Deux pays sur une même île partagent bien davantage qu’un territoire physique caractérisé par la communauté des conditions climatiques, sismiques et environnementales. Leur avenir est marqué par une communauté de destin qui engage les plus avisés, les responsables politiques, académiques et les entrepreneurs à préparer la convergence des forces vives et à écarter la probabilité de conflits dont les occasions sont promptes à se présenter.
L’insularité lorsqu’elle est partagée est une alternative entre la gémellité insulaire ou la schizophrénie spatiale. Dans un sens, elle est source de coopération, d’échange de biens et de services dans l’intérêt mutuel des deux pays. Dans l’autre, elle se double d’une scission physique qui oblige à considérer chaque partie comme une insularité à part, vécue comme un handicap ; une insularité contrariée qui s’accommode de la présence de l’autre partie sans jamais s’en satisfaire.
Haïti et la République dominicaine ne font pas exception à ce principe. Leur expérience témoigne combien une frontière terrestre, lorsqu’elle partage une île en deux nations, comporte à la fois des malentendus et des possibilités de convergence, dans la détermination de la personnalité géographique de chacune.
2010–2020 : en une décennie, les deux pays ont détaillé des prémices que l’aube du XXI siècle laissait présager : d’un côté, l’émergence économique, de l’autre l’effondrement systémique que la difficile commémoration du séisme du 12 janvier 2010 pour cause d’agitation sociale, illustre avec une cruelle ironie. À divers égards, on voit se confirmer des tendances lourdes que la conjoncture internationale et la vie politique nationale de chaque pays confirment avec insistance : la République dominicaine est devenue le pays d’Amérique latine avec la phase de croissance la plus longue et la plus stable de ces trente dernières années, tandis que Haïti s’enfonce inéluctablement dans la misère et le désespoir. Les faits sont clairs, mais qu’en est-il de la cause ?
Nous évoquerons rapidement les facteurs économiques, politiques et sociaux qui expliquent et illustrent à la fois ce destin croisé de deux pays sur une même île.
Deux économies imbriquées mais inégales
La croissance économique continue est devenue l’argument-clé des élites dominicaines pour justifier le maintien d’une politique libérale d’ouverture aux investissements étrangers en facilitant la création d’entreprises et l’ouverture au tourisme international. En effet, les IDE ont soutenu la croissance de l’économie dominicaine avec une constance et une intensité accrue à mesure que le tableau devenait plus terne de l’autre côté de l’Artibonite, ce fleuve qui sert en partie de frontière aux deux territoires. En effet, depuis le tournant de 1995, la Dominicanie a adopté une loi sur les investissements qui a eu pour résultat un afflux continu d’argent, avec un stock d’IDE qui est passé de 1,7 milliard de dollars en 2000, à 39 milliards de dollars en 2018, soit 50 % du PIB annuel. Les principaux investisseurs sont nord-américains et espagnols. C’est l’économie la plus attractive des Caraïbes, en dehors des paradis fiscaux. Trois secteurs drainent cette manne : le tourisme, les télécommunications et les industries légères. Les premiers investisseurs sont les États-Unis (28 %), suivis du Canada (13 %) et de l’Espagne (11 %).
Le pays est devenu un havre pour les investisseurs latino-américains tels que le Mexique (qui a pris pied dans des secteurs clés, comme l’industrie du ciment, les télécommunications, le tourisme). Le Brésil, le Venezuela et la Colombie ne sont pas non plus en reste, dont les fleurons industriels cherchent à prendre également pied dans la véritable « perle des Antilles » que se vante d’être devenu le pays de Juan Pablo Duarte, père de la patrie dominicaine. Le pays possède un réseau de routes et des infrastructures de transports qui se sont considérablement modernisés ces dernières années, et donne un sentiment de décollage économique lent mais continu pour qui a visité et observé ce territoire depuis les trente dernières années. Dans une région où le taux de croissance annuelle tend à fléchir, dans un contexte de morosité du marché international affecté par la guerre commerciale entre les deux géants que sont la Chine et les États-Unis, la République dominicaine arrive à maintenir un taux annuel de 5 % par an, avec une pointe à 7 % en 2018. Cela se traduit par un taux de chômage très faible et un effet d’appel d’air sur la main d’œuvre haïtienne qui trouve massivement à s’employer dans le secteur qui illustre le plus explicitement cette croissance économique : l’immobilier.
