Signé ce dimanche 15 novembre par écrans interposés, l’accord de partenariat économique global régional (RCEP) devient le plus grand accord commercial au monde. Alors que le contexte de crise sanitaire force au repli sur soi et au protectionnisme, le RCEP se dresse comme une réaffirmation en faveur du multilatéralisme et du libre-échange puisqu’il prévoit, à terme, l’élimination des droits de douanes et des quotas entre les pays membres, la mise en place de règles sur l’origine des produits et d’un cadre réglementaire commun concernant la propriété intellectuelle, la compétition ou le commerce électronique. 

Un succès diplomatique pour la Chine

La dimension du traité connaît peu de précédent, il réunit 15 pays qui comptabilisent à eux seuls 29 % de la population et ⅓ de la richesse mondiale. Mais, au-delà des perspectives économiques envisagées à long terme, le ralliement des économies d’Asie-Pacifique à la Chine autour de cet accord de libre-échange confirme l’image plébiscitée par les autorités chinoises d’un pays champion du multilatéralisme. Cet accord témoigne une nouvelle fois de la capacité de la Chine à couvrir toutes les variables de l’équation du pouvoir : une capacité assumée de leadership, un poids dans le système international ainsi qu’une intensification des partenariats économiques et commerciaux. De fait, le RCEP donne un nouvel élan aux ambitions chinoises, puisqu’il devrait venir compléter le projet des Nouvelles Routes de la Soie qui permettrait déjà d’encadrer et de renforcer les liens entre la Chine et les pays de l’ASEAN par le biais d’échanges, de suppression de barrières commerciales, de normalisation des règles d’investissements et de création d’emplois. 

Outre la signification géopolitique de cet acte, les pays de l’ASEAN comptent également sur l’élan de la Chine pour stimuler leur croissance économique, d’autant plus dans le contexte de la crise sanitaire actuelle. Alors que les prévisions des pays de la zone Asie-Pacifique présagent une récession économique majeure, la Chine tire son épingle du jeu avec une conjecture de croissance positive estimée à 1,9 % par le FMI, ce qui représente l’espoir d’une reprise plus rapide pour ces pays. De plus, malgré une méfiance vis-à-vis de l’autoritarisme et des ambitions hégémoniques de Xi Jinping, les pays partenaires ne peuvent se permettre de passer à côté des avantages tangibles que leur offre cet accord. 

Enfin, à ce renforcement de partenariats et cette perspective d’embellie économique vient s’ajouter la « diplomatie du vaccin » menée par les autorités chinoises. En effet, en promettant aux pays partenaires un accès prioritaire au remède en plus du cadre économique, cet accord pose les bases d’un avenir post-Covid.

Marginalisation des États-Unis et absence de l’Inde.

Si l’initiative du RCEP remonte à 2012, le retrait des États-Unis du Partenariat Transpacifique (TPP) en 2017 a accéléré les discussions et négociations de l’accord. La Chine a vu dans l’isolationnisme américain une aubaine pour affirmer son leadership dans la région sans véritable concurrence. Aujourd’hui, les États-Unis font donc les frais de leur stratégie de désengagement. Rétablir leur influence et contrer l’expansionnisme chinois dans la région constituera un défi de politique étrangère important pour l’administration Biden.

Enfin, l’Inde qui a pourtant participé aux négociations, a fait le choix de se retirer par crainte d’une suprématie chinoise trop importante et de l’afflux de produits chinois sur son marché au détriment des producteurs locaux. Si la possibilité d’adhésion lui reste ouverte, l’Inde se place pour l’instant en retrait du projet et offre à la Chine une longueur d’avance dans la région. 

Malgré son stade encore embryonnaire et des promesses économiques qui restent à concrétiser, le RCEP témoigne de l’autonomie grandissante de la région Asie-Pacifique face au désengagement des États-Unis du paysage diplomatique. Enfin, cet accord s’inscrit en contrepoint du TPP et renforce donc le statut chinois de rival stratégique par rapport aux États-Unis.