Le 20 octobre 2019, le Tribunal suprême électoral (TSE) de Bolivie rend publics les résultats provisoires de l’élection générale, en déclarant vainqueurs le président Evo Morales et son parti le Movimiento al Socialismo (MAS). Ces chiffres sont aussitôt contestés par de larges secteurs de la société bolivienne, accusant le gouvernement de fraude électorale. De grandes manifestations sont organisées dans tout le pays, avec le concours de l’opposition traditionnelle au MAS, qui appelle à la tenue de nouvelles élections. En réaction, les sympathisants du parti au pouvoir se mobilisent, et de nombreux affrontements ont lieu entre ces deux fractions d’une société de plus en plus polarisée. La tension atteint son apogée après la publication, le 10 novembre, d’un rapport de la mission d’observation de l’Organisation des États américains (OEA) qui accrédite la thèse de la fraude et recommande l’organisation d’un nouveau scrutin. Morales se résout à l’accepter mais il est finalement poussé à la démission par l’armée lui « suggérant » son départ, nécessaire à la « pacification du pays »1.

Que l’on considère ou non la chute de Morales le produit d’un coup d’État, les éléments contingents qui l’ont précédée (soupçons de fraude électorale, mobilisation de la population et irruption des militaires) ne suffisent pas à comprendre comment un Président en fonction depuis plus d’une décennie en est arrivé à abandonner le pouvoir aussi rapidement. Ce constat amène donc à se pencher davantage sur les racines de la crise. Une analyse des faiblesses institutionnelles boliviennes pourrait-elle contribuer à éclairer les causes plus profondes de ce renversement ? C’est à cette interrogation que nous entendons répondre.

Une analyse des faiblesses institutionnelles boliviennes pourrait-elle contribuer à éclairer les causes plus profondes de ce renversement ? C’est à cette interrogation que nous entendons répondre.

Garance Robert et Daniel Vásquez

Le terme « d’institution » renvoie à un ensemble de règles qui supposent une sanction et qui structurent le comportement humain et les attentes vis-à-vis d’une activité particulière ou d’un objectif. Dans le cas présent, la focale sera plus particulièrement centrée sur les institutions électorales et judiciaires. En effet, d’après l’analyse de Brinks et al.2, la faiblesse institutionnelle se définit comme le phénomène qui affecte une institution formelle lorsqu’elle échoue à atteindre son objectif, ou qu’elle n’est pas véritablement conçue pour atteindre un but. Nous tenterons donc de montrer en quoi les évènements de 2019 peuvent être interprétés comme l’aboutissement d’un processus de perte de légitimité du pouvoir, lui-même résultat des failles d’un modèle institutionnel marqué par différentes formes de fragilité.

Nous examinerons d’abord en quelle mesure la refonte du « modèle bolivien », impulsée depuis 2006 a permis d’ouvrir, malgré sa radicalité apparente, une période de stabilité sans précédent, en parvenant à un équilibre innovant entre les différentes forces politiques. Bien qu’ayant suscité un grand nombre d’espoirs, cette refondation était loin d’être exempte de tensions. Nous tâcherons également de décrire comment le Référendum de 2016, puis la décision du Tribunal constitutionnel plurinational (TCP) de 2017 ont constitué les détonateurs d’une repolarisation, à l’origine de la crise en 2019. Nous interrogerons enfin les conséquences concrètes et potentielles de cette crise sur la stabilité et la qualité de la démocratie en Bolivie.

Il s’agit d’interroger les conséquences concrètes et potentielles de cette crise sur la stabilité et la qualité de la démocratie en Bolivie.

Garance Robert et Daniel Vásquez

Un gouvernement « national-populaire des mouvements sociaux » ?

Suite à la « guerre de l’eau » (2000) et « du gaz » (2003)3, le tableau politique est propice pour que Morales, syndicaliste cocalero et depuis 1997 principal dirigeant du MAS, devienne en 2006 le premier président indigène à la tête de l’État bolivien avec 53,7 % des voix d’une société à majorité quechua et aymara4. Comme le suggèrent Levitsky et Roberts5, à l’instar de ses homologues équatorien et vénézuélien, Morales parvient à la présidence sur la base de promesses de refonte institutionnelle, centrant sa politique sur l’idée de redistribution. En se fondant sur une approche hétérodoxe et déclarée respectueuse de l’environnement – et non sur un modèle socialiste classique – il suscite de grands espoirs au sein de l’intelligentsia de gauche et de la militance altermondialiste internationale6. Son accès à l’exécutif, permis par le soutien massif des mouvements sociaux, est amplement interprété comme le résultat de l’éclatement du système des partis, correspondant à la fin d’un cycle de gouvernements néolibéraux qui avaient mis en place des politiques d’ajustement structurel impopulaires et infructueuses depuis les années 19807. Au fil de ses mandats, Morales est accompagné d’Alvaro García Linera, en qualité de vice-président. Auto-proclamé « marxiste et indianiste », García Linera est «  l’idéologue du MAS  ». Tout comme Morales, il possède une trajectoire politique très mouvementée8.

Les mesures mises en œuvre par ce binôme dans la direction de la « révolution démocratique et culturelle » bolivienne apparaissent polarisantes à bien des égards, à commencer par la promulgation d’une nouvelle Constitution en 2009. La réorganisation politique de la société sous l’hégémonie du MAS est entamée avec l’Assemblée Constituante (2006-2008) puis confirmée par l’approbation de la Constitution politique de l’État (CPE), le référendum et les élections de 20099. La nouvelle CPE permet un extraordinaire interventionnisme de l’État dans les affaires de la cité10, tout en restructurant ses institutions politiques sur la base d’un plurinationalisme qui écarte l’idée de « minorités culturelles »11, et accorde aux autochtones une place centrale dans ce que le gouvernement nomme « l’indianisation de l’État bolivien »12. S’il remporte au départ une adhésion quasi-générale, ce projet est néanmoins critiqué par certains observateurs qui y perçoivent l’émergence d’une « dictature ethnique » ou encore d’un « modèle corporatiste et autoritaire », menaçant la démocratie libérale13.

