Les États-Unis vont envoyer au Mexique et au Canada 4 millions de doses du vaccin AstraZeneca, vaccin qui n’a pas encore été approuvé par l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux. Les doses s’accumulent en masse aux États-Unis, où le stock pourrait atteindre les 30 millions de doses début avril. Dans ce qui est présenté comme un accord de prêt, le Mexique recevra 2,5 millions de doses du vaccin AstraZeneca. Parallèlement, Joe Biden demande au gouvernement mexicain de limiter les arrivées de migrants aux États-Unis.
- La première crise géopolitique de Biden. Le « prêt » des vaccins s’inscrit dans un contexte de négociations sur la migration qui durent depuis plus d’un mois entre Biden et López Obrador. Le premier, en accord avec ses promesses de campagne, a mis fin à certaines des mesures emblématiques de Trump en matière d’immigration : suspension du mur et fin de l’expulsion des enfants à la frontière, proposition pour que les migrants puissent aspirer à la citoyenneté américaine (un projet de loi a été voté dans la chambre des Représentants ouvrant la voie à la naturalisation d’environ 700 000 « Dreamers »). Si Biden entend donc marquer ainsi une rupture avec son prédécesseur, il poursuit la doctrine Trump sur un élément fondamental : demander au Mexique de jouer un rôle central en contrôlant les flux migratoires à la frontière.
- Depuis l’élection de Biden, une accélération migratoire se produit à la frontière mexicaine. En février, plus de 100 000 migrants en situation irrégulière ont été arrêtés à la frontière, dont plus de 70 000 adultes seuls et 9 457 mineurs isolés. Contrairement à la gestion sous Trump, Biden a mis en place des centres d’accueil pour accueillir les mineurs non accompagnés à la frontière. Alejandro Mayorkas, ministre américain à la Sécurité intérieure, a déclaré que ces structures sont actuellement « bondées » et que le nombre de personnes pourrait être le plus élevé de ces vingt dernières années à la frontière sud-ouest, où la tension monte. À Washington, les Républicains accusent Biden d’avoir ouvert les portes du pays en assouplissant les politiques migratoires de Trump.
- Le ministre des Affaires étrangères mexicain, Marcelo Ebrard, a confirmé qu’il y avait bien eu un « accord de vaccins » après une « conversation » entre Biden et AMLO, et s’est réjoui de ces « bonnes nouvelles » pour accentuer la lutte contre l’épidémie dans l’un des pays les plus touchés au monde (plus de 197 000 personnes sont décédées du Covid-19 au Mexique).
- Concernant le rapport entre la fourniture de vaccins AstraZeneca et la sécurité frontalière entre les États-Unis et le Mexique, le gouvernement de Biden a affirmé que ces sujets n’étaient pas directement liés, mais que beaucoup de négociations étaient en cours entre les deux pays. Du côté mexicain, on a déclaré qu’il s’agissait de deux choses différentes et indépendantes avant que certaines autorités mexicaines ne précisent que la livraison de vaccins n’était pas liée à la sécurité frontalière mais au fait que le Mexique s’était engagé à accueillir plus de familles d’Amérique centrale expulsées des États-Unis et avait demandé en échange des vaccins. Dans la foulée, López Obrador a annoncé la fermeture de la frontière sud du Mexique.
- Que se passe-t-il au Canada ? Malgré des achats confirmés assurant une couverture de 500 % de la population, la campagne de vaccination peine à s’accélérer (8.2 % de la population a reçu au moins une dose et 1.6 % toutes les doses prescrites par le protocole de vaccination). Selon le Launch and Scale Speedometer de Duke University, le Canada a privilégié les vaccins dont la mise sur le marché a été plus lente, et le pays n’a pas négocié de calendriers de livraison favorables dans le cadre de ses contrats d’achat. De plus, le manque de capacité de fabrication nationale a rendu le Canada dépendant de chaînes d’approvisionnement mondiales. Le pays est d’ailleurs le seul pays du G7 à faire appel à l’initiative Covax, l’initiative mondiale qui vise à assurer l’accès rapide et équitable de tous les pays aux vaccins contre le Covid-19.
- Bien qu’il s’agisse d’un prêt, qui devrait être remboursé plus tard dans l’année, c’est la première fois que les États-Unis (qui produisent 27 % du total des doses de vaccin au niveau mondial) expriment une volonté de partager les vaccins contre le coronavirus avec le monde. À titre d’exemple, en raison d’une circulation du virus beaucoup moins importante, à ce jour la Chine a exporté environ 60 % des doses produites.