelle mesure cela peut ouvrir une opportunité à l’Union européenne, pour ne pas être écrasée entre superpuissances rivales, de rénover profondément ses relations avec ces pays qui ne s’alignent pas.
Pour éclairer ce propos, nous passons en revue quatre tendances contradictoires qui semblent structurer le champ de la coopération internationale en matière de développement durable, et sur lesquelles la guerre menée par la Russie en Ukraine accentue les contrastes : accroissement des conflictualités dans la rivalité entre grandes puissances, déploiement inéluctable d’une économie zéro carbone, maintien des négociations environnementales internationales et rupture de confiance entre pays du Sud et pays occidentaux sur les moyens mis au service d’une possible convergence économique. À la croisée de ces tendances, les institutions multilatérales, notamment en matière de développement durable, continuent de jouer un rôle déterminant. Celui-ci est particulièrement stratégique pour l’Union européenne.
Point de bascule dans la rivalité et les conflits entre grandes puissances
Alors que la rivalité économique et géopolitique entre Chine et Etats Unis semblait structurer le champ des tensions, l’invasion russe en Ukraine met l’accent sur la force brutale, la remise en cause des frontières et des règles internationales, et l’Europe semble écrasée dans ce jeu entre grandes puissances. Au moment où la coopération semble plus que nécessaire pour une relance durable à la sortie de la crise du Covid-19, cette guerre bloque l’une des instances absolument centrales pour la coopération économique mondiale, le G20 : à la suite du G20 italien, la présidence indonésienne du G20 s’annonçait comme essentielle pour faire aboutir les négociations sur l’usage des droits de tirage spéciaux du FMI au bénéfice de la relance durable dans les pays en développement, d’autant plus que les contrecoups de la guerre russe en Ukraine renforcent encore leur fragilité économique en faisant s’envoler les prix de l’alimentation et de l’énergie sur les marchés internationaux. Cette présidence doit aussi faire progresser la compréhension mutuelle entre pays développés et en développement sur les formes de régulation du commerce mondiale compatibles avec la réduction des inégalités et la transformation écologique. Or il est très incertain que le sommet des chefs d’État du G20 puisse avoir lieu, faute d’entente sur la possibilité de le tenir sans ou avec le président russe.
S’il apparaît clairement que les liens entre États membres de l’Union européenne sortent renforcés de cette épreuve, les incertitudes sont nombreuses, et notamment sur le risque que la Chine se positionne en soutien de la Russie. Mais deux faits émergents méritent d’être soulignés.
Le premier est que la sécurité d’approvisionnement devient un axe central des analyses politiques sur les stratégies économiques des grandes régions et des différents pays : la transformation des systèmes énergétiques ou alimentaires devient ainsi largement débattue selon l’angle de la dimension sécuritaire, et pas seulement de la compétition économique. Le second concerne un risque d’isolement des acteurs occidentaux, singulièrement critique pour l’Europe, face à une perception du « Sud Global » (Global South) qui s’affirme de plus en plus en confiance de son poids économique et stratégique sans se cacher derrière la Chine, et prend l’aspect d’un renouveau du mouvement des non-alignés. Sans renvoyer complètement dos à dos les belligérants, les prises de position de plusieurs pays africains ou asiatiques soulignent les contradictions des pays du G7 et de l’OTAN, en rappelant l’invasion de l’Irak en 2003 ou l’intervention en Libye en 2011 et leurs conséquences désastreuses pour les pays concernés et la stabilité de régions entières.
L’élan vers l’économie zéro carbone questionné mais renforcé par la priorité à la sécurisation énergétique
Alors que la COP26 de Glasgow avait consacré la dynamique mondiale vers l’économie zéro carbone comme horizon de modernisation, dont le Pacte vert européen constitue l’une des traductions concrètes les plus emblématiques, quel est l’impact de la guerre en Ukraine, dont l’une des dimensions clés est la dépendance de l’Union européenne au gaz russe ? Majoritairement, la mise en évidence des risques liés à cette dépendance vient renforcer la vision à long terme pour l’Union européenne que les objectifs de décarbonation du Pacte vert sont aussi des objectifs de sécurisation et d’autonomisation d’un continent particulièrement pauvre en ressources fossiles. Il est important de noter que cette guerre fait entrer de manière extrêmement centrale la politique européenne de transition écologique, et donc le Pacte vert lui-même, au cœur des débats politiques nationaux, alors que l’action européenne en la matière restait cantonnée à un débat d’expert.
