Au 29 mai, cela fait trois jours qu’aucun nouveau patient n’a été déclaré positif à la Covid-19 en Corse. Le Centre hospitalier de Bastia recensait, au 27 mai, 89 cas de Covid-19 et le Centre hospitalier d’Ajaccio 309. En y ajoutant les tests de ville, on comptait, au 27 mai, 682 tests positifs depuis le 5 mars et un nombre total de 74 décès. Il est clair que l’épidémie de Covid-19 a bien plus frappé le Sud de l’île, et notamment la ville d’Ajaccio, alors que la Haute-Corse a été largement épargnée par l’épidémie. Au regard des indicateurs proposés par le gouvernement pour amorcer la « phase 2 » du déconfinement et plaçant la Corse dans le « vert », il apparaît fin mai que le virus circule peu en Corse et que la situation est « sous contrôle ». Il s’agit à présent pour la classe politique insulaire de penser le « monde d’après ».

La Corse doit être comprise au sens géographique, avec sa contrainte insulaire ; au sens économique, du fait de la dépendance vis-à-vis de l’industrie du tourisme (environ 30 % du PIB) ; au sens politique enfin, en tant que territoire au « statut particulier » traduit dans une collectivité unique, dirigée depuis 2015 par une coalition de nationalistes autonomistes (Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif) et indépendantistes (Jean Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse).

Aux législatives de 2017, les nationalistes sont élus dans trois circonscriptions sur quatre : Michel Castellani (Haute-Corse) et Jean-Félix Acquaviva (HC) du parti Femu a Corsica et Paul-André Colombani (Corse-du-Sud) du Partitu di a Nazione Corsa (Parti de la Nation Corse). Ces trois élus ont fait entrer avec vigueur le débat sur l’autonomie à l’Assemblée nationale, et le débat sur la réforme constitutionnelle – avortée – engagé en 2018 fut le lieu d’une lutte technique et politique intense autour de la redéfinition de la place de la Corse dans la Constitution.

Comme le notait Pascal Marchetti, professeur à l’Université de Bologne, dans l’introduction du dictionnaire l’Usu Córsu, « per la Corsica, la terra “ferma” era la Toscana  ». La Corse est un condensé de Méditerranée ; s’y intéresser, c’est ramener cet espace européen à l’échelle pertinente, permettant ainsi d’opérer une analyse fine des tensions politiques et économiques qui traversent le sud-ouest du continent : pauvreté, fuite des cerveaux, tourisme de masse, sans tomber dans le piège du nationalisme. C’est aussi percevoir le paradoxe d’une Collectivité dirigée par les nationalistes, mais dont le cœur économique et institutionnel est administré par Laurent Marcangeli, ex-député Les Républicains, souvent présenté comme proche d’Edouard Philippe et ferme opposant aux nationalistes.

Michel Castellani, député autonomiste de la 1ère circonscription de Haute-Corse, est de ceux-là. Né à Bastia, docteur en sciences économiques, ancien professeur des universités, il est une figure importante de la politique insulaire, reconnu tant pour son engagement politique que pour son expertise économique. Au cours de la mandature actuelle, il a défendu à l’Assemblée Nationale la proposition d’un statut d’autonomie pour la Corse et est, avec les autres députés autonomistes, l’un des membres fondateurs du groupe Libertés et Territoires.

Laurent Marcangeli, pour sa part, appartient à la « nouvelle génération » de la droite insulaire. Né le 10 décembre 1980, il est élu député de la première circonscription de Corse-du-Sud en 2012, maire d’Ajaccio depuis 2014 et réélu au premier tour en 2020. Il quitte LR début 2018 au moment de l’élection de Laurent Wauquiez à la tête du parti. Un temps pressenti dans le gouvernement Philippe, il pourrait se révéler être la personnalité qui mènera la droite face aux nationalistes en 2021 aux élections territoriales. Ces derniers sont aujourd’hui décriés par une partie des électeurs, leur reprochant leur attentisme, alors que le dialogue avec Emmanuel Macron s’est progressivement gelé depuis 2018.

Le maire de la « Cité Impériale » a accepté de répondre à nos questions sur la situation sanitaire et ses conséquences pour la région ajaccienne.