La réorganisation politique de la société sous l’hégémonie du MAS est entamée avec l’Assemblée Constituante (2006-2008) puis confirmée par l’approbation de la Constitution Politique de l’État (CPE), le référendum et les élections de 2009.

Garance Robert et Daniel Vásquez

La CPE prévoit la refondation des « systèmes politique, judiciaire et économique »14 en s’inspirant des postulats discursifs et théoriques du MAS, à savoir, « l’indianisme katariste, le nationalisme révolutionnaire et le marxisme »15. La transformation matérielle, conceptuelle et symbolique des institutions, où le drapeau bolivien apparaît systématiquement accompagné de la wiphala, est inspirée des mises en sens de la politique bolivienne par le binôme présidentiel16. Linera propose ainsi une approche à la politique à partir d’une lecture des mouvements sociaux qu’il dénomme la « forme multitude », c’est à dire une association d’intérêts multiples de groupes subalternes divers17. Il cherche à théoriser les formes hétérogènes d’organisation politique des classes populaires boliviennes, en particulier les formes d’action collective des « guerres de l’eau et du gaz », qui d’après lui donnèrent lieu à un « gouvernement des mouvements sociaux »18

De nouveaux tribunaux sont créés et adoptent des droits collectifs et environnementaux novateurs. En 2012, la loi 300 prescrit des droits juridiques à la « Terre-Mère », dans une empreinte fortement écologiste19. Au niveau politique, elle instaure trois formes de démocratie : représentative ou électorale, participative ou de référendum, et communautaire ou autochtone20. Ainsi, le MAS incorpore et ouvre la voie à la représentation politique de différents groupes jusque-là marginalisés, prenant par la suite une place déterminante dans le paysage politique bolivien21.

Le MAS incorpore et ouvre la voie à la représentation politique de différents groupes jusque-là marginalisés, prenant par la suite une place déterminante dans le paysage politique bolivien.

Garance Robert et Daniel Vásquez

Un modèle économique consensuel ?

La stratégie économique du gouvernement, qualifiée de «  post-néolibérale  »22 se distingue par son caractère « national-développementiste modernisateur »23, et comportait deux dimensions. D’une part les autorités impulsèrent un solide soutien à la production agricole24, qui se traduit par l’accès aux institutions et à l’appareil administratif pour de nombreuses organisations syndicales, générant ainsi une forme de « corporatisme populaire »25. En dynamisant les secteurs économiques qui avaient été délaissés par les politiques néolibérales, et en mettant en place de vastes programmes redistributifs, Morales conquiert un large électorat populaire26. Dès 2006, l’État s’emploie également à nationaliser les secteurs stratégiques, en particulier celui de l’extraction d’hydrocarbures et de ressources minières. La renégociation de l’exploitation de ces matières avec les entreprises transnationales implantées en Bolivie a provoqué dans un premier temps une crispation des élites blanches historiquement puissantes au sein de ce secteur, concentrées dans la principale région minière du pays, Santa Cruz27. Ces groupes constituent l’opposition « traditionnelle » au projet masiste. Malgré sa radicalité apparente, le gouvernement est néanmoins parvenu à un consensus avec ces acteurs, en leur garantissant un soutien technologique important et en ne démantelant que marginalement leurs réseaux d’influence28. Le secteur informel continue par ailleurs à peser dans l’économie nationale et à être le moteur d’un « capitalisme populaire », largement encouragé par le pouvoir29.

L’économie de la Bolivie repose donc dans une très large mesure sur l’exportation des matières premières. La « bonne gestion » de Morales, combinée au boom des exportations de la fin des années 2000, lui a permis de remporter un succès économique incontestable, mis au service – partiellement du moins  – d’une redistribution sans précédent30. Le gouvernement bolivien a de ce fait bénéficié d’une image très positive, à l’étranger tout comme auprès des organismes internationaux, comme le FMI et la Banque mondiale. Les excellents rapports de la Bolivie avec ces institutions révèlent les contradictions de l’anti-néolibéralisme discursif du gouvernement avec sa politique de facto, d’autant que l’économie marchande a connu dans le pays une augmentation exponentielle depuis 200631. Cette stratégie à mi-chemin entre radicalité et consensus semble avoir amorcé un processus de « dépolarisation », entraînant une stabilité inédite en Bolivie32.

En dynamisant les secteurs économiques qui avaient été délaissés par les politiques néolibérales, et en mettant en place de vastes programmes redistributifs, Morales conquiert un large électorat populaire.

Garance Robert et Daniel Vásquez

Ce modèle est pourtant loin d’être exempt de tensions profondes : dans le domaine extractif, il est difficile de satisfaire les différentes organisations qui se disputent le contrôle des gisements33. Au sein du secteur agricole, les fédérations paysannes proches du MAS et l’agro-industrie exercent chacune des pressions constantes pour capter les ressources de l’État. Son soutien à l’industrie agricole fait l’objet de nombreuses critiques, révélant son incapacité à renforcer l’agriculture familiale-autochtone et à garantir la sécurité et la souveraineté alimentaires du pays34. L’orientation modernisatrice entre souvent en contradiction avec le discours sur la participation et l’autonomie des autochtones. Le véritable exercice de la souveraineté plurinationale est en effet grandement limité par la dépendance au modèle extractiviste, ainsi que par le manque de ressources de l’État pour faire appliquer cette souveraineté, mais surtout par l’absence de volonté politique35. Malgré l’inscription du droit à la consultation préalable dans la loi et les mises en œuvre ponctuelles de processus de consultation, de très nombreux projets sont adoptés sans aucune consultation36.

