• La proposition de la Commission porte sur un embargo visant le pétrole russe, qui serait mis en place dans les six prochains mois. La proposition vise le pétrole acheminé par bateau, mais également celui transporté par oléoducs. De même, les produits pétroliers raffinés en provenance de Russie devraient être bannis avant la fin de l’année 2022. Cette proposition d’embargo alignerait la position de l’Union sur celle des États-Unis, qui a annoncé la mise en place d’un embargo sur le pétrole, le GNL ainsi que le charbon russe en mars dernier1.
  • La proposition doit être présentée aux États membres qui devront l’approuver ou non à l’unanimité avant la fin de la semaine. En présentant devant le Parlement européen ce sixième paquet de sanctions, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a reconnu que « les négociations ne seront « pas faciles » car « certains États sont fortement dépendants du pétrole russe ». Elle a néanmoins assuré que « nous devons simplement y travailler ».
  • Pour faciliter ces négociations, une dérogation pourrait être accordée à la Slovaquie et à la Hongrie, deux pays enclavés, pour diversifier rapidement leur approvisionnement en pétrole. Ces deux pays pourrait avoir jusqu’à fin 2023 pour se passer du pétrole russe2. Hier, le ministre slovaque de l’Économie, Richard Sulik, déclarait que la Slovaquie allait s’opposer à un embargo total. Le ministre des Affaires étrangères hongrois, Peter Szijjarto, a quant à lui dit que la Hongrie n’approuverait pas des sanctions « qui rendraient impossible le transport de gaz et de pétrole russe vers la Hongrie »3. L’Allemagne, qui était un des États européens les plus réticents quant à la mise en place d’un tel embargo, est désormais favorable à cette proposition, après avoir réduit sa dépendance au pétrole russe de 35 % à 8 %4
  • Cette proposition aura très certainement des conséquences économiques sur l’inflation déjà très élevée au sein de l’Union. Selon l’évolution de l’inflation et d’autres indicateurs économiques, la BCE pourrait hausser ses taux directeurs à l’occasion d’une réunion prévue le 21 juillet, mettant fin à une longue période de refus de suivre la direction choisie par son équivalente américaine. Aussi, bien que le baril de pétrole (Brent) oscille pour l’instant toujours entre 105 et 110 dollars, son prix pourrait fortement augmenter, impactant directement les États, les acteurs privés et les consommateurs.
  • La Commission propose également d’aller plus loin dans les sanctions financières contre la Russie. Si sept banques russes ont été déconnectées du système financier international SWIFT, de grandes banques comme Gazprombank ou Sberbank n’ont pas encore été concernées par ces mesures afin que les paiements d’hydrocarbures puissent continuer. Avec l’embargo sur le pétrole, Sberbank, la plus grande banque russe — qui compte pour 37 % du secteur banquier — et deux autres banques seraient elles aussi déconnectées du système SWIFT. Ces annonces pourraient conduiront davantage la Russie à se rapprocher de la Chine, dont la coopération en matière de messagerie financière s’est grandement accentuée depuis les premières vagues de sanctions5.
  • Enfin, la Commission propose de sanctionner le Patriarche Kirill de Moscou et de toute la Russie, à la tête de l’Église orthodoxe russe, qui a apporté son soutien à la guerre menée par Vladimir Poutine au début des hostilités. Dans une homélie prononcée hier, ce dernier niait que la Russie ait attaqué l’Ukraine, arguant qu’elle « défendait simplement ses frontières »6. Trois nouveaux médias russes seront également bannis de l’espace audiovisuel et numérique européen, faisant suite à l’exclusion de SputnikNews et Russia Today en mars dernier.
  • Alors que la Russie a décidé de cesser de livrer du gaz à la Bulgarie et à la Pologne, l’Union n’envisage pas pour le moment de bannir les importations de gaz. En ce qui concerne le pétrole, la Russie ne pourra pas facilement réorienter ses ventes en direction de l’Asie — notamment vers les marchés chinois et indien. Moscou devra vendre son pétrole à bas coût pour éviter que les acheteurs ne prennent le risque d’être victimes de sanctions économiques collatérales, et une véritable réorientation ne pourra se faire sans construction de nouvelles structures permanentes de transport7. La Russie n’exporte pour l’instant que 30 % de son pétrole en direction de la Chine.
Sources
  1. Maison-Blanche, « FACT SHEET : United States Bans Imports of Russian Oil, Liquefied Natural Gas, and Coal », 8 mars 2022.
  2. Matina Stevis-Gridneff, « The E.U. unveils a plan to ban Russian oil imports », The New York Times, 4 mai 2022.
  3. « Slovakia, Hungary will not support EU sanctions on Russian energy », Al Jazeera, 3 mai 2022.
  4. « Deutschland wird unabhängiger von Kohle, Öl und Gas aus Russland », Der Spiegel, 1er mai 2022.
  5. « Moscow, Beijing working on SWIFT workaround -Russian lawmaker », Reuters, 16 mars 2022.
  6. Elise Ann Allen, « Russian patriarch’s denial of attack on Ukraine puts pope in a pinch », Crux, 4 mai 2022.
  7. Keith Bradsher, « Russia Could Sell More Energy to Asia, but Has to Slash Prices », The New York Times, 3 mai 2022.