Quelles ont été les particularités de votre agglomération vis-à-vis de la crise ? Y a-t-il eu des facteurs endémiques aggravants ?

Laurent Marcangeli – La Corse a été l’une des régions les plus éprouvées par l’épidémie de Covid-19. L’hôpital d’Ajaccio, pas plus que les autres structures hospitalières, n’était disposé à affronter une telle crise. Face à un virus hautement contagieux, c’est tout le personnel soignant qui s’est surpassé. En effet, notre territoire cumule un certain nombre de handicaps en ce qui concerne la propagation du virus. C’est à Ajaccio que la situation a été la plus grave : la qualification de la ville d’Ajaccio comme l’un des premiers foyers de contamination sur le sol français nous a contraints à prendre, dès le 8 mars, des mesures d’urgence, et notamment la fermeture des écoles. A fortiori, la Corse, isolée par son insularité, ne peut prétendre au soutien immédiat de départements limitrophes. Avec seulement une cinquantaine de lits en réanimation pour 330 000 habitants, il était évident que la situation n’irait pas en s’arrangeant. De surcroît, l’île présente une démographie à risque : 94 000 personnes, soit 29 % de la population insulaire, ont plus de soixante ans, une catégorie particulièrement exposée au virus.

Comment s’organise la gestion de la crise au quotidien ? Ailleurs, en France, de nombreuses voix se sont fait entendre parmi les personnels municipaux, notamment dans la police, pour souligner à la fois un manque de moyens matériels (masque, gants…) et un manque de civisme de la part de la population. Quelle a été la situation à Ajaccio ou dans la Communauté d’Agglomération du Pays Ajaccien (CAPA) ?

Les Corses font partie des bons élèves. Très vite, nous avons décidé de prendre des mesures face aux premiers cas enregistrés sur l’agglomération d’Ajaccio. Des mesures strictes, mais qui ont été acceptées dans la plus grande discipline par la population.

En ce qui concerne les protestations, j’ai notamment été attentif aux prises de position des maires de Paris, Londres, Lisbonne, Bruxelles, Varsovie, Florence et Budapest. La question des masques, des blouses, des charlottes et visières de protection ainsi que celle des respirateurs et des tests en nombre suffisant n’auraient pas dû se poser, ni à Ajaccio, ni ailleurs. Il est clair que personne n’était préparé. D’autres crises de cette ampleur ne sont pas impossibles : il est essentiel que l’État nous donne de vraies garanties pour l’avenir afin d’éviter de nouvelles pénuries.

J’ai notamment été attentif aux prises de position des maires de Paris, Londres, Lisbonne, Bruxelles, Varsovie, Florence et Budapest.

Laurent Marcangeli

Quelle a été la nature de la coopération entre la Collectivité de Corse, la Mairie et la Préfecture ?

Je plaide toujours pour la coopération ; l’heure n’est pas aux postures politiques. Cette crise implique une mobilisation sans précédent de ressources intellectuelles, humaines, techniques et financières et nos initiatives doivent s’inscrire dans la construction d’une alternative efficace. C’est en tout cas mon sens du devoir, qui passe par un élan de solidarité et une détermination intransigeante : nous avons la responsabilité historique de tenir compte de l’avertissement que constitue cette crise et de nous donner les moyens de forger, collectivement, l’avenir auquel nous aspirons.

Il y a eu d’autres pôles de contamination sur le territoire insulaire. Avez-vous travaillé de concert avec les autres mairies de Corse ? Vous êtes-vous entretenu avec d’autres maires de France à propos la gestion de la crise ?

Oui. En tant que Président de l’agglomération, j’ai échangé régulièrement avec les 9 maires de la CAPA. Nous avons notamment coordonné l’achat et la distribution de 80 000 masques lavables pour l’ensemble de la population du pays ajaccien. Nous avons également pris plusieurs décisions collégiales sur la première phase du déconfinement en demandant notamment un délai supplémentaire pour la réouverture des écoles. 

Que pensez-vous des mesures annoncées par le Premier ministre et comment préparez-vous Ajaccio pour l’après-confinement ? Quelles sont les mesures que la mairie et la CAPA mettront en place pour répondre à la crise sociale et économique ?