En outre, certaines institutions, créées pour rendre effective la protection de l’environnement apparaissent comme de simples « façades »37. C’est notamment le cas de l’Autorité plurinationale de la Terre-Mère (APTM) fondée en 2012, dotée à dessein d’un pouvoir réel limité. Officiellement, l’APTM prescrit un changement de comportement significatif : la subordination des intérêts économiques au respect de l’environnement. Dans les faits, en revanche, rien n’indique que ses créateurs aient eu l’intention de faire respecter les normes qu’elle promeut. Sa création répond sans doute à un intérêt stratégique de la part du MAS. En effet, avec l’APTM, le parti semble satisfaire aux exigences tout à la fois des instances internationales et des groupes autochtones. Il remporte l’adhésion des premières, et par là-même, en retire un prestige non négligeable dans l’arène internationale. Il tente de rallier les seconds afin d’obtenir un évident bénéfice politique. Toutefois, pour de nombreux acteurs et observateurs sur place, l’APMT n’est bien qu’une « coquille vide »38. Dans ce cas précis, c’est un manque évident de volonté politique qui conduit à une situation de fragilité institutionnelle. Le décalage entre discours et pratiques se matérialise enfin dans de nombreux conflits, qui sont au cœur de la défection des alliés du MAS en 2019. Un des plus médiatisés naît en 2011, suite au projet de construction d’une route au sein d’une réserve naturelle considérée comme un territoire autochtone (Territoire indigène et Parc national Isiboro-Sécure, TIPNIS). Le projet, fortement soutenu par certains syndicats paysans cocaleros, est farouchement combattu par plusieurs organisations autochtones locales. Ces dernières semblent pour le moment avoir eu gain de cause bien que le projet soit toujours débattu39.

Le décalage entre discours et pratiques se matérialise dans de nombreux conflits, qui sont au cœur de la défection des alliés du MAS en 2019.

Garance Robert et Daniel Vásquez

Si l’arrivée au pouvoir du MAS apparaît à première vue polarisante, ses stratégies institutionnelles et économiques débouchent néanmoins sur une stabilité politique inédite. Les nombreuses résistances que rencontre le projet masiste témoignent pourtant de la faiblesse constitutive de cette «  refondation  », qu’elles proviennent des secteurs traditionnellement rivaux, des classes moyennes – qui voient d’un mauvais œil l’hégémonie grandissante du MAS dans la vie politique –, des secteurs indigènes affectés par l’extractivisme, voire, parfois, des groupes considérés comme leurs soutiens inconditionnels, issus du monde paysan. 

Le référendum de 2016 et la question de la réélection présidentielle : caractères d’un « populisme polarisant » ?

En octobre 2014, après la troisième victoire consécutive du binôme présidentiel, les mouvements sociaux affiliés au MAS se prononcent en faveur de leur reconduction à la tête de l’exécutif jusqu’en 2025 (année du bicentenaire de l’indépendance). C’est le point de départ de la tenue d’un référendum, le 21 février 2016, qui soumet au plébiscite populaire la réforme de l’article 168 de la CPE limitant la réélection à deux mandats40. Cet évènement a constitué à la fois un révélateur de la fragilité institutionnelle bolivienne, mais aussi et surtout un facteur aggravant de cette faiblesse.

Il met au jour le manque de respect41 de la norme institutionnelle par les acteurs l’ayant promulguée. Plus précisément, ce non-respect trouve son origine dans l’absence de sa mise en œuvre (non-enforcement) par des chefs d’État qui remettent en cause le bien-fondé d’une norme qu’ils ont eux-mêmes mis en place quelques années auparavant. L’événement confirme également l’existence d’une forme d’instabilité dans la mesure où la vitesse de changement institutionnel (ici, une norme constitutionnelle) est excessivement rapide et rend les acteurs politiques et les citoyens incapables de développer des attentes stables vis-à-vis de la manière dont fonctionnent les règles et les stratégies qui en découlent. Ces éléments mettent en lumière l’importance du concept de « faiblesse institutionnelle ».

Le référendum de 2016 confirme également l’existence d’une forme d’instabilité dans la mesure où la vitesse de changement institutionnel (ici, une norme constitutionnelle) est excessivement rapide et rend les acteurs politiques et les citoyens incapables de développer des attentes stables vis-à-vis de la manière dont fonctionnent les règles et les stratégies qui en découlent.

Garance Robert et Daniel Vásquez

L’organisation de ce référendum accentue en outre la polarisation de la société bolivienne, et génère alors de nouvelles dynamiques politiques. Des groupes hétérogènes se solidarisent autour d’une cause commune : refuser la réélection. Le « Non » est prôné par des opposants traditionnels au MAS et les personnalités qui combattaient la CPE en 2009 se retrouvent paradoxalement à s’affirmer en tant qu’ardents défenseurs du texte. C’est notamment le cas de Ruben Costas, gouverneur de Santa Cruz, ou encore de l’ex-président Quiroga42. La réélection est également désavouée par une classe moyenne urbaine métisse43 qui a pu être séduite par le projet du MAS à ses débuts, mais qui redoute sa volonté hégémonique. Un discours réactionnaire émerge et acquiert une certaine légitimité dans l’espace politique44. Le contexte du référendum est aussi marqué par une opération médiatico-politique, l’affaire Zapata, alimentée par les partisans du « Non ».  Comptant dans leurs rangs des membres puissants de l’oligarchie traditionnelle, ils ont les moyens de relayer l’affaire dans les médias qu’ils possèdent. Morales est ainsi accusé de trafic d’influence favorisant son ancienne maîtresse supposée, Gabriela Zapata, pour l’obtention de contrats publics. Celle-ci était responsable commerciale d’une entreprise chinoise ayant signé des contrats pour environ 560 millions de dollars avec l’État bolivien.

La réponse du MAS est, elle aussi, polarisante : malgré leur hétérogénéité, les adversaires sont rejetés en bloc, stigmatisés, accusés d’être des traîtres à la patrie, des agents de l’impérialisme, racistes et anti-pauvres. Pour justifier un nouveau mandat, le discours officiel relègue l’image d’Evo comme celle du simple paysan, et le transforme en un leader extraordinaire et indispensable pour continuer à mener le « processus de changement »45. Le « gouvernement des mouvements sociaux » acquiert alors peu à peu les traits d’un « populisme polarisant »46. À l’issue du vote, le résultat, bien que serré, sanctionne le MAS, qui essuie sa première défaite électorale depuis son arrivée du pouvoir : le « Non » l’emporte à 51,3 %.

La réponse du MAS est, elle aussi, polarisante : malgré leur hétérogénéité, les adversaires sont rejetés en bloc, stigmatisés, accusés d’être des traîtres à la patrie, des agents de l’impérialisme, racistes et anti-pauvres. Pour justifier un nouveau mandat, le discours officiel relègue l’image d’Evo comme celle du simple paysan et le transforme en un leader extraordinaire et indispensable pour continuer à mener le « processus de changement ».

