• En relançant le format Normandie le 26 janvier dernier, au niveau des conseillers politiques, les Européens ont entamé des pourparlers pour apaiser les tensions entre Kiev et Moscou. Les deux visites simultanées du Président français et du Chancelier allemand concrétisent ce retour au premier plan des Européens dans le jeu diplomatique, après avoir été marginalisés par les discussions bilatérales russo-américaines des deux derniers mois. 
  • Pour Paris, le maître mot de cette séquence diplomatique est la « désescalade ». Emmanuel Macron a préparé sa visite en multipliant les appels téléphoniques avec les parties prenantes du conflit. Le Président français a appelé trois fois Vladimir Poutine, deux fois Zelensky et une fois Biden ces dix derniers jours. La France tente de maintenir une position d’équilibre dans cette crise. Emmanuel Macron a ainsi déclaré avant sa visite « Cela fait plusieurs semaines que je lis ou entends de grands responsables annoncer des opérations imminentes de semaine en semaine, l’intensité du dialogue que nous avons eu avec la Russie et cette visite à Moscou sont de nature à empêcher que cela n’advienne […]. Nous n’obtiendrons pas de gestes unilatéraux, mais il est indispensable d’éviter une dégradation de la situation ». Pour Macron, « l’objectif géopolitique de la Russie n’est pas l’Ukraine, mais la clarification des règles de cohabitation avec l’OTAN et l’Union européenne », mais le « dialogue efficace et durable avec la Russie ne doit passer par la fragilisation de quelque État que ce soit » 1
  • Le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, a aussi déclaré que l’envoi de près de 1 000 militaires français en Roumanie dans le cadre de l’OTAN n’était pas « un acte de provocation » envers la Russie2, alors même que Paris et Moscou s’opposent frontalement sur d’autres dossiers comme la situation sécuritaire au Sahel. Pourtant, les initiatives françaises comme la proposition d’une nouvelle architecture de sécurité en Europe avec la Russie et cette visite officielle à Moscou suscitent beaucoup d’incompréhension dans la région.
  • Du côté ukrianien, alors qu’Emmanuel Macron doit se rendre demain à Kiev, Mykhaïlo Podoliak, conseiller du chef de l’administration présidentielle ukrainienne, a affirmé hier que « les chances de trouver une solution diplomatique sont considérablement supérieures à celles d’une nouvelle escalade » 3, minimisant ainsi les alertes des renseignements américains, qui estiment que la Russie a désormais 70 % du matériel militaire nécessaire pour mener une invasion totale de l’Ukraine. 
  • Lors de sa visite à Washington, le chancelier Scholz s’entretiendra avec Joe Biden sur les tensions entre la Russie et l’Ukraine, la Chine et le G7 (présidé par l’Allemagne cette année). Mais Scholz doit surtout redorer l’image de l’Allemagne outre-Atlantique, l’ambassadrice allemande aux États-Unis ayant en effet transmis l’idée que l’Allemagne pouvait apparaître comme un « partenaire non fiable » selon de nombreux Américains4. Vis-à-vis de Moscou, Scholz a parlé, comme beaucoup, de fortes représailles si la Russie envahissait l’Ukraine, mais a longtemps considéré que le gazoduc Nord Stream 2 devait être traité comme un projet purement privé, provoquant de franches oppositions à Washington. 
  • Alors que la ministre des Affaires étrangères allemande, Baerbock, membre des Verts allemands, a rencontré son homologue américain Blinken dès début janvier et a multiplié les prises de position sur les tensions russo-ukrainiennes, il a été reproché au chancelier sa relativement faible implication dans le dossier ukrainien. Fin janvier, le journal allemand Spiegel écrivait : « Le principal handicap pour la politique étrangère allemande en ce moment, c’est le parti SPD du chancelier ». Dans une interview au Washington Post ce week-end5, Scholz a néanmoins réaffirmé que la position des Européens en cas d’invasion de la Russie serait une position forte et unanime. Il a enfin expliqué dans une interview à la télévision allemande que l’Allemagne pourrait envoyer des troupes supplémentaires en Lituanie dans le cadre de l’OTAN ce mois-ci6.
  • Les 14 et 15 février, le chancelier Scholz devrait se rendre à Kiev, puis à Moscou afin de continuer les efforts franco-allemands pour aboutir à une désescalade7