Jeudi 23 septembre une cour d’appel de Palerme a rendu son verdict sur un important procès. La question principale, en substance, était de savoir si, pendant un passage critique de l’histoire du pays, entre 1992 et 1994, la mafia sicilienne a fait du chantage à l’État italien pour ouvrir une négociation avec lui. La décision de première instance, rendue en 2018, avait répondu par l’affirmative, en condamnant deux chefs mafieux ainsi que les intermédiaires qui, de l’intérieur des autorités publiques, auraient fait chanter trois gouvernements successifs. Le procès en appel a commencé en avril 2019. Le verdict rendu ce 23 septembre contredit largement la decision de premiere instance : les intermédiaires, sur les quels l’attention des medias s’est concentrée, ont été acquittés. Mais la condamnation des chefs mafieux a été confirmée, ce qui indique que le chantage a eu lieu.

Le texte qui suit a été rédigé après la décision de première instance. Il a néanmoins semblé utile de le publier, parce que certains faits mis au jour par l’enquête judiciaire, également par des moyens inaccessibles aux chercheurs, jettent une lumière utile sur le rôle de la mafia dans l’économie politique italienne, ainsi que parce que ces faits ont reçu moins d’attention qu’ils ne le méritent. Nous y reviendrons, également pour discuter des craintes largement exprimées que le crime organisé puisse s’emparer d’une partie des fonds européens Next Generation EU de l’Italie.

Dans l’après-midi du 20 avril 2018, un tribunal pénal siégeant à Palerme, la capitale de la Sicile, a rendu un jugement potentiellement très important1. La motivation de la décision a été publiée au cours de l’été, mais le simple verdict suffit pour en apprécier la pertinence. Il affirme qu’entre 1992 et 1994, à travers des procédés terroristes ayant tué plus de deux douzaines de citoyens et ébranlé le pays, la mafia sicilienne a fait chanter le gouvernement italien, et ce grâce à l’aide de certains fonctionnaires.

Le procès a été long : cinq ans, 228 audiences et 190 témoins. Il a également été controversé, car de nombreux fonctionnaires et hommes politiques de premier plan ont été interrogés — y compris le chef de l’État, Giorgio Napolitano — et parce que l’accusation semblait entacher plusieurs d’entre eux. Les médias en effet, souvent critiques, ont eu tendance à considérer « l’État » comme le véritable accusé dans ce procès.

L’hypothèse des procureurs, qui semble avoir été presque entièrement confirmée par le tribunal, était plus restreinte. Selon l’agence Reuters, l’un d’entre eux a déclaré que le verdict prouvait « que certaines parties de l’État ont servi d’intermédiaire pour répondre aux demandes de la mafia (….). Alors que les juges étaient victimes d’explosions, certaines personnes de l’État ont aidé [la mafia] »2. Le ton polémique de ces derniers mots est probablement une réponse aux critiques qui ont accompagné le procès et qui ont quelque peu éclipsé les cadavres qui constituaient son arrière-plan immédiat, car c’est bien la stratégie terroriste de la mafia qui était au centre du procès.

Le ton polémique de ces derniers mots est probablement une réponse aux critiques qui ont accompagné le procès et qui ont quelque peu éclipsé les cadavres qui constituaient son arrière-plan immédiat, car c’est bien la stratégie terroriste de la mafia qui était au centre du procès.

Andrea Capussela

Je situerai d’abord cette organisation criminelle dans l’économie politique italienne, en m’appuyant sur un livre que j’ai publié sur le sujet, puis j’aborderai le verdict rendu, qui m’a amené à reconsidérer certains passages du livre. Il est toutefois utile de rappeler que les faits discutés dans ce procès remontent à plus d’un quart de siècle, et que dans les décennies suivantes la mafia sicilienne semble s’être considérablement affaiblie.

Les affaires et l’influence plus large de la mafia

La mafia gagne de l’argent par la violence. Elle vend de la protection, fait du commerce de biens illicites et s’immisce dans les marchés en les cartellisant ou en les monopolisant ; à travers la corruption, elle s’immisce également dans les marchés publics. Pour maximiser les profits et minimiser les risques, elle préfère toujours menacer plutôt que d’utiliser la violence ; et pour que la menace soit crédible, l’organisation a besoin d’un certain contrôle territorial. Un contrôle à la fois discret, idéalement pour ne pas défier ouvertement l’État, et incontournable, pour que la menace reste toujours présente. C’est pourquoi dans les quartiers urbains et dans les zones rurales de Sicile qu’elle contrôle, la mafia s’engage également dans des activités d’extorsion systématique à faible marge et à forte intensité de main-d’œuvre.

La violence terroriste ou aveugle n’a aucun sens de ce point de vue, et n’a jamais été utilisée avant la période 1992-1994 — ni depuis d’ailleurs. Cette stratégie a dû répondre à d’autres priorités que celles que je viens d’esquisser ; le verdict met en évidence les liens entre la mafia et la politique.