Garance Robert et Daniel Vásquez

Le MAS dénonce aussitôt une campagne diffamatoire de la part de l’opposition, les accuse d’avoir « manipulé » les électeurs, et récuse l’issue du scrutin. Plus tard, le TCP est saisi afin de valider la candidature de Morales coûte que coûte. Le 18 septembre 2017, un groupe d’élus dépose une « demande de contrôle de constitutionnalité » afin de déclarer inconstitutionnels quatre articles de la CPE47 et cinq articles de la loi électorale qui entreraient en contradiction avec « les droits des citoyens Morales et Garcia Linera »48. L’argument s’appuie sur l’article 256, qui prévoit que les traités internationaux qui favorisent les droits humains prévalent sur les normes constitutionnelles. En se fondant sur une interprétation controversée de l’article 23 de la Convention américaine relative aux droits humains49, les sept membres du TCP, notoirement sympathisants du MAS, valident cette interprétation le 28 novembre 2017 et autorisent la réélection50. Une telle action semble ainsi correspondre précisément au phénomène que Brinks et al.51 décrivent comme « l’interprétation judiciaire en tant que source de non-respect et d’instabilité ». Trois des quatre critères énoncés par les auteurs se retrouvent dans le cas bolivien. D’abord, le TCP est intégralement composé de sympathisants du parti au pouvoir. Ensuite, il existe un large consensus d’experts qui mettent en avant le caractère controversé de la décision52. En supprimant des articles de la CPE, le Tribunal dépasse son rôle de juge, d’interprète (constitué) pour décider du contenu lui-même de la Constitution : il s’octroie un pouvoir constituant, normalement réservé au peuple53, qui s’était de surcroît exprimé à travers le référendum de 2016. Non seulement la norme constitutionnelle est bafouée, mais c’est aussi le cas de la norme électorale, qui constitue pour beaucoup le critère minimal d’un régime démocratique. Enfin, le verdict répond très visiblement aux intérêts spécifiques d’acteurs puissants, ici les chefs de l’État54. Le danger de ce type de stratégie réside alors dans la perte de légitimité et de confiance des citoyens dans les normes institutionnelles, qu’ils soient ou non favorables au MAS. Par exemple la Centrale ouvrière de Bolivie, la Confédération des peuples indigènes de Bolivie ou encore le Conseil national des Ayllus et Markas de Qullasuyu, dit CONAMAQ, devenus relativement autonomes du MAS, sont tiraillés entre partisans et opposants, tandis que les cocaleros des Yungas (au nord de la Paz), les coopératives minières et les notables du Comité Civique de Potosi manifestent des désaccords ponctuels avec le gouvernement55.

Dans un tel contexte, les tentations sont fortes pour remettre en cause le bien-fondé du régime : si les normes sont modifiables à l’envi, quelle différence entre une démocratie formelle et un système dictatorial  ? Ces « coups » portés aux institutions boliviennes par Morales et ses partisans joueront un rôle fondamental dans le contexte électoral de 2019, le pouvoir étant dès le départ soupçonné par certains de viser la réélection au prix d’une fraude si nécessaire.

De la crise électorale à la démission du président : un « smart coup » ?

Cinq jours après les élections générales du 20 octobre 2019, l’Organe électoral plurinational (OEP) déclare officiellement le MAS et son candidat vainqueurs des élections présidentielles (avec 47,08 % des voix) et législatives (avec 67 sièges sur 130 à l’Assemblée Plurinationale et 21 sièges sur 36 au Sénat). La loi électorale bolivienne autorise l’élection d’un président dès le premier tour, si ce dernier obtient plus de 50 % des voix, ou s’il possède une avance de plus de 10 points sur les autres candidats. En 2019, c’est l’ex-président Carlos Mesa (Comunidad Ciudadana, CC) qui arrive en seconde position avec 36,51 % des voix, soit tout juste la différence nécessaire pour éviter un second tour. Dans un contexte de remise en question de l’indépendance de l’OEP, l’arrêt du décompte des voix le 20 octobre sur un résultat provisoire laissant présager un second tour, puis l’annonce de la victoire du MAS le lendemain, en contradiction avec les prédictions de la veille, est l’étincelle qui met le feu aux poudres56.

Ces « coups » portés aux institutions boliviennes par Morales et ses partisans joueront un rôle fondamental dans le contexte électoral de 2019, le pouvoir étant dès le départ soupçonné par certains de viser la réélection au prix d’une fraude si nécessaire.

Garance Robert et Daniel Vásquez

Dès lors, les différents secteurs de l’opposition entament une forte mobilisation urbaine contre le gouvernement, l’organisation de nouvelles élections étant au centre de leurs revendications57. La rébellion est essentiellement convoquée par les classes moyennes urbaines, suivies de segments des classes populaires, de la police et, in fine, soutenue par les forces armées. Le discours officiel qualifie le mouvement de révolte des classes moyennes « contre l’égalité », sur la base d’un « racisme colonial »58. Molina et Stefanoni59 se réfèrent quant à eux à une « contre-révolution civique et policière », considérant que les secteurs urbains agissent certes contre la réélection, mais aussi sur la base d’un « revanchisme social » encouragé par la droite contre les nouvelles « élites plébéiennes et indigènes », qui durant quatorze ans ont dévalorisé radicalement les symboles et le capital culturel de la « classe moyenne blanche traditionnelle ». Ces circonstances donnent le coup de grâce à la crédibilité de l’institution électorale, et plus généralement de l’État, aux yeux de citoyens tournés désormais vers des acteurs de plus en plus radicalisés, qui ont pour nouveau mot d’ordre la démission de Morales.