Dans le même temps, le pays voisin s’est enfoncé dans une crise séculaire, dont le tremblement de terre du 12 janvier 2010 aura été le coup de grâce sur une économie moribonde laissée exsangue par le passage de quatre cyclones majeurs en 2008. Le pays est considéré comme un État en faillite, incapable de répondre aux attentes de sa population en termes de services et de réduction de la vulnérabilité globale par rapport aux aléas physiques ou sanitaires. Le stock des IDE a atteint 1,8 milliard de dollars en 2018 et représentait 19 % du PIB haïtien 1. Par un enchaînement de circonstances défavorables, le pays est passé d’une crise environnementale à une crise politique et économique, le tout formant un cercle vicieux. La conséquence est la paupérisation continue de la catégorie la plus nombreuse et la plus défavorisée du pays : les agriculteurs.
Ils ont été frappés de plein fouet par les mesures de libéralisation des échanges adoptées à peu près au même moment que le pays voisin. Mais, alors que ces mesures ont littéralement dopé l’économie dominicaine, Haïti s’est ouverte aux importations sans suffisamment protéger son agriculture et son industrie, déjà fragiles. La Politique d’Ajustement Structurel qui a si bien réussi à l’économie dominicaine a pris la forme d’une ouverture tous azimuts du marché national aux importations et une privatisation des entreprises publiques telles que la Minoterie d’Haïti et la Cimenterie Nationale. Il s’en est suivi un déséquilibre croissant de la balance commerciale dans les secteurs clés de l’agriculture et des services. Le pays importe désormais 80 % des produits alimentaires de première nécessité. Les prix des biens importés étant plus alléchants que ceux des produits nationaux, les secteurs autrefois protégés ont été livrés sans défense à la concurrence d’économies autrement outillées : le riz de la Floride a remplacé celui de l’Artibonite dans l’assiette des Haïtiens et le poulet importé dominicain a chassé de la basse-cour le poulet créole. Avec un PIB par habitant de 870$ par an par habitant, Haïti est encore et depuis longtemps le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental, et tous les indicateurs qui calculent l’évolution pour les années à venir sont au rouge. L’agriculture souffre également de l’absence d’investissement, du manque d’infrastructures qui facilitent le transit des biens et des personnes. Les marchandises subissent des pertes et des avaries dans les conditions de transport et de stockage. Les efforts entrepris pour attirer les IDE dans le secteur textile ont été aidés par l’adoption de la loi HOPE (2006), qui permet d’importer libres de toute taxe aux USA des biens et des marchandises manufacturés en Haïti. Mais mis à part la création en 2012 du Parc Industriel de Caracol dans le Nord du pays, la défaillance des infrastructures et le coût exorbitant de l’énergie ont douché tous les espoirs d’extension du PIC (dont les capitaux sont en majorité coréens) et découragé les nouveaux postulants. Ceux qui s ont encore présents ne restent à demeure que forcés et contraints par le parrain américain qui a la main sur les décisions structurantes dans ce domaine. Une partie des exportations se fait d’ailleurs par la République dominicaine, dont les infrastructures portuaires et aéroportuaires exercent une irrésistible attraction sur le marché haïtien.
Plus de 6 millions de Haïtiens vivent en-dessous du seuil de pauvreté fixé à 2 dollars par jour. En 2020, on estime que 4 millions de personnes auront besoin d’une aide alimentaire d’urgence, ce qui en langage clair signifie un risque de famine.
Ce tableau économique contrasté renvoie à une situation politique non moins déséquilibrée, avec d’un côté une démocratie parlementaire chaque jour mieux ancrée dans les mœurs, et de l’autre une transition politique vieille de plus de trente années et dont on se demande si elle n’est pas devenue la forme normale de gouvernement, au jour le jour, sans prévision possible sur les prochaines échéances.