Le contrôle territorial confère en effet à la mafia une influence politique qu’elle exerce principalement en orientant les choix de vote des habitants vers les partis et les candidats choisis par l’organisation, généralement en échange d’une tolérance officielle et de possibilités de revenus. À son tour, le flux des profits de la mafia dans l’économie lui confère une influence à la fois dans les secteurs commercial et financier et dans la société civile au sens large. Ces liens structurels avec les élites sociales, économiques et politiques — tant au niveau régional que, dans une moindre mesure, au niveau national — amplifient le pouvoir de la mafia et expliquent pourquoi un phénomène aussi archaïque en apparence, qui nourrit encore les vestiges symboliques de ses racines d’ancien régime, a pu survivre à la transformation socio-économique radicale que l’Italie et la Sicile ont connu après la Seconde Guerre mondiale. À mon avis, d’ailleurs, ces liens sont l’une des particularités qui font que l’équilibre politico-économique de l’Italie diffère quelque peu de celui des autres pays de la zone euro.

Ces liens structurels avec les élites sociales, économiques et politiques — tant au niveau régional que, dans une moindre mesure, au niveau national — amplifient le pouvoir de la mafia et expliquent pourquoi un phénomène aussi archaïque en apparence, qui nourrit encore les vestiges symboliques de ses racines d’ancien régime, a pu survivre à la transformation socio-économique radicale que l’Italie et la Sicile ont connu après la Seconde Guerre mondiale.

Andrea Capussela

Une conclusion bien établie de la littérature spécialisée est qu’entre 1948 et 1992 la mafia a soutenu de manière assez constante le parti qui a dominé la politique italienne tout au long de ces décennies : la démocratie chrétienne. Par la suite, on pense généralement que la mafia a surtout soutenu le parti Forza Italia de Silvio Berlusconi et ses alliés centristes et post-fascistes.

Ces liens constituent toutefois l’aspect le moins connu des activités de la mafia, notamment parce que les enquêtes ont été relativement peu nombreuses et ont rarement abouti. Ce sujet est en outre extrêmement controversé, notamment parce qu’il se prête aux théories du complot de toutes sortes et qu’il est souvent utilisé à mauvais escient pour obtenir des avantages politiques partisans. Pourtant, des recherches empiriques récentes apportent un soutien économétrique convaincant au tableau que je viens d’esquisser.

Preuves empiriques de l’influence politique de la mafia

Une étude récente a examiné les résultats de toutes les élections nationales de la période 1946-1992 et mis en évidence que dans les municipalités siciliennes où la présence de la mafia était la plus forte — comme le montrent les données de la police — le soutien aux chrétiens-démocrates était considérablement plus élevé que dans les autres municipalités, en particulier lorsque le parti était le plus exposé à la concurrence du parti communiste, son principal adversaire3. En particulier, lorsque la part des communistes dans le vote national était la plus proche de celle des chrétiens-démocrates, au cours des années 1970, dans ces municipalités, « la présence de la mafia augmentait la part du [vote chrétien-démocrate] d’environ 13 % en moyenne ». Le soutien de la mafia était donc à la fois précieux et tangible : cette étude fournit également des preuves qu’en retour la mafia obtenait des opportunités de profit dans le secteur de la construction.

Un autre article traite des liens entre la violence de la mafia et son influence politique4. Il mesure la fréquence des homicides politiques en Sicile au cours de la période 1945-2013 et compare ces données aux résultats électoraux et à la fréquence à laquelle les parlementaires élus sur l’île ont mentionné la mafia dans leurs discours parlementaires (un indicateur approximatif d’opposition à la mafia car on ne la mentionne que pour la stigmatiser). Il conclut que les homicides politiques ont été anormalement élevés au cours des douze mois précédant et suivant chaque élection, et que l’augmentation de la violence politique était corrélée au déclin du soutien électoral des adversaires politiques des partis soutenus par la mafia, ainsi qu’à la fréquence des discours parlementaires mentionnant la mafia. En d’autres termes, par sa violence politique, la mafia soutenait à la fois ses propres alliés et se protégeait elle-même.

Une autre recherche empirique a estimé les conséquences économiques de cet état de fait, arrivant à la conclusion que dans deux régions du Sud, sur une période de trente ans, l’omniprésence du crime organisé a fait baisser le PIB par habitant de 16 %5.

Le jugement

La décision de justice semble avoir établi qu’au début de la stratégie terroriste de la mafia, au premier semestre 1992, certains fonctionnaires ont approché l’organisation. Les négociations qui ont suivi ont été à la fois fructueuses — à leur manière — car cette stratégie a finalement été abandonnée, et contre-productives, car la mafia a continué à tuer des citoyens pendant les pourparlers, afin d’augmenter son pouvoir de négociation.

L’hypothèse résiste à un examen logique. En recherchant des pourparlers et en les encourageant, les autorités ont démontré leur propre vulnérabilité et l’ont accrue. On peut donc se demander de manière plausible si les pertes auraient été moindres si les pourparlers n’avaient pas été ouverts. De plus, comme nous le verrons, les pourparlers ont pu avoir pour effet de déplacer la cible de la mafia d’un groupe de victimes à un autre. Ce n’est cependant pas le crime pour lequel les accusés ont été condamnés : les mafiosi ont été condamnés pour avoir fait chanter trois gouvernements successifs, et d’autres pour les avoir aidés en agissant comme intermédiaires. Ainsi, même si certains de leurs membres ont pu être complices des pourparlers, les gouvernements italiens de 1992-1994 ont été les victimes du crime.

