Les sites d’informations officiels chinois ont annoncé le 23 juin que dix heures de discussions ont été menées par les commandements locaux indiens et chinois, dans un esprit cordial, après une nouvelle crise frontalière. La Russie a initié des discussions tripartites pour une désescalade. Quel que soit l’avenir proche, cette nouvelle crise sino-indienne mérite quelques réflexions. 

La frontière entre l’Inde et la Chine est la plus longue frontière du monde sujette à dispute (plus de 4000 km), l’Inde a récemment terminé des négociations sur sa frontière avec le Bengladesh, tandis que la Chine a bouclé des accords avec la plupart de ses voisins terrestres, parmi les vingt pays qui ont une frontière commune avec elle1. La Chine réclame plus de 75 000 km2 (notamment dans ce qu’elle considère comme le Sud du Tibet, et qui est pour l’Inde la North East Frontier Agency – NEFA- créée en 1951, transformée en 1987 en État, l’Arunachal Pradesh). S’ajoutent 37 000 km2 qu’elle occupe, selon New Delhi, depuis la guerre de 1962 (notamment l’Aksai Chin) et les 13 500 km2 du «  Cachemire occupé par le Pakistan  » que celui-ci lui a cédés en 1963. Sans compter 800 km2 au Bhoutan, avec lequel les négociations menées par Pékin traînent depuis plus de trente-cinq ans.

Ces tensions à la frontière sino-indienne sont souvent occultées dans l’actualité. La guerre de 1962 a eu lieu durant la crise de Cuba. Celle de 2017 durant la crise nucléaire américano-nord-coréenne. La crise actuelle se déroule dans le maelstrom du Covid-19, et de l’escalade de la rhétorique sino-américaine. 

Pierre Grosser

Le printemps est propice aux incidents, avec la fonte des neiges. L’essentiel des informations sur les incidents actuels viennent du côté indien. Il faut rester prudent, notamment parce que des images qui circulent n’ont souvent pas de lien direct avec ce qui se passe sur le terrain. De surcroît, on manque encore de données sur les incidents précédents, et notamment sur le bilan humain, même pour la guerre de 1962, et pour les graves incidents au Sikkim en 1967, qui ont sans doute provoqué des centaines de morts. Ces tensions à la frontière sino-indienne sont souvent occultées dans l’actualité. La guerre de 1962 a eu lieu durant la crise de Cuba2. Celle de 2017 durant la crise nucléaire américano-nord-coréenne. La crise actuelle se déroule dans le maelstrom du Covid-19, et de l’escalade de la rhétorique sino-américaine

La frontière ressemble à un clavier. Il est possible d’appuyer à un endroit pour gagner ailleurs, ou de répliquer sur un des points faibles du dispositif de l’adversaire pour répondre à une de ses actions. Selon certains observateurs, la crise actuelle montre une préméditation de la Chine à agir sur plusieurs points à la fois afin d’accroître son contrôle du plateau de l’Aksai Chin et pour limiter la capacité indienne à répliquer3. La Chine est aussi accusée de jeter de l’huile sur le feu dans les tensions frontalières entre l’Inde et le Népal4, qui se sont ravivées mais dont on parle bien moins5. Des incidents navals pourraient également intervenir. Si la Chine ne ménage pas la «  sensibilité  » de l’Inde sur le Cachemire, l’Inde peut «  ignorer  » la «  sensibilité  » de la Chine à l’égard du Tibet, de Taiwan ou du Xinjiang6.

La question des frontières sino-indiennes est en effet liée à celle du Cachemire, qui dure depuis 1947, mais où la ligne de contrôle indo-pakistanaise est, elle, inscrite sur des cartes. La Chine et le Pakistan étant «  de vrais amis et de bons frères  » (selon une formule officielle chinoise), les tensions sino-indiennes permettent que l’Inde ne déploie pas trop de moyens face au Pakistan. L’Inde a bien conscience qu’elle dispose d’un éventail d’options plus réduit à l’encontre de la Chine que du Pakistan. Les Chinois ont l’impression que le choix de New Delhi d’intégrer définitivement le Cachemire et de faire de Ladakh un territoire de l’Union (effectif le 31 octobre dernier) est un moyen de contester leurs acquis territoriaux, notamment ceux de 1963 obtenus du Pakistan, et de menacer les connexions sino-pakistanaises. En sens inverse, pour les Indiens, la Chine utilise cette action de l’Inde en 2019 (qui certes donne un prétexte à la Chine7) pour accroître son grignotage, Pékin étant bien plus adepte de l’unilatéralisme que Delhi et ayant toujours ajusté son utilisation de la question du Cachemire à ses choix diplomatiques8. La Chine aurait de vraies ambitions au Cachemire et dans l’Arunachal Pradesh, que certains médias chinois font régulièrement disparaître de leurs cartes de l’Inde9.