Cinq éléments de fragilisation doivent cependant attirer l’attention, les décisions politiques urgentes nécessaires dans une économie de guerre devant absolument éviter de mettre en place des formes d’irréversibilités incompatibles avec les objectifs de transition et de souveraineté à moyen et long terme. Premier point d’attention, le débat politique sur la sécurité alimentaire et la transformation du système alimentaire européen a télescopé réponses à court terme et enjeux de long terme : d’une part, les besoins à court terme des pays du Sud structurellement importateurs d’accéder aux marchés alimentaires, auxquelles les réponses en matière d’aide doivent être urgentes et d’ordre financier, ceux du secteur de l’élevage européen qui sera le plus durement touché par les augmentations de prix sur les matières premières, et d’autre part, la nécessité de tenir bon sur les objectifs à 2030 de la stratégie « Farm to fork », moteurs d’indispensables changements structurels permettant de [réduire la dépendance de l’Europe aux importations d’alimentation des animaux et de fertilisants azotés produits à partir de gaz fossile. Les décisions en G7 et en Conseil européen, sous impulsion française, mettent bien en évidence les besoins d’intervention à court terme, mais ne devraient pas remettre en cause la transformation structurelle du système alimentaire européen.
Deuxième point d’attention, l’augmentation des prix de l’énergie et de l’alimentation en Europe vont supposer de mettre en place des solutions d’urgence en soutien aux ménages les plus pauvres. Ici encore, ces mesures doivent aider, dans la mesure du possible, à réduire la dépendance des ménages aux énergies fossiles (par exemple en soutenant l’accès à l’efficacité énergétique ou à des pompes à chaleur) plutôt que de réduire les signaux économiques défavorisant les énergies fossiles par rapport aux énergies non carbonées. Les formes d’aide sociale et de compensation mises en place dans toute l’Union européenne vont évidemment être au cœur des débats politiques nationaux sur le pouvoir d’achat : bien cadrées, elles devraient pouvoir contribuer à une mobilisation politique en faveur des mesures phares du paquet Fit For 55 (notamment en matière de taxation de l’énergie ou de fonds social pour le climat) ; mais leur mise en politique reste cependant extrêmement difficile, risquant de mettre en cause les décisions européennes plutôt que d’en montrer la cohérence.
Troisième point d’attention, l’angle de la sécurité énergétique fait souvent l’impasse sur les enjeux d’efficacité énergétique et de réduction de la demande, pour se focaliser uniquement sur les substitutions entre sources d’énergie. Pour l’instant, il semble que les enjeux de sobriété réussissent quand même à pénétrer les discussions de tout le spectre politique, préparant l’opinion publique à de possibles mesures de rationnement en matière énergétique notamment, pour l’hiver prochain en particulier. S’il faudra distinguer clairement mesures de rationnement d’urgence et maîtrise de la demande à moyen terme, citoyens, société civile, entreprises et pouvoirs publics auront une responsabilité pour tirer de cette expérience subie des leçons pour des évolutions plus durables et plus souhaitées de nos modes de vie.
Par ailleurs, quatrième point d’attention, la dynamique internationale semble plus incertaine. Le secteur américain des énergies fossiles saisit les besoins européens d’énergies de substitution au gaz russe comme une opportunité de relance massive de sa production, en dépit d’un bilan carbone assez mauvais des exportations de gaz naturel liquéfié. Les conséquences de la guerre sur la politique énergétique chinoise sont peu lisibles de l’extérieur, même si le soutien aux énergies décarbonées semble être un axe maintenant inéluctable de la modernisation de cette immense économie.