Plus précisément, le verdict a condamné un mafioso de très haut rang à 28 ans de prison et un autre de moindre importance à 12 ans. Les supérieurs immédiats du premier — Salvatore Riina et Bernardo Provenzano, qui ont dirigé la mafia pendant la période considérée ici — ont tous deux été inculpés mais sont morts en prison pendant le procès. Les intermédiaires — trois hauts responsables de la sécurité et un homme d’affaires et politicien de premier plan — ont été condamnés à 12 ans de prison. L’accusation a fait valoir qu’ils avaient agi sur les instructions d’autorités supérieures, mais n’a inculpé qu’un seul d’entre eux, un chrétien-démocrate qui était membre du gouvernement en place jusqu’en juin 1992. Il a cependant obtenu un procès séparé plus rapide et a été acquitté en 2015 — acquittement aujourd’hui définitif et irrévocable. 

Le verdict comme source de preuves historiques

Tout au long du procès, les nombreux détracteurs de l’accusation ont invoqué à la fois des raisons juridiques et l’énormité même de l’accusation. Je suis incompétent pour évaluer leurs arguments, mais je dois dire que beaucoup semblent désintéressés et que certains paraissent raisonnables6.

Le jugement a rejeté ces objections mais il a déjà fait l’objet d’un appel et pourrait bien être annulé : le procès en appel s’achève le 20 septembre et la décision sera annoncée dans les jours suivants. Cependant, la question de savoir si les faits constatés constituent ou non un crime est en grande partie sans importance si l’on veut mieux comprendre l’histoire récente de l’Italie : ce qui compte, c’est de savoir qui a fait quoi et quand, et non les qualifications juridiques. Cela vaut également pour les autres jugements — tous définitifs et irrévocables — que je vais mentionner. Et s’ils résistent à l’examen critique des chercheurs, les faits que ce procès a mis au jour — grâce à des instruments dont les historiens ne disposent pas — peuvent éclairer l’étendue et la nature de l’influence politique de la mafia à un moment critique de l’histoire républicaine de l’Italie et, indirectement, son rôle aujourd’hui. À l’inverse, même après le verdict, les médias italiens se concentrent toujours moins sur les faits que sur les questions de culpabilité criminelle ou d’avantage politique.

La question de savoir si les faits constatés constituent ou non un crime est en grande partie sans importance si l’on veut mieux comprendre l’histoire récente de l’Italie : ce qui compte, c’est de savoir qui a fait quoi et quand, et non les qualifications juridiques.

Andrea CapusSela

Avant d’aborder le verdict, il convient toutefois de faire deux mises en garde importantes. Premièrement, en l’absence de motivation, nous savons seulement que le tribunal a approuvé les principales conclusions du procureur, mais pas nécessairement ses arguments détaillés. Deuxièmement, je ne connais ces derniers que par les résumés publiés par les médias. Ainsi, lorsque je mentionne « le verdict », je cite en fait ma propre compréhension indirecte de ce que le tribunal pense vraisemblablement. Je pense néanmoins que ces rapports médiatiques sont tout à fait suffisants, du moins pour les passages critiques, et qu’il est fort probable que le tribunal ait accepté la version du procureur sur les événements les plus cruciaux, auxquels je vais me limiter.

Le contexte et le début de la stratégie terroriste de la mafia

Les années 1992-1994 marquent un passage critique, à la fois décisif et très incertain. Dans une succession rapide, l’Italie a vu s’effondrer le système politique de l’après-guerre, écrasé par le poids de sa propre corruption et par une méfiance populaire généralisée, par une crise monétaire et par la dette qui a failli mettre l’État en faillite, précipitant l’ajustement budgétaire le plus sévère depuis l’unification du pays (1861), et l’émergence d’une nouvelle série d’acteurs et d’institutions politiques. C’est dans ce contexte que la mafia a lancé sa stratégie terroriste, un facteur qui a certainement interagi avec ces dynamiques plus puissantes. Pour l’expliquer, il faut toutefois revenir quelques années en arrière.

Grâce à de meilleures méthodes d’investigation et aux informations fournies par un mafioso de premier plan qui avait choisi de coopérer avec eux, en février 1986, les magistrats de Palerme — parmi lesquels Paolo Borsellino et Giovanni Falcone — ont inculpé tous les dirigeants connus de la mafia et des centaines de ses cadres et fantassins, et en ont arrêté un grand nombre. Ce « maxi-procès » sans précédent reposait sur l’analyse selon laquelle la mafia sicilienne était une organisation verticale, dans laquelle les dirigeants étaient responsables des actions de leurs subordonnés : une interprétation qui avait jusqu’alors été largement rejetée par la Cour suprême, qui acquittait généralement les hauts gradés de la mafia en raison de l’absence de preuves sur les crimes individuels.

