• La Chine est le premier producteur mondial de gaz à effets de serre avec plus de 10 milliards de tonnes de CO2 émises en 2018, correspondant à presque 30 % des GES émis à l’échelle mondiale. Son mix national reposait en 2018 à 73 % sur le charbon pour sa production d’énergie, faisant du pays l’un des moins avancés pour atteindre la neutralité carbone. En juillet dernier, la Chine lançait son premier système d’échange de quotas d’émissions de CO2, laissant présager l’amorce d’un changement dans la stratégie énergétique chinoise, conformément aux objectifs fixés dans le quatorzième plan quinquennal.
  • Pékin s’est fixé l’objectif de réduire de 65 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, devant les 55 % de l’Union européenne à la même échéance fixés par le plan Fit for 55, et souhaite atteindre la neutralité carbone avant 2060. Cependant, si la Chine est un pollueur important à l’intérieur de ses frontières, elle contribue également à la pollution à l’échelle globale en construisant ainsi qu’en finançant la construction de centrales à charbon à l’étranger.
  • Dans le premier numéro de la nouvelle revue du Groupe d’études géopolitiques, GREEN, Han Chen et Cecilia Springer observent que « la répartition régionale des investissements chinois dans des centrales électriques à l’étranger ne présente pas de logique apparente, et est très inégale. Les différents types de combustibles et leurs proportions varient également selon les régions »1. Devant les investissements directs à l’étranger (IDE), ce sont les « Ingénierie, Approvisionnement et Construction » (IAC) qui incarnent le plus l’implication chinoise dans la production d’électricité à l’étranger.
  • La majorité des investissements et contrats chinois visant à construire des centrales à charbon à l’étranger concernent des pays asiatiques du Sud-Est et du Sud, pour la plupart traversés par les Nouvelles routes de la soie. L’Inde figure à la tête de ce classement avec un total de 49 gigawatts (GW) de centrales charbon associées à des entrepreneurs de construction chinois, sur un total de 150 GW identifiés.
  • La carte des centrales de production d’électricité financées par la Chine à l’échelle mondiale montre qu’au-delà de la place prépondérante de l’Inde, les centrales en projet ou opérationnelles s’étendent bien au-delà des Nouvelles routes de la soie, ou de la zone d’influence régionale chinoise. Depuis le début du siècle, la Chine a su s’imposer comme un acteur incontournable pour permettre à certains pays en développement, comme le Myanmar ou le Cambodge, de fournir de l’électricité à leurs populations en proposant des solutions de financement ainsi que des aides au développement.
  • L’annonce faite par Xi Jinping à l’Assemblée générale des Nations unies marque un point de rupture important pour la transition énergétique, mais ne signifie pas pour autant que la Chine cessera d’investir dans de telles infrastructures à l’étranger via des IDE ou à travers des banques politiques. Toutefois, si pour le moment la Chine a « uniquement soutenu des projets au charbon à l’étranger, et même exclusivement en Asie centrale et du Sud sur la période 2000-2033 », elle pourrait progressivement se tourner vers le financement d’énergies renouvelables à l’étranger.
  • Ainsi, il se pourrait que cette annonce confirme le changement de stratégie opéré par Xi Jinping consacrant la Chine comme une puissance écologique globale. Si des obstacles politiques subsistent pour effectuer une transition radicale des énergies fossiles vers les énergies renouvelables, Pékin aurait grand intérêt à parier sur des Nouvelles routes de la soie plus écologiques. La reconnaissance grandissante de la primauté de la nécessité de la transition énergétique afin de lutter contre le réchauffement climatique fait de l’écologisme un des champs de bataille de la nouvelle guerre froide qui se joue entre la Chine et les États-Unis ; dans cette optique, il est fort à parier que Pékin y trouve un intérêt certain.
Sources
  1. Han Chen et Cecilia Springer, « Routes de la soie : disparités et inégalités des investissements énergétiques régionaux de la Chine », GREEN, n° 1, Groupe d’études géopolitiques.