La ville travaille actuellement sur plusieurs axes pour soutenir ses commerçants, notamment en ce qui concerne l’occupation du domaine public. L’installation des terrasses pourrait notamment être autorisée un peu plus tôt cette année. Une réflexion sur l’extension des emprises est également menée, en compensation des contraintes de distanciation sociales à respecter. Une baisse de la tarification est à l’étude : nous penchons même pour une exonération totale. Nous envisageons bien sûr une baisse de la taxe locale de publicité extérieure (TLPE) pour les commerces touchés par les fermetures administratives et un élargissement des plages de gratuité pour le stationnement. Ces mesures prises en faveur des commerçants sur la TLPE et le droit de terrasse représentent respectivement 163 000 euros et 150 000 euros de pertes de recettes pour la commune.

Vous avez plaidé pour un plan de relance exceptionnel, en quoi consiste-t-il ? Pensez-vous que le modèle économique de la Corse doit être repensé au sortir de cette crise ?

Économiquement, le pire est encore devant nous. La crise sanitaire va provoquer des faillites et des pertes d’emploi. Bruno Le Maire s’est récemment entouré d’un groupe d’experts pour parler de la reprise économique du pays. Je plaide pour un plan de relance adapté, car comme vous le savez, la Corse est fortement dépendante du tourisme avec un tiers de son PIB qui provient de l’industrie du tourisme. Aussi, face au risque d’une saison blanche, le Gouvernement devra nous assurer un plan d’accompagnement qui prenne en compte cette hyperspécialisation. Il faudra également inscrire la transition énergétique au cœur de ce plan, car la conciliation de la la relance économique et du développement durable est d’une importance capitale pour Ajaccio comme pour la Corse de demain.

Économiquement, le pire est encore devant nous. La crise sanitaire va provoquer des faillites et des pertes d’emploi.

Laurent Marcangeli

Si la situation sanitaire dans le pays ajaccien a été très délicate, la Haute-Corse a été relativement épargnée par l’épidémie de coronavirus. Michel Castellani a répondu à nos questions pour évoquer cette différence et les difficultés économiques à venir.

Avec les retours de vacances en Italie et la ville d’Ajaccio considérée comme cluster très tôt dans cette épidémie, la Haute-Corse était de fait une zone qui aurait pu être gravement touchée par l’épidémie. Dès le 23 février, vous avez interpellé le Ministre de la Santé Olivier Véran pour que des moyens soient mis en place pour contrôler les voyageurs au retour des zones contaminées, notamment l’Italie. Vos demandes ont été rejetés. Pourtant, la Haute-Corse compte aujourd’hui 4 fois moins de cas positifs au Covid-19 que la Corse du Sud. Comment expliquez-vous cette faible prévalence de l’épidémie en Haute-Corse relativement à la Corse du Sud ? 

Michel Castellani – Le cluster d’Ajaccio est apparu à la suite d’un rendez-vous évangéliste dans une Megachurch à Mulhouse où certains ajacciens se sont rendus. À leur retour, ils ont contaminé d’autres personnes, entraînant une réaction en chaîne, notamment à l’hôpital d’Ajaccio. Il se trouve que des personnes voulaient se rendre depuis Bastia à ce rendez-vous évangélique mais que l’aéroport était fermé à cause d’une tempête exceptionnelle. Nous avons donc pu tirer les leçons de ce qu’il se passait à Ajaccio et agir en conséquence. La population de Haute-Corse a été très respectueuse des normes sanitaires et des gestes barrières.

Comment gérez-vous en tant que député de Corse la crise sanitaire au quotidien ? 

À l’Assemblée Nationale, je siège à la commission des finances. Je suis attentif  à certaines choses. Il y a notamment un taux d’épargne qui augmente fortement en France et qui se chiffre autour de 1500 milliards d’épargne liquide. J’ai donc proposé des amendements pour l’émission d’obligations sur un livret d’épargne particulier à destination de l’épargne intérieure, pour que les gens qui le désirent puissent y souscrire. C’est à la fois un geste citoyen et un placement.