Pour envoyer aux démocrates-chrétiens un signe tangible de son mécontentement, lors des élections nationales de 1987, la mafia a partiellement déplacé son soutien politique vers d’autres partis, les plus critiques à l’égard du système judiciaire — les socialistes, fortement entachés par la corruption, et un petit groupe de libertaires.

En décembre 1987, le tribunal de première instance de Palerme a fait sienne l’analyse de l’accusation et prononcé plus de 300 condamnations, dont des peines de prison à vie à l’encontre de 19 chefs mafieux. On pense que ces derniers s’attendaient à ce que le jugement soit annulé en appel, comme beaucoup d’autres l’avaient été auparavant, en raison également de leurs liens avec la Démocratie chrétienne.

Ces liens n’étaient alors que des allégations. Ce n’est qu’au cours du procès de 1993-2004 que des preuves claires sont apparues, au cours duquel Giulio Andreotti — sept fois Premier ministre, entre 1972 et 1992, et vingt-sept fois ministre, le premier en 1954 — a été reconnu coupable de complicité avec la mafia pendant les années 1970 (pour les années 1980, il a été acquitté car les preuves étaient insuffisantes). La Cour suprême évoque la « disponibilité authentique, stable et amicale d’Andreotti… envers les mafiosi ». Toutefois, en raison de la prescription, il n’a pas été condamné et emprisonné, ce qui a contribué à ce que ce jugement — et les implications inquiétantes des faits (datant également des années 1980) qu’il avait constatés — soit assez largement ignoré.

Le 31 janvier 1992 la Cour suprême confirme la plupart des 300 condamnations prononcées à Palerme, y compris celles à l’encontre des hauts responsables de la mafia. Le coup porté à la structure de l’organisation et à la crédibilité interne de ses dirigeants, qui s’attendaient à l’impunité ou du moins à la clémence qu’ils avaient promise à leurs subordonnés, est aussi inattendu que dévastateur.

Le coup porté à la structure de l’organisation et à la crédibilité interne de ses dirigeants, qui s’attendaient à l’impunité ou du moins à la clémence et l’avaient promise à leurs subordonnés, est aussi inattendu que dévastateur.

Andrea CapusSela

Six semaines plus tard, le 12 mars, la mafia tuait l’homme politique sicilien qui — comme l’écrit Denis Mack Smith dans son Histoire de l’Italie moderne — était « le principal agent d’Andreotti en Sicile » et « représentait secrètement depuis de nombreuses années les intérêts de la mafia à Rome » : le meurtre était à la fois une « représailles » pour ne pas avoir empêché ce coup judiciaire, commente l’historien, et « un avertissement pour les autres »7. Cette analyse est partagée par la littérature spécialisée. Par exemple, dans son histoire de la mafia, Salvatore Lupo affirme qu’en assassinant ce dernier et un autre interlocuteur politique de longue date, l’organisation a réagi à « l’incapacité du pouvoir politique à conserver un contrôle ferme sur le système judiciaire [et] à assurer les protections qu'[elle] attendait »8.

Après avoir puni ses interlocuteurs politiques inefficaces ou déloyaux, la mafia s’est retournée contre ses adversaires. Le 23 mai, elle a tué le juge Falcone, le 19 juillet, le juge Borsellino. Tous deux l’avaient prédit, lucidement. La vengeance et la prévention d’enquêtes plus poussées semblent en effet des explications suffisantes pour ces deux meurtres. C’est moins vrai pour leur méthode, qui était délibérément et sans précédent emphatique. Falcone, sa femme et les trois policiers de son escorte sont morts lorsque le tronçon de l’autoroute sicilienne sur lequel circulaient leurs voitures a été soufflé par trois cents kilogrammes d’explosifs. Borsellino et cinq policiers sont morts lorsque, arrivés devant l’immeuble où vivait la mère du juge, dans une rue de Palerme, les explosifs qui remplissaient le coffre d’une voiture garée près de l’entrée ont explosé. Le verdict suggère que les négociations avec la mafia ont commencé peu après le premier massacre, et expliquent en partie le second.

Le début des pourparlers

Entre le jugement final du maxi procès (janvier 1992) et la première bombe (mai 1992), la mafia a tué deux de ses anciens interlocuteurs politiques, comme je l’ai dit. Aucun d’entre eux n’était cependant un personnage de très haut rang, et nous savons maintenant que les contacts de la mafia ont atteint des niveaux plus élevés. Cela explique pourquoi — comme le verdict l’a établi — les services de sécurité ont estimé à cette époque que la vie de plusieurs hommes politiques de premier plan et également corrompus, pour la plupart des démocrates-chrétiens, était en danger, et ont informé au moins certains d’entre eux (dont l’ancien ministre acquitté en 2015).

Peu après la première explosion, des mesures législatives urgentes ont été adoptées, l’article dit « 41-bis », en vertu duquel un grand nombre de mafiosi siciliens emprisonnés (et de membres d’autres organisations criminelles) ont été placés en isolement strict, souvent dans des prisons insulaires : en partie à titre de représailles, effectivement, et en partie pour les empêcher d’exercer leur pouvoir depuis leur cellule (apparemment, des instructions verbales ou écrites filtraient souvent dans les prisons ordinaires).