Le Gouvernement recourt alors à la médiation de l’OEA et sollicite un rigoureux audit des élections d’octobre, accrédité par la mission d’observation. Entre-temps, au sein de l’opposition, l’attention bascule progressivement de Mesa vers Luis Fernando Camacho, un entrepreneur de 40 ans et dirigeant politique de la droite conservatrice de Santa Cruz, militant au sein du Comité Civique. Camacho, fervent opposant à la réélection, puise sa légitimité dans l’invocation de la Bible et du christianisme d’une part, et dans l’la posture auto-proclamée d’incarnation de l’homme fort capable de faire face au « dictateur »60. Camacho est devenu célèbre suite à sa tentative d’accéder au palais présidentiel pour remettre en main propre une lettre de démission au président. Bloqué par les sympathisants du MAS, sa victimisation a contribué à l’approfondissement de la polarisation. Contrairement aux pratiques habituelles de résolution des conflits politiques en Bolivie – à l’instar de Sanchez de Lozada en 2003 – Morales ne semble pas vouloir se tourner vers l’armée, et prend la décision d’attendre le rapport de l’OEA, ne mobilisant que partiellement ses bases. Le peu d’action de la part du gouvernement pousse d’anciens alliés des secteurs indigènes et populaires, dont les mineurs de Potosí (certains regroupés sous la direction de Marco Pumari du Comité civique) ainsi que les dissidents des organisations sociales, tel le leader de la puissante Centrale ouvrière bolivienne (COB), Juan Huarachi, à s’associer au secteur de la droite religieuse61. L’enjeu de la réélection a donc ouvert la voie à des ententes impensables en 2008, instaurant un nouveau « bloc hégémonique conservateur »62.

L’enjeu de la réélection a ouvert la voie à des ententes impensables en 2008, instaurant un nouveau « bloc hégémonique conservateur ».

Garance Robert et Daniel Vásquez

Les contradictions sont exacerbées le 10 novembre à la suite de la publication du rapport préliminaire de l’OEA, qui met en doute la victoire électorale du MAS. Les résultats sur les irrégularités dans le comptage et l’improbabilité d’un changement de la tendance observée le soir du 20, amène l’OEA à recommander la tenue de nouvelles élections. Cette prise de position est un coup fatal porté au gouvernement63, qui accepte l’organisation d’un nouveau suffrage, mais l’opposition s’obstine à réclamer sa démission. Suivant Molina, on peut souligner que tout au long de la crise, l’opposition (généralement classée « à droite ») a employé contre Morales des formes d’action traditionnellement classées « à gauche » : barrages routiers, grèves, blocage d’institutions et paralysie de la vie publique, associés à une forte mobilisation médiatique64. Ces éléments rappellent alors les ingrédients du « smart coup » théorisés par Cannon65. L’entrée en scène de la police soutenant les blocages, puis la fatidique décision des militaires de « suggérer » la démission du président en direct à la télévision confirment les craintes d’un renversement autoritaire. Barry Cannon interprète des événements similaires sur la base d’une analyse des stratégies de la droite pour s’emparer du pouvoir, qui se matérialise parfois en un « smart coup  ». D’après lui, il existe un arrimage très fort entre la droite politique et les élites économiques en Amérique latine, travaillant main dans la main et de manière extra-institutionnelle pour le contrôle de l’État. Dans son analyse, l’armée est un acteur déterminant pour la désinstitutionalisation de la démocratie

Rapidement après l’allocution des militaires, les principaux dirigeants du MAS démissionnent et partent en exil, ouvrant la voie à la présidence de Jeanine Áñez, alors deuxième vice-présidente du Sénat, une conservatrice investie en présence du chef des Forces armées66 et qui avait pourtant tenu jusqu’ici un rôle politique négligeable. Si Morales avait indéniablement perdu en légitimité à la suite de sa tentative de réélection, l’intervention militaire, le « revanchisme » des forces conservatrices, soit l’interprétation des évènements comme un « smart coup », met en évidence les menaces que ces éléments font peser sur l’avenir de la démocratie en Bolivie.

Rapidement après l’allocution des militaires, les principaux dirigeants du MAS démissionnent et partent en exil, ouvrant la voie à la présidence de Jeanine Áñez, alors deuxième vice-présidente du Sénat, une conservatrice investie en présence du chef des Forces armées.

Garance Robert et Daniel Vásquez

Conséquences de la crise

La crise politique bolivienne a été l’objet de nombreux articles et réactions « à chaud » par divers analystes à travers le monde. Une position intermédiaire et nuancée émerge toutefois chez de nombreux observateurs qui, tout en rappelant les fragilités du modèle bolivien, montrent que l’entrée en scène des Forces armées constitue bien une composante distinctive de l’autoritarisme. Quelles que soient les intentions proclamées par cet acteur, son intervention se situe aux antipodes d’une résolution démocratique à une crise politique. Elle comporte donc le risque d’accentuer la polarisation, et donc de menacer tout à la fois la qualité et la stabilité de la démocratie.

Le remplacement de l’ensemble du personnel politique du MAS par une droite marquée par une tendance répressive et intolérante permet de douter de la supposée neutralité du gouvernement intérimaire chargé de la mise en place de nouvelles élections. La qualité de la démocratie est mise à mal : des personnalités élues se voient obligées de quitter leur poste, créant un vide de pouvoir, et le gouvernement par intérim souffre d’un cruel manque de représentativité. En outre, la répression policière lancée contre les partisans du MAS a impliqué des actes de violence, la restriction de droits et la persécution de nombreux acteurs politiques, plus fortement encore que sous le gouvernement précédent.

Le remplacement de l’ensemble du personnel politique du MAS par une droite marquée par une tendance répressive et intolérante permet de douter de la supposée neutralité du gouvernement intérimaire chargé de la mise en place de nouvelles élections.

Garance Robert et Daniel Vásquez

Au-delà, cette crise semble également peser sur les chances de maintien du caractère démocratique du régime bolivien. Si les demandes de départ de Morales se fondaient sur des revendications de respect de la démocratie et des institutions, le dénouement provisoire de la crise montre que les instances de coercition disposent à tout moment de l’option de supplanter le pouvoir politique civil67. Certains éléments vont toutefois dans le sens d’une possible résilience des structures héritées du MAS : réélection d’un nouveau TSE et possibilité pour le MAS de se présenter, voire de gagner la compétition électorale. La date des prochaines élections fait aujourd’hui l’objet d’un débat intense au Parlement bolivien, du fait de la situation sanitaire mondiale. Si elles sont équitables et libres, ces élections nous permettront d’évaluer si le MAS survivra à la chute de son chef. Dans le cas d’une défaite de ce dernier, si le système institutionnel bolivien, largement hérité des années de pouvoir de Morales, sera en capacité de survivre à la passation du pouvoir68.