Enfin, dernier point critique, si les grandes entreprises européennes et mondiales restent bien engagées à contribuer à la neutralité carbone à long terme, les stratégies de mise en œuvre concrète de cette ambition risquent de reposer encore trop souvent sur d’importants volumes d’émissions négatives, venant compenser des émissions résiduelles de gaz à effet de serre très importantes. Cela crée un nouvel élan pour des projets de finance carbone, gagés notamment sur des changements d’usage des sols : ceux-ci pourraient être vus comme une potentielle aubaine pour déclencher les transformations structurelles nécessaires pour le développement agricole et économique des pays du Sud, mais leur massification constitue aussi un risque potentiel très élevé pour la sécurité alimentaire des populations locales concernées et pour la biodiversité.
Quelles conséquences concrètes à la poursuite et à l’amplification des négociations multilatérales environnementales ?
A bien moindre niveau d’attention médiatique, les deux derniers mois ont cependant aussi été très fortement marqués par une très intense activité de négociations multilatérales en matière environnementale, notamment en présentiel. Celles-ci débouchent à la fois sur le lancement de nouvelles négociations, et sur la mise en évidence de blocages critiques.
L’Assemblée des Nations unies sur l’environnement, dans sa 5e session, a convenu de lancer deux nouvelles négociations devant être conclues d’ici 2024 : celle d’un nouveau traité sur les plastiques, et celle d’une plateforme scientifique et politique sur les produits chimiques, les déchets et les pollutions. Expression d’une analyse très juste de l’importance de ces enjeux pour la préservation des écosystèmes mondiaux, ces nouvelles négociations paraissent aussi très optimistes concernant le temps nécessaire pour créer de nouvelles institutions multilatérales, surtout quand on voit la lenteur des négociations en cours sur la biodiversité en haute mer (BBNJ) et sur la préparation de la COP15 de la Convention sur la diversité biologique, dont les groupes de travail réunis en mars ont souligné la volonté des pays de réexprimer leurs positions, comme si le travail en ligne pendant deux ans n’avait pas compter, et donc sans aller directement au cœur des points à négocier. Le risque est donc grand que ces négociations multilatérales ne symbolisent surtout l’accord de l’ensemble de la communauté internationale, Russie comprise, sur l’importance de la préservation des biens communs environnementaux, mais qu’elles s’enlisent sans parvenir à avoir une portée significative sur les secteurs et les politiques publiques concernées. C’est pour cela que l’Iddri s’emploie à discerner les points les plus importants dans ces négociations, notamment en matière de mise en œuvre concrète des engagements internationaux sur le terrain.
On risque donc un grand écart entre la volonté de poursuivre les négociations et la capacité à trouver des accords concrets. Ce risque est aussi révélateur de deux grandes tensions structurantes entre les grandes régions du monde.
Première tension structurante : pour plusieurs grandes puissances comme la Russie ou la Chine, la poursuite des négociations environnementales est acceptable dans la mesure où elles se cantonnent à un caractère technique, à l’exclusion de toute dimension politique, notamment en matière de droits humains et de la place de la société civile. A l’inverse, les négociations sur la biodiversité voient monter un front d’acteurs et de pays soutenant l’importance du rôle politique et technique que doivent jouer les peuples autochtones et les communautés locales pour pouvoir réellement protéger la biodiversité. Et on voit de plus en plus d’exemples concrets mettant en lumière comment les droits accordés aux mobilisations citoyennes, à la société civile et aux peuples autochtones sortent de l’incantation pour devenir des leviers réels de la transformation. En Amérique latine, notamment, l’accord d’Escazu sur la participation, l’information, l’accès à la justice et le droit des communautés autochtones en matière d’environnement, a été ratifié par le nouveau gouvernement chilien, dont le processus constitutionnel constitue aussi une expérience extrêmement importante de mise en place de nouvelles institutions démocratiques à cet effet. En Europe et dans d’autres régions, l’action en justice de la société civile constitue un des leviers par lesquels les engagements internationaux des Etats pourront devenir réalité. Les acteurs européens soutiennent fortement l’inséparabilité de l’action pour la transformation écologique et du fonctionnement des institutions démocratiques. Probable point d’achoppement de certaines de ces négociations futures, c’est aussi un point de ralliement que l’Europe peut offrir aux autres régions du monde.