En parallèle, cependant, trois hauts responsables de la sécurité — ceux qui ont été condamnés par le verdict — ont approché un mafioso renommé — un ancien maire démocrate-chrétien de Palerme, décédé en 2002, qui a été condamné dans le maxi procès et dont le parrain politique depuis le début des années 1970 était Andreotti — pour ouvrir des discussions avec l’organisation. Leur demande — selon le verdict — était évidente : cesser d’assassiner des hommes politiques et des juges. Les principales demandes de la mafia, que le verdict attribue à son chef de l’époque (Riina), étaient tout aussi prévisibles : l’abrogation ou l’assouplissement de ces mesures d’isolement, qui dépendaient d’une décision du ministère de la Justice, et d’autres beaucoup moins praticables comme la révision des peines (irrévocables) prononcées dans le « maxi-procès » et des modifications de la loi accordant des incitations et une protection aux renégats de la mafia, dont le rôle avait été crucial dans ce procès, ainsi que des modifications de la loi facilitant la confiscation des biens mal acquis des criminels. Ils voulaient retrouver un peu de liberté et d’argent, en bref, et moins de risques à l’avenir. Dans l’ensemble, cependant, la mafia demandait effectivement à l’État de faire publiquement marche arrière.

Dans l’ensemble, cependant, la mafia demandait effectivement à l’État de faire publiquement marche arrière.

Andrea CapusSela

Quelque temps après la mort du juge Falcone, son collègue Borsellino a eu connaissance de ces négociations. Il s’y opposait fermement et était certainement capable d’y faire obstacle. Cela explique le moment et la méthode de son meurtre, suggère le verdict, et pourrait avoir été sa principale raison d’être. En effet, l’explosion qui l’a tué a montré aux rares personnes qui connaissaient les pourparlers les conséquences d’une opposition à ces derniers.

L’évolution des pourparlers et la logique de la stratégie de la mafia

Après ce deuxième massacre, l’Europe a craint pour la stabilité politique du pays, écrit Paul Ginsborg dans son Histoire de l’Italie d’après-guerre9. Peu après, la crise de la monnaie et de la dette de septembre 1992 a fait frôler le désastre fiscal et financier. En janvier 1993, le chef de la mafia (Riina) a été arrêté près de Palerme, où il avait vécu pendant des décennies en tant que fugitif. Deux mois plus tard, Andreotti est accusé de complicité avec la mafia.

Si certains fonctionnaires ont donc négocié avec la mafia, d’autres ont agi avec détermination contre elle. À cet égard, le verdict pourrait également clarifier si — comme l’a prétendu l’accusation — Riina a été trahi par une faction moins agressive de la mafia, dirigée par son successeur, Provenzano. En d’autres termes, les pourparlers pourraient avoir divisé la mafia également.

Parallèlement, les partis politiques qui dirigeaient le pays depuis 1948 — les démocrates-chrétiens et leurs quatre alliés — se dissolvaient sous l’effet d’une vague de colère populaire face à la corruption généralisée révélée par les enquêtes dites mani pulite. Avec un tiers de ses membres impliqués dans les enquêtes, la dissolution du Parlement a été largement invoquée. La gauche — rassemblée autour des héritiers du Parti communiste, que la mafia avait toujours considéré comme ses principaux adversaires politiques — semblait être le concurrent le plus solide pour les élections qui devaient suivre. À l’exception de Milan, gagnée par la Ligue du Nord, alors nouveau parti insurgé, ses candidats ont remporté toutes les principales élections municipales organisées en juin 1993.

C’est dans ce contexte que la mafia recourt à une violence aveugle qui n’est pas sans rappeler la stratégie du terrorisme d’extrême droite (1969-1980). Des bombes explosent le 27 mai à Florence et le 27 juillet, à Milan et à Rome, visant des bâtiments monumentaux. Dix personnes sont mortes, cinquante-deux ont été blessées et un musée a été détruit.

En novembre 1993, environ 140 mafiosi siciliens — et 200 autres criminels — ont été soustraits au régime de l’isolement cellulaire mentionné précédemment. Le verdict suggère que cette décision était un effet des pourparlers. Il est toutefois curieux de constater qu’il a été rendu sous un gouvernement technocratique comprenant plusieurs personnalités très respectées, et qu’aucun de ceux qui ont contribué à son adoption n’a été traduit en justice. En particulier, le ministre de la Justice — qui a signé le décret — a été cité comme témoin mais n’a pas été inculpé. Ce passage risque donc d’être délicat dans la motivation du verdict.

Le verdict suggère que cette décision était un effet des pourparlers. Il est toutefois curieux de constater qu’il a été rendu sous un gouvernement technocratique comprenant plusieurs personnalités très respectées, et qu’aucun de ceux qui ont contribué à son adoption n’a été traduit en justice.

Andrea CapusSela

D’autant plus que cette lecture implique que les pourparlers ont déplacé la cible de la violence de la mafia loin de ses anciens contacts démocrates-chrétiens, qui s’étaient révélés inefficaces ou déloyaux, et l’ont dirigée non seulement vers Borsellino, qui s’opposait aux pourparlers, mais aussi vers les citoyens ordinaires, car la mafia a dû calculer — à juste titre, rétrospectivement — que ses attaques terroristes auraient accru la pression sur ses interlocuteurs et augmenté son pouvoir de négociation. Que les intermédiaires et leurs éventuels superviseurs politiques aient ou non souhaité ce résultat, la logique même des pourparlers l’a produit.

