• La Qatar est un Émirat dont la charia est la base du droit et où la dynastie Al Thani détient la majeure partie du pouvoir. L’émir actuel, Tamim bin Hamad Al Thani, au pouvoir depuis 2013, est animé par une volonté de réformes  1 et recherche la prospérité économique après le blocus lancé notamment par l’Arabie Saoudite en 2017. Par ailleurs, le Qatar est un des pays avec le revenu par habitant le plus élevé au monde du fait de ses ressources pétrolières. 
  • Pour la première fois dans son histoire, des élections législatives ont eu lieu pour élire 30 des 45 membres du Conseil consultatif du Qatar, autrefois tous nommés par l’émir.  Ce Conseil consultatif, ou Conseil de la Shoura, créé en 1972, a été doté de nouveaux pouvoirs comme le contrôle de l’action du gouvernement, le contrôle du budget et la proposition de lois et d’amendements. Les partis politiques sont tout de même interdits au Qatar, ce qui limite les possibilités de réelles oppositions.
  • Des élections municipales avaient eu lieu en 2019, mais moins de 10 % des électeurs s’étaient déplacés pour élire leurs représentants. Cette fois, selon les chiffres officiels, 63,5 % des citoyens effectivement autorisés à voter ont participé aux élections. Aucune des 28 femmes n’a par ailleurs été élue, et 101 candidats auraient renoncé à se présenter le jour même de l’élection selon les autorités officielles 2.   
  • Le référendum constitutionnel de 2003 inclut ce dispositif d’élection d’une partie du Conseil par les citoyens mais sa mise en application a été maintes fois repoussée. Les élections prévues en 2011 et 2017 n’ont ainsi jamais eu lieu du fait des possibles ingérences extérieures. Les élections de 2021 ne se sont pas faites dans un contexte social et économique urgent, et les questions discutées au sein du Conseil relèveront plutôt d’enjeux domestiques comme la sécurité alimentaire ou le droit des femmes. 
  • Ces élections ne peuvent être détachées d’un contexte régional et international particulier. 2017 a été l’année du blocus réalisé par le Quartet (l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, l’Égypte et Bahreïn) contre le Qatar, et si les relations ont été rétablies avec l’Arabie Saoudite en janvier 2021, les relations restent tendues entre les EAU et le Qatar. Ces élections sont par ailleurs un défi pour l’Arabie Saoudite, pays où le pouvoir est centralisé et dont la population est jeune, et qui pourrait donc faire face à des contestations de la part de la frange modernisatrice de la société. 
  • Entre 80 % et 90 % des près de 2,6 millions d’habitants au Qatar sont étrangers et ne peuvent pas voter. La croissance démographique du Qatar a été exponentielle, passant de 360 000 habitants en 1986 à 744 000 habitants en 2004. Les Qataris, qui ne détiendraient qu’1,75 % de l’ensemble des emplois, bénéficient d’importants avantages financiers et sociaux, comme un emploi garanti dans la fonction publique, dont les salaires ont été augmentés de 60 % en 2011  3
  • Au sein même des citoyens du Qatar, tous ne peuvent pas voter. Les élections sont ainsi réservées aux “qatariens d’origine”, dont les ancêtres sont qataris, et les “qatariens naturalisés” dont le grand-père a vécu au Qatar. Ces conditions excluent entre 20 et 25 % des citoyens. La situation nationale est de plus marquée par le conflit entre les Al Thani, au pouvoir, et la tribu Al Murrah, dont de nombreux membres ont été déchus de leur nationalité entre les années 1990 et 2017.  
  • Le Qatar est par ailleurs le pays hôte de la Coupe du monde de football de 2022 et est vivement critiqué du fait des conditions de travail sur les chantiers des travailleurs étrangers. Une enquête du Guardian 4, démentie par le Qatar, affirmait que 6500 travailleurs étrangers étaient morts depuis 2010. Amnesty International dénonce par ailleurs le manque d’investigation concernant ces décès, puisque, selon l’ONG, 70 % des décès n’auraient pas de causes déterminées. Ces élections pourraient alors, entre autres, être un moyen de regagner la confiance internationale.
Sources
  1. Giuseppe Dentice, Qu’y a-t-il derrière le remaniement gouvernemental au Qatar ?, Le Grand Continent, 11 novembre 2018
  2. Élections inédites au Qatar, mais aucune femme élue, Sud-Ouest, 3 octobre 2021
  3. Angélique Mounier-Kuhn, Le nombre de nationaux, sujet délicat au Qatar, Le Monde Diplomatique, octobre 2018
  4. Revealed : 6,500 migrant workers have died in Qatar since World Cup awarded | Workers’ rights, The Guardian, 23 février 2021