Et la possibilité d’alliances et de ralliement est précisément un enjeu crucial, puisque le fait le plus marquant des récentes négociations environnementales a été l’insistance avec laquelle les pays du Sud, et en particulier le groupe africain, ont choisi de marquer la fin des négociations sur la biodiversité en soulignant l’écart entre leurs besoins de financement et les promesses des pays développés en la matière. C’est la deuxième tension structurante, révélatrice d’une rupture de confiance plus profonde.
Rupture de confiance entre Nord et Sud, enracinée dans les asymétries structurelles du système économique mondial
Si la COP26 de Glasgow a été un succès en matière d’engagement pour la neutralité carbone, elle a aussi signé un échec retentissant pour ce qui concerne l’atteinte des objectifs de 100 milliards de dollars par an de transferts financiers du Nord vers le Sud. À cela s’adjoignait aussi l’alerte des pays les plus vulnérables sur leur incapacité à faire face seuls aux dommages liés aux effets qu’ils vivent déjà suite au changement climatique : formulant des demandes de réparation pour une dette écologique, ces pays du Sud soulignent aussi plus largement l’ombre portée de l’ère coloniale sur la structure actuelle du système économique mondial, dont les chaînes de valeur sont gouvernées depuis les pays les plus riches.
Quand l’Inde à Glasgow indique qu’au-delà de la promesse des 100 milliards annuels, c’est 1000 milliards annuels que ce pays dépense en matière climatique, quand le Gabon à Genève pendant les négociations préparatoires à la COP15 indique que plutôt que les 10 milliards actuellement en discussion c’est 100 milliards annuels dont les pays du Sud ont besoin, il faut entendre deux choses : un écart criant entre les besoins des pays du Sud et leurs propres capacités de financement, ce qu’ils soulignement plus largement concernant l’écart immense entre les fonds mobilisés par les pays du Nord pour leur propre relance et ceux qu’ils mobilisent pour appuyer la relance au Sud ; et d’autre part, il faut aussi entendre une défiance de plus en plus grande de la part des pays présentés plus haut comme non alignés vis-à-vis des promesses de financement des pays de l’OCDE, et de l’Europe en particulier.
Pour retrouver les chemins d’un dialogue, esquissé au sommet entre Union africaine et Union européenne en février mais aujourd’hui encore fragile, l’Iddri coorganise avec le Centre pour le Climat et le Développement de l’Université fédérale Alex Ekwueme Ndufu-Alike du Nigéria une plateforme de dialogue entre think tanks européens et africains, appelée Ukama – « ce qui nous relie », en shona –, et visant à faire le pont entre les besoins de transformations écologique et de transformation économique structurelle des deux continents. L’insistance des pays du Sud sur les promesses non tenues en matière de financement est en effet à la fois symbolique et très concrète : comment, dans la vision de l’Europe, l’économie zéro carbone de demain fait-elle une place non seulement à la souveraineté économique du continent européen mais aussi aux acteurs économiques africains comme moteurs de l’innovation, de l’industrialisation, et donc pourvoyeurs massifs d’emploi pour la jeunesse du continent africain ? Comment l’Europe peut-elle donner des gages de confiance que, dans les turbulences géostratégiques actuelles, elle ne cherchera pas à cantonner l’Afrique dans une logique purement extractive de producteurs de matière premières ? Les conditions permettant de renouer la confiance à ce sujet se discutent évidemment autour de la politique de développement européenne, renommée « partenariats internationaux », dans sa politique commerciale, mais aussi beaucoup plus concrètement dans les décisions d’investissement et les arrangements contractuels entre opérateurs publics et privés des deux continents. La Chine ne s’y est pas trompée, puisqu’elle a focalisé le forum de coopération Chine-Afrique non plus sur la question du financement des infrastructures, mais sur celle des investissements productifs en Afrique.