La fin de la stratégie terroriste de la mafia et les élections de 1994

Le 5 décembre 1993, la gauche l’emporte dans une nouvelle vague d’élections municipales, y compris à Rome, et semble de plus en plus favorite dans l’élection nationale imminente. À cette époque, les travaux visant à créer le parti Forza Italia de Berlusconi étaient déjà bien avancés. Cela nous amène au quatrième intermédiaire.

La création de l’organisation du parti et la sélection de son personnel et de ses candidats ont été dirigées par un certain Marcello Dell’Utri, cofondateur du parti. En 2014, la Cour suprême a confirmé la condamnation à sept ans de prison prononcée à son encontre pour complicité avec la mafia10. Il était accusé d’avoir servi de médiateur entre Berlusconi et l’organisation entre 1974 et 1992, principalement en gérant les paiements que le premier faisait à la mafia pendant cette période (Berlusconi a également fait l’objet d’une enquête pour ces paiements mais n’a pas été inculpé). Dans les années 1970, Berlusconi était un entrepreneur milanais en pleine ascension, et il a payé la mafia pour protéger ses activités naissantes dans l’île et sa propre famille contre les enlèvements (alors fréquents en Italie) ; mais les paiements ont continué malgré la montée en flèche de ses affaires et de son influence (par exemple, en 1984-1985, il a obtenu du gouvernement deux décrets ad hoc très controversées pour protéger son entreprise de télévision). En outre, dans les années 1980, Dell’Utri est devenu le directeur général de l’entreprise de publicité de Berlusconi, le noyau générateur de liquidités de son groupe de médias, et jusqu’à une date relativement récente il était largement considéré comme le « bras droit » de Berlusconi.

Le 16 janvier 1994 le Parlement a été dissous et de nouvelles élections ont été organisées, qui devaient avoir lieu les 27 et 28 mars. Par une annonce diffusée sur ses propres chaînes de télévision le 26 janvier, Berlusconi a lancé le parti et sa propre candidature, arguant qu’une victoire de la gauche aurait mis en danger les libertés des Italiens. Il a rapidement conclu une alliance informelle avec la Ligue du Nord et un parti post-fasciste qui l’a menée à une victoire électorale étroite et est devenu Premier ministre début mai, après des négociations inhabituellement longues.

Le verdict condamne Dell’Utri pour avoir aidé la mafia à faire chanter le gouvernement de Berlusconi, et exclut sa responsabilité dans le chantage des deux précédents cabinets. Pourtant, son implication dans les pourparlers est probablement antérieure à mai 1994, date de la formation du gouvernement Berlusconi, car son rôle consistait à faciliter les contacts entre les mêmes acteurs — la mafia et Berlusconi — entre lesquels il avait servi de médiateur pendant environ deux décennies, jusqu’en 1992. Il semble invraisemblable que le canal de communication que Dell’Utri gérait ait été brusquement fermé en 1992, et tout aussi brusquement rouvert en mai 1994. Je reviendrai sur ce point.

En janvier 1994, la mafia a planifié un autre attentat à la bombe. Il devait avoir lieu le dimanche 23, trois jours avant l’annonce télévisée de Berlusconi. La cible était la police, et des dizaines de personnes auraient pu être tuées : une voiture remplie d’explosifs et de boulons d’acier a été placée à côté de la sortie arrière du stade de football de Rome, utilisée par le contingent d’ordre public de la police. Des transfuges de la mafia ont témoigné que le déclencheur télécommandé de l’explosif avait été activé mais n’avait pas fonctionné et que, plutôt que d’être reproduit à l’occasion du prochain match de football, le plan avait été rapidement annulé. Depuis lors, la mafia n’a pas mis en œuvre et n’a pas planifié (à notre connaissance) d’autres attentats à la bombe ou terroristes : sa stratégie inhabituelle a été abandonnée.

Les pourparlers ne semblent pas avoir apporté à la mafia beaucoup plus que la révocation du régime d’isolement cellulaire (qui a toutefois considérablement amélioré la vie de ses chefs et leur a vraisemblablement permis de conserver leur rang et leur pouvoir). Pourtant, depuis 1994, Forza Italia a mené de longues et véhémentes campagnes, relayées avec insistance par les propres médias de Berlusconi, contre les lois que la mafia voulait voir modifiées — celles sur les renégats et l’isolement cellulaire, principalement — ainsi que contre les juges chargés des enquêtes anti-mafia (et ceux chargés des enquêtes anti-corruption). Bien que plusieurs aspects de ces lois et de ces enquêtes se prêtent effectivement à des critiques raisonnables, ces campagnes semblaient moins chercher à les améliorer qu’à les affaiblir. Celles-ci ont duré plusieurs années mais ont largement échoué, principalement parce que les réformes qu’elles exigeaient ne disposaient pas d’une majorité parlementaire (la Ligue du Nord s’y opposait).