Janus bifrons
Les deux pays représentent les deux aspects d’un même processus censé mettre fin à l’ère des caudillos omnipotents et des dictateurs qui imposaient leurs fantaisies à des peuples habitués à être gouvernés par des régimes sanguinaires et brutaux. Dans le cas de la République dominicaine, cela a pris la forme d’un engagement résolu en faveur des compromis historiques entre les deux grandes tendances de l’échiquier national : la gauche révolutionnaire inspirée de l’internationalisme socialiste d’un côté, la droite nationaliste de l’autre. Les premiers, héritiers respectivement des dictatures sanguinaires des Duvalier et de Joaquin Balaguer ont continué à exercer une pression sur la chose publique par le biais des nombreux rouages mis en place durant plusieurs décennies, de sorte qu’au moment de négocier la sortie de l’autoritarisme, il a fallu donner des gages à ces acteurs qui, pour ne plus être à même de tenir le pouvoir, avaient conservé une énorme capacité de nuisance.
Le coup de maître du vieux caudillo Joaquin Balaguer aura été de tendre la main à son vieux rival Juan Bosch dont le Parti révolutionnaire dominicain, délesté de ses oripeaux militants des années 1960, a adopté les principes du réformisme bon teint, illustré par la figure de Leonel Fernández, champion du libéralisme économique. Cette alliance a permis d’écarter du pouvoir en 1995 le favori des urnes, José Francisco Peña Gòmez, pour asseoir une domination de la droite, nourrie à la fois de l’antihaïtianisme viscéral du Parti réformiste social chrétien de Balaguer et de la foi dans le capitalisme des nouveaux cadres de l’administration, purgée des derniers dinosaures de l’ère trujilliste. Malgré les fraudes et les imperfections des élections dominicaines, on peut dire qu’il y a eu stabilisation de la vie politique dominicaine, avec l’organisation formelle des élections dans le cadre d’une bipolarisation partisane classique entre une droite ultralibérale qui a le vent en poupe, et un centre-gauche qui a accepté de ranger ses rêves de prise de pouvoir par la violence. En 2019, l’organisation des primaires pour la préparation des élections présidentielles de 2010 a révélé la force de la démocratie dominicaine et sa capacité à renouveler le personnel politique au sommet et de l’État en dépit des imperfections notables du système de vote. L’évolution politique interne de la République dominicaine confirme une tendance de fond à travers toute l’Amérique latine : le basculement à droite des opinions publiques et la montée en puissance des courants de droite portés par une phraséologie conservatrice et xénophobe. L’adoption en 2013 d’une réforme constitutionnelle qui dénaturalise plus de 200 000 personnes d’origine haïtienne et les assigne à un statut d’apatrides dans leur pays de naissance a fauché l’herbe sous les pieds de la gauche, incapable de renouveler son discours. Face à cette offensive agressive de la droite alliée à la frange xénophobe de l’échiquier politique, le PRD s’est scindé en deux, avec une partie de ses cadres qui ont intégré le gouvernement de droite de Leonel Fernandez, et des reliques restées en déshérence, incapables de capter le vote populaire. En 2020, le PLD est assuré de l’emporter si les deux têtes que représentent Leonel Fernandez (qui persiste à se représenter aux élections malgré sa défaite aux primaires de 2019) et Danilo Medina (son dauphin devenu successeur déloyal, puisqu’il a refusé de lui renvoyer l’ascenseur du pouvoir) arrivent à s’entendre sur la succession. Mais les jeux sont pour ainsi dire faits : la gauche dominicaine est mal en point après une décennie de débâcle de la gauche à travers le monde et l’Amérique latine, et ce ne sont pas les succès de la droite au pouvoir sur le plan économique qui vont lui faciliter la tâche.