La Chine et le Pakistan étant «  de vrais amis et de bons frères  » (selon une formule officielle chinoise), les tensions sino-indiennes permettent que l’Inde ne déploie pas trop de moyens face au Pakistan.

Pierre Grosser

Enfin, il faut rappeler que la situation juridique y est complexe. Les contentieux frontaliers résultent de la territorialisation dans le cadre d’enveloppes étatiques modernes, alors même qu’il s’agit d’une zone qui est longtemps restée en marge de ce type de construction souveraine, dans un monde qui de surcroît était celui des Empires. On peut même se poser des questions sur la pertinence des logiques d’État et de frontières dans ces régions de très haute altitude10. Nehru invoquait une frontière très ancienne, mais les Britanniques ont créé l’État du Jammu et Cachemire en 1846, puis négocié ses frontières. Lors de l’indépendance de l’Inde, cet État n’est pas inclus dans l’Empire des Indes. C’est ensuite que le souverain du Cachemire demande son rattachement. Il n’est donc pas simple pour l’Inde d’utiliser les traités signés par l’État du Cachemire11, qui n’ont pas d’ailleurs permis de définir une vraie frontière dans ce secteur occidental, pas plus que la ligne McMahon issue des négociations entre les Britanniques et le Tibet (la convention de Simla de 1914) non reconnue par la Chine. Les dirigeants chinois, pour leur part, dénoncent des frontières injustes imposées par les «  impérialistes  ». Ils se fondent parfois sur l’extension de l’Empire tibétain aux VIIe-IXe siècles. Or, les travaux s’accumulent pour rappeler que la Chine actuelle invoque une enveloppe territoriale qui résulte en réalité de l’expansion territoriale des Qing (1644-1911), avec des périphéries qui n’étaient pas contrôlées12. Dans le cas du Tibet, c’est seulement en 1959 que la prise en main s’opère par l’État central, de force, en profitant de la révolte tibétaine de mars, et de la fuite de Dalai Lama en Inde13. Pékin mit alors fin à l’expérience de Front uni entre classes sociales et de politique d’autonomie et d’égalité des nationalités initiée en 195014. Ainsi donc, l’Inde indépendante et la République Populaire de Chine ont fonctionné comme les empires post-coloniaux, dans une zone himalayenne aux populations diverses15, loin des centres de pouvoir d’État. Au début des années 1960, Pékin craignait l’activité des «  acteurs non étatiques  » de cette région, notamment les marchands et nomades, qui pouvaient être des espions ou des agitateurs venant semer le désordre au Tibet16

La double face du passé

Alors que l’histoire de la politique extérieure de l’Inde après 1947 est souvent racontée en insistant sur le facteur pakistanais, les historiens montrent désormais que la rivalité avec le Pakistan n’empêchait pas de nombreux canaux de communication17, et que le facteur chinois fut très important pour tous les choix du jeune État indien18. En Chine, on explique depuis longtemps que la Chine et l’Inde sont deux grandes civilisations, que le liens existent par le bouddhisme et les pratiques de médecine, voire que les deux pays peuvent œuvrer ensemble au retour à la prédominance civilisationnelle de l’Orient19). Le «  siècle asiatique  » pourrait se muer en «  Chindia  ». Le panasianisme ne fut pas en effet une exclusivité japonaise. Il ne faut toutefois pas exagérer les connexions anciennes, surtout assurées par des acteurs extérieurs (marchands musulmans, impérialistes britanniques….). Il y eut des échanges intellectuels durant les années 1930, et un célèbre voyage de Tchiang Kai-chek en Inde en 1942. Mais ce dernier voulant ramener le Tibet dans le giron de la Chine20, et considérait dès 1947 que l’Inde était une puissance impériale21, qui eut l’outrecuidance d’inviter le Tibet lors de sa conférence inter-asiatique de 194722.

L’Inde indépendante et la République Populaire de Chine ont fonctionné comme les empires post-coloniaux, dans une zone himalayenne aux populations diverses, loin des centres de pouvoir d’État.