Je suis aussi sollicité, car la crise économique est extrêmement dure. Je reçois des appels au secours de la part des auto-écoles, des centres équestres, des agriculteurs, des transporteurs, des hôteliers. Je fais de mon mieux, comme beaucoup de gens, pour travailler sur tous les fronts à essayer de minimiser les effets de la crise.

Je reçois des appels au secours de la part des auto-écoles, des centres équestres, des agriculteurs, des transporteurs, des hôteliers.

Michel Castellani

À la suite des annonces du Premier ministre concernant le plan de déconfinement du pays, vous avez voté, comme une majorité des membres de votre groupe politique, contre ce plan. Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui ont motivé ce vote ?

Ce texte soulève des interrogations vis-à-vis de la responsabilité des maires, notamment pour la réouverture des écoles et des plages. S’il y a un problème, si un enfant est atteint ou décède, les parents risquent de se retourner contre le maire sur qui reposerait toute la responsabilité. Nous souhaitons que les maires aient une protection. Lorsqu’il y a eu la tempête Xynthia, des maires ont été lourdement  condamnés parce qu’ils avaient émis des permis de construire. Le cas de figure est un peu similaire. C’est pour cette raison que nous souhaitons qu’il y ait une loi générale qui règle ce problème de responsabilité entre l’État et les maires. 

À l’échelle locale, je suis pris comme beaucoup d’autres élus entre deux feux : il faut que la Corse s’ouvre, pour des raisons évidentes – qui ne sont pas seulement économiques. Mais nous devons aussi protéger la population. Nous savons pertinemment que si nous ouvrons la Corse sans nous y préparer nous allons le payer très cher en termes de nombre de cas. Je ne tiens pas du tout à ce qu’il y ait une explosion dans toute la Corse du nombre de cas de coronavirus au mois de septembre.

J’ai envoyé une lettre au Ministre Véran pour cette affaire dès le 23 février, je n’ai donc pas attendu longtemps pour réagir. Puis j’ai eu des échanges en visioconférence avec Edouard Philippe, j’ai envoyé des courriers, j’ai déposé des amendements en ce sens, parce qu’il s’agit de protéger du mieux possible et d’offrir aux Corses et aux visiteurs le projet le plus sain possible afin d’éviter de se retrouver dans des situations semblables au foyer de contamination de Mulhouse.

Nous souhaitons qu’il y ait une loi générale qui règle ce problème de responsabilité entre l’État et les maires.

MICHEL CASTELLANI

La saison touristique paraît d’ores et déjà gâchée. Dans sa note de conjoncture mensuelle sur la Corse du mois de mars, la Banque de France estime à 130 % la baisse d’activité par rapport au mois précédent de l’activité de l’hébergement et de la restauration. Les prévisions pour le mois d’avril et au-delà sont fortement pessimistes. Quelles solutions avancerez-vous pour répondre à cette crise ?

Il faut bien comprendre que nous sommes dans une situation hors norme qui échappe à toute gestion normale. Il faudrait évidemment d’abord exonérer de charges les entreprises, car il est hors de question qu’ils remboursent : ils ne pourront pas. Il faut aussi étaler les remboursements des prêts bancaires, c’est une évidence. Mais tout ça, c’est du sparadrap. Au-delà de mesures que je viens de citer, il faudra procéder à la recapitalisation des entreprises pour leur apporter un peu d’oxygène de façon à ce qu’elles puissent recommencer leurs investissements, qu’elles puissent émettre des actions rachetables auxquelles l’État pourrait souscrire, ce sont des choses qui sont possibles. Enfin, il faut imaginer la politique de relance. Il faut discuter de comment les pouvoirs publics vont réinjecter des liquidités dans les entreprises. Je suis de ceux qui plaident pour mobiliser les fonds disponibles dans les entreprises à forte valeur ajoutée ce qui, par effet de levier, aura un effet dynamique sur la croissance, je pense au BTP, mais aussi aux énergies renouvelables, bien sûr, qui ont un double avantage : créer de l’emploi et limiter la sortie de capitaux pour l’achat d’hydrocarbures. Sans compter d’autres mesures, notamment le rapatriement des industries bio-sanitaires que l’Europe a laissé filer vers la Chine.