Que l’on s’intéresse aux causes ou aux conséquences de ce renversement, la faiblesse institutionnelle représente bien un élément central de la politique bolivienne à de nombreux niveaux. Cette faiblesse est principalement liée au manque crucial de volonté de la part des acteurs politiques de faire respecter et de respecter eux-mêmes les normes institutionnelles, associé à d’autres facteurs, tels le manque de ressources de l’État pour faire appliquer ces normes, ou la résistance de certains pans de la société. Conséquence de cette faiblesse, la crise de 2019 et sa résolution par l’intervention de l’armée indiquent qu’en Bolivie la compétition électorale ne peut encore être considérée comme « the only game in town »69. Elle révèle ainsi les limites d’une « expérience populiste » qui, malgré sa légitimité, n’est pas parvenue à fédérer l’ensemble des acteurs et des citoyens autour de règles partagées.

Que l’on s’intéresse aux causes ou aux conséquences de ce renversement, la faiblesse institutionnelle représente bien un élément central de la politique bolivienne à de nombreux niveaux.

Garance Robert et Daniel Vásquez

En replaçant, à l’instar de Fernand Braudel70, cette histoire institutionnelle dans la « longue durée » et en examinant sa « dépendance au sentier », nous pourrions identifier des dynamiques qui structurent le jeu politique bolivien depuis la Révolution démocratique de 195371, voire l’indépendance. Comprendre la Bolivie contemporaine dans une perspective de ruptures et de continuités avec le passé pourrait représenter une piste prometteuse afin de prendre le recul nécessaire pour l’analyse d’une crise si récente.