Pierre Grosser

Nehru a mené une politique de cooptation à l’égard de la Chine communiste, laquelle l’avait pourtant considéré dans un premier temps comme un réactionnaire, au vu de son traitement du Parti Communiste indien. En 1950-51, l’Inde refuse la proposition des États-Unis de prendre le siège permanent de la Chine (alors la République de Chine) au Conseil de sécurité des Nations Unies23, jugeant qu’à terme les deux Grands de l’Asie devaient y figurer. L’Inde cherchait à tamiser l’hostilité des États-Unis à l’égard de la Chine qui intervient dans la guerre de Corée, et cherchait à la faire condamner comme agresseur aux Nations unies, et eut un rôle dans les négociations pour y mettre fin24. En même temps, l’Inde occupe militairement Tawang, au Nord-Ouest de la NEFA, et cherche à couper l’approvisionnement du Tibet en nourriture depuis le Bhoutan et le Nord-est de l’Inde après que le Tibet a été occupé par l’Armée chinoise en 195125. Néanmoins, Nehru est très accommodant sur le Tibet lors de sa rencontre avec Zhou Enlai en 1954, et laissa une place importante à la Chine lors de la conférence de Bandung. C’est le temps de l’Hindi-Chini Bhai Bhai, «  Indiens et Chinois comme frères  »26. Un des objectifs de l’Inde est alors de détacher la Chine de l’Union Soviétique. Pourtant, la Chine installe des infrastructures dans l’Aksai Chin (qui connecte Xinjiang et Tibet).

Des incidents éclatent à l’été 1959, après que la Chine a maté la révolte tibétaine, que le dalaï lama s’est réfugié en Inde, et que l’Inde a affirmé son attachement à la ligne McMahon. La propagande chinoise dénonce l’expansionnisme de l’Inde, marqué par les gènes de l’impérialisme britannique. Durant plusieurs années, Pékin craint les manœuvres de la CIA, de l’Inde et de Taiwan pour déstabiliser le Tibet. Mais la Chine est inquiète de la situation en Indochine, dont pourraient profiter les États-Unis, de la tentation de son allié soviétique de se rapprocher de l’Inde (ou tout du moins d’être neutre dans le contentieux frontalier), et se trouve en plein cœur de son désastreux «  Grand Bond en avant  ». La Chine est donc prête à quelques concessions. Elle commence à proposer de lâcher l’Est pour l’Ouest, de mener des négociations sur les frontières, avec recul des troupes des deux côtés pour éviter les incidents. L’Inde s’effraie des demandes chinoises dans la NEFA. Elle soutient que l’Aksai Chin appartient à l’Inde, une position plus ferme que quelques années auparavant. En réalité, le problème pour l’Inde est de considérer que certaines frontières sont négociables, ce qui pourrait ouvrir la boîte de Pandore, surtout que l’appétit chinois pourrait ne jamais s’arrêter. À l’Ouest, Pékin lorgne en effet sur une partie du Ladakh. Les discussions entre Nehru et Zhou Enlai en avril 1960 à New Delhi échouent. Nehru est d’accord sur des concessions sur l’Aksai Chin, mais ni sur les demandes chinoises sur le Ladakh, ni sur le principe que l’ensemble de la frontière est négociable27. Il déclare en 1961 que la question ne pourra être résolue tant que la Chine occupera des territoires. 

En novembre 1961, l’Inde lance la politique de l’avant (forward policy), à savoir des patrouilles là où la Chine s’est installée, et surtout sur des territoires que Pékin convoite (secteur occidental, Ladakh). C’est une politique risquée, mais en phase avec une opinion désormais inquiète de la politique chinoise à la frontière. Nehru était sensible à sa réputation à l’égard des nationalistes, mais aussi de la Chine à qui il devait montrer sa détermination28. En définitive, la Chine passe à l’offensive à l’automne 1962, humiliant l’Inde obligée de quémander le soutien des États-Unis. Cette défaite reste un traumatisme. Nehru est tour à tour considéré comme trop naïf, incapable de comprendre la nature du régime et des ambitions de la Chine (notamment son ambition sur les «  cinq doigts du Tibet », Ladak, Nepal, Sikkim, Bouthan, Arunachal Pradesh) et ne croyant pas qu’elle oserait attaquer, ou bien trop intransigeant sur les questions frontalières pour satisfaire l’opinion, au risque de provoquer Pékin. Du coup, l’Inde ne s’est guère préoccupée de connaître la Chine, et encore aujourd’hui le monde académique s’y intéresse peu, laissant la voie libre aux think tanks et stratèges d’une part, et à des hommes politiques qui partent de leur «  idée de la Chine  » plus que la Chine réelle.