De l’autre côté de l’île, les soubresauts de la transition politique haïtienne confirment l’incapacité des Haïtiens à s’entendre sur le partage du pouvoir entre les élites. La fin de la dictature en 1986 et le passage à des régimes censés être élus démocratiquement n’ont fait que confirmer l’effondrement de l’État avec le régime des Duvalier qui l’a gangréné durant 29 ans, de 1957 à 1986. En trente-quatre ans de transition, le pays aura subi deux occupations étrangères (par les Casques Bleus ) pour stabiliser le pouvoir et éviter la guerre civile. Les élections, aussi bien au niveau présidentiel qu’au niveau des collectivités locales ont vu l’émergence d’un nouveau personnel totalement nouveau mais qui, sans préparation, s’est comporté en prédateur. Aux gouvernements répressifs mis en place par les militaires (Raoul Cédras, Henry Namphy) ont succédé les régimes démocratiquement élus d’Aristide, de Préval, de Martelly et de Jovenel Moïse, choisis avec la mission de relever le défi de faire reculer la pauvreté. Mais le résultat est un échec patent. La transition politique reste un horizon indépassable et les promesses de stabilisation institutionnelle sont chaque fois renvoyées aux calendes grecques. La droite et la gauche n’ont pas réussi à former des alliances effectives pour aller à la conquête des voix des électeurs, ce sont plutôt les gangs qui servent sur le terrain à faire et à défaire les pouvoirs. Les élections, mises à part celles de 1991 qui ont vu l’arrivée au pouvoir de l’ancien prêtre Jean Bertrand Aristide, sont ordinairement organisées dans une ambiance de terreur qui pousse les plus timorés à rester chez eux au lieu de risquer leur vie comme lors des premières élections de 1987 noyées dans le sang par l’Armée, qui voyait d’un mauvais œil le processus démocratique en cours.
Aussi, en 1995, la décision prise par le président Aristide de dissoudre les Forces Armées d’Haïti (FADH), plutôt que de stabiliser le pouvoir, a ouvert la voie à une dilution des responsabilités régaliennes en matière de sécurité publique. Les milices ont proliféré sur le vide laissé par la démobilisation des FADH, dont les anciens membres ont intégré les diverses milices à la solde des barons de l’ancien et du nouveau régime qui se sont affrontés par gangs interposés et continuent de le faire en 2020. Le président actuel, Jovenel Moïse, qui a hérité du pouvoir avec la bénédiction de son mentor et prédécesseur Michel Martelly, représente une droite dure à tendance autoritaire, dont la contestation est de plus en plus vive par une population qui ne croit plus aux vertus de la démocratie parlementaire. Des milices à la solde du pouvoir font régner la terreur dans les quartiers les plus pauvres, où le soulèvement se nourrit de la misère et de la prolifération des trafics en tous genres. qui exposent le reste de la population à une vulnérabilité accrue. Le résultat pour le reste de la population est une vulnérabilité accrue.
À tous les niveaux, ceux qui portent la responsabilité de représenter le peuple se comportent comme des vandales, incapables de répondre aux attentes de la population, mais si vite enrichis que la satisfaction de leurs appétits personnels semble le seul motif de leur quête du pouvoir. De 2004 à 2017, le pays n’a dû sa relative stabilisation politique qu’à la présence sur son sol d’un corps expéditionnaire de Casques Bleus, dans le cadre d’une mission de maintien de l’ordre qui a mis sous le boisseau la véritable souveraineté nationale. Mais à la fin de la mission en octobre 2017, le pays est entré dans un cycle de violence et de troubles à l’ordre public qui atteste la permanence des raisons qui avaient motivé la présence de la MINUSTAH : insécurité, multiplication des prises d’otages contre rançon et maintien d’un climat défavorable aux affaires et à toute activité sociale.
