Rome. Qu’est-ce que la nouvelle année apportera à la politique italienne ? Il y a deux scénarios sur la table. Le premier scénario est basé sur un paradoxe : le gouvernement est trop faible pour tomber. En effet, tous les partis de la majorité n’ont pas d’incitations rationnelles pour briser la coalition et revenir aux urnes. Le consensus du Mouvement 5 étoiles est en baisse constante (autour de 15 %), le PD est fermement en dessous de 20 % et Renzi semble incapable de dépasser 5 % et d’occuper le centre. Avec les chiffres actuels et la loi électorale en vigueur, une victoire de la coalition de droite est certaine. Dans cette situation, probablement aggravée par d’éventuelles défaites au niveau régional lors des élections en Calabre et (surtout) en Emilia-Romagna dimanche prochaine, une nouvelle élection serait un suicide pour la coalition gouvernementale. Pour cette raison, nous pensons que, malgré la faiblesse et la précarité de la majorité, des élections en 2020 sont peu probables.

Le deuxième scénario est fondé sur une hypothèse moins rationnelle. La confrontation au sein de la majorité devient de plus en plus dure. Un accident, au niveau parlementaire, pourrait se produire dans les mois à venir. L’un des partis pourrait imposer une accélération du programme ou de la politique du gouvernement et les autres pourraient l’arrêter. Un casus belli pour la rupture de la coalition serait alors disponible. Une partie de ce scénario possible dépendra de l’accord pour la modification de la loi électorale qui sera probablement discuté dans les mois à venir. En effet, la loi actuelle désavantage les partis majoritaires parce qu’ils ne formeront pas de coalition lors des élections et, par conséquent, dans la circonscription uninominale, la coalition de droite remporterait probablement la quasi-totalité de ces sièges (1/3 du total). Les partis majoritaires pourraient modifier la loi électorale en la transformant en une loi purement proportionnelle avec un seuil d’entrée (4 ou 5 %). Dans ce cas, les partis de la majorité pourraient limiter le préjudice en termes de sièges.

Ensuite, certains analystes affirment que le Président de la République Sergio Mattarella ferait tout son possible pour éviter une élection surprise. Dans ce cas, un nouveau gouvernement (remanié) avec la même majorité pourrait être une option. Cependant, Mattarella a déjà fait tout son possible pour sauvegarder la législature avec la nomination du gouvernement Conte 2. En cas de crise gouvernementale, nous pensons qu’il serait très difficile pour le Quirinale d’explorer d’autres solutions que des élections rapides. Il pourrait y avoir une solution à court terme, comme un gouvernement institutionnel pour amener le pays vers un vote, mais il serait très difficile de former un autre gouvernement qui durerait pour le reste de la législature.

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Les principaux risques d’instabilité

Il existe actuellement trois risques majeurs concernant le système politique italien :

  • Une loi budgétaire faible. Le gouvernement s’efforce de respecter les recommandations de Bruxelles et, contrairement à 2018, il évite les tensions avec la Commission. Cependant, la loi budgétaire est faible parce qu’elle se concentre sur des micro-politiques et des réformes peu ambitieuses, la discussion se concentrant sur les dépenses fiscales, l’évasion fiscale, les petites variations du niveau d’imposition et les prestations sociales. Le gouvernement ne discute pas de mesures favorables à la croissance et à la productivité, mais il a confirmé la politique des retraites et des revenus des citoyens qui absorbent la majeure partie des dépenses autorisées. La continuité et l’immobilisme prévalent, malgré le changement de majorité. Le risque est qu’une orientation pro-européenne soit perçue par les électeurs comme un simple statu quo, ce qui pourrait délégitimer davantage les institutions de l’UE et le message pro-européen.
  • Désindustrialisation ? Un cas important pour la politique italienne ces derniers mois a été l’achat de l’aciérie ILVA à Tarente (Pouilles) par Arcelor-Mittal. Pour des raisons écologiques et idéologiques, le gouvernement a réduit la protection juridique pour les crimes environnementaux qui avait été assurée à l’acheteur Arcelor-Mittal. Le colosse franco-indien a réagi en menaçant de fermer l’usine de Tarante (24 milliards d’euros, c’est la valeur de la production de l’usine, 11 000 employés). Le gouvernement a révisé sa position et négocie actuellement avec l’entreprise sur les pertes d’emplois. L’incertitude produite par le gouvernement a été perçue par les milieux d’affaires comme une hostilité plus générale envers les grandes entreprises. Les inquiétudes grandissent quant à la volonté du gouvernement de maintenir les grands producteurs étrangers en Italie. L’instabilité de la réglementation et l’incertitude de la politique industrielle sont certainement des risques associés à la politique italienne.
  • L’instabilité politique et la confrontation avec Bruxelles. Dans ces conditions, il n’y a pas de refuge pour le gouvernement. Les tensions au sein de la majorité augmentent, il y a un manque de leadership au sein du gouvernement et le Premier ministre Giuseppe Conte est maintenant plus faible que jamais. Le M5S pourrait se diviser et s’effondrer ou Matteo Renzi pourrait déclencher une confrontation plus dure et une tension exaspérante avec les autres partis. Ni le gouvernement ni la législature ne peuvent être considérés comme complètement sûrs et stables. En outre, il est probable que l’opposition remportera la plupart des prochaines élections régionales, un événement qui mettra le gouvernement en difficulté, tant sur le plan politique qu’administratif. Par ailleurs, compte tenu de l’influence de l’Union européenne dans la formation du gouvernement, il n’est pas invraisemblable d’imaginer une résurgence de nouvelles frictions avec Bruxelles en 2020, il serait très difficile pour le gouvernement de faire face à une autre loi budgétaire avec une marge de manœuvre budgétaire aussi limitée et d’éviter un effondrement définitif du consensus de la majorité. En conséquence, on peut s’attendre à une confrontation croissante sur le déficit avec la Commission dans les années à venir, même si un gouvernement pro-européen reste aux commandes.


Cet article est extrait du December Monthly Report on Italy de LUISS School of Government. Nous le publions ici en exclusivité pour la première fois en édition française.