Dix jours après son investiture retardée, Ursula von der Leyen, première femme présidente de la Commission européenne, présentait sa stratégie d’un « Pacte vert pour l’Europe », censée faire du continent européen la première région mondiale à atteindre la « neutralité climatique ». Une stratégie proposée pour répondre à l’urgence climatique, déclenchée solennellement par le Parlement européen dès novembre 20191, mais également par la poussée des partis verts lors des élections européennes de mai 2019, galvanisés par de nombreuses manifestations populaires en faveur du climat. 

Le lancement du Pacte Vert pour l’Europe intervient également alors que 2020 fut une année charnière pour la politique climat-énergie de l’Union européenne, notamment pour le premier paquet climat-énergie voté en 2008. Alors que les objectifs de baisse de gaz à effet de serre (GES) et de développement des énergies renouvelables ont été atteints, le Pacte Vert doit permettre d’enclencher la vitesse supérieure afin de respecter l’Accord de Paris, quelque peu mis à mal ces dernières années. 

Arsenal législatif aux ambitions renouvelées 

Malgré le ralentissement certain provoqué par la pandémie de COVID-19 qui frappa l’Europe dès le début de l’année 2020, un certain nombre d’initiatives-clés furent mises en place par une Commission européenne convaincue de la gravité du dérèglement climatique. Dès le début du mois de mars, moins de 100 jours après son intronisation, Frans Timmermans présenta l’emblématique «  loi climatique européenne  » (en réalité un amendement au règlement de 2018 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie). Quelques jours plus tard, ce fut au tour de Thierry Breton de présenter une stratégie industrielle au service de la «  neutralité climatique et du leadership numérique  » puis de Virginijus Sinkevicius avec une stratégie biodiversité au mois de mai. 

Durant la première vague du coronavirus, de nombreuses voix institutionnelles, notamment en Pologne et en République tchèque, s’élevèrent contre la préséance du Pacte Vert, arguant que la priorité devait être donnée à la crise sanitaire2. Des appels ignorés par les institutions européennes, puisque celles-ci ont continué sur leur lancée dans «  l’entre-deux-vagues  » avec les négociations conséquentes autour du plan de relance Next Generation EU et de sa dimension climatique, entre mai et juillet. Lors de son discours sur l’État de l’Union en septembre, Ursula von der Leyen annonça enfin le rehaussement de l’objectif de baisse des gaz à effet de serre d’ici 2030 (55 % au lieu de 40 % décidé initialement en 2014). Un objectif confirmé lors du Conseil européen de décembre dernier, en dépit de la proposition émanant du Parlement européen de porter l’objectif à 60 %. 

D’autres stratégies virent le jour en 2020, comme celle sur l’intégration du système énergétique et l’élaboration d’une «  alliance européenne pour un hydrogène propre  », présentée début juillet, ou encore la création d’un «  nouveau Bauhaus européen  » pour une meilleure rénovation énergétique. Y compris du côté de la diplomatie énergétique et climatique européenne, dont la faiblesse est souvent décriée, des résultats sont à souligner  : en septembre, la Chine annonça son ambition d’atteindre la neutralité climatique en 20603. Une annonce formulée quelques jours seulement après le sommet UE-Chine. Grâce au volontarisme de l’exécutif bruxellois, en temps de crise de surcroît, les premières mesures du Pacte Vert purent être mises en place.

Les pays européens, bon indice de performance environnementale

Verdissement des instruments financiers

Si ce premier bilan législatif est plutôt satisfaisant, le volet financier, véritable nerf de cette guerre pour sauver le climat, l’est tout autant. Le Cadre Financier Pluriannuel pour 2021-2027, d’une valeur de 1075 milliards d’euros, devra allouer au moins 30 % de ces crédits à la lutte contre le changement climatique (notamment dans le volet «  ressources naturelles et environnement  », d’une valeur de 356 milliards d’euros). Même chose du côté du plan de relance Next Generation EU auquel le fonds pour une transition juste (FTJ) est rattaché. D’une valeur de 17,5 milliards d’euros, cet instrument devra financer les régions qui doivent opérer un changement structurel de leur économie pour répondre aux nouvelles exigences climatiques. De manière générale, le Parlement européen et le Conseil de l’UE se mirent d’accord à la mi-décembre pour allouer 37 % des crédits du Recovery Resilience Facility exclusivement à la lutte contre le changement climatique, ce qui revient à la somme de 250 milliards d’euros4. Des chiffres satisfaisants pour les institutions européennes  : «  la capacité financière sans précédent du CFP et de NGEU, dotés d’une enveloppe de 1.800 milliards d’euros, fournira les moyens nécessaires à une relance durable et à la transition écologique et numérique de l’Europe  » déclara Johannes Hahn, commissaire européen au budget. 

D’autres instruments seront sollicités, comme le programme d’investissement InvestEU qui prend la relève du Plan Juncker ayant mobilisé 500 milliards d’euros entre 2014 et 20205. Ces sept prochaines années, 650 milliards d’euros supplémentaires d’investissements privés devront être injectés dans l’économie européenne. Au moins 30 % de cette somme devra répondre aux objectifs climatiques européens, notamment en termes de réduction des gaz à effet de serre dans les secteurs industriels ou bien de développement de l’efficacité énergétique et des énergies propres. Avant l’annonce du Pacte Vert, certaines institutions s’étaient déjà engagées vers une transition verte certaine, à l’image de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) qui avait annoncé dès novembre 2019 son intention de ne plus financer de projets impliquant des énergies fossiles pour la période 2021-2030. Parallèlement, la taxonomie pour les investissements durables adoptée en décembre suivant n’inclut pas ces mêmes énergies fossiles, ainsi que le nucléaire. 

Au-delà de ce premier bilan théorique encourageant, la principale question est désormais la suivante  : comment cet argent va-t-il être véritablement dépensé  ? Alors que la pandémie de coronavirus a montré la vulnérabilité de l’économie, l’Union a le choix  : soit elle restera alignée avec son idée de relance économique durable, soit elle cèdera au court-termisme et soutiendra les secteurs polluants en difficulté, d’autant que la crise de la COVID-19 a de facto supprimé les mesures visant à contrôler les aides d’Etats. 2021 sera en tout cas une année charnière pour la bonne implémentation du Pacte Vert, avec entre autres la poursuite de l’alignement de l’ensemble du corpus législatif européen sur les objectifs annoncés, ou encore la mise en place de la taxonomie sur les investissements verts.