Bien que plusieurs aspects de ces lois et de ces enquêtes se prêtent effectivement à des critiques raisonnables, ces campagnes semblaient moins chercher à les améliorer qu’à les affaiblir.

Andrea CapusSela

La fin des pourparlers et les élections de 1994

Le rôle de Dell’Utri semble avoir été particulièrement important dans cette dernière phase des pourparlers. Il dirigeait le noyau dur des affaires de Berlusconi ; il avait donné forme à Forza Italia et, depuis 1974, il servait de médiateur entre Berlusconi et la mafia sur des questions de sécurité et d’affaires. Il n’est pas nécessaire de faire preuve d’une grande imagination pour supposer qu’en 1993-1994, alors que les anciens interlocuteurs chrétiens-démocrates de la mafia avaient perdu toute valeur à ses yeux, Dell’Utri aurait transféré sa médiation sur le plan politique, et ce bien avant la formation du gouvernement Berlusconi (mai 1994). Il n’est pas clair si la mafia — par opposition à des membres individuels — a fait campagne pour la coalition de Forza Italia en 1994, et si ses campagnes politiques ultérieures ont répondu à des demandes explicites de la mafia ou à des accords passés avec elle.

Mais ces questions plus étroites peuvent être laissées de côté, car lorsque ces contacts sont examinés d’un point de vue plus élevé, le tableau devient tout à fait clair. Tout comme il serait absurde de suggérer que la mafia a dicté sa politique aux démocrates-chrétiens, à Andreotti ou même à des personnalités de moindre importance, il serait faux d’ignorer l’importance de leurs liens. Il s’agissait d’échanges entre des acteurs indépendants, qui poursuivaient des priorités différentes, ne se chevauchant que partiellement ou occasionnellement, mais qui en tiraient tous deux des avantages suffisamment précieux pour compenser les risques. Si l’interprétation proposée dans mon livre est correcte, ces échanges étaient aussi pleinement conformes à la logique de l’économie politique italienne, ou du moins à ses implications les plus sombres, auxquelles une partie des élites politiques et économiques du pays n’avait pas les ressources, la confiance en soi ou la vertu civique nécessaires pour se soustraire11.

La même logique explique la proximité entre la mafia et les cercles de Forza Italia et de ses alliés, et l’on peut supposer que la nature de leurs liens était similaire à celle des liens que l’organisation entretenait avec les démocrates-chrétiens au cours des quatre décennies précédentes. Tout simplement, tout comme ces derniers avaient besoin des voix de la mafia pour tenir les communistes à distance, Forza Italia et ses alliés avaient besoin de toutes les voix qu’ils pouvaient obtenir pour battre la gauche en mars 1994 ; de même, la mafia avait ses propres raisons de souhaiter la défaite de la gauche, car elle avait besoin de trouver de nouveaux interlocuteurs politiques — ce que la gauche pouvait difficilement devenir, du moins à court ou moyen terme — et elle avait besoin d’eux pour prendre le pouvoir. En raison de leurs intérêts convergents et de leurs contacts passés, il n’est donc pas surprenant que la mafia et des cercles au sein de Forza Italia et de ses alliés aient trouvé suffisamment de terrain d’entente pour adopter des stratégies également convergentes — élargies par la suite à leur aversion commune pour les efforts de lutte contre la corruption. Les campagnes de Forza Italia ont prouvé cette convergence. Ceci, à son tour, réduit considérablement l’importance de la question de savoir si le parti — ou des segments de celui-ci — et la mafia ont conclu un accord explicite de soutien mutuel, car il y a peu de doute que leurs stratégies convergeaient sciemment. (On pourrait établir un parallèle avec la question de savoir si certaines formes indésirables de comportement sur le marché doivent être jugées, ex post, comme le résultat d’un cartel ou d’un parallélisme conscient des oligopoleurs, sans accord préalable : l’analyse juridique peut changer, mais les effets sur le marché sont les mêmes). Ceci m’amène, enfin, à quelques conclusions.

En raison de leurs intérêts convergents et de leurs contacts passés, il n’est donc pas surprenant que la mafia et des cercles au sein de Forza Italia et de ses alliés aient trouvé suffisamment de terrain d’entente pour adopter des stratégies également convergentes — élargies par la suite à leur aversion commune pour les efforts de lutte contre la corruption.

Andrea CapusSela

La conjoncture critique de 1992-1994 et le rôle de la mafia dans l’économie politique de l’Italie

Mon livre traite assez longuement du moment critique de 1992-1994, après lequel l’Italie a commencé à s’écarter de ses pairs12. Je soutiens qu’au cours de ces années l’équilibre politico-économique du pays a subi un choc puissant, qui a ouvert une opportunité de le faire basculer vers un équilibre plus efficace et plus juste (caractérisé par un renforcement de l’État de droit, de la responsabilité politique et de la concurrence économique). Cependant, cette opportunité a été aussi difficile à saisir qu’elle semblait prometteuse, et elle a visiblement été manquée. L’une des raisons en est que la seule force organisée qui aurait pu pousser au changement d’équilibre — la gauche politique — s’est révélée être très inadaptée à cette tâche, et ce bien avant les élections de 1994. En effet, je soutiens également que la victoire de Berlusconi était bien moins la raison pour laquelle la continuité a prévalu qu’un signe qu’elle avait prévalu.