Sources
  1. TVN, 24horas.cl, Extrait de la conférence de presse de l’armée suggérant au Président Evo Morales d’abandonner le pouvoir, 10 novembre 2019 [consulté le 3 mai 2020].
  2. BRINKS Daniel M., Steven Levitsky et Maria Victoria Murillo, Understanding Institutional Weakness : Power and Design in Latin American Institutions, Cambridge Elements, Cambridge University Press, 2019.
  3. Soulèvements populaires contre la privatisation de l’eau et l’exploitation des ressources naturelles en Bolivie.
  4. BALLIVIÁN Salvador R, « Análisis de la elección presidencial de 2005 en Bolivia », América Latina Hoy, vol. 43, 2006, p. 31-61.
  5. LEVITSKY Steven et ROBERTS, Kenneth M., « Introduction : Latin American ‘Left Turn’ : A Framework for Analysis », in The Resurgence of the Latin American Left, The Johns Hopkins University Press, 2011, p. 1-30.
  6. DE BOISSIEU Dimitri, Bolivie : l’illusion écologiste, Québec, Les Éditions Écosociété, 2019, p. 35.
  7. GAUDICHAUD Franck, Jeffery R. Webber et Massimo Modonesi, Fin de partie ? Amérique latine : les expériences progressistes dans l’impasse (1998-2019), Paris, Éditions Syllepse, 2020.
  8. MAZON Mauricio, « Álvaro García Linera : Portrait d’un idéologue bolivien », Problèmes d’Amérique latine, N° 98, 2015/3, p. 59-79 ; DE BOISSIEU Dimitri, Bolivie : l’illusion écologiste, Québec, Les Éditions Écosociété, 2019, p. 29.
  9. LACROIX Laurent et Claude Le Gouill, Le processus de changement en Bolivie : la politique du gouvernement d’Evo Morales (2005-2018), Paris, Éditions de l’IHEAL, 2019 [date de consultation : le 3 mai 2020].
  10. LEVITSKY Steven et ROBERTS Kenneth M., « Introduction : Latin American ‘Left Turn’ : A Framework for Analysis », in The Resurgence of the Latin American Left, The Johns Hopkins University Press, 2011, p. 1-30.
  11. LEVITSKY Steven et ROBERTS Kenneth M., « Introduction : Latin American ‘Left Turn’ : A Framework for Analysis », in The Resurgence of the Latin American Left, The Johns Hopkins University Press, 2011, p. 1-30.
  12. GARCÍA LINERA Álvaro, La potencia plebeya : acción colectiva e identidades indígenas, obreras y populares en Bolivia, Bogotá, Siglo del Hombre Editores y Clacso, 2009.
  13. BOULANGER Philippe, « L’État plurinational de Bolivie », Problèmes d’Amérique latine, N° 108 2018/1, p. 123-141 ; LAVAUD Jean Pierre, « Le vote de la Constitution Bolivienne », Problèmes d’Amérique latine, N° 71, 2009/1, p. 101-107.
  14. LACROIX Laurent et Claude Le Gouill, Le processus de changement en Bolivie : la politique du gouvernement d’Evo Morales (2005-2018), Paris, Éditions de l’IHEAL, 2019 [date de consultation : le 3 mai 2020].
  15. DE BOISSIEU Dimitri, Bolivie : l’illusion écologiste, Québec, Les Éditions Écosociété, 2019, p. 38.
  16. ERREJÓN Íñigo, La lucha por la hegemonía durante el primer gobierno del MAS en Bolivia (2006-2009) : un análisis discursivo, thèse de doctorat en science politique et sociologie, Madrid, Universidad Complutense de Madrid (UCM), 2012.
  17. GARCÍA LINERA Álvaro, « Sindicato, multitud y comunidad. Movimientos sociales y formas de autonomía política en Bolivia », in García Linera, Álvaro, Felipe Quispe, Raquel Gutiérrez, Raúl Prada et Luis Tapia, Tiempos de rebelión, La Paz, Comuna y Muela del Diablo, 2001, p. 347-420 [date de consultation : 3 mai 2020].
  18. GARCÍA LINERA Álvaro, La potencia plebeya : acción colectiva e identidades indígenas, obreras y populares en Bolivia, Bogotá, Siglo del Hombre Editores y Clacso, 2009 ; GARCÍA LINERA Álvaro, Las tensiones creativas de la revolución : La quinta fase del Proceso de Cambio, La Paz, Vicepresidencia del Estado Plurinacional, 2011.
  19. DE BOISSIEU Dimitri, Bolivie : l’illusion écologiste, Québec, Les Éditions Écosociété, 2019, p. 54.
  20. LACROIX Laurent et Claude Le Gouill, Le processus de changement en Bolivie : la politique du gouvernement d’Evo Morales (2005-2018), Paris, Éditions de l’IHEAL, 2019 [date de consultation : le 3 mai 2020].
  21. SILVA Eduardo « The Inconvenient Fact of Anti-Neoliberal Mass Mobilization » et « The Argument : Explaining Episodes of Anti-Neoliberal Contention in Latin America », in Challenging Neoliberalism in Latin America, Cambridge University Press, 2009, p. 1-13 et 43-55
  22. LEVITSKY Steven et Kenneth M. Roberts, « Introduction : Latin American ‘Left Turn’ : A Framework for Analysis », in The Resurgence of the Latin American Left, The Johns Hopkins University Press, 2011, p. 1-30.
  23. SAINT-UPÉRY Marc et Pablo Stefanoni, « Le cauchemar de Bolívar : crise et fragmentation des gouvernements de l’Alba », Hérodote, vol. 171, 2018/4, p. 7-27.
  24. Les Basse-Terres concentrent la majorité de la production agricole industrielle destinée à l’exportation, tandis que l’altiplano et les vallées se dédient à la production à destination du marché intérieur [Lacroix et Le Gouill, 2019]. La culture cocalera se situe quant à elle principalement sur l’altiplano (dans le Chaparé, dans le département de Cochabamba) d’où est originaire Morales, les paysans cocaleros constituant ses soutiens traditionnels et le noyau dur du MAS. La politique qui est mise en place par Morales vis-à-vis de la production de coca (légale) et de son exportation pour fabriquer de la cocaïne (elle, illégale), n’est pas exempte de tensions, mais sa complexité ne permet d’en résumer les enjeux dans le cadre de cet article [Lavaud, 2012].
  25. SAINT-UPÉRY Marc et Pablo Stefanoni, « Le cauchemar de Bolívar : crise et fragmentation des gouvernements de l’Alba », Hérodote, vol. 171, 2018/4, p. 7-27.
  26. LACROIX Laurent et Claude Le Gouill, Le processus de changement en Bolivie : la politique du gouvernement d’Evo Morales (2005-2018), Paris, Éditions de l’IHEAL, 2019 [date de consultation : le 3 mai 2020].
  27. VARGAS S., Rosío, « La nacionalización de los hidrocarburos bolivianos en la presidencia de Evo Morales Ayma », Latinoamérica : Revista de Estudios latinoamericanos, N° 49, 2009, p. 11-34 [date de consultation : 3 mai 2020].
  28. LACROIX Laurent et Claude Le Gouill, Le processus de changement en Bolivie : la politique du gouvernement d’Evo Morales (2005-2018), Paris, Éditions de l’IHEAL, 2019 [date de consultation : le 3 mai 2020].
  29. SAINT-UPÉRY Marc et Pablo Stefanoni, « Le cauchemar de Bolívar : crise et fragmentation des gouvernements de l’Alba », Hérodote, vol. 171, 2018/4, p. 7-27.
  30. Le PIB global est passé de 11,5 milliards en 2006 à 40,3 milliards en 2018 tandis que le taux de pauvreté a diminué, passant de 59,9 % en 2006 à 34,6 % en 2018 [Banque Mondiale, 2018].
  31. SAINT-UPÉRY Marc et Pablo Stefanoni, « Le cauchemar de Bolívar : crise et fragmentation des gouvernements de l’Alba », Hérodote, vol. 171, 2018/4, p. 7-27.
  32. MOLINA Fernando, « Elecciones bolivianas, el fin de la polarización » Cplatam, 27 septembre 2014 [date de consultation : 3 mai 2020].