L’Inde ne s’est guère préoccupée de connaître la Chine, et encore aujourd’hui le monde académique s’y intéresse peu, laissant la voie libre aux think tanks et stratèges d’une part, et à des hommes politiques qui partent de leur «  idée de la Chine  » plus que la Chine réelle.

Pierre Grosser

De la «  neutralisation  » de la question frontalière à la montée des tensions

À la suite de vingt-cinq ans de relations tendues après la guerre sino-indienne de 1962, les relations se normalisent, d’autant que Pékin ne s’oppose pas à l’annexion du Sikkim par l’Inde en 1975. Celle-ci est désormais persuadée, grâce à sa bombe atomique et à sa gestion de la crise frontalière de 1986-8729, qu’elle peut se rapprocher de la Chine sans craindre une nouvelle guerre, même si Moscou, l’allié de 1971 face à la Chine, se rapproche aussi de Pékin. Rajiv Gandhi fait une visite remarquée en Chine en 1988. En 1993, l’Inde finit par accepter l’expression «  ligne de contrôle effectif » («  Line of Actual Control  ») que la Chine utilise depuis 1959, même s’il n’y a pas d’accord sur son tracé, ni sur les cartes ni au sol. Pour l’Inde elle fait 3500 km, contre 2000 km pour la Chine. A partir du milieu des années 1990, des mesures de «  confidence building  » et des mécanismes de consultation ont été mis en place. Les rencontres sont régulières. La Chine et l’Inde ont alors d’assez bonnes relations, notamment pour contrebalancer les États-Unis dans un monde unipolaire, dans le sillage du vieux projet russe de triangle Moscou-Pékin-Delhi, repris par Gorbatchev30, puis par le ministre des affaires étrangères Primakov à la fin des années 1990. Aujourd’hui encore, Moscou prétend au rôle de médiateur après la crise, tout en étant accusé par Pékin de vouloir accroître ses traditionnelles ventes d’armes à l’Inde, comme elle accusait l’Union Soviétique d’avoir soutenu l’Inde et non la Chine durant la guerre de 1962. Le BRICS apparaît comme un «  partenariat révisionniste  » face à l’ordre américain.

Pourtant, les relations entre Delhi et Washington se renforcent à partir de 2000, avec la visite de Clinton. Elles sont de plus en plus étroites sous les présidences Bush, puis Obama, ce qui n’empêche pas New Delhi de chercher à «  jouer finement  » entre Washington et Pékin31. À partir de 2008, et alors que la Chine devient le premier partenaire commercial de l’Inde, le contentieux frontalier devient plus aigu. La Chine ne joue plus l’Arunachal Pradeh pour obtenir l’Aksai Chin, mais lorgne sur le premier pour ses ressources hydrauliques. Les Chinois multiplient les infrastructures civiles et militaires de leur côté. Les difficultés des États-Unis depuis la fin des années 2000 et la montée en puissance accélérée de la Chine créent une réelle dissymétrie de puissance entre l’Inde et la Chine. Le PNB de la Chine est désormais cinq fois plus élevé, la moitié de l’important déficit commercial de l’Inde est dû au commerce avec la Chine, le budget militaire de la Chine est trois fois plus important que celui de l’Inde alors qu’ils étaient au même niveau en 1988, et la Chine possède deux fois plus de têtes nucléaires et d’avions de combat. Ces chiffres ont été rappelés par Global Times de 23 juin, prétendument pour calmer l’agitation des nationalistes indiens. Cette nouvelle donne a recomposé le triangle stratégique États-Unis-Chine-Inde32.

Pékin espérait que Narendra Modi, élu en 2014, arrêterait le glissement de la Chine vers les États-Unis, et se rapprocherait de Pékin. Ce qui peut paraître paradoxal, car traditionnellement c’est la tendance «  nehruvienne » de la politique étrangère indienne qui privilégie les rapports Sud-Sud et considère que se rapprocher des États-Unis fait «  perdre la Chine  »33. Toutefois, le corridor économique sino-Pakistanais (CPEC), lancé en 2015, inquiète l’Inde. Il signale un intérêt renouvelé de la Chine pour le Pakistan34, alors que les relations s’étaient un peu distendues depuis la fin des années 1980, notamment à cause de l’amélioration des relations sino-indiennes. Cela rappelle le tournant pakistanais de la Chine à la fin des années 1950.