Le verdict suggère que j’ai peut-être été trop dur avec la gauche. En effet, la violence aveugle de la mafia, dont la raison d’être réside dans la dynamique des pourparlers, aurait pu faire basculer certains votes critiques — pour des raisons similaires à celles qui sous-tendent la stratégie des attentats à la bombe de l’extrême droite dans les années 1970. Et bien qu’il reste difficile d’imaginer que la gauche, si elle avait gagné, aurait été capable d’accomplir ce changement d’équilibre, principalement parce qu’elle n’avait pas l’analyse et les idées nécessaires, il ne peut être exclu qu’au cours d’une législature certains progrès auraient été réalisés. Cela impliquerait également que les forces nombreuses et diverses — tant conscientes (groupes sociaux, intérêts particuliers) qu’immatérielles (incitations matérielles, normes sociales, idées, etc.) — soutenant la continuité étaient un peu plus faibles que je ne le jugeais, et pourraient bien avoir indirectement bénéficié de cette stratégie terroriste, que j’aborde à peine dans le livre.

Bien que cela suffise à rendre le verdict très intéressant, cela a également des implications pour une analyse de l’Italie actuelle. Forza Italia est désormais une force politique épuisée. Si elle a accueilli les principaux interlocuteurs politiques de la mafia — que ce soit par accord ou par parallélisme, conscient ou involontaire — il s’ensuit que l’organisation a maintenant besoin de nouveaux interlocuteurs. Il ne s’agira pas nécessairement d’un parti, cependant, car les partis italiens se sont considérablement affaiblis et, en leur sein, le pouvoir des factions organisées, souvent clientélistes, a augmenté en conséquence. Ainsi, presque tous les partis sont désormais vulnérables aux attraits ou aux infiltrations de la mafia.

Par exemple, un allié centriste de Forza Italia a obtenu une part disproportionnée de son soutien en Sicile, principalement grâce à la machine politique clientéliste d’un ancien président de la région qui, tout comme Andreotti et Dell’Utri, a été reconnu coupable de complicité avec la mafia. Au cours des dernières années, la presse a rapporté que des segments de cette machine politique sont discrètement passés au Parti démocrate. La raison en est évidente : en 2013-2018 ce parti a dominé le Parlement et gouverné la Sicile également, et le clientélisme comme la mafia ont besoin de liens avec le pouvoir. Mais le Parti démocrate étant aujourd’hui très affaibli et plus au pouvoir en Sicile, cette machine politique et ses contacts mafieux sont donc probablement à la recherche d’un nouveau parapluie politique à l’ombre duquel poursuivre leurs intérêts.

Mais le Parti démocrate étant aujourd’hui très affaibli et plus au pouvoir en Sicile, cette machine politique et ses contacts mafieux sont donc probablement à la recherche d’un nouveau parapluie politique à l’ombre duquel poursuivre leurs intérêts.

Andrea CapusSela

Leurs actes nous diront si de nouveaux accords ont été conclus entre la mafia et des groupements politiques, tout comme les campagnes de Forza Italia après 1994 ont signalé sa proximité — voulue, consciente ou non — avec l’organisation. Mais si les faits que ce verdict a mis au jour sont correctement expliqués au public, le coût de la conclusion de tels accords augmentera et pourrait décourager au moins certains partenaires potentiels de la mafia.

Sources
  1. Lorenzo Tondo, « Eight jailed in Italy over secret talks between state officials and mafia », The Guardian, 20 avril 2018.
  2. Wladimir Pantaleone, « In historic ruling, court says Italian state negotiated with mafia », Reuters, 20 avril 2018.
  3. Giuseppe De Feo et Giacomo Davide De Luca, « Mafia in the Ballot Box. » American Economic Journal : Economic Policy, Volume 9, n° 3, 2017, p. 134-67.
  4. Alberto Alesina, Salvatore Piccolo et Paolo Pinotti, « Organized Crime, Violence, and Politics », octobre 2017.
  5. Paolo Pinotti, « The Economic Costs of Organised Crime : Evidence from Southern Italy », The Economic Journal, Volume 125, n° 586, 2015, p. F203-F232.
  6. C’est aussi pour cette raison que, dans mon livre, je n’ai consacré que deux lignes sceptiques à ce procès et aux faits qu’il abordait : rétrospectivement, une telle prudence était excessive.
  7. Denis Mack Smith, Modern Italy. A Political History, The University of Michigan Press, 1997.
  8. Salvatore Lupo, trad. Anthony Shugaar, History of the Mafia, Columbia University Press, 2011.
  9. Paul Ginsborg, Italy and its Discontents 1980-2001, Penguin, 2003.
  10. Steve Scherer, « Italy court upholds mafia conviction against Berlusconi adviser », Reuters, 9 mai 2014.
  11. Andrea Capussela, The Political Economy of Italy’s Decline, Oxford University Press, 2020.
  12. Ibid.