  33. DE BOISSIEU Dimitri, Bolivie : l’illusion écologiste, Québec, Les Éditions Écosociété, 2019 ; LACROIX Laurent et Claude Le Gouill, Le processus de changement en Bolivie : la politique du gouvernement d’Evo Morales (2005-2018), Paris, Éditions de l’IHEAL, 2019 [date de consultation : le 3 mai 2020].
  34. Cf. Lacroix et Le Gouill, 2019.
  35. CAMERON, John et Jason Tockman, « Indigenous Autonomy and the Contradictions of Plurinationalism in Bolivia », Latin American Politics and Society, Vol. 56, No. 3, Automne 2014, p. 46-69.
  36. FLEMMER Riccarda et Almut Schilling‐Vacaflor, « Unfulfilled promises of the consultation approach : the limits to effective indigenous participation in Bolivia’s and Peru’s extractive industries », Third World Quarterly, vol. 37, 2016/1, p. 172-188.
  37. Window-dressing institutions, BRINKS Daniel M., Steven Levitsky et Maria Victoria Murillo, Understanding Institutional Weakness : Power and Design in Latin American Institutions, Cambridge Elements, Cambridge University Press, 2019.
  38. DE BOISSIEU Dimitri, Bolivie : l’illusion écologiste, Québec, Les Éditions Écosociété, 2019 ; CANESSA Andrew, « Les paradoxes des politiques multiculturelles en Bolivie : entre inclusion et exclusion », Problèmes d’Amérique latine, N° 92, 2014/1, p. 11-26.
  39. DE BOISSIEU Dimitri, Bolivie : l’illusion écologiste, Québec, Les Éditions Écosociété, 2019
  40. BOULANGER Philippe, « L’État Plurinational de Bolivie », Problèmes d’Amérique latine, N° 108 2018/1, p. 123-141.
  41. Non-compliance, BRINKS Daniel M., Steven Levitsky et Maria Victoria Murillo, Understanding Institutional Weakness : Power and Design in Latin American Institutions, Cambridge Elements, Cambridge University Press, 2019.
  42. BOULANGER Philippe, « L’État Plurinational de Bolivie », Problèmes d’Amérique latine, N° 108 2018/1, p. 123-141.
  43. Le terme métisse est ici compris dans le sens général de l’espagnol mestizo et renvoie à des populations qui ont des ascendances européennes et indigènes, qui parlent majoritairement l’espagnol, et qui ne s’identifient pas à une ethnie autochtone spécifique.
  44. STEFANONI Pablo, « Bolivia sin Evo », El País, 11 novembre 2019 [date de consultation : 3 mai 2020].
  45. STEFANONI Pablo, « El nuevo escenario político boliviano », Revista Nueva Sociedad, Coyuntura, Nº 262 / Mars-Avril 2016 [date de consultation : 25 mars 2020].
  46. HANDLIN, Samuel, « The Logic of Polarizing Populism : State Crises and Polarization in South America », American Behavioral Scientist 2018, Vol. 62(1) 2018, p. 75 –91.
  47. Les articles : 156 (durée de cinq ans du mandat des parlementaires limité à une réélection) ; 168 (durée de cinq ans du mandat du Président et du vice-président limité à une réélection), 285 (conditions générales d’accès et durée du mandat limité à une réélection pour les maires et les gouverneurs) et 288 (durée de cinq ans du mandat des membres des assemblées municipales et départementales limité à une réélection) [Boulanger, 2019].
  48. BOULANGER Philippe, « L’État Plurinational de Bolivie », Problèmes d’Amérique latine, N° 108 2018/1, p. 123-141.
  49. Nommé également « Pacte de San José » (Costa Rica) ratifié en 1993 par la Bolivie. L’article 23 affirme notamment que n’importe quel citoyen peut accéder et participer aux fonctions électives.
  50. AUDUBERT Victor, «  Juger de l’inconstitutionnalité d’une norme constitutionnelle ? Le cas de la décision du tribunal constitutionnel plurinational de Bolivie du 28 novembre 2017  », PUF, Revue française de droit constitutionnel, 2019/4 N° 120, p. 1-17.
  51. BRINKS Daniel M., Steven Levitsky et Maria Victoria Murillo, Understanding Institutional Weakness : Power and Design in Latin American Institutions, Cambridge Elements, Cambridge University Press, 2019, p. 25-26.
  52. AUDUBERT Victor, «  Juger de l’inconstitutionnalité d’une norme constitutionnelle ? Le cas de la décision du tribunal constitutionnel plurinational de Bolivie du 28 novembre 2017  », PUF, Revue française de droit constitutionnel, 2019/4 N° 120, p. 1-17.
  53. Ibid.
  54. Cf. Brinks et al.
  55. BOULANGER Philippe, « L’État Plurinational de Bolivie », Problèmes d’Amérique latine, N° 108 2018/1, p. 123-141.
  56. LEVITSKY Steven et Kenneth M. Roberts, « Introduction : Latin American ‘Left Turn’ : A Framework for Analysis », dans The Resurgence of the Latin American Left, The Johns Hopkins University Press, 2011, p. 1-30.
  57. MOLINA Fernando, « Bolivia : ¿golpe o (contra)revolución ? », Revista Nueva Sociedad, Opinión, Novembre 2019c [date de consultation : 3 mai 2020].
  58. GARCÍA LINERA Álvaro, « ‘’Curva de Elefante’’ y clase media », Facebook, 12 janvier 2020 [date de consultation : 3 mai 2020].
  59. MOLINA Fernando et Pablo Stefanoni, « Bolivie : comment Evo est tombé », Mediapart, blog de Pablo Stefanoni, 14 novembre 2019 [date de consultation : 3 mai 2020].
  60. STEFANONI Pablo, « Notas (sueltas) sobre la crisis post-electoral boliviana », Rebelión, 7 novembre 2019a [date de consultation : 3 mai 2020].
  61. MOLINA Fernando, « Bolivia : ¿golpe o (contra)revolución ? », Revista Nueva Sociedad, Opinión, Novembre 2019c [date de consultation : 3 mai 2020].
  62. STEFANONI Pablo, « Notas (sueltas) sobre la crisis post-electoral boliviana », Rebelión, 7 novembre 2019a [date de consultation : 3 mai 2020].
  63. MOLINA Fernando et Pablo Stefanoni, « Bolivie : comment Evo est tombé », Mediapart, blog de Pablo Stefanoni, 14 novembre 2019 [date de consultation : 3 mai 2020]. Jusqu’ici l’OEA était soupçonnée de favoritisme envers le MAS par l’opposition bolivienne. Le rapport de l’OEA a été remis en cause, notamment via le Center for Economic and Policy Research (CEPR), qui a publié deux contre rapports mettant en lumière la probabilité statistique des résultats annoncés par l’OEP [Curiel et Williams, 2019 ; Long et. al., 2019]. Ils accusent l’OEA de ne pas avoir eu une attitude neutre.
  64. MOLINA Fernando, « Bolivia : ¿golpe o (contra)revolución ? », Revista Nueva Sociedad, Opinión, Novembre 2019c [date de consultation : 3 mai 2020].
  65. CANNON Barry, « Coups, ‘Smart coups’ and Elections : Right Power Strategies under Left-led Governments », in The Right in Latin America : Elite Power, Hegemony and the Struggle for the State, Routledge, 2016, p. 116-149.
  66. STEFANONI Pablo, « Bolivia sin Evo », El País, 11 novembre 2019b [date de consultation : 3 mai 2020].
  67. Ibid.
  68. TORRENT Marine et Florent Zemmouche, « Conversation avec Salvador Romero Ballivián, président du Tribunal électoral suprême de Bolivie », Le Grand Continent, 27 décembre 2019 [date de consultation : 3 mai 2020].
  69. LINZ Juan J. et Alfred Stepan, « Toward Consolidated Democracies », Journal of Democracy, Vol. 7, n° 2, Johns Hopkins University Press, avril 1996, p.14-33.
  70. BRAUDEL Fernand, « Histoire et Sciences sociales : La longue durée », Annales 13-4, 1958, p. 725-753.
  71. MOLINA Fernando, « La “crisis de octubre” : analogías históricas », Brújula Digital, 1 novembre 2019a [date de consultation : 3 mai 2020].