Le G20 étant actuellement bloqué alors que la présidence italienne avait permis d’avancer sur la question du financement de la relance dans les pays du Sud, il revient au G7 de reconstruire cette crédibilité en avançant vite sur le chemin des engagements financiers pour le Sud. Mais le G7 ne peut être qu’un point d’étape à brève échéance (fin mai), alors qu’une série de sommets clés se tiendront en Afrique à l’automne : réunions semestrielles des banques multilatérales et du FMI au Maroc, sommet Finance en commun coorganisé par la Banque africaine de développement et la Banque européenne d’investissement à Abidjan, et COP27 sur le climat en Égypte, largement focalisée sur les besoins de financement notamment pour l’adaptation. En ligne de mire également, l’Agenda 2030 qui est l’horizon de référence pour les pays africains, et dont un bilan à mi parcours devra être tiré en 2023, notamment en matière de mobilisation des ressources.
Les acteurs européens sont à juste titre focalisés sur la mise en place de dispositifs concrets et efficaces à doubles bénéfices sur le développement socio économique et le climat, du type du Just Energy Transition Partnership signé avec l’Afrique du Sud à Glasgow, et cherchent à en nouer de nouveaux avec quelques grands pays clés. Mais il semble indispensable, en même temps, de changer d’échelle de discussion pour traiter l’ampleur de la rupture de confiance entre l’Ouest et les nouveaux non alignés. La réponse ne repose probablement pas sur l’annonce d’un grand soir en matière de gouvernance économique mondiale, sous la forme d’un Bretton Woods 2.0. L’urgence d’agir est trop importante. Elle repose sur une combinaison de trois affirmations majeures :
- Malgré la focalisation sur la guerre qui a actuellement lieu sur le sol européen, l’Europe doit continuer un dialogue extrêmement actif avec les pays du Sud les moins avancés et les plus vulnérables, et pas uniquement dans la logique de contrer la Chine comme dans le dialogue indo-pacifique, mais au service de la reconstruction de partenariats stratégiques concrets, permettant à l’Europe comme à ses partenaires de ne pas se retrouver écrasée entre les rivalités des puissances chinoise, russe et américaine.
- Pour que ce partenariat soit perçu comme sincère et en confiance, l’Europe doit continuer à démontrer qu’elle est réellement à l’écoute des demandes, des perceptions et des besoins de ses partenaires, même quand leur prise en compte paraît difficile : demandes de réparations, demandes de prise en considération de l’héritage post colonial, mise en évidence des contradictions européennes dans le traitement des guerres récentes en Irak, en Libye, au Yémen ou en Ukraine, celles-ci doivent être entendues… car ce que ces pays expriment aussi c’est le besoin de tester concrètement la sincérité des engagements européens dans la mise en œuvre de partenariats concrets pour que les pays du Sud atteignent les objectifs de l’Agenda 2030.
- Cela ne veut pas dire, au contraire, que l’Europe ne doit pas affirmer clairement sa posture et ses valeurs, notamment en matière de démocratie et de droits humains, autant pour leur valeur intrinsèque que pour leur caractère instrumental au service des transformations nécessaires : sans la possibilité d’un dialogue politique ouvert à la société civile et à la contre expertise, il ne saurait y avoir de trajectoire crédible d’investissement pour atteindre la prospérité économique en respectant les limites de la planète. Il faut donc démontrer que l’offre européenne en la matière ne constitue pas une conditionnalité ou un frein à la mobilisation des investissements, mais bien plutôt un gage de viabilité à long terme, de durabilité des investissements, et donc un gage de stabilité, de prévisibilité et d’attractivité pour les investisseurs.
L’accès massif des pays du Sud aux flux financiers mondiaux, facilité par les exigences en matière de gouvernance et de démocratie, et d’impact environnemental et social ? Il est absolument essentiel, et tout à fait stratégique dans le contexte géopolitique actuel, que les acteurs européens et les nombreux alliés qu’ils comptent dans d’autres régions, continuent de le démontrer.