À partir de 2008, et alors que la Chine devient le premier partenaire commercial de l’Inde, le contentieux frontalier devient plus aigu. La Chine ne joue plus l’Arunachal Pradeh pour obtenir l’Aksai Chin, mais lorgne sur le premier pour ses ressources hydrauliques. Les Chinois multiplient les infrastructures civiles et militaires de leur côté.

Pierre Grosser

Il y eut des incidents entre patrouilles en avril 2013, puis en septembre 2014, et enfin, durant l’été 2017 la crise de Doklam (Dong Lang pour la Chine), territoire disputé entre la Chine et le Bhoutan. L’Inde n’acceptait pas la construction d’une route par les Chinois, qui ne changeait pas les données territoriales mais stratégiques. Son opération contre les installations chinoises était un signal envoyé à la Chine sur la détermination de Delhi, et du Bhoutan avec lequel l’Inde a signé un traité en 2007. Si l’Inde a semblé tenir bon, il était déjà annoncé que la Chine testerait encore la détermination indienne35. L’apparente victoire indienne fut ternie par la continuation des opérations de construction chinoises qui apparaissent comme une volonté de dominer le plateau. Au même moment, les États-Unis durcissaient le ton après les premiers mois de la présidence Trump, le Quad (États-Unis, Inde, Japon, Australie) était ressuscité en novembre 2017, après la visite de Shinzo Abe en Inde en septembre.

La rencontre entre Xi Jinping et Modi à Wuhan à la fin avril 2018 fut moins un nouveau départ qu’un moyen de clore une période de crise. L’«  esprit de Wuhan  » fut interprété comme un «  reset  », expression utilisée en permanence depuis. Toutefois, si Inde et Chine dansent ensemble de nouveau, ce n’est pas «  joue contre joue  »36. La Chine bloque toujours l’accès de l’Inde au Conseil de Sécurité des Nations unies, et au Nuclear Supply Group, et s’oppose à la condamnation internationale de groupes et individus terroristes pakistanais au Cachemire. Mais la coopération semble nécessaire. Un exercice commun anti-terroriste a eu lieu malgré des approches différentes entre Pékin et Delhi37. L’Inde a besoin de la Chine pour que celle-ci pousse le Pakistan à lui laisser une place sur la question afghane. L’Inde est le premier récipiendaire de prêts de l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB). Concentrée sur ses réformes intérieures, elle a besoin de la Chine et de ses investissements. Le ton devient très modéré à New Delhi sur le Tibet et sur les Routes de la Soie, malgré les inquiétudes38. Modi a déclaré que le concept d’Indo-Pacifique doit être inclusif, pour ne pas paraître antichinois. L’Inde apparaît comme le maillon hésitant du Quad39.

Dès lors, monte en force en Inde un discours sur « l’appeasement  » que pratiquerait Modi, ce qui renvoie à la diplomatie britannique des années 1930, qui permet des analogies douteuses mais politiquement efficaces40. Cet appeasement pourrait toutefois être, comme dans les années 1930, une politique réaliste en fonction des rapports de force, de l’éventail des stratégies menées (l’Inde est le deuxième importateur d’armes du monde après l’Arabie Saoudite et multiplie les partenariats diplomatico-stratégiques), du soutien de la grande puissance dont la crédibilité et la solidarité sont questionnées aujourd’hui. Aujourd’hui, Rahul Gandhi critique avec des accents quasi-churchilliens l’abandon par Modi de territoires indiens à la Chine41.

Aujourd’hui, Rahul Gandhi critique avec des accents quasi-churchilliens l’abandon par Modi de territoires indiens à la Chine.

Pierre Grosser

Les tensions montaient en effet avant la crise de ce printemps. Pékin a créé un Commandement de théâtre pour tout l’Ouest de la Chine. L’APL multiplie les exercices au Tibet42. Depuis une dizaine d’années, l’Inde et la Chine ont entrepris des constructions d’équipements pour le contrôle et la logistique à proximité de la frontière43. Selon les Indiens, les transgressions de frontières par les Chinois ont augmenté en 2019, après une décrue en 2018. Cela explique notamment par le fait que le renseignement américain fournit désormais plus de données à l’Inde sur ces mouvements, et que les patrouilles indiennes sont davantage présentes dans la zone. Il semble que le temps soit aux grignotages territoriaux, même s’il n’est plus question de grandes conquêtes44.