Dans La Tribune du 17 avril vous plaidez pour un nouveau modèle économique : circuit courts, investissements massifs à l’échelle européenne, transition écologique, construction et tourisme durable. Comment décliner ce modèle à la Corse qui se situe aujourd’hui dans le tout-tourisme ?

Il va falloir une remise en cause d’un certain nombre de fondamentaux. Une fois qu’on a dit cela, on n’a rien dit, et s’il n’y a pas de très forte volonté politique, il ne se passera rien. Les mêmes causes entraînent les mêmes effets. On rapatriera sûrement quelques industries sanitaires, mais ça s’arrêtera là. Il faut un changement à l’échelle européenne. La France joue en Europe et l’Europe joue dans le monde. Il faut plaider pour des économies plus territoriales, plus locales avec moins d’ouverture tous azimuts. J’ai toujours défendu l’ouverture à condition qu’elle soit rationnelle et ne menace pas certains secteurs. Il faut revenir vers des attitudes individuelles plus douces, par la politique fiscale par exemple pour inciter au déplacement doux. Il faudra pousser sur les énergies renouvelables, revaloriser le travail agricole. Il m’est inconcevable que les agriculteurs  ne s’en sortent pas parce qu’on leur paie leur production une misère.

Il faut un changement à l’échelle européenne. La France joue en Europe et l’Europe joue dans le monde. Il faut plaider pour des économies plus territoriales, plus locales avec moins d’ouverture tous azimuts.

MICHEL CASTELLANI

L’histoire de la Corse est longue. Elle a été indépendante puis conquise par les armes. Le gouvernement corse avait a fait de gros efforts vers la démocratie, ce qui était considérable à l’époque puisqu’elle avait une constitution, le suffrage universel ainsi que la séparation des pouvoirs au moment où toute l’Europe était sous la monarchie de droit divin. Tout cela a été cassé par les armes et l’île a été intégrée au sein de la plus puissante Nation du monde de l’époque et a servi uniquement, si j’ose dire, de base avancée en Méditerranée. Dès lors, aucun effort n’a été fait et la Corse a été placée sous administration militaire. On a vécu de l’artisanat, du travail intensif de la terre et tout ceci a explosé quand il y a eu la Grande Déflation, il y a eu une attraction de l’Empire et de la métropole, et d’une population de 300 000 habitants beaucoup sont partis. Donc le développement de la Corse s’est mal amorcé dès le départ, retard que la Grande Guerre a fini de creuser, lors de laquelle 12 000 combattants insulaires devaient mourir (Ndlr : sur 40 000 mobilisés). La Corse de 1914 est active, il y a de l’agriculture, les gens travaillaient dans les villages qui étaient peuplés, les gens avaient une culture. La Corse de 1918, c’est celle du maquis omniprésent, des veuves, et des bêtes abattues car les hommes étaient au front. On entre dans une économie artificielle où tout le monde vit des pensions de guerre. Depuis, qu’est ce qui est fait ? On est un marché périphérique et on ne fait rien. 

Aujourd’hui ce qu’il faudrait c’est que les jeunes corses puissent y travailler et y prospérer, avancer dans la reconquête du marché intérieur et sortir de l’économie résidentielle. L’économie résidentielle fonctionne très bien pour certains, il y a beaucoup de gens qui roulent en Porsche, qui travaillent très dur pendant 3-4 mois par an puis qui, le reste de l’année, se frisent les moustaches. L’économie résidentielle donne de très bons résultats pour quelques-uns, mais ce n’est pas un modèle de développement et en sortir est difficile parce qu’il y a des groupes d’intérêts qui sont en place, parce que la société corse a des aspects négatifs sur lesquels je n’insisterai pas, qui viennent se greffer sur ce modèle là et dont il est difficile de sortir. Nous, nous essayons de nous inscrire dans un modèle qui nous permettrait de sortir de ce modèle grégaire.

Pour apporter une réponse à cette crise il faut, à mon sens, faire coïncider les enjeux culturels et sociaux avec les enjeux économiques.