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Key Points
  • L’armée russe n’est plus présente au Nord de Kiev.
  • La bataille du Donbass se déroule sur trois fronts.
  • Une nouvelle comparaison des armées ukrainiennes et russes s’impose pour mieux appréhender la suite des évènements.

Situation générale

L’évacuation du Nord de l’Ukraine par l’armée russe est désormais totale. Les trois armées russes engagées à l’Ouest et au Nord de Kiev sont en cours de recomplètement en Biélorussie et sont probablement inaptes au combat. La 2e AG et la 6e Armée tiennent la frontière Est entre Soumy et Kharkiv. La 1ère Armée blindée de la Garde a été transférée dans le secteur du Donbass-Nord en vue de la bataille décisive du mois d’avril. À l’exception de Marioupol, les autres secteurs ne font l’objet que d’opérations limitées.

Situations particulières

Zone du Donbass-Nord

La zone de combat au Nord du Donbass peut être divisée en trois secteurs : Yzioum, la rivière Donets en face du bastion Sloviansk-Kabarovsk et Severodonetsk. L’ensemble semble avoir été pris en compte par l’état-major de la 1ère Armée blindée de la garde (ABG), venu de la région de Soumy, par celui des états-majors de division (3e DM, 144e DM), par une dizaine de GTIA de marche et enfin par la 106e Division aéroportée, peu engagée jusque-là. Lorsque cette masse d’attaque sera usée au combat fin avril-début mai, la capacité de manœuvre russe sera réduite à peu de choses. Quoi qu’il arrive à ce moment-là, il sera sans doute nécessaire de procéder à une longue pause opérationnelle.

Face à la 1ère ABG, dans le secteur d’Yzium, les forces ukrainiennes sont réduites à trois unités régulières : la 25e Aéroportée et les 81e et 95e brigades d’assaut aérien – en réalité il s’agit de brigades d’infanterie mécanisée. Le bastion Sloviansk-Kabarovsk est solidement tenu par la 57e brigade motorisée et plusieurs unités territoriales ou paramilitaires (police, milices organisées). Severodonetsk est tenue par la 79e brigade d’assaut par air et d’autres unités territoriales et paramilitaires.

Les forces ukrainiennes de la zone représentent 1/6e des forces totales ukrainiennes. Elles sont de bon niveau tactique et s’appuient sur des positions solides, mais elles sont déjà usées.

L’intention russe est clairement à l’Est de s’emparer au plus vite de Severdonetsk et surtout à l’Ouest de pousser d’Yzium vers Bervinkove, une petite ville de 8 000 habitants à 30 km à l’Ouest de Sloviansk tenue par la 85e brigade. Il n’est pas question pour l’instant de s’emparer du bastion urbain Sloviansk-Kabarovsk mais de le contourner.

Zone du Donbass-Est

Le 2e Corps d’armée de la république séparatiste de Lougansk accompagne, par l’Est,  l’action russe contre Severodonetsk et tente plus au Sud de s’emparer de Popasna tenue par la 24e brigade mécanisée ukrainienne.  

Le 1er Corps d’armée de la république séparatiste de Donetsk tente toujours de progresser vers l’Ouest depuis la ville de Donetsk sur la N15 et surtout sur l’autoroute E50, mais la 95e brigade d’assaut aérien ukrainienne résiste sur des positions fortifiées.

Zone du Donbass-Sud

Les Russes progressent toujours dans Marioupol mais très lentement. L’incertitude est complète sur la date de la prise de la ville. Il paraît difficile d’imaginer que la 150e division motorisée russe soit capable d’enchaîner de nouveaux combats en direction de Zaporijjia à l’issue de la prise de la ville. 

On observe un équilibre des forces sur la ligne Sud du Donbass entre trois brigades ukrainiennes en position défensive – 59e, 56e et 53e motorisées/mécanisée –  et la 42e division motorisée russe, en position offensive. La prise de Zaporijjia serait d’un grand intérêt pour les Russe, mais ils se contentent pour l’instant de bombarder la ville, en attendant sans doute d’avoir les moyens d’effectuer une attaque.

Zone du Sud-Ouest 

On assiste à des contre-attaques ukrainiennes en direction de Kherson depuis Kryvyi Rhi et Mykolayev. La reprise de Kherson par les forces ukrainiennes et le franchissement du Dniepr serait un coup très dur porté aux Russes, mais c’est très peu probable.

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Perspectives 

La structure de base de l’armée de Terre russe est le « GTIA lourd », composé de 800 à 1000 hommes, de 120 véhicules blindés et d’une puissante artillerie – il s’agit en fait d’un bataillon de « mêlée » et d’un bataillon d’artillerie accolés. La structure ukrainienne est différente avec des « GTIA légers » de 300 à 500 hommes, de différentes configurations en fonction de leurs équipements majeurs, mais quasiment tous de mêlée. 

Les GTIA russes sont réunis par deux, trois ou parfois quatre, dans des brigades indépendantes ou des régiments incorporés dans des divisions blindées ou motorisées.

Les GTIA ukrainiens sont regroupés par trois ou quatre, avec un groupement d’artillerie dans une brigade d’environ 3 000 hommes. En fonction du dosage des types de GTIA, l’armée ukrainienne dispose d’une trentaine de brigades de différents types – blindées, mécanisées, motorisées, montagne, légère, assaut aérien, aéroportée, infanterie navale. 

Au niveau du combat local, il existe un seuil de densité de forces sur les points de contact, en dessous duquel on n’exerce pas assez de puissance de feu pour être efficace et au-dessus duquel on ajoute surtout des pertes. Cela conduit à des rapports de volumes souvent proches, qui sont très rarement supérieurs au rapport 2 contre 1.

Le GTIA ukrainien semble mieux adapté que le russe, à la fois lourd à commander, insuffisant en troupes de contact et moins efficace dans ces feux indirects face à un adversaire en position défensive ou très retranchée dans une localité, ce qui est souvent le cas. Les expériences russes réussies de 2014 et 2015 ont pu être trompeuses dans la mesure où les GTIA bénéficiaient de l’infanterie des milices séparatistes et parce que les unités ukrainiennes étaient moins bien organisées.

L’organisation générale ukrainienne est zonale avec quatre commandements régionaux qui combinent ces brigades de manœuvre, des éléments organiques – une brigade d’artillerie et un bataillon de reconnaissance par région -,  les bataillons territoriaux de réservistes et les bataillons de volontaires divers, souvent rattachés au ministère de l’Intérieur, pour former des groupements ad hoc de défense de zones. Ces groupements de zones, articulés autour de la 1ère brigade blindée ukrainienne, ont pu résister à une armée complète russe, notamment à Chernihiv

On doit souligner l’importance des réserves ukrainiennes, dans l’armée territoriale, mais aussi dans l’armée régulière avec notamment un tiers des brigades les plus lourdes. Sans réservistes, l’armée ukrainienne n’aurait sans doute pas résisté, et avec de réelles unités de réserve professionnelles, l’armée russe ne se trouverait pas dans cette situation.