Le terme à la mode devient alors «  competitive engagement  », mélange d’engagement et de compétition45. Les relations entre l’Inde et l’Australie se renforcent, aboutissant à un accord logistique comme avec les États-Unis et la France46. En effet, la relation sino-indienne ne se joue pas seulement sur ces frontières himalayennes, au Tibet (avec désormais la question de la succession du Dalai Lama, que Pékin voudrait contrôler) ni même à l’échelle du sous-continent indien (avec l’axe Chine-Pakistan encerclant l’Inde, les rivalités pour le Népal, Sri Lanka ou les Maldives), mais à une échelle Indo-Pacifique, à la fois parce que la Chine élargit ses horizons, notamment dans l’Océan Indien et en Eurasie avec les Routes de la Soie, et parce que New Delhi a besoin des puissance d’Asie-Pacifique pour contrebalancer une Chine plus puissante47, même si l’élargissement des horizons économiques et diplomatiques de l’Inde n’est pas pensé uniquement en fonction du facteur chinois. En réalité la rivalité existe aussi en Afrique, et au Moyen-Orient désormais.

La relation sino-indienne ne se joue pas seulement sur ces frontières himalayennes, au Tibet (avec désormais la question de la succession du Dalai Lama, que Pékin voudrait contrôler) ni même à l’échelle du sous-continent indien (avec l’axe Chine-Pakistan encerclant l’Inde, les rivalités pour le Népal, Sri Lanka ou les Maldives), mais à une échelle Indo-Pacifique.

PIerre Grosser

L’opinion indienne a critiqué la Chine sur la gestion de la crise du Covid, qui touche le pays de plein fouet48, et le fait entrer en récession. Delhi a soutenu la motion australienne pour une commission d’enquête sur l’origine du virus (mais avec prudence car, comme en 1951, l’Inde ne veut pas être entraînée par les États-Unis à condamner la Chine aux Nations unies). Comme d’autres pays, l’Inde a imposé des restrictions aux investissements chinois49, même si Pékin soutient 500 millions de prêts AIIB supplémentaires à l’Inde. Elle semble d’avantage intéressée par Taiwan, alors qu’elle était toujours restée prudente, d’autant que la République de Chine, jusqu’au début du processus de démocratisation à la fin des années 1980, ne reconnaissait pas plus que Pékin la ligne McMahon, et prenait des positions sur les questions territoriales similaires à celles de la Chine communiste50 (et même plus dures encore sur la Mongolie extérieure). Delhi demande son retour à l’OMS et semble s’y intéresser bien davantage.

Le clash est donc intervenu en mai-juin 2020, en particulier dans la vallée de la rivière Galwan. Il a d’abord été interprété comme une sorte de Doklam à l’envers à cause de la construction d’infrastructures par l’Inde près du Lac du Pangong Tso et de la rivière, qui auraient changé le statu quo. La comparaison est faite aussi avec l’infiltration pakistanaise de Kargil en 1999, qui a provoqué une crise dont on se demande encore si elle aurait pu déclencher une escalade nucléaire  ; l’Inde, soutenue diplomatiquement par les États-Unis, l’avait emporté. On parle donc d’incursions chinoises, de nouveau «  fait accompli  » comme en 1962. Les images satellites sont scrutées pour tenter de voir ces troupes chinoises du côté indien de la Ligne de Contrôle effectif, tandis que le Président Modi a déclaré qu’il n’y avait pas de présence chinoise en territoire indien. Pour sa part, la Chine parle de soldats indiens dans la vallée qui serait chinoise, cartes à l’appui dans les médias. La Chine demande l’arrêt des constructions, et l’Inde le retour au statu quo le long de la Ligne de Contrôle effectif. Surtout, un véritable affrontement a eu lieu le 15 juin, qui a semble-t-il causé plusieurs dizaines de morts. Le rapport de forces sur le terrain n’est pas défavorable à l’Inde qui a renforcé ses capacités locales  ; mais les forces ont été surprises et il a fallu en acheminer de nouvelles.