La crise a pris un tournant particulier à partir de 2018, avec le scandale des détournements de fonds de l’aide PETROCARIBE. Dans la foulée de la Marche Verte de Santo Domingo (avril 2018) pour dénoncer la corruption à grande échelle les autorités impliquées dans le scandale Oderbrecht – du nom d’une firme brésilienne de travaux publics qui a littéralement siphonné les marchés publics à coups de pots de vin dans un grand nombre de pays) – a commencé en Haïti une mobilisation de la société civile exigeant des autorités des comptes concernant l’utilisation des fonds de l’aide vénézuélienne. De 2008 à 2016, le Venezuela a facilité à une dizaine de pays des Caraïbes l’achat de pétrole à un prix préférentiel et avec des remboursements différés, qui permettent à l’État de disposer de fonds nécessaires à des investissements productifs. Une aide versée généreusement et sans conditionnalité. En Haïti, l’aide a été massivement détournée. L’occasion pour les gouvernements successifs de se servir largement dans les caisses publiques. La mobilisation sans précédent des Dominicains a eu un effet de résonnance sur les élites cultivées à Port-au-Prince, preuve s’il en est de la porosité de la frontière aux idées et aux valeurs. L’implication des sénateurs et des députés dans la dilapidation des fonds publics, la troublante accointance entre certains chefs de gangs et des élus a fini de discréditer une classe politique profondément éclaboussée par les divers scandales. Dans cette atmosphère de désenchantement populaire par rapport aux promesses de Jovenel Moïse, la fin de la mission des Nations Unies et le départ des fonctionnaires dont la présence entretenait un flux artificiel d’argent dans l’économie nationale, ont eu un effet de fléchissement très net de l’activité économique. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour jeter les foules dans la rue, en quête de pain, et de lumière sur le détournement de l’argent public.
La hausse du prix du gaz décidée le 6 juillet 2018 a donné le signal à un soulèvement général, durant lequel, pendant plus d’une semaine, le pouvoir a vacillé. Depuis, le pays vit au rythme des manifestations sporadiques marquées par la mise à sac des boutiques et la destruction des biens publics ou privés par des foules en colère. Cet épisode, le peyi lòk, littéralement « pays fermé », s’est traduit par des appels au pillage des maisons des plus riches, désignés comme la cause de la misère du peuple et de la pauvreté du pays. Les transports publics sont en grève, les écoles sont forcées de fermer leurs portes et les automobilistes qui se risquent dans la rue sont la cible des manifestants qui caillassent et parfois mettent le feu au véhicule. Les barricades dressées au travers des rues et des principales routes sont devenues le paysage familier des principales villes et des axes majeurs entre les régions. Le discrédit des autorités est total, la population n’attend plus rien de l’opposition dont les mots d’ordre violents et les appels à l’insurrection semblent des plaisanteries d’un autre âge face à une police équipée et entraînée pour résister longtemps aux manœuvres des manifestants. Mais il ne suffit pas de la mobilisation de la rue pour décider du sort d’un pouvoir dans la Caraïbe. Le soutien continu des États-Unis a permis à Jovenel Moïse de résister à la mobilisation de la rue, mais le divorce est total entre le palais et la rue.
Haïti célèbre le dixième anniversaire du séisme de 2010 dans un état de faillite, amplifié par la réussite éclatante de l’économie dominicaine à ses côtés. Le contraste est tel, que l’on douterait parfois que ces deux pays partagent une même île. De là à penser que la bonne santé de l’économie dominicaine se nourrit de l’indigence de la partie haïtienne, il n’y a qu’un pas. Cependant la dialectique entre les deux territoires ne peut se réduire à un nécessaire jeu de bascule qui voudrait que les deux pays se situent à des conditions irréductiblement opposées. Il semble en revanche que la République dominicaine ait tout à gagner à la stabilisation de la situation en Haïti : la paix est favorable aux échanges et aux affaires. Les investisseurs dominicains lorgnent le marché haïtien comme vers un client captif à leur portée. De la même façon, il semble que la situation de l’économie haïtienne serait bien pire sans le recours au fournisseur dominicain de biens et de services qui offre depuis 1991 (et l’embargo imposé à Haïti entre 1991 et 1994) une alternative à la servitude au marché américain. Il y a donc des perspectives communes de développement et de croissance, à condition d’une stabilisation, suivie d’une politique de réformes robustes, et d’infrastructures, indispensables au développement des échanges entre les deux territoires, auxquels le poids démographique (23 millions d’habitants, soit davantage que Cuba) et la diversité des ressources, sans rien dire de l’apport de leurs diasporas respectives, promettent un rôle de leader des Caraïbes.