Le président américain Joe Biden a présenté les premiers éléments de son plan sur les infrastructures1. Celui-ci aurait un montant de 2 250 milliards de dollars qui viennent après le plan de 1 900 milliards qui vient d’être adopté et en attendant celui de 1 000 milliards centré sur la santé. D’un seul coup, Joe Biden a bousculé l’ensemble des politiques des petits pas qui caractérisaient les politiques conjoncturelles. Comme le soulignait Jean Pisani Ferry dans une récente tribune du journal Le Monde, l’idée est de mettre les États-Unis sous haute pression. Les différents plans de la Maison-Blanche sont complétés par le choix récent de la Fed de « minimiser le déficit d’emploi par rapport au maximum atteignable ».

On pourrait agencer les plans selon les trois maux de l’économie américaine : le choc conjoncturel ; la productivité insuffisante et la concurrence avec la Chine ; le vieillissement de la population, l’éducation et la distribution des revenus.

Le premier plan, celui de 1 900 milliards, a pour objectif de faire converger l’économie vers sa trajectoire d’avant la crise sanitaire. Son objectif est de corriger l’impact du choc négatif. Il est très large pour n’oublier personne tout en corrigeant les déséquilibres qui ont pu affecter les classes moyennes depuis une trentaine d’années avec la globalisation de l’économie.

Le deuxième plan (The American Jobs Plan) sur les infrastructures doit faire basculer l’économie sur une trajectoire de productivité plus élevée capable de créer davantage d’emplois, de dégager des revenus plus importants, de satisfaire aux engagements sur le climat mais aussi d’être capable de lutter pied à pied avec la Chine. Ce plan est très ambitieux.

Le troisième plan (The American Family Plan) porte sur la santé alors que la population vieillit, l’éducation pour accompagner la hausse de la productivité et sur la lutte contre la pauvreté qui passe par une réduction des inégalités dans la distribution des revenus. Les deux derniers plans pourraient éventuellement être présentés en même temps au Congrès.

L’enchaînement de ces trois plans traduit une ambition folle de la Maison Blanche d’améliorer la situation de l’Américain moyen tout en préservant le statut de l’Amérique dans le monde. Le reste du monde et l’Europe en particulier devront se définir par rapport à ces ruptures.

Le plan sur les infrastructures sera financé par une hausse de la fiscalité sur les entreprises

Le taux de l’impôt sur les sociétés passerait de 21 à 28 % et le taux d’impôt minimum pour les entreprises serait de 21 % en prenant en compte les profits faits à l’étranger. Cela se traduirait par la suppression de facilités fiscales largement exploitées par les entreprises. Selon les calculs de la Maison Blanche, chacune des deux mesures pourrait rapporter 1 000 milliards de dollars sur 15 ans et financer le plan présenté par le président américain.

Joe Biden a indiqué ne pas vouloir rentrer dans une dynamique de concurrence fiscale sur les entreprises. Ce point est important pour deux raisons.

La première est qu’il considère que le capital, même s’il est volatil dans sa localisation, ne doit pas pouvoir échapper à l’impôt. Dans l’analyse habituelle, le travail est toujours pénalisé car il est peu mobile alors que le capital l’est. Dès lors, la fiscalité s’ajuste généralement sur le travail plus que sur le capital. En outre, pour attirer les entreprises, les taux d’impôt sur les sociétés ont eu tendance à baisser. Ceci n’est pas acceptable selon Biden : les entreprises ne doivent plus bénéficier de cette situation particulière.

L’autre remarque est la conséquence du premier point. La Maison Blanche veut sortir de la concurrence fiscale qui peut être caractérisée sur le graphique par la courbe rouge. Depuis vingt ans, au moins, le taux moyen de l’impôt sur les sociétés a baissé d’une dizaine de points. Tous les acteurs de l’économie doivent contribuer de façon équitable aux besoins collectifs. La Maison Blanche veut se donner les moyens pour que tous les pays aillent dans ce sens.

C’est donc un changement de cap radical pour les États-Unis mais aussi pour l’économie globale. La stratégie du nouveau président est de reconstruire son économie. Cela n’est pas compatible avec une globalisation similaire à celle d’avant la crise sanitaire. Le monde va devoir se réinventer avec ces ruptures américaines.

Sources
  1. Ce texte est copublié sur le blog de Philippe Waechter : https://ostrum.philippewaechter.com/2021/04/01/lamerique-de-joe-biden-bouscule-le-monde/