Plus largement, la crise a été replacée dans la conjoncture de tensions avec la Chine, dont la diplomatie est plus agressive depuis que son succès dans la crise du Covid-19 a été remis en cause. Au minimum, elle semble se crisper sur ses acquis de souveraineté (à Hong Kong, en Mer de Chine du Sud et dans l’Himalaya), comme une «  forteresse assiégée  ». Au maximum, fière de sa gestion de crise mais soucieuse de resserrer les rangs face aux critiques internes, elle serait en train de tester les puissances concurrentes affaiblies par l’épidémies (l’Inde comme les États-Unis et l’Union européenne), par un grignotage s’apparentant à la tactique du salami.

La crise a été replacée dans la conjoncture de tensions avec la Chine, dont la diplomatie est plus agressive depuis que son succès dans la crise du Covid-19 a été remis en cause.

Pierre Grosser

Un tournant dans les relations sino-indiennes  ?

L’Inde ne goûte guère la condescendance de la Chine et à son égard, ni sa vision hiérarchique des rapports entre États. En effet, pour Pékin, l’Inde apparaît comme un «  rival impertinent qui ne veut pas régler les contentieux territoriaux dans un sens favorable à Pékin  »51. Bien souvent, la Chine considère l’Inde comme une création britannique artificielle, n’ayant jamais existé dans l’histoire, pleine d’exemples de pauvreté repoussante et qui ne peut avoir la prétention à rivaliser52. Les conflits «  plus petits  » avec l’Inde ou le Japon ne peuvent être comparés avec le danger d’un affrontement États-Unis – Chine53. Pour la République Populaire, comme le rappelle M. Taylor Fravel, le front Sud-ouest a toujours été secondaire  ; elle y recherche avant tout la stabilité54. Il lui faut éviter un jour une guerre sur deux fronts55. Aujourd’hui, Pékin ne veut pas faire de concessions à l’Inde sur le plan territorial, à cause de l’importance stratégique ou symbolique des territoires contestés, mais souhaite empocher autant de gains tactiques que possible56. Néanmoins, il n’est pas inimaginable que la Chine choisisse de «  donner une leçon  » à l’Inde (comme elle a voulu le faire à l’égard du Vietnam en 1979), par un conflit limité, avant que l’Inde se renforce et le Quad se solidifie, de sorte qu’elle ne soit pas un caillou dans les bottes de géant grâce auxquelles la Chine marche vers son triomphe de 2049. Les médias officiels chinois menacent l’Inde qu’en cas d’escalade elle sera humiliée comme en 1962. La dernière guerre menée par la Chine l’a été contre le Vietnam en 1979. Or, la Chine accusait le Vietnam de participer à son encerclement, avec l’URSS, la Mongolie extérieure, l’Afghanistan après 1979, et aussi l’Inde qui signa un traité avec Moscou en 1971 et se rapprocha du Vietnam à partir de 197257. Pékin voit dans l’Inde un maillon de la chaîne qui cherche à l’encercler, sous impulsion des États-Unis. En sens inverse, le Vietnam se sentait encerclé par la Chine (qui soutenait les Khmers Rouges au Cambodge), comme l’Inde se sent encerclée par la connexion Chine-Pakistan qui se renforce. 

L’Inde serait moins naïve qu’incapable de vraiment se préparer, notamment dans le domaine du renseignement, de comprendre qu’à terme la Chine sera davantage un défi que le Pakistan, sans la surestimer, ni penser qu’elle est un défi insurmontable, et qu’elle aura moins de marge de manœuvre vis-à-vis de Washington et Moscou que durant la guerre froide. En même temps, les expériences de 1967, 1987, 2017 et autres montreraient que l’Inde n’est plus dans la situation d’infériorité de 1962, d’autant qu’aujourd’hui, des think tanks classés « faucons  » vantent la capacité de l’Inde à résister à la Chine – et trouvent donc de l’écho en Inde même58. La rivière Gadwar est comparée avec la Mer de Chine du Sud : des faits accomplis permettraient à la Chine de se donner des avantages stratégiques, et des revendications territoriales pour constituer de «  zones tampon  » pour «  protéger  » les territoires saisis (ici l’Aksai Chin)59.

Pékin voit dans l’Inde un maillon de la chaîne qui cherche à l’encercler, sous impulsion des États-Unis. En sens inverse, le Vietnam se sentait encerclé par la Chine (qui soutenait les Khmers Rouges au Cambodge), comme l’Inde se sent encerclée par la connexion Chine-Pakistan qui se renforce.

Pierre Grosser

De nouveau, les forces armées chinoises sont là et vont sans doute rester60. Le face à face sera de plus en plus militarisé, les renforts en équipement et personnels affluant déjà , et les systèmes de surveillance se renforcent (l’Inde s’apprêtant à utiliser des drones israéliens. Des deux côtés, on poste des vidéos montrant l’acheminement et le test de matériel sophistiqué. En 2018, une analyse avait pronostiqué un effectif d’un demi-million d’hommes aux frontières61. Le face à face sera plus risqué si les commandements locaux obtiennent plus d’autonomie62. La question de la frontière avec l’Inde ne sera pas sans doute jamais réglée ; sa gestion en revanche, qui permettait de garder le couvercle à moitié fermé sur le problème, devient périlleuse. De surcroît, comme l’écrit Mathieu Duchatel, « la démonstration de la détermination de la Chine à infliger des pertes humaines militaires dans des conflits de souveraineté est un message dont la portée dépasse le conflit sino-indien »63.

Toutefois, le risque pour Pékin n’est-il pas de «  perdre l’Inde  »64, ou tout du moins une certaine bonne volonté qui pourrait provenir de l’interdépendance économique et d’un discours traditionnel sur les puissances du Sud, à la fois du passé et du présent, et de la montée en force des «  États civilisation  »  ? On assiste à une vague d’hostilité antichinoise en Inde, après la vague antimusulmane  ; des millions d’Indiens, sur les réseaux sociaux, s’improvisent experts de la Chine, tandis que les grands magazines voient tout l’avantage à scénariser la confrontation Modi-Xi et la menace chinoise et que les appels au boycott de produis chinois se multiplient. Modi a sans doute senti le risque en calmant le jeu dans ses rares interventions sur le sujet. Les autorités chinoises surveillent davantage les informations65, d’autant qu’elles ont constaté une nouvelle fois récemment que les réseaux sociaux peuvent s’enflammer et les presser au nom du nationalisme. Les internautes chinois ont commenté les images des renforts et exercices militaires chinois, nombreuses sur CCTV, et raillé la défaite de l’Inde. Le risque du nationalisme par en haut, utilisé par les deux leaders66, sont évidents lorsque surgissent les défis diplomatiques et le risque militaire.

Comme durant la guerre froide, lorsque les actions de Moscou entraînaient des réactions fortes parce qu’elles ne pouvaient être pensées par les adversaires comme «  défensives  » (blocus de Berlin, installation de missiles à Cuba et des SS20 en Europe, voire invasion de l’Afghanistan), les actes de la Chine provoquent-ils une sur-réaction  ?

Pierre Grosser

La crise est-elle un de ces fameux « game changer »67, poussant l’Inde à vraiment miser sur les États-Unis face à la Chine ? Washington peut être tenté de jeter de l’huile sur le feu, par exemple en faisant fuiter du renseignement contredisant la version chinoise des incidents, et imputant à l’APL leur déclenchement68. Il faudra observer l’attitude de l’Inde au Conseil de sécurité des Nations unies, où elle a été élue membre non-permanent en 2020. Elle semble vouloir contrer l’influence de la Chine dans l’Organisation69. Comme durant la guerre froide, lorsque les actions de Moscou entraînaient des réactions fortes parce qu’elles ne pouvaient être pensées par les adversaires comme « défensives » (blocus de Berlin, installation de missiles à Cuba et des SS20 en Europe, voire invasion de l’Afghanistan), les actes de la Chine provoquent-ils une sur-réaction ? Si la crise est l’équivalent de la guerre de 1962, jetant de nouveau l’Inde dans le bras des États-Unis (et donc un mauvais calcul de la part de Pékin70), n’oublions pas que l’Inde ne s’est pas, à l’époque, alignée sur les États-Unis. Plus que le non-alignement, New Delhi préfèrerait le « soft balancing »71. Mais, comme dans les années 1960, elle peut considérer que la puissance à prétention hégémonique dans la région est moins les États-Unis que la Chine72. Ceux qui appelaient depuis longtemps l’Inde à une posture de puissance voient dans le défi chinois le moyen de cette re-géopolitisation. C’est ce qui se passe aussi dans l’Union européenne. L’attitude de la Chine durant la crise du Covid-19 devait déjà être un «  wake up call  » qui réveillerait l’Occident. Ce qui se passe à la frontière avec l’Inde serait plus encore : une « sonnerie de clairon